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The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Année : 2017
Système : Switch, WiiU
Développeur : Nintendo
Éditeur : Nintendo
Genre : Aventure / Action

Longtemps, je me suis couché de bonne heure

Une autre nouveauté frappante de BotW au regard de ses prédécesseurs est la façon dont il gère les ressources historiques de la série, soit les cœurs de vie, l'argent, les épées, les arcs et les boucliers, en s'inspirant davantage de ce qui se faisait dans les jeux de rôles à la Skyrim ou à la Dark Souls, quelque part. Pour qui était habitué aux systèmes précédents, cela participe énormément à la difficulté initiale du jeu et, pour certaines de ces décisions tout du moins, ces choix cristallisent la critique la plus forte qu'on lui a faite.
Dès le début de l'aventure, on remarquera rapidement que les fourrés ou les ennemis ne laissent point, comme à l'ordinaire, des cœurs de vie ou de l'argent. Si on peut éventuellement trouver des rubis sous certains pots ou dans des caisses, le pécule sera des plus limités. En revanche, on trouvera en abondance dans la nature des fruits, des champignons et des herbes, et les ennemis laissent à leur mort, outre leur équipement, des matériaux divers, des canines, des ailes, des yeux voire, qui rejoindront notre inventaire.

Certains minis-jeux permettent d'acquérir un peu d'argent, mais ce sera surtout les matériaux lâchés par les monstres, et aux propriétés parfois intéressantes, qui seront le plus rentable.

Pour se faire un peu d'argent, on peut évidemment vendre tout cela auprès des marchands, mais le gain est ridicule ; et pour regagner de la vie, on peut grignoter une pomme ou la viande crue d'un cerf que l'on vient d'abattre, mais là encore, on ne récupèrera guère qu'un ou deux cœurs. On peut toujours dormir dans le lit d'une auberge, ou d'autres trouvés ci et là, mais cela finit par coûter cher, et cela est peu pratique. Pour se faire de l'argent, et en attendant de trouver des pierres précieuses autrement plus lucratives, et pour recouvrer plus rapidement de la vie, il va falloir transformer ces ressources comestibles et monstrueuses et se risquer à la cuisine et à l'alchimie.
Le mécanisme est introduit dès le Plateau du Prélude, et des livres ouverts, ou des conversations diverses avec les personnages, nous en apprennent davantage. Si l'on trouve une marmite sur un feu allumé, il est possible d'y déposer différents ingrédients pour fabriquer soit des plats comestibles, soit des potions diverses. Les plats et les potions redonnent infiniment plus d'énergie que les aliments crus, ou simplement grillés à la flamme nue, et confèrent même des effets divers si on sait s'y prendre.

Il faut penser à régulièrement cuisiner nos ingrédients, et on n'a nul besoin de flacon pour les potions. En l'absence de marmite, on peut toujours faire tomber un ingrédient sur un feu de camp pour le rendre plus nourissant.

J'avoue, à ma grande honte, avoir eu du mal à comprendre jadis les rudiments du principe, aussi je me permets de les expliquer ici rapidement. Commençons par les plats comestibles : on peut mélanger jusqu'à cinq ingrédients différents dans une marmite pour obtenir une recette qui rendra toujours des cœurs de vie, plus ou moins selon leur nombre et leur qualité, et éventuellement un pouvoir complémentaire si on ajoute un fruit, un légume ou que sais-je qui le confère.
Des règles complémentaires s'appliquent : déjà, un plat ne peut octroyer, en plus des cœurs de vie, qu'un et un seul unique pouvoir. Ce peut être une augmentation temporaire de défense ou d'attaque, une résistance à un type de danger naturel comme le froid ou la chaleur, ou encore une augmentation de la vitesse de déplacement. La durée et la puissance de l'effet dépendent du nombre d'ingrédients mis dans la préparation, et peut atteindre la demie-heure.

Les effets vont de la résistance aux écarts de température à l'augmentation de la défense, de l'attaque ou de la vitesse de déplacement.

Le principe des potions est plus ou moins identique, si ce n'est qu'on les prépare en mélangeant des matériaux de monstres avec des éléments non-comestibles, typiquement des insectes, des grenouilles ou des lézards. Si l'on ne rajoute ne serait-ce qu'un fruit ou qu'un légume, le plat sera « douteux », ne rendra que peu de vie et n'octroiera aucun pouvoir particulier. Les potions, à l'exception de celles de vie, ne rendent pas d'énergie et sont donc souvent moins intéressantes que les plats eux-mêmes ; mais il est vrai que l'on peut en faire plus facilement comme on croule rapidement sous les matériaux de monstre, et elles se vendent assez bien chez les marchands.
Si j'avais pensé, au début du jeu, faire l'impasse sur ce que je pensais être une fonctionnalité annexe, j'ai rapidement viré ma cuti : non seulement l'activité est particulièrement plaisante à faire et à observer, avec Link qui chantonne et se dodeline gloutonnement devant sa marmite, mais elle est indispensable très tôt. D'une part, c'est le seul moyen de résister aux changements de température de l'univers, au moins jusqu'à acheter, pour un prix prohibitif souvent, des vêtements qui rempliront le même office, et d'autre part c'est la seule façon de se soigner au sein d'un donjon ou tout simplement en explorant le monde.

Refaire son stock de plats devient un rituel vite assimilé. On peut mélanger jusqu'à cinq ingrédients simultanément, y compris des fées.

Le jeu n'a du reste pas été avare en nombre de recettes différentes : des chutneys de fruits, des currys, de la viande ou du poisson préparé de multiples façons, des brochettes de champignons..., il y a plus d'une centaine de façons distinctes de cuisiner dans BotW. Même si le changement est surtout cosmétique, et même si l'on apprend rapidement à préparer les plats les plus utiles (typiquement, ceux qui vous redonnent toute votre vie et des cœurs supplémentaires, ou qui augmentent beaucoup votre attaque pendant plusieurs dizaines de minutes), on se surprend à profiter dès que possible des arrêts-buffets. Chaque relais aux chevaux et chaque village proposent des marmites, sans parler de celles que l'on trouve dans la nature, et on peut les utiliser librement à la condition qu'un feu y est allumé, ce à quoi on peut remédier très facilement.
Ce choix de jeu reconditionne assez notre exploration dans la mesure où l'on ne peut plus, comme jadis, se lancer tête baissée vers notre destination sans y réfléchir. Il faut à présent se préparer, concocter des petits plats ou des potions nous permettant de résister au froid mordant ou à la chaleur désertique, sans avoir l'assurance que cela sera effectivement suffisant. Couplé avec l'absence d'objectifs précis ou de cartes détaillées, ce système fait de nous de véritables aventuriers, partant à la conquête d'une terre sauvage sans que l'on ne puisse savoir par avance où nous pourrons camper.

Dévoiler la topographie d'une région permet de repérer les ruines et autres centres d'intérêt rapidement, mais leur nom ne se dévoilera qu'une fois sur place. Chaque personnage a sa petite histoire, toujours agréable à découvrir.

Un certain nombre de ces plats et de ces potions, et particulièrement celles nous permettant de résister aux écarts de température, seront cependant remplacés par le système des habits, dont j'ai touché quelques mots ci et là. Venons-y plus précisément. Le principe général est repris des tuniques d'Ocarina of Time qui vous permettaient, selon, de résister à la chaleur du volcan ou de respirer sous l'eau. Dans BotW, Link pourra équiper trois types d'habits, des casques ou des chapeaux, des armures et des tuniques, des pantalons et des bottes. On les trouve dans les magasins mais également dans différents coffres et dans des petites grottes fermées par des rochers.
Ces habits améliorent notre défense, ridicule en début de partie, mais la plupart nous donne des bonus fort utiles. Les tenues fourrées nous permettent de résister au froid, les armures de pierre à la chaleur de la lave, d'autres augmentent notre discrétion ou nos facultés d'escalade. On peut également améliorer, auprès de grandes fées et contre différents matériaux, l'efficacité de ces ensembles voire obtenir de nouveaux pouvoirs, assez utiles dans l'ensemble, et rien de nous empêche de les mâtiner pour bénéficier simultanément de plusieurs avantages.

Jamais la tenue de Link n'a été aussi variée. Certains accessoires ne sont disponibles que dans les Sanctuaires, comme ce bandana qui accélère notablement notre vitesse d'escalade.

Si ce principe est assez bien rendu, et s'il est toujours un plaisir de découvrir une nouvelle tunique ou un nouveau chapeau (surtout que leur dessin est toujours très réussi), il implique hélas souvent des aller-retours plus ou moins réguliers dans l'inventaire pour adapter notre tenue à la situation de jeu. Il est malheureux que le jeu ne propose point d'options permettant d'enregistrer, comme favorite, une certaine combinaison, afin d'y retourner plus rapidement. Il est vrai que ce problème se rencontre peu en début de partie, comme on reste souvent longtemps qui dans le désert, qui dans les montagnes ou le volcan pour les cartographier, mais lorsque nous sautillons de Sanctuaire en Sanctuaire pour trouver les ultimes secrets, la chose en devient d'autant plus fastidieuse.
Fort heureusement, accéder à notre inventaire immobilise parfaitement la situation de jeu et nous permet ainsi de prendre tout notre temps pour ces préparatifs et ce à l'encontre d'un Dark Souls, par exemple. Cela nous permet aussi de nous soigner intégralement au cours d'un combat, voire de foncer directement vers la boutique des Gorons ou des Piafs en se goinfrant de plats revitalisants pour acheter la protection idoine et sans se soucier de préparer un remède à base de piments ou d'herbes gelées. Une fois encore, on ne peut qu'apprécier la diversité des approches proposées et même si le jeu nous invite assez explicitement à jouer élégamment, je me suis jadis brûlé les pattes en courant comme un dératé et en m'empriffrant régulièrement pour acheter l'armure de pierre lors de ma toute première visite de la Montagne de la Mort, ce qui demeure l'un des exploits dont je suis le plus fier, et dont j'ai aussi le plus honte.

Les fontaines des grandes fées sont cachées, et plus on en découvre, plus on peut améliorer nos tenues. Elles se ressemblent toutes plus ou moins, et jouent la carte de la séduction.

Aux côtés des habits, des matériaux et des plats, notre écran d'inventaire nous propose plusieurs autres onglets. Outre les objets spéciaux, liés généralement à la quête principale de l'aventure, on trouvera la liste des arcs et des flèches, des armes et des boucliers que nous avons obtenus. Ces éléments ne sont pas, comme jadis, uniques et magiques, pas particulièrement tout du moins et exception faite de l'épée de légende que nous pouvons récupérer à un moment donné de l'aventure mais, là encore, sans aucune obligation. Ce sont simplement des équipements que nous récupérons sur les corps des ennemis, dans des coffres ou des ruines. On en trouvera beaucoup, et leur variété est impressionnante, mais on ne peut faire autrement : car toutes les armes que nous trouverons se briseront tôt ou tard.
De la petite branche d'arbre à l'espadon royal en passant par les arcs de métal, les boomerangs ou les boucliers d'or et de joyaux, tout cet équipement s'use et finira par se briser au bout d'un certain nombre de coups donnés ou reçus, nous laissant dans la nécessité de trouver rapidement un remplaçant sous peine de ne pouvoir attaquer. Même l'épée de légende, au bout d'un moment, devra se « recharger » de son énergie mystique pendant une dizaine de minutes, même si elle ne quittera jamais notre inventaire.

Lorsque le premier message s'affiche, il ne vous reste plus quelques instants avant que l'objet ne se brise dans une lumière bleuâtre.

Cette décision de jeu fut, de loin, la plus controversée et encore aujourd'hui, elle est assez détestée. Il est vrai qu'il est frustrant de voir une arme particulièrement puissante et utile se briser au cours d'un combat, surtout que le jeu ne nous indique nullement sa durabilité effective. Certaines armes ont, aléatoirement, un bonus de longévité, comme elles peuvent avoir tel ou tel bonus d'attaque, mais aucun indice ne nous précise le temps durant lequel nous pourrons en profiter. Un premier message, brutalement, nous indique que l'équipement est sur le point de se briser ; et juste après, la voilà exploser dans nos mains.
Cette critique, bien que légitime et ce d'autant plus qu'il n'y a aucun moyen d'acheter des armes ou de réparer, chez des forgerons, notre équipement, élimine cependant différents détails qui viennent créer une synergie particulière avec le principe. D'une part, les armes se trouvent très, très facilement dans l'univers, et il est pour ainsi dire impossible de se retrouver à court. Ensuite, cette idée nous invite à expérimenter avec l'incroyable diversité des styles de jeu, entre les épées qui nous permettent de brandir un bouclier, celles à deux mains, plus puissantes, mais qui nous laissent sans défense, les lances qui nous permettent d'attaquer au loin. Ensuite, une arme qui se brise inflige le double des dégâts lors du dernier coup, ce qui nous invite à les exploiter jusqu'au dernier moment. Enfin, il est aisé d'améliorer la quantité d'armes que nous pouvons avoir sur nous au fur et à mesure de l'aventure.

On se retrouve rapidement avec beaucoup d'armes différentes. Le petit chiffre indique leur puissance effective mais sans point de repère, il est difficile de se figurer exactement ce qu'il représente.

Nous commençons effectivement avec un nombre limité d'emplacements au début de la partie. Pour augmenter la taille de notre sacoche, il faudra trouver dans le monde, et rapporter à un personnage que l'on croise la première fois à Cocorico, des noix de Korogus. Ce sont des récompenses obtenues en débusquant dans la nature des créatures des bois, qui se planquent un peu partout : sous des cailloux curieusement isolés au sommet de petites collines, sous la forme de lumières magiques errant autour de bosquets curieux, parfois en résolvant une petite énigme. Ces créatures sont nombreuses : lors de ma première partie, j'en avais trouvé, naturellement, environ soixante-dix, rien qu'en me laissant guider par la curiosité. Pour peu qu'on soit attentif, et que l'on prenne le temps d'aller ci et là comme on n'a pas d'objectifs précis, on les trouvera plutôt facilement.
Rien qu'avec ce pécule, il est possible de doubler le nombre d'emplacements de notre inventaire et de finir tranquillement l'aventure, sans se soucier de la durabilité de nos armes. Mais si vous le voulez vraiment, sachez qu'il y a près de 900 noix à trouver dans l'univers, bien plus qu'on en aura effectivement besoin. Cette quête ultime, assimilable à celle des Skulltulas d'or d'Ocarina of Time, est devenue notoire tant elle est fastidieuse. Le gain, cependant, est inutile mais satisfera celles et ceux qui, comme moi, aiment à tout voir, tout explorer et tout obtenir.

Les Korogus se rencontrent régulièrement, et trahissent parfois leur présence par un petit bruit caractéristique. Il faut ensuite confier leurs noix à Noïa, qui augmentera la taille de votre sacoche d'armes, de boucliers ou d'arcs, au choix.

En ce sens, et même si on rouspète souvent en début de partie, on finit par s'accomoder de ce principe. Il nous invite à toujours aller de l'avant et à toujours chercher le prochain ennemi, la prochaine cachette, il nous invite à employer une diversité d'approches pour vaincre les adversaires là où il est facile, dans d'autres jeux d'aventure, de se restreindre à une arme particulière qui ne nous quittera plus le long de la partie. Des dires des développeurs, ce choix a été précisément fait pour nous inciter à profiter du système de combat complexe qu'ils avaient mis en place et malgré les discussions, nombreuses, le concernant, et malgré l'obscurité de son fonctionnement, on apprend à le tolérer, sinon à l'apprécier, et c'était de loin la meilleure des solutions.
Il est vrai en revanche qu'obtenir l'épée de légende, qui nous demande d'avoir un certain nombre de cœurs de vie et, partant, d'avoir fini quelques bêtes divines ou quelques sanctuaires, nous soulage assez, comme on a l'assurance d'avoir toujours sur soi une arme de secours. À terme, elle servira notamment pour briser les gisements rocheux offrant de rares pierres précieuses, fort utiles pour améliorer ses vêtements et remplir sa bourse de rubis, sans risquer d'abîmer une arme bien plus puissante qui serait utile ailleurs.

Ôter l'épée légendaire demande à avoir au moins treize réceptacles de cœurs, ce qui renvoie directement aux conditions demandées pour avoir les épées plus puissantes dans le premier Zelda. Cette étape du jeu, cependant, est parfaitement facultative.

De plus, mais cela a été compris que plus tardivement, le jeu améliore sensiblement la puissance de l'équipement que nous récupérons, en parallèle de la force des ennemis que l'on rencontre. D'une façon cachée, il y a effectivement un système d'expérience qui vient modifier progressivement le monde qui nous entoure. Il a fallu plusieurs années pour comprendre précisément comment il fonctionnait, mais en voici la substance. À chaque fois que nous accomplissons un haut fait, une esquive parfaite ou la reconquête d'une bête divine, que nous détruisons un camp ennemi ou progressons dans les Sanctuaires, le jeu incrémente un compteur invisible. Au bout d'un certain palier, il augmentera la difficulté des rencontres ennemies et la puissance des armes, boucliers et arcs que nous pouvons trouver dans la nature pour nous permettre de faire face à ces nouveaux obstacles.
Cela se voit notamment à la couleur des ennemis que nous affrontons. Celles-ci, à l'instar des color swap de jadis, nous renseignent sur la difficulté du combat à venir : la plupart des ennemis, des petits Bokoblins jusqu'aux Lynels terrifiants, évoluent ainsi du rouge à l'argent en passant par le bleu et le noir. La couleur augmente conséquemment leurs points de vie et les dégâts qu'ils infligent, mais les récompenses qu'ils laissent sont bien plus intéressantes. C'est l'une des solutions proposées pour encourager l'expérimentation et changer régulièrement d'armes, et cela donne des résultats très intéressants et toujours engageants.

Les ennemis sont assez agressifs. Généralement, dans un groupe, l'un d'eux sera plus fort que les autres : il faudra y prendre garde comme les cœurs partent vite, notamment en début d'aventure.

Un dernier rayon, qui tombait des massifs lointains de la cascade

Comme on l'a compris au fur et à mesure de la lecture de cet article, évoquer un élément de jeu, c'est, nécessairement, devoir parler de tous les autres comme ils se répondent, s'ajoutent et se renforcent. Cet effet cascadant est déterminant et il faut le comprendre pour apprécier à sa juste valeur tout ce que l'épisode sait faire, et sa philosophie générale de proposer un monde ouvert mais surtout cohérent, où les règles trouvent à s'appliquer constamment, sans exception aucune. Laissez-moi donner, encore, quelques exemples.
Certaines énigmes demandent, ainsi, de faire circuler un courant électrique d'une borne à un récepteur, et tout semble nous indiquer une certaine résolution, déplacer des cubes de métal avec Polaris ou activer des interrupteurs pour guider le courant ; mais on peut aussi créer une chaîne avec nos armes, nos boucliers et nos arcs de métal pour ce faire, ou simplement tirer une flèche électrique vers l'objectif. Si l'on a sur soi une épée de flammes, nul besoin d'une préparation réchauffante ou d'habits fourrés, sa chaleur nous permettra de résister aux montagnes givrées. Dans le volcan, il suffit simplement d'utiliser une flèche de bois pour la voir s'enflammer naturellement, tandis que les flèches de glace fondent avant même qu'on ne les décoche. Elles peuvent aussi créer des plates-formes de glace pour nous permettre de traverser les rivières sans mal aucun, si jamais Cryonis ne nous convenait pas.

Chaque élément a un code couleur spécifique, qui permet de le reconnaître facilement.

En l'absence de marmites, on peut simplement brûler un fourré ou allumer un fagot de bois, et faire tomber une pomme ou un bout de viande pour les faire cuire, et récupérer ainsi un peu plus d'énergie qu'en les mangeant crues. Les ennemis peuvent être distraits par de la nourriture et réagissent au bruit : on peut dès lors les éloigner en tirant une flèche dans leur dos, et profiter de leur incompréhension pour les surprendre et leur infliger un coup critique dans leur dos. Pour pêcher des poissons en nombre, il suffit de tirer une flèche électrique dans une mare pour tous les tuer d'un coup. Pour renverser un gardien, et mieux atteindre le point faible qui se situe sur son ventre, il suffit de l'attirer sur une flaque et de créer une colonne de glace avec Cryonis pour le renverser.
La gravité permet de faire rouler des rochers sur les camps ennemis, et l'on peut abattre facilement les gardiens volants en transportant des cubes de métal et s'en servir comme d'énormes masses. L'ombre projetée de certaines structures du désert permet de se protéger des effets du soleil, tandis que les cavernes nous offrent un peu de fraîcheur bienvenue. Pour traverser un gouffre, on peut couper un arbre et se servir de son tronc comme pont de fortune. Avec une feuille géante, on peut déclencher une bourrasque pour faire avancer une embarcation rudimentaire.

Les feux de camp permettent de faire passer le temps plus rapidement. Le système de discrétion fonctionne assez bien, mais je m'en suis surtout servi en début d'aventure, lorsque j'étais encore faible, et dans un moment précis que je garderai secret, où l'on doit infiltrer une base ennemie.

Les interactions possibles sont telles, et si nombreuses, que six ans plus tard, on continue d'en découvrir. Les speedrunners, pour les évoquer une nouvelle fois, trouvent encore de nouveaux emplois de Cinétis ou de Cryonis pour améliorer leur temps et se propulser loin et vite jusqu'au château d'Hyrule. Pas deux parties de BotW sont identiques, non seulement quant à l'ordre des opérations, mais aussi quant à notre style de jeu, entre les partisans de la discrétion, ceux qui exploitent les dégâts élémentaires, les derniers qui, comme moi, aiment à bombarder les camps ennemis avant de leur tomber sur le râble avec mes épées les plus puissantes. Comme les ressources sont limitées, et comme les armes finissent toujours par se briser, il nous faut constamment varier nos approches.
Qu'on se rassure, également, en voyant que l'on vide progressivement les lieux et récolte tout ce qui peut l'être. Toutes les trois heures de jeu environ, un événement spécifique, la lune de sang, se déclenche après une petite cinématique et agit à la façon d'un « reset » de l'univers. Tous les ennemis tués reviennent à la vie, les fleurs et les champignons repoussent, les armes réapparaissent là où on les avait trouvées. Le monde continue d'exister sans nous et nous assure de toujours trouver de quoi y survivre.

Les lunes de sang sont annoncées par une musique inquiétante, de la brume noire et cette couleur rouge. Elles surviennent toutes les trois heures de jeu, ce qui représente environ une semaine dans l'univers, mais ne se déclencheront pas dans les Bêtes divines ou dans le château d'Hyrule.

Des séquences magistrales attendent ainsi celui ou celle qui se laisse le plaisir de la découverte et cherche à satisfaire sa soif de connaissance. Il y a les Ruines des Obscurcies, plongées dans une nuit noire d'encre que même la lumière des torches ne parvient à transpercer ; toute l'exploration des Bois Perdus, qui demandent à trouver le moyen d'éviter les brumes magiques qui nous ramènent inexplicablement au début de notre parcours ; les ruines du canyon séparant le centre d'Hyrule et la région d'Hébra, qui dissimulent un trésor inestimable à qui saura éviter la dizaine de Gardiens qui le veillent ; les monstres des sables, sensibles au bruit, qui arpentent inlassablement les dunes et dévorent qui les foule. Je pourrais également parler d'une étrange mare en forme de crâne et dont l'orbite gauche dissimule un secret, du labyrinthe d'Akkala perdu au milieu de la mer ou de l'île Finalis sur les plages de laquelle il est dangereux de s'échouer.
Même en ne se dirigeant point vers notre objectif final, même en ignorant cette mission ou cette quête secondaire, les raisons de s'émerveiller et les découvertes sont innombrables. On a toutes et tous ces anecdotes, comme on a révélé tel mystère par accident ou, au contraire, en suivant scrupuleusement tous les indices ; ce Moblin ou ce Lynel qui nous a surpris au détour d'un rocher, et que l'on a évité de justesse ; ce coffre trouvé dans le creux d'un arbre, et qui contenait l'épée de famille d'un chevalier mort depuis longtemps. Il y a aussi des moments plus intimes, lorsque la beauté d'un paysage nous saisit tout à un coup à l'aube ou au soleil couchant, lorsque la pluie tombe mélodieusement sur un lac tranquille, lorsqu'au loin des oies volent en V sans jamais toucher le sol.

Les décors de l'aventure sont toujours jolis et distincts, même si on ressent parfois le peu de puissance de la console et qu'il est malheureux que le jeu soit bloqué à 30 fps. En retour, il ne ralentit pour ainsi dire jamais.

Car le jeu est beau, incroyablement beau. Son style graphique persiste dans la direction initée par Skyward Sword, et qui demeurait sa meilleure réussite : à un dessin plutôt réaliste et détaillé s'ajoute une passe de cel-shading du meilleur effet qui augmente les contrastes et rend les couleurs particulières éclatantes. Le travail sur la lumière bénéficie notablement de ces effets, et il suffit d'attendre près d'une source de chaleur, d'un feu ou d'un incendie, ou encore de laisser la lumière ou du jour décliner tranquillement, pour voir tout un nuancier se transformer sous nos yeux ravis.
C'est cependant l'animation, et ses détails, que je retiendrai le plus ici. Link, tout d'abord, est criant de vie : il peine en escaladant des murs raides, grelotte de froid ou souffre de la chaleur caniculaire, est ravi en cuisinant. Mais tous les personnages réagissent à nos actions et au monde autour d'eux : ils se plaignent de la pluie et courent se mettre à l'abri si besoin, se mettent en garde ou se protègent quand nous utilisons une épée près d'eux, commentent notre tenue ou notre équipement. Les ennemis ne sont pas en reste : ils hurlent agressivement lorsqu'ils nous touchent, se gênent et s'organisent, certains géants balancent leurs petits camarades sur nous s'ils ne trouvent pas d'armes à leur goût.

Les personnages ont tous bénéficié d'un très grand soin. Les protagonistes ont toutes et tous de petits détails sur leur tenue qui nous renseignent davantage sur leur personnalité.

Une fois encore, le soin du détail et l'intérêt porté à ces petits moments insignifiants participent grandement au charme de l'aventure, et on continue encore à trouver des petites choses séduisantes que les développeurs ont pensé à inclure. Certains personnages sont restés dans les mémoires, comme on les apprécie et qu'ils sont délurés : Pru'Ha est une scientifique centenaire qu'une expérience malheureuse a fait rajeunir à ses six ans ; Riju est la chef des Gerudos, et compense sa petite stature par une férocité inégalable au combat. Même les seconds couteaux, et ils sont nombreux comme il y a plus d'une centaine de personnages nommés individuellement dans l'aventure, ont leur petit trait de personnalité, leur caractère et leur histoire, même si petitement développé, entre le passionné des sources chaudes, le curieux de la paravoile ou la commerçante qui cherche à agrandir sa boutique.
Trois personnages, cependant, ont tiré leur épingle du jeu et sont devenus des favoris. Le premier est Grosaillieh, un artisan qui bosse sans traînailler et qui sera au cœur de l'une des quêtes les plus longues du jeu. Il souhaite effectivement construire son propre village, Euzero, et nous demande tant de l'aider à construire des baraques qu'à faire venir des habitants et habitantes intéressées à changer de vie. Il y a une contrainte particulière cependant : il faut que leur nom se finisse par « -ieh » pour correspondre au motto de son entreprise. Alors, à vous de souvenir où se trouvent Shantieh, Kornueih, Pervieh et Klavieh, en espérant que vous ayez prêté attention jadis à leur nom.

On aura aussi la possibilité d'acheter sa propre maison. Quant à la quête d'Euzero, de loin la plus longue du jeu, sa récompense est à la hauteur de notre investissement.

Le second, qui est l'un de mes préférés, est le prince Sidon, que l'on a évoqué précédemment avec les Zoras. Sa volonté inébranlable, son sourire lumineux et son optimisme incontestable, sa bonne humeur en font un personnage cruellement attachant et un ami de la première heure que l'on aime toujours à retrouver. Sans doute cependant, celui qui a particulièrement plu et qui est au cœur d'une des quêtes les plus passionnantes du jeu, c'est le Grand Kohga.
Il s'agit du chef suprême des Yigas, des Sheikahs dissidents qui ont fondé leur propre armée et qui se dédient notamment à la mort du héros légendaire. Ils nous tendent d'ailleurs parfois des embuscades sur notre chemin, en se déguisant en passants inoffensifs. Il faudra s'infiltrer dans leur repaire lors de la quête des Gerudos, et affronter finalement Kohga dans un duel décisif. Le ridicule, cependant, de sa stature, son attitude théâtrale et sa méchanceté de bazar le canonisent dans le panthéon des boss les plus truculents de l'histoire du jeu vidéo, tant et si bien que malgré son peu de présence à l'écran, il le crève véritablement.

On passe peu de temps avec Kohga, mais il reste nécessairement dans les mémoires.

Une fois encore, c'est dans ces alternatives et ces à-côtés, dans ces moments parfaitement facultatifs aux côtés desquels on peut très volontiers passer, que la couleur particulière de l'épisode se fait jour. Mais précisément, c'est parce que ces micro-récits, ces petites rencontres et ces détails peuvent être ignorés qu'ils en deviennent d'autant plus précieux, comme si on avait été le témoin d'un événement unique, qui peut-être ne se reproduira plus, qui peut-être disparaîtra soudainement.
Malgré la taille impressionnante de son monde, malgré la diversité de ses mécanismes, malgré la profondeur des interactions qu'il propose, BotW a presque une philosophie stoïque, presque la forme d'un haïku ou d'un refrain, de la seconde propice qui disparaît à peine l'a-t-on reconnue. C'est une sensation étrange dans un jeu vidéo, qui est d'ordinaire tout tendu vers le spectacle et l'impressionnant : et même si ce jeu sait préparer ces moments, quand on part à l'assaut des Bêtes divines ou lors du moment, triomphal, face à Ganon le Fléau, je préfère volontiers ces petites pépites précieuses qui composent ce pourquoi cet épisode m'a tellement plu et plaît encore.

Pru'Ha vous permettra d'améliorer la tablette Sheikah, et notamment de débloquer la fonction « Recherche », bien pratique pour repérer les Sanctuaires ou les ennemis.