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Dead Rising
Année : 2006
Système : Windows, Playstation 4, Xbox 360, Xbox One
Développeur : Capcom
Éditeur : Capcom
Genre : Action / Aventure / Survival Horror

18h00. Cas 3-3 : et de l'action il y en a quand les zombies sont là (en cours)

Le gameplay de Dead Rising combine des éléments de beat'em up moderne et de RPG. Comme pour le système de progression, son appréhension par le joueur évoluera fortement au fil des heures de jeu. Les objets que Frank peut utiliser se détruisent tous après un certain nombre de victimes faites, afin que le joueur en change très souvent. Au départ l'inventaire est de taille réduite, et on doit y stocker aussi bien les armes que des réserves de nourritures. On sera donc régulièrement à court d'armement et forcé de ramasser les premiers objets qui passent, même les plus inattendus, pour continuer à se battre, d'autant qu'à ce stade du jeu Frank dispose de très peu de talents. Des moments de pure improvisation interviennent alors, grandement différents selon la thématique de l'endroit où on se trouve, pendant lesquels le stress ressenti et l'humour décalé de certaines interactions se télescopent, créant un feeling de jeu très particulier.

Par la suite, on pourra transporter de plus en plus d'objets et se constituer un arsenal suffisant pour effectuer plusieurs cas ou scoops sans avoir à se réapprovisionner. Entre temps, on aura repéré quelques armes puissantes, situées près de la salle de sécurité, dont on s'équipera à chaque sortie sans perdre de temps, ainsi que les points de ravitaillement en nourriture les mieux placés. C'est là que le jeu prend des allures de RPG avec la collecte de livres (trouvés dans les librairies du mall) qui, couplés à certains objets, en augmentent la durabilité ou l'efficacité, et les très nombreuses combinaisons de nourriture et boissons que l'on peut effectuer dans les cuisines des restaurants pour se confectionner des breuvages aux effets divers, souvent dévastateurs pour l'ennemi. Tout ce versant du gameplay est facultatif tant que l'on n'a pas pour ambition de sauver une cinquantaine de survivants au cours de la partie, mais devient primordial dans le cas contraire. Dead Rising, qui était au départ entièrement axé sur la notion de survie en milieu hostile, s'est peu à peu transformé en un jeu d'action complexe, très structuré, dans lequel on brave le danger.

Il y a une dizaine de véhicules qui vont du skate-board au camion frigorifique. Ils lâchent très vite mais font gagner beaucoup de temps et permettent de jolis cartons. Ils deviennent même indispensables dans les tunnels de maintenance, qui grouillent de zombies.

Passons aux innombrables armes utilisables. On ne va pas se lancer dans des énumérations à n'en plus finir, mais plusieurs points sont à souligner : certaines armes, inefficaces, ne sont là que parce que la présence de tels objets est classique dans un centre commercial (jouets, plantes, chaises...). Les utiliser est à la fois absurde et inévitable, surtout dans les premières heures de jeu, aussi les développeurs en ont-ils profité pour les rendre comiques et se permettre toutes sortes de délires. D'autres armes (bancs en bois, parasols, caisses-enregistreuses...) se caractérisent par leur encombrement important, mais aussi par une capacité de destruction massive qui les rend bien plus intéressantes que prévu. Enfin il y a les armes évidentes, les objets auxquels on pense toujours en pareille situation (tronçonneuse, couteaux, haches...). Ceux-là sont extrêmement efficaces, mais assez rares et surtout très fragiles afin qu'on en soit régulièrement privé. Pour ce qui est des armes à feu (pistolet, fusil de sniper, mitraillette...), Capcom a opté pour le même type de visée immobile que dans Resident Evil 4, mais en la rendant plus lente et imprécise. On voit donc que chaque arme a fait l'objet d'un dosage précis sur différents paramètres afin qu'aucune ne s'impose d'emblée comme un incontournable, même si certaines combinaisons livre-objet finiront malgré tout par squatter l'inventaire. Mais le plus impressionnant concernant les armes est bien la manière dont leurs effets sont rendus : non seulement les dégâts sont localisés, mais que l'on utilise une arme blanche, une arme inoffensive, un outil de bricolage, une arme à feu ou une poêle à frire, la manière dont les zombies seront affectés et le geste effectué par Frank seront représentés de manière parfaitement cohérente grâce à des centaines d'animations et d'effets sonores différents. Ce souci du détail, accompagné d'un humour ravageur qui multiplie les clins d'œil à des films d'horreur que toute personne de bon goût se doit d'avoir vus (et revus une fois par an minimum [depuis vingt ans]), écarte toute lassitude au profit d'une envie constante d'expérimenter, pour le meilleur et pour le gore.

Des armes pour rire... ou pour détruire.

Parlons-en, des zombies, justement : tout comme dans le film de Romero, ils font en quelques sorte partie du décor et ne sont vraiment dangereux que par le nombre. Les tuer n'est pas une fin en soi, mais à la fois une perte de temps et un à-côté de ce qui constitue le cœur du jeu, à savoir les cas et scoops. Ils sont présents absolument partout en dehors de la salle de sécurité et des points de sauvegarde, et régénérés à l'infini au cas où on se mettrait en tête de tous les éliminer. Il y en a même encore plus lorsque Frank progresse en niveau, et la tombée de la nuit décuple leur agressivité. On en exterminera donc un très grand nombre (au moins 2000 au cours d'une partie complète) afin de se frayer un chemin et dégager le passage aux survivants escortés, mais sans se concentrer particulièrement sur eux, à moins d'avoir envie de s'en payer une tranche entre deux cas si aucun scoop n'est proposé, comme cela arrive parfois. C'est aussi pendant ces quelques moments où Frank a quartier libre qu'on pourra s'amuser à le relooker en se servant dans les boutiques de mode, de sport, de cosmétique (pour les teintures de cheveux) et d'optique. Cette possibilité, bien futile au demeurant, n'a pas pour autant été négligée par les graphistes qui s'en sont donnés à cœur joie. Les combinaisons de costume sont infinies, et la plupart du temps très drôles (vêtements d'enfant, robes, bottes à talons-aiguilles, masques de super-héros, smoking, combinaisons de surf, chapeaux, panoplie de Mega Man...). Et comme Frank gardera son costume lors des cinématiques, il est possible de transformer le jeu tout entier en comédie burlesque.

Tout est permis en matière d'habillement... Les masques peuvent aussi être posés sur la tête des zombies.

Revenons aux ennemis : bien plus dangereux que les zombies, les psychopathes sont présents aussi bien dans les cas que les scoops. Pour ces ennemis qui font figure de boss, Capcom a opté pour une approche occidentale : pas de créatures surnaturelles imposantes dotées de points faibles et au comportement scripté, mais des ennemis humains très mobiles interagissant occasionnellement avec les zombies présents, et qu'il faut atteindre un certain nombre de fois au moyen de n'importe quelle arme. Certains utilisent une arme à feu, un véhicule, ou exploitent une particularité de l'endroit où ils se trouvent pour apporter un peu de variété. Les combats qui en résultent ne sont pas totalement réussis à cause d'une intelligence artificielle qui appréhende assez mal le décor, mais les psychopathes constituent avant tout une galerie de portraits peu originale mais efficace qui passe en revue pas mal de clichés sur la société américaine avec un vrai sens du morbide. On aura donc droit à un gourou de secte, une policière obèse qui torture des bimbos au tazer, un clown tueur d'enfants, une famille de snipers vouant un culte au second amendement, un trio de prisonniers en fuite, un patron de supérette poussant un caddie blindé, un ancien GI qui se croit revenu au Viêt-Nam... et même un boucher lanceur de quartiers de viande ! Il y a 12 psychopathes au total, la plupart accusant un sérieux surpoids, rencontrés dans des endroits de plus en plus glauques et présentés par des cinématiques qui, comme toutes celles du jeu, sont mises en scène et doublées avec un grand soin.

Exemples de psychopathes : le clown et le gérant du supermarché. Ce dernier a capturé Isabela, petite soeur de Carlito qui par la suite deviendra une alliée précieuse.

Tous ces dangers sont redoutables lors d'une première partie et nécessiteront plusieurs essais infructueux pour plier. Mais après quelques parties, il s'effaceront devant le contre-la-montre constant que représente la quête du 100% auprès des survivants. Pour l'escorte de ces derniers, deux commandes sont utilisables ("suivez-moi" et "allez à cet endroit"), et comme pour les psychopathes l'IA a tendance à rendre le déroulement des choses un peu aléatoire. Certains survivants, blessés, doivent être portés ou tenus par la main, d'autres se montrent capricieux ou téméraires... C'est l'aspect le plus contesté du gameplay de Dead Rising, des moments de jeu très intenses ou au contraire frustrants pouvant en découler, surtout si on escorte entre 4 et 8 survivants en même temps.

Prochain cas à 00h00.

00h00. Conclusion A : la dialectique du zombie

Voici la conclusion à lire si votre intérêt pour Dead Rising va au delà du jeu lui-même, et donc que vous avez lu tous les cas portant sur George Romero et ses zombies. Si au contraire vous avez zappé les cas 2-1, 2-2 et les quatre scoops qui les entourent, vous pouvez passer directement à la conclusion B.

Comme on l'a vu, le "commentaire social" présent dans les films de George Romero est en grande partie contenu dans l'attitude des personnages principaux, que le cinéaste n'hésite pas à malmener, ridiculiser ou même tuer pour faire passer son discours. Dans Dead Rising, Capcom a su faire sienne cette approche et la convertir en machine à jouer. Tout au long de l'aventure, Frank West incarne à sa manière cette société de consommation que Dawn of the Dead pointait du doigt, usant de toutes sortes d'outils pour arriver à ses fins, gaspillant matériel et nourriture dans un jeu de massacre auquel lui-même semble par moments prendre un certain plaisir (il faut voir les très nombreuses mimiques que les graphistes lui ont attribuées). De son côté, le joueur se verra proposer, en annexe d'une progression impeccablement rythmée, un gameplay d'une richesse aberrante dont un bon tiers des possibilités n'apporte rien sinon le plaisir éphémère de les essayer. Avec tout ce que contient Dead Rising, on aurait pu une dizaine d'années auparavant alimenter 5 ou 6 beat'em up différents, mais cette surabondance a un sens. Si le jeu n'aboutissait pas, dans son scénario, à une dénonciation très claire de la tendance qu'ont les sociétés aisées à se gaver de choses pourtant rares et précieuses, on aurait pu parler d'opportunisme commercial (les jeux-tromblons font toujours recette). Mais en l'occurrence Dead Rising parvient à établir une correspondance permanente entre son gameplay et le propos qu'il illustre. Quand bien même ce dernier n'est-il ni original ni vraiment élaboré (aussi intelligents soient-ils, les films de Romero sont avant tout des séries B), c'est d'un exploit encore assez rare qu'il s'agit, marque des jeux les plus importants. D'autant plus que même en ignorant totalement son côté "sandbox", c'est un jeu capable de vous captiver pendant de nombreuses heures, de vous pousser dans vos derniers retranchements de gamer.

Quoi que vous ayez envie de faire, Dead Rising l'a en magasin.

On peut aussi noter, parmi ses qualités ses plus surprenantes, la réussite que représente son personnage principal, ambigu, dont les réflexes de paparazzo resteront affutés jusqu'au bout, aussi bien dans les cinématiques (il brandit toujours son appareil avant toute autre action) que dans le jeu (le joueur est toujours récompensé, par des PP ou même des succès, s'il pense à faire un cliché de chaque événement dramatique ou sanglant). Reste juste à savoir si son nom de famille, West, à été choisi par hasard ou comme un clin d'œil aux Occidentaux qui constituent à la fois les protagonistes du jeu et sa clientèle.

Merci de votre attention. Maintenant, lisez aussi la conclusion B.

00h00. Conclusion B : vivement le prochain cas !

Succès commercial oblige, Capcom a très vite annoncé son intention de développer une suite à Dead Rising. À l'heure actuelle, on ne sait encore rien de cette séquelle, dont le développement semble retardé par une action en justice des sociétés MKR Group et New Line Cinema, détentrices du copyright pour Dawn of the Dead et son remake de 2004. Capcom a toujours nié avoir voulu créer une adaptation du film, le stipulant même dans un avertissement sur la pochette du jeu, mais la parenté est bien trop évidente, ce qui semble avoir irrité les ayant-droits. Il est aussi probable que cette histoire de gros sous (dans laquelle George Romero n'est pas impliqué, contrairement à ce qu'on dit beaucoup de sites d'actualité JV français) ait empêché la sortie du jeu sur PC et PS3, alors que Lost Planet a eu droit à des conversions sur ces systèmes. Si Dead Rising 2 il y a un jour, il est possible comme une rumeur le prétend que Capcom en sous-traite le développement au studio canadien Blue Castle Games.

Vues comparées du mall, à l'éxtérieur puis à l'intérieur. À gauche : Dawn of the Dead (1978). À droite : Dead Rising

Avec tout ça, j'ai oublié de vous dire que Dead Rising est graphiquement inattaquable, qu'il ne saccade jamais, comporte d'excellentes musiques originales ainsi qu'une sélection de morceaux métal renforçant l'atmosphère de folie furieuse qui s'en dégage par moments, et que même dans la version française les voix sont en anglais, ce qui est appréciable sauf si on y joue sur un écran incapable d'afficher du 1280x720, car les sous-titres tout petits deviennent dans ce cas illisibles (problème dont on a beaucoup parlé à propos de Dead Rising, mais qui est en fait assez fréquent dans les jeux Xbox 360). Oubli réparé, donc, mais l'essentiel est de retenir que tant qu'il y aura des développeurs pour les exploiter aussi brillamment, l'apparition sur le marché de nouveaux hardwares toujours plus puissants devra être perçue comme une source d'excitation.

01h00. Mode Extra : pour prolonger l'expérience

Félicitations ! Vous arrivez au terme de cet article. Parviendrez-vous à améliorer encore votre connaissance du dossier en consultant les liens suivants ?

- http://gamingconsolenetwork.com/index.php?option=com_content&task=view&id=449&Itemid=1
Cet article explique en détail les démêlées juridiques de Capcom avec Dead Rising, notamment le fait que George Romero n'y a rien à voir. Il contient même une copie de la plainte déposée contre le jeu (langue anglaise).

- http://cinefantastiqueonline.com/2008/02/15/interview-george-romero-documents-the-dead-part-1/
Une interview de George Romero (en anglais).

- http://www.dvdrama.com/news-26954-interview-carriere-george-a-romero-part-1.php
Une interview de George Romero, en français cette fois.

- http://www.dvdrama.com/news-27234-george-a-romero-la-part-des-tenebres.php
Un article en français sur les films les plus obscurs de Romero (Patrick, Season of the Witch, Bruising...)

- http://zeroinfinite.wordpress.com/2007/11/26/ultime-experience-du-capitalisme-dead-rising/
Une analyse en profondeur, et en français, de la manière dont Dead Rising illustre les thèmes chers à George Romero. Lecture indispensable !

- http://en.wikipedia.org/wiki/Dawn_Of_The_Dead
La page Wikipedia en anglais traitant de Dawn of the Dead. À l'origine, elle était bourrée d'anecdotes sur le tournage du film, en particulier les divers effets spéciaux. Malheureusement des utilisateurs sont intervenus pour la raccourcir, peut-être parce que ces infos provenaient des bonus d'un DVD.

- http://en.wikipedia.org/wiki/Night_of_the_Living_Dead
La page Wiki en anglais de Night of the Living Dead. Encore une fois, c'est un article qui sera probablement épuré, mais pour l'instant des tonnes d'infos sont là.

- http://www.cinetudes.com/DAWN-OF-THE-DEAD-ZOMBIE-de-George-Romero-1e-1978_a117.html
- http://www.cinetudes.com/DAWN-OF-THE-DEAD-ZOMBIE-de-George-Romero-2e-1978_a131.html
Une étude en français de Dawn of the Dead.

- http://www.americanpopularculture.com/journal/articles/fall_2002/harper.htm
Une autre étude, en anglais celle-ci.

- http://www.jeuxvideo.com/articles/0000/00006763_preview.htm
- http://www.jeuxvideo.com/articles/0000/00006809_test.htm
Les rédacteurs de jeuxvideo.com s'étaient surpassés dans leur traitement de Dead Rising, accordant au jeu deux bons articles.

- http://www.mega64.com/deadrising.htm
Le site Mega64 réalise des parodies de jeux vidéo filmées en direct. Ils se sont occupés de Dead Rising et le résultat est génial.

- http://www.youtube.com/watch?v=XdAz4q7sRls
Une publicité pour Dead Rising composée des séquences les plus gores du jeu. On se demande si elle a été diffusée quelque part...

Si vous connaissez d'autres liens intéressants ou constatez que ceux-ci ne fonctionnent plus, écrivez au journal !

Laurent
(11 août 2008)
Page 4 sur 4
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