Nintendo a pris énormément de retard, la PlayStation est là (et pour longtemps), il lui faut absolument recupérer des parts du gâteau. Encore une fois, c’est Mario qui est mis en avant et assurera un bon lancement à "la console la plus puissante du marché", comme il ne cessait d'être répété dans les pubs. Nintendo commence donc par nous livrer un Mario magistral, puis ensuite le personnage pratiquera de plus en plus de disciplines, quel talent...
Super Mario 64
1996 - N64
"Bonjour nous sommes en septembre 97 et c’est Olivier Panis. Actuellement je suis en convalescence d’un accident, je ne peux plus conduire de F1 mais heureusement je m’entraîne sur ma PlayStation, 990 francs TTC, et je dis pas ça parce que c’est le sponsor de mon écurie". J’hésitais dans le choix d’une console, mais à la suite de cette interview qui disait (en gros) cela dans un mag télé, j’hésitais plus. J’ai donc pris 990 Francs TTC pour acheter une Nintendo 64 dés sa sortie. Comme il me fallait un jeu, j’ai acheté Super Mario 64. Septembre 97 en France c’est un an après le Japon mais surtout 6 mois après le reste de l’Europe, malheureusement ce retard hexagonal était en partie dû à une baisse de moitié des effectifs de la marque en France (Lisenc[i]ed by Nintendo :-() ). D’ailleurs, si vous voulez vraiment savoir ce que le mot retard veut dire, vous pourrez lire dans la rubrique dossiers tout sur la naissance de la 64.
Je me rappelle quand j’ai déballé la petite machine anthracite au look futuriste. J’ai d’abord bien observé la manette, elle était chouette, faite pour mes mains, ensuite j’ai tout branché et enfin j’ai appuyé sur Power. "It’s-a-me Mario". Yes ! C’est la tête à Mario, mon personnage préféré, en plus il me parle (avec la voix de Charles Martinet, comédien américain multilingue). Après une petite intro qui m’explique la même histoire depuis des années, le jeu commence vraiment. La claque. C’est l’extérieur du château, tout est en 3D temps réel, pour la première fois, sur console. Nouveau stick, et déjà super agréable, Mario fait ce que je veux. C’est beau. Avant même de rentrer dans le château, je me balade dehors même si en fait y’a rien a y faire, la découverte d’un nouvel univers parfaitement fluide suffit en lui même, je me promène émerveillé, on entend les petits oiseaux, on voit des papillons, je le fais tomber du plus haut possible, quand il s’éclate la gueule de bien haut sur la pierre, et qu’il est tout aplati, ça m’amuse. Une quinzaine d’arbres escaladés plus tard, je rentre enfin dans le château, Bowser me menace, ha ouais c’est vrai, y’a aussi un challenge. J’ai à peine commencé et déja je sais que je tiens LE jeu.
Et question challenge, il y a de quoi faire. Pas moins de 15 niveaux avec 6 défis variés chacun, plus un septième : récupérer cent pièces. C’est ça qui est génial avec les jeux vidéo, je quitte la banquise et une minute plus tard je m’enfonce dans le sable d’un désert pour me retrouver finalement au plus profond d’un volcan. Il y a vraiment de quoi être dépaysé. Tout ces niveaux sont immenses, sans compter le château qui ne cesse de grandir, au fur et à mesure que les pièces se débloquent. Pour de l’aide, Toad le fidèle conseiller apparaît dans certaines pièces du château. Les ennemis, en 3D, sont plus beaux que jamais. Les goombas, course contre Koopa Troopa... Et question boss, on retrouve par trois fois un Bowser magistral. Gros, impressionnant il faut lui attraper la queue et le faire tournoyer grâce au mini-stick analogique qui est le gros apport de la manette N64 (l'idée qui sera parodiée plus tard dans Conker's Bad Fur Day). Ces confrontations sont de grands moments du jeu. Les séquences les plus planantes sont celle où l’on peut voler. Quand Mario vole, la musique change, la maniabilité aussi, et il faut gérer les remous du vent, on est vraiment grisé par les hauteurs, c’est fou. Au départ, impossible de s’envoler. Pour ce faire, il faut débloquer un des trois interrupteurs cachés. Les deux autres libérant un Mario métal brillant et chromé (magnifique, plein de reflet) qui peut marcher sous l’eau et le dernier rendant le plombier invisible et lui permettant de passer à travers des murs.
Mario 64 est une vraie réussite, un réel chef-d’œuvre, un épisode magistral bourrés d’idées de fous. Il faut récupérer un bébé pingouin et pas un autre, on se fait piquer sa casquette par un singe... Techniquement vous l’aurez compris, ce jeu fait office de pionnier. Le finir prend une vingtaine d’heures, et c’est déjà pas mal parce que là, c’est 20 heures d’extase et de gameplay varié. Mais ça ce n’est rien. Le jeu ne dévoile pas la moitié de sa richesse à qui se contente de simplement le finir, les 50 étoiles les plus complexes restant encore à être récupérées. Essayez d’afficher 120 au compteur. Généralement, on peine vraiment (mais alors vraiment) pour 2 ou 3 étoiles. Accessoirement, Super Mario 64 est aussi le jeu exclusif à une console le plus plébiscité de tous les temps avec 11 millions d'exemplaires vendus (seuls, pas en bundle avec la console), alors que la N64 n'est pas le plus gros succès obtenu par Nintendo. C'est dire à quel point il a été incontournable sur cette console.
Super Mario Bros. Deluxe
1999 - Game Boy Color
Fin 1999 sur Game Boy Color, ressort le premier Super Mario Bros, celui-là même décrit tout au début de cette longue page ;) et celui-là même lifté pour le Super Mario All Stars de la Super Nintendo, mais dans cette version Game Boy pas de graphismes améliorés. L’image est même plus près de Mario, mais comme il y’a moins de pixels sur l’écran de la portable que sur le jeu NES, on a juste fait figurer le centre de celui-ci. Concrètement les graphismes sont les mêmes mais la trame est différente, on a supprimé les bords autour. Du coup on a l’impression de pouvoir revenir un peu en arrière mais c’est une illusion, on peut juste parcourir la distance qui serait apparue normalement sur la télé si on avait joué sur NES. Super Mario Bros Deluxe propose aussi quelques nouveautés, de nouveaux mode de jeu, des gadgets comme un calendrier... Bref, le jeu reste génial, on est content de pouvoir y jouer partout mais Nintendo prend peu de risque en agissant de la sorte. Sortir un nouveau Mario Land (et pas un Wario, dont les jeux sont très bons par ailleurs) totalement inédit, ça aurait été sympa aussi. Et malheureusement, ce ne sera pas avec le prochain titre décrit que ça va changer.
Super Mario Advance 1, 2, 3 & 4
2001, 2002, 2003 - Game Boy Advance
Juin 2001, Super Mario Advance accompagne la sortie de la puissante GameBoy Advance. Contrairement à ce que titre pourrait faire croire, ce Mario n’est pas une nouveauté mais une refonte du Super Mario Bros 2 euro/US. C’est vrai, au moins avec Mario All Star ou Mario Bros Deluxe, on annonçait la couleur, ceci est une compilation ou bien dans le deuxième cas, on reprenait l’ancien titre.
(Attention avant de lire la phrase suivant faîtes le vide, concentrez-vous, pensez que vous êtes un arbre pour être le plus attentif possible sinon on comprend rien ;) bon allez -y, lisez )
Pour être précis, ce Super Mario Advance est une reprise de la version améliorée, qui se trouvait dans Super Mario All Stars (de la SuperNES), de Super Mario Bros. 2 l’américain et l’européen de la NES, pas le japonais (aussi de la NES), qui lui se trouvait sous le nom de The Lost Levels, toujours dans Super Mario All Stars, non, c'est bien ici le Super Mario Bros. 2 constituant une reprise à la sauce Mario de Doki Doki Panic.
Vous avez rien compris et c’est normal, résumé de la phrase précédente : Nintendo abuse, c’est la reprise d’une reprise (sans exagérer) et les titres sont trompeurs sur toute la ligne. Ça n'a pas empêché Super Mario Advance d’être à la sortie de la console le jeu le plus vendu...
Sinon, on note quelques ajouts, des voix digits marrantes, des personnages et de nouveaux champignons en plus dans les niveaux et un système de sauvegarde très permissif (on conserve les power-ups, on peut démarrer au milieu d'un niveau)... M’enfin.
Quant à Super Mario Advance 2, aucune chronologie n’est respectée puisqu’il s’agit de Super Mario World. Super Mario Advance 3 contiendra Yoshi's Island et en jeu bonus Mario Bros. (la vieille borne d'arcade relookée), et Super Mario Advance 4 reprend Super Mario Bros. 3 (toujours en version relookée All Stars).
Ce sont autant d'excellents jeux qu’on sera ravi de posséder en version portable et légèrement améliorée, d'autant plus que les piles de sauvegarde des cartouches SNES ne sont pas éternelles, mais bon... c’est pas du neuf, et découvrir ces jeux de cette manière donne une idée un peu faussée de ce qu'ont été les Mario sur 8 et 16-bits.
À noter que Nintendo a également édité sur Game Boy Advance une ligne de jeux NES reproduits 100% fidèlement, sans amélioration graphique ni sonore, avec un emballage et une cartouche calqués sur le modèle de l'ancienne console de Nintendo. Parmi eux figuraient Super Mario Bros. (le tout premier, et lui seul), cette fois jouable comme à l'origine, donc sans sauvegarde et avec une maniabilité qui paraîtra un peu rude si on s'est habitué aux épisodes Advance. Il est donc possible de jouer sur une seule console (GBA et DS ou DS Lite qui sont rétrocompatibles) aux principaux épisodes 8 et 16-bits de la série Super Mario, c'est l'intérêt majeur ces rééditions en cascade.
Conclusion
La perfection n’est pas de ce monde, ça tombe bien Mario non plus. Il vient d’un autre monde, celui du royaume champignon, le pays où les nuages et les étoiles ont des yeux. Et ça, c’est parfaitement parfait. La façon dont ce personnage atypique a su évoluer est exceptionnelle. Quelle que soit l’époque Mario a toujours été le haut du panier en matière de plates-formes. Souvent copié, jamais égalé, même les jeux d’autres genres où Mario figure sont des réussites (hormis les jeux éducatifs qui sont pas vraiment des jeux). Au pire, on peut regretter une tendance à ressortir d’anciens jeux au prix fort. Mais comme cet ancien jeu est toujours un chef-d’œuvre, il n’y a pas de mauvais Mario. Et ça, c’est mieux qu’un épisode inédit baclé. Mario a souvent passé le flambeau a des personnages secondaires, comme Yoshi et sa langue protractile ou Wario le démoniaque.
Que dire de plus ? Merci Mr. Miyamoto pour ces ennemis bizarres, pour ces univers naïfs, pour tous les chef-d’œuvres qui sont sortis, pour tous les jeux nettement moins bons qui, contrairement à d’autres sagas, ne sont jamais sortis. Bravo l’artiste, elle bien belle l’histoire. Alors, on s’en refait une petite ? Au premier Mario Bros le départ ! Quoique, un petit Mario Kart c’est... Ou non, un Mario Bros 3 avec le raton laveur. À moins que le Mar...
C’est à vous de voir.
Annexe : une contribution d'Orioto sur le design du personnage Mario
Voici un aperçu sélectif de l’évolution du "design" de Mario. Je m’aperçois en l’éditant que tout est en fait question d’évolution de la technique. J’ai dit à propos de Wind Waker que certains attributs de son apparence étaient dûs à des concessions techniques (les décors anguleux et vides (pas toujours) surtout). On pourrait me rétorquer très justement que tout ce qui fait l’identité et l’environnement signifiant du Mario de jadis n’est que concession technique également, seulement je ne le pense pas. Si dans le cas de la 3D, et de Wind Waker, on peut raisonnablement envisager ce que serait le jeu sans contraintes techniques, la 2D a cela de merveilleux qu’elle est dans la pureté représentative, y compris avec ses limitations. Cela vient sans doute du fait que la 3D se réfère à la réalité (c’est son essence et sa fonction première), tandis ce que la 2D trouve ses points de repères dans l’imaginaire pictural.
C’est probablement ce qui fait qu’un sprite comme le premier de Mario, même précaire, a une plus forte résonance dans notre inconscient, mais je suis peut-être complètement dans le faux. Toujours est-il que ce sprite a des attributs thématiques qui sont légitimes et forment la mythologie ayant accompagnée l’émergence du phénomène Mario et de son charme initial. Il y avait tout d’abord cette préoccupation permanente de la taille, analysée par quelques sociologues comme la thématique existentielle du jeu. Mario ne grandit que pour assouvir le fantasme de ses ambitions (avancer, sauver la princesse etc...), comme un super héros de base qui étend ses pouvoirs en se rêvant plus fort que dans son quotidien morne et petit. Mario a une gestuelle très particulière :
Il gigote ses jambes à toute vitesse, le buste droit, tantôt écrasé par prédominance envahissante de son nez, tantôt rythmé par le dandinement fluide de son centre de gravité rondouillard. Il ne semble même pas voir où il va dans sa forme initiale, il arbore un air absent une fois grandi. Il est posté en victime passive, en type qui subit ce que nous lui faisons faire. C’est sans doute pour s’inscrire dans une tradition burlesque dont Chaplin s’est fait l’ambassadeur universel en son temps. Il est d’ailleurs impossible d’imaginer que le moustachu à canne n’ait pas, consciemment ou pas, traversé l’esprit de Miyamoto quand il leva son crayon pour créer son personnage. Le petit bonhomme pressé, déterminé jusqu’à l’abstraction, courant mécaniquement sur une musique Gershwinienne aux rythmes salsa. Pourquoi ne pas y voir que l’arrangement de circonstance, d’aussi bon goût soit-il, d’une équipe esclave des limitations de l’époque ?
Pour ma part, je ne peux m’empêcher de considérer que s’il fallait chercher une "identité légitime" de Mario, elle se trouverait dans ses quelques sprites qui définirent en leur temps la mythologie dont s’amouracha une grosse partie de la planète. Je ne peux non plus croire en l’impossibilité pour Nintendo de penser sérieusement cette identité et d’en assurer le renouvellement. Il me parait néanmoins vraisemblable que le grand plongeon de la 3D égara son concepteur et lui fit perdre la notion de certaines priorités. L’histoire des arts n’est faite que de ce genre de chose après tout. Car comment ne pas voir l’évolution à travers ces quelques images. Le petit homme rabougri et victime est devenu héros, vaillant, combatif, virtuose de l’acrobatie.
Il s’est probablement affiné (forcement), a gagné une lueur d’intelligence dans le regard. Inutile d’accumuler les descriptions. Pour faire court, Mario était un loser, c’est maintenant un battant. Imaginez qu’on ait fait subir le même sort à Charlot. Encore une fois, le principal reste le plaisir ludique (mais est-il même encore là ? C’est un autre débat). L’essentiel réside dans nos actions, car il s’agit avant tout d’un jeu, oui oui daccord. Il est évident qu’on ne peut que me considérer comme un fou si l’on n’adhère pas à ce que j’ai pu développer au début de mon essai sur grospix. Le destin des jeux vidéos est irrémédiablement lié à la représentation qu’il véhicule. C’est sa raison de vivre. Voilà pourquoi je m’étends tellement sur les enjeux représentatifs de ces prochaines années, n’y voyons pas d’hors sujet !