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Space Quest IV : Roger Wilco and the Time Rippers
Année : 1991
Système : Windows ...
Développeur : Sierra On-Line
Éditeur : Sierra On-Line
Genre : Aventure / Réflexion / Point'n click
Par MTF (07 juin 2016)

Exceptionnellement, je vais commencer cet article par une solution de Space Quest IV: Roger Wilco and the Time Rippers. Vous êtes prêts ? Bien. Lancez le jeu, et regardez la cinématique. Voilà ! Ah, par contre, pour finir Space Quest XII: Vohaul's Revenge II et Space Quest X: Latex Babes of Estros, il faudra vous débrouiller seul. Car non : personne ne joue réellement au quatrième épisode de la fameuse saga du concierge le plus aimé de toute la galaxie. Pour servir une longue blague, vous parcourrez en réalité le futur — et le passé ! — de Roger Wilco, futur qui s'avère bien plus sombre que vous ne le pensiez. Faisons tout d'abord un petit récapitulatif de l'histoire jusqu'à présent. Lors de l'épisode inaugural, Roger Wilco avait sauvé la galaxie en faisant exploser le Générateur Stellaire, alors aux mains du peuple Sarien qui ourdissait une sombre invasion de Xenon, votre planète natale. En récompense de ses exploits, Roger se retrouvait, dans Space Quest II: Vohaul's Revenge, propulsé concierge en chef et unique balayeur d'un autre vaisseau spatial. Là, il y fit la rencontre de Suldge Vohaul, qui était en réalité l'instigateur du vol du générateur : légitimement en colère contre Roger, il tenta, en vain de le tuer. Celui-ci s'échappa et après avoir subi une autre aventure, Space Quest III: The Pirates of Pestulon, où il délivra les créateurs de la série (oui...), il se décida enfin à rentrer chez lui.
Chemin faisant, le voilà s'arrêter dans un bar galactique pour s'abreuver et conter à qui veut l'entendre ses nombreux périples. Malheureusement, le repos est de courte durée : des soldats viennent l'arrêter, arme au poing. Il s'agit de sbires de Vohaul, que l'on croyait pourtant mort ! Et tandis que Roger voit sa dernière heure arriver, deux mercenaires viennent à sa rescousse. L'un d'entre eux ouvre une faille temporelle, en baragouinant quelques incongruités à propos d'un avenir incertain. Vous vous retrouvez alors certes sur Xenon, mais rien n'est reconnaissable : les rues sont désertes et les bâtiments ruinés, une tour immense que zèbrent les éclairs domine tout et, en scrutant la barre de statut du jeu, vous vous rendez compte que vous êtes en réalité dans Space Quest XII ! Non de non, quand tout cela s'arrêtera-t-il...

Quelle joie de voir enfin Roger dans toute sa... hmm... « beauté » explorer les ruines de sa planète natale !

Space Quest IV, vous l'aurez compris, poursuit volontiers son travail parodique en explorant cette fois-ci le thème du voyage dans le temps. Les développeurs ont cependant eu l'idée superbe de faire en sorte que ces futurs traversés prennent place dans les prochains, et hypothétiques, jeux de la série : et dans le premier que vous explorerez, Volhaul a conquis Xenon en profitant d'un bug informatique. Il a alors développé une technologie lui permettant de revenir dans le temps : il espère ainsi tuer Roger, le seul incapable qui, grâce à sa chance d'aigrefin, est susceptible d'entraver ses plans.
Du point de vue technique, cet épisode marque, pour le connaisseur, un changement de taille : il est le premier à parfaitement abandonner les commandes textuelles pour ne se jouer qu'exclusivement à la souris. Il reprend alors la barre d'interface (et les boutons « Sentir » et « Goûter » qui font la joie de tous et de toutes) des jeux Sierra, et se doue d'une interface VGA-256 couleurs. Plus encore, la version CD-Rom est intégralement doublée à l'instar de King's Quest V, et le narrateur, encore une fois, se fait incroyablement drôle. Plus que jamais, il faudra tout observer, tout toucher, tout goûter et tout sentir : et tant pis s'il faut recharger ! Après tout, dans le mot « mourir », on entend bien « rire »...

Les graphismes servent agréablement l'univers, et on aura tout intérêt à lire les nombreux textes pour en savoir un peu plus sur l'histoire.

Les aventures de Roger dans sa propre vie composent, vous l'aurez saisi, l'intérêt principal de cet épisode. En l'absence de toute découpe chapitrée, on considérera alors chacun de ces moments comme de grandes zones où l'on devra récupérer divers objets pour terminer l'épisode : notamment, la forteresse de Vohaul et le centre commercial de Space Quest X vous retiendront longtemps tant leurs énigmes sont nombreuses, mais les scènes auxquelles on assiste resteront en contrepartie longtemps en mémoire.
Contrairement à ses prédécesseurs, le déroulement de l'épisode est loin d'être linéaire : et pour peu que le joueur vigilant ait scrupuleusement noté les différents codes temporels, on pourra aisément naviguer entre les époques pour progresser vers la victoire. Pour ainsi dire, le jeu en devient quelque peu plus facile : quand bien même mourrait-on encore régulièrement (sauvegardons, sauvegardons encore !), il y a peu d'endroits dans lesquels on ne saurait revenir à n'importe quel moment. Nous sommes comme dans une sorte de grand bac à sable et on prendra plaisir ainsi à explorer les environnements tout notre saoul, en prenant cependant garde à ne pas être repéré par les séides de Volhaul qui activement encore nous recherchent.

Je serais vous, je noterai le code... À droite la forteresse de Vohaul, à l'architecture complexe.

De toute la série, je trouve cet épisode le mieux écrit me concernant. Chaque réplique, chaque description est l'occasion pour les auteurs de cacher un bon mot : des babes d'Estros que vous avez apparemment trahies dans le passé de votre futur — vous suivez ? — et qui vous en veulent mortellement aux cyborgs hagards qui hurleront s'ils vous aperçoivent, Space Quest IV prend réellement les devants et s'émancipe de la référence gratuite pour proposer un univers rondement construit. Le fait même d'envisager huit autres épisodes, potentiels mais remplis, on l'imagine, d'idées, de planètes, de menaces, fait grandir la taille de ces personnages en en assurant la pérennité, même si elle n'est qu'imaginaire : et de ci, de là, on s'amusera au détour d'une phrase ou d'une archive à reconstituer toute l'histoire qu'il nous manque et que l'on ne retrouvera jamais.
Il en va alors de ces babes, encore une fois, qui reprochent à Roger une infamie dont on ne saura rien mais que vous avez apparemment séduites, on ne sait comment ; ou encore les ordinateurs de Xenon qui vous parlent, confus, d'un jeu mettant en scène un informaticien en mal d'amour, jeu qui aurait annihilé en une nuit toutes leurs défenses. Mieux encore, on pourra revenir dans Space Quest III et Space Quest premier du nom et particulièrement à Ulence Flats, où des bikers n'apprécieront guère vos graphismes m'as-tu-vus.

Une parodie de Loom, et le bar du premier jeu... Rien n'a changé !

Les énigmes, de même, sont à l'avenant : bien que loufoques parfois, elles font surtout appel à un sérieux sens logique qui ne saurait surprendre quiconque. Une fumée de cigare vous permettra de repérer les lasers dangereux et vous aidera à les désactiver ; un déguisement trompera un logiciel de reconnaissance faciale tandis que l'acide brûlera une serrure bien trop complexe à crocheter. Et si jamais vous ne savez point comment avancer, vous trouverez bien quelque part un guide d'astuces pour ce propre jeu et le code de sécurité qu'il vous manque pour accéder au super-ordinateur.
Les scènes d'action sont encore une fois de la partie : la principale, qui vous demande de faire des hamburgers pour gagner quelques sous, n'est pas très intéressante et on la passera sans scrupules ; un peu plus loin, il vous faudra échapper à des gardes tout en flottant dans un puits anti-gravité et c'est sans doute la partie la plus frustrante du jeu tant votre placement dans l'écran doit être exemplaire (les développeurs du jeu eux-mêmes avouèrent ne pas avoir su réussir ce moment-là...). En revanche, la salle d'arcade vous permet de jouer à « Ms. Astro Chicken », suite d'une sorte de jeu d'action déjà présent dans Space Quest III et bizarrement addictive : on n'obtiendra rien en le finissant, mais je demeure agréablement surpris de sa qualité intrinsèque.

La fabrique à burgers, et Ms. Astro Chicken. J'ai passé des heures sur ce dernier !

Sans doute aucun, Space Quest IV est le chef d'œuvre de la saga, évolution naturelle de la première trilogie et aboutissement de l'humour, de l'écriture et du style des deux gars d'Andromède. Bien moins retors que ses prédécesseurs sans pour autant être trop facile, perpétuellement drôle et bien écrit, d'une beauté improbable et musicalement inattaquable dans sa version CD-ROM, il fait partie des meilleurs jeux d'aventure de tous les temps.
Peut-être a-t-il épisodiquement vieilli, et il reste quelques situations bloquantes qui peuvent frustrer inutilement. Je ne pense pas, cependament, que ces défauts soient de nature à diluer durablement notre plaisir, tant le jeu a à nous offrir. Il a été, en son temps, l'un des titres les plus impressionnants du monde du micro, et il demeure encore aujourd'hui l'un des plus aimés de toute la série : il n'est guère difficile de comprendre pourquoi.

Avouez, vous n'attendiez que de les voir, petits sacripants ! En passant et évidemment, c'est là une parodie du jeu d'Infocom, « Leather Goddesses of Phobos ».
MTF
(07 juin 2016)