Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Djib (11 juin 2002)
A l'aube des années 90 l'avènement du CD-Rom comme support de stockage pour les jeux fut accueilli comme une révolution. La puissance des cartes graphiques aidant, les éditeurs surenchérirent dans l'intégration de séquences filmées dans les jeux. Un genre nouveau était né, suscitant espoir et passion, pompeusement baptisé « le film interactif ». Après les premières bases posées par Sherlock Holmes : Consulting Detective en 1991, Sierra s'empara du genre pour en faire l'une de ses spécialités avec notamment les deux volets de Phantasmagoria, ou encore le Gabriel Knight 2. C'est donc naturellement que Cocktel Vision, filiale française de Sierra, développa son propre film interactif. Déjà Cocktel Vision avait su utiliser des séquences vidéo dans ses précédents jeux comme Inca 1 & 2 ou Lost in Time et The Last Dynasty sans pour autant les généraliser au point d'en faire un « film interactif ». C'est avec Urban Runner qu'ils vont alors franchir le pas et proposer aux joueurs de l'époque, un jeu d'aventure entièrement réalisé en séquence vidéo. Sous-titré Lost in Town (référence à leur précédent jeu d'aventure Lost in Time), Urban Runner est sorti en 1995, sur 4 CD-Roms. Vous incarnez un journaliste américain, Max, en visite à Paris. Travaillant sur une affaire délicate impliquant un trafiquant de drogue et des personnalités politiques qui semblent le couvrir, Max essaye alors d'entrer en contact avec le dealer, Marcos, qu'il espère faire parler en échange de photos compromettantes. Le rendez-vous est fixé dans un sauna, mais quand Max arrive, son contact est mort. Voulant prendre la fuite, Max rejoint rapidement les vestiaires, mais dans sa précipitation c'est la clé du casier de Marcos qu'il a prise. Désormais, Max se retrouve avec les affaires de Marcos et beaucoup de monde sur le dos, les gardes du corps du trafiquant et une mystérieuse organisation baptisé Elite, dans une ville qu'il ne connaît pas. La traque commence, alors que Max est également soupçonné par la police française du crime du sauna. Plus de 4 heures de vidéo 16/9ème en SVGA 32 000 couleurs racontent cette histoire pas forcément originale mais plutôt bien ficelée. Le jeu possède une interface « point & click » des plus classique, utilisant uniquement la souris. Mais l'originalité du jeu repose dans son mélange entre recherche d'indices et tour de jeu « en temps réel » où le joueur est pressé par ses poursuivants. Un exemple de ces séquences : Max est poursuivi dans des entrepôts par un tueur. Alors qu'il doit trouver une solution pour s'en débarrasser, il ne peut rester trop longtemps dans la même pièce sous peine de se faire descendre. Le jeu vous met ainsi sous pression pendant que vous réfléchissez. Cette petite touche apporte beaucoup au gameplay et contribue à crédibiliser le sentiment d'être traqué. Même si ces phases de jeu sont limitées par rapport aux phases strictement d'aventure, elles sont très bien faites. Dans l'entrepôt on entend ainsi son poursuivant qui hurle des menaces au fur et à mesure qu'il se rapproche, vous indiquant s'il faut quitter la pièce rapidement ou s'il vous reste du temps pour l'inspecter. L'utilisation d'une "steady-cam" permet de dynamiser la mise en scène notamment lors des scènes de poursuite. La réalisation est d'assez bonne facture tout comme le déroulement de l'aventure qui vous permet d'incarner tour à tour Max puis Adda, une jeune femme qui vient en aide au héros. La difficulté des énigmes n'est pas énorme, d'autant plus qu'à l'instar de leurs précédents jeux d'aventure les développeurs ont intégré un système d'astuces permettant au joueur de ne pas rester bloqué des heures. Le jeu est donc très agréable à jouer, et parfaitement rythmé. C'est un bon thriller haletant dont on est le héros. On parvient notamment bien à s'identifier à Max qui n'est pas un surhomme mais un bon petit gars comme vous et moi. Mais bien évidemment tout n'est pas parfait dans Urban Runner et même si les développeurs ont relativement bien évité le piège des « films interactifs pas très interactifs », le manque d'ambition et de moyens est palpable. Alors que l'histoire est celle d'un Thriller urbain assez bien menée, les séquences vidéos ne dépassent jamais le niveau d'un épisode de Derrick. Le jeu est censé se passer à Paris et pourtant les décors ne sont constitués que d'entrepôts et de banlieues impersonnelles. Les séquences dans un hôtel ibis d'une zone industrielle confirment le statut de feuilleton minable qui vient à l'esprit en visionnant le jeu. Et pourtant l'acteur qui incarne Max n'est pas trop mal (sa voie off est celle de Patrick Poivey, l'acteur qui double Bruce Willis) et la mise en scène ne manque pas de pêche. Dommage que l'équipe ait manqué de moyen pour un peu plus soigner ses décors. Enfin le défaut rédhibitoire du jeu est sa très faible durée de vie proche de 6/7 heures (en ayant visionné 4 heures de film). A comparer avec le prix de 2 billets de cinéma (ce qui fut fait dans la presse de l'époque), Urban Runner s'en sort plutôt mal. Évidemment ce sympathique polar ne connut pas de suite, les films interactifs devenant un genre caduc et Cocktel Vision se tournant exclusivement vers les logiciels éducatifs (Adibou). Urban Runner reste cependant l'un meilleurs essais de « film interactif » et apporta sa pierre à un édifice désormais en ruines... Pour la petite histoire, Urban Runner fût au centre d'une bataille judiciaire opposant l'auteur du jeu à Cocktel Vision. Il leur reprochait en effet d'avoir modifié et même retourné entièrement certaines séquences vidéo sans l'avoir informé ou consulté. Estimant qu'il avait les mêmes droit qu'un réalisateur de film il voulait empêcher la commercialisation de ce jeu « contrefait ». La justice française n'assimila pas Urban Runner à un film et n'empêcha pas sa distribution mais toutefois elle reconnut le préjudice moral de l'auteur. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |