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Chrono Trigger
Année : 1995
Système : Playstation, SNES
Développeur : Squaresoft
Éditeur : Squaresoft
Genre : RPG
Par Lagi (09 janvier 2003)

Chrono Trigger (CT) est ce qu'il est convenu d'appeler une référence, un indispensable du RPG. Un jeu qui a marqué toute une génération de joueurs, au même titre que Final Fantasy VI par exemple. Et à vrai dire, il n'y a rien de surprenant à cela. En effet, si l'on se penche sur les origines de CT, on s'aperçoit qu'il démarrait sous les meilleures auspices.

Un staff de rêve

Chrono Trigger est tout d'abord le résultat de l'association de plusieurs grands noms : en tant que chefs de projet, on retrouvait Hironobu Sakaguchi (Final Fantasy) et Yuji Hori, responsable de la série des Dragon Quest de l'éditeur concurrent Enix, série extrêmement populaire au Japon. Pour le character design : Akira Toriyama, créateur mondialement connu de Dragon Ball et character designer de Dragon Quest, justement.

Les musiques furent confiées à un duo composé de Nobuo Uematsu, bien connu pour son travail sur Final Fantasy et d'un compositeur de Square encore inconnu mais qui allait par la suite enchaîner les succès : Yasunori Mitsuda. Une équipe composée donc des principaux créateurs des deux plus grandes séries de RPG japonais et qui fut à juste titre surnommée la Dream Team. Autant dire que le jeu était attendu. Et fort heureusement, le résultat de cette association fut à la hauteur de toutes les espérances : Chrono Trigger devint immédiatement une référence.

L'âge d'or de Squaresoft

Sorti au printemps 95, CT fait partie de la dernière génération de jeux de Square sur Super Famicom, comme Bahamut Lagoon ou Seiken Densetsu III. À cette époque, Square est au summum de sa créativité, les programmeurs ont acquis une parfaite maîtrise de la console et les chefs-d'œuvre sortent à un rythme effréné. Cette période à la fin de la SNES a en effet vu l'apparition d'un très grand nombre d'excellents RPG, plus ou moins connus (voir le dossier de Bruno sur la Super Famicom et les RPG). Tout cela pour dire que, techniquement, CT est irréprochable. Les graphismes sont splendides, pleins de détails et très colorés. Ils représentent ce que la SNES peut faire de mieux et certains décors ne dépareilleraient pas dans des jeux actuels. Ajoutons que le style de Toriyama est parfaitement retranscrit, on retrouve bien sa « patte », particulièrement dans les monstres et les boss. Quant aux combats, ils sont bien sûr remplis d'effets spéciaux du plus bel effet.

Une question de temps

L'histoire se passe dans un monde imaginaire, à la fois proche et différent du notre, typique d'Akira Toriyama. Elle commence en l'an 1000, au royaume de Guardia, alors qu'un grand festival, le Millenial Fair, se prépare pour fêter l'entrée dans un nouveau millénaire. On y dirige Chrono (ou Crono), un jeune homme sans histoire, au look typique du héros de RPG, qui, à la manière de Link, ne dit jamais rien pour mieux représenter le joueur. Celui-ci doit retrouver son amie d'enfance, Lucca, scientifique de génie, qui compte présenter sa dernière invention lors du festival. Sur le chemin, il rencontre une fille se faisant appeler Marle (en fait la princesse du royaume en balade incognito) qui décide de l'accompagner. Les deux arrivent finalement au stand de Lucca qui leur propose d'essayer sa fameuse invention : un téléporteur. L'essai avec Chrono se montre concluant mais lorsque vient le tour de Marle, une réaction inattendue a lieu avec son pendentif et celle-ci se retrouve aspirée par un vortex.

Chrono décide bien sur de partir à sa recherche et emprunte lui aussi le vortex qui le propulse 400 ans en arrière. C'est le début des ennuis et d'une longue aventure à travers le temps. Les trois personnages de départ visiteront ainsi cinq époques, d'abord en suivant des vortex s'ouvrant à des endroits précis puis à l'aide d'un vaisseau permettant de se déplacer librement à travers le temps : l'an 600, un monde moyenâgeux où les humains sont en guerre contre les monstres ; l'an 2300, un futur post-apocalyptique ; la préhistoire, il y a 65 millions d'années, où les premiers humains affrontent les Reptites, des dinosaures évolués ; l'ère glaciaire, en –12000, sans doute la période la plus étonnante ; et bien sûr leur propre époque. Au cours du voyage, de nouveaux personnages se joindront bien sur à l'équipe, comme Glenn, un chevalier transformé en grenouille, ou Ayla, une femme des cavernes au fort tempérament.

L'histoire est toujours parfaitement rythmée, les évènements s'enchaînent sans temps mort (tant mieux d'ailleurs car le jeu n'est pas très long). Le scénario ne cesse d'apporter son lot de surprises (les scénaristes ne se sont pas privés et on a droit à tous les paradoxes et retournements de situation que peut entraîner le voyage dans le temps) et se révèle de plus en plus sombre à mesure que l'on avance. Au début de l'aventure on se contente de subir les évènements, de passer d'un problème à un autre sans trop savoir où cela va mener et puis, on découvre qu'une grave menace pèse sur le monde et petit à petit on s'aperçoit que des évènements se déroulant à des époques très différentes et à priori totalement indépendants les uns des autres sont en fait tous liés entre eux. Mais l'une des plus grandes forces de l'histoire est qu'elle sait garder un ton léger jusqu'au bout. En effet, elle est parcourue tout du long par l'humour d'Akira Toriyama. Cela se voit particulièrement dans les seconds rôles et dans les méchants, caricaturaux au possible (comme Dalton le mégalo ou Ozzie qui se rend ridicule à chaque fois).

On peut aussi citer certaines situations comme la quête de l'épée légendaire Masamune (Granleon en VO) qui joue avec les clichés. Cette atmosphère un peu enfantine donne finalement l'impression que, bien que les moments de tristesse ou d'émotion ne manquent pas, l'histoire ne se prend jamais tout à fait au sérieux. Et c'est peut-être ce côté « sans prétention » qui rend CT si attachant, on sent que les créateurs du jeu ont d'abord voulu se faire plaisir.

On ne peut décemment pas parler de CT sans évoquer sa superbe bande-son, qui colle à merveille à l'univers et à l'histoire du jeu. Yasunori Mitsuda, alors simple ingénieur du son, avait menacé de quitter Squaresoft si on ne le laissait pas composer. On lui donna donc sa chance avec CT où il fut quand même aidé par Nobuo Uematsu qui composa quelques pistes. Mitsuda démontra alors tout son talent en réalisant une des plus belles bande-son de la Super NES, au style déjà affirmé, très différent d'un Final Fantasy, qui passe avec un bonheur égal de thèmes pleins de candeur ou de douceur à d'autres beaucoup plus mélancoliques voire angoissants. Ce fut le début d'une belle carrière pour Mitsuda qui réalisa entre autres les BO de Radical Dreamers et Chrono Cross, les deux suites de CT.

C'est le bonheur !

Mais tout cela serait sans grand intérêt s'il n'y avait pas un bon gameplay. Et à ce propos le système de jeu de CT est très bien conçu et apporte des innovations intéressantes au genre. Tout d'abord, les ennemis apparaissent à l'écran lors des déplacements, ce qui permet (parfois) d'éviter les affrontements si on le désire. Quant aux combats en eux-mêmes, ils utilisent un système de pseudo temps réel très proche de celui des Final Fantasy : chaque personnage possède une jauge se remplissant automatiquement ; une fois pleine, le personnage peut attaquer. Mais CT se distingue en permettant des attaques combinées à deux ou trois à la fois. Les combinaisons, qui s'apprennent progressivement, varient suivant chaque personnage et représentent un facteur important dans la gestion de son équipe : faut-il intégrer un personnage puissant mais qui n'a pas d'attaques combinées intéressantes ?

CT a été adapté sur PS, la version américaine se trouve dans le coffret Final Fantasy Chronicles, accompagnée de FF IV. Des ajouts sympathiques sont présents dans cette version. Tout d'abord des cinématiques sous forme de dessin animé ont été rajoutées à certains moments cruciaux. De très bonne qualité, celles-ci reprennent le style graphique de Toriyama (normal, elles ont été réalisées par la Toei) et sont accompagnées de magnifiques orchestrations de certains thèmes du jeu. On trouve également un menu contenant de nombreux bonus se débloquant une fois le jeu fini : possibilité de voir les cinématiques, le bestiaire du jeu, d'écouter les musiques...

Mais malheureusement, cette version PS est gâchée par un gros défaut : des temps de chargement très longs et ce pendant tout le jeu. Inadmissible, compte tenu des capacités de la console. Enfin, sachez qu'une traduction française du jeu sur émulateur existe, réalisée par le groupe Terminus Traductions, ce qui devrait ravir les anglophobes.

Conclusion svp !

Chrono Trigger fait quasiment l'unanimité parmi les joueurs, contrairement à bon nombre de jeux du même éditeur à commencer par sa suite, Chrono Cross. Peut-être parce que, outre ses indiscutables qualités en matière de réalisation, CT a réussi à atteindre un équilibre idéal entre un scénario passionnant sans jamais être envahissant et un système de jeu prenant qui n'oblige pas à faire des tonnes de combats obligatoires cassant le rythme de l'aventure. Tout simplement le summum du RPG vieille école. Terminons en signalant que CT est un jeu qui peut vous occuper un bon bout de temps puisque il n'y a pas moins d'une douzaine de fins possibles, souvent très différentes les unes des autres.

Lagi
(09 janvier 2003)
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