Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
|
|||
|
Par Laurent (13 décembre 2000) La guerre froide n'est pas finie, loin de là. C'est du moins ce que l'on pourrait croire en jouant à Spycraft (Activision, 1996). Ce jeu d'aventure est une production de 5 millions de dollars entièrement financée et conçue par Activision. Vous y incarnez une jeune recrue de la CIA à qui on a confié la direction d'une enquête secrète sur l'assassinat d'un homme politique russe, candidat à l'élection présidentielle. Celui-ci s'est fait loger une balle explosive dans la tête lors d'un discours électoral en plein air. Votre supérieur vous donne accès aux moyens de renseignement et d'espionnage les plus sophistiqués afin de retrouver la trace de l'assassin, qui semble avoir utilisé une arme d'un genre nouveau, d'une précision diabolique et d'une portée énorme, telle qu'il s'en développe au sein des labos top secret de la CIA. Il pourrait donc avoir bénéficié de complicités au sein des services secrets, voire en être lui-même un membre ou ancien membre. Comme le président américain doit se rendre à Moscou pour signer un nouveau traité de paix avec la Russie, sa sécurité pourrait être menacée et vous devez enquêter sur une éventuelle conspiration visant à faire échouer le traité. Votre enquête vous fait naviguer entre Moscou, les locaux de la CIA et d'autres endroits du globe, et vous bénéficierez de l'aide d'anciens membres du KGB qui vous aideront à infiltrer les arcanes d'un pouvoir russe gangrené par le banditisme et la corruption, à la recherche d'informations. A mesure que vous avancez dans le jeu, le complot se révèle dans son effrayante ampleur. Le scénario est très complexe, et la durée du jeu est conséquente avec 3 CD et une difficulté indéniable. En dépit de l'utilisation de séquences filmées, Spycraft n'entre pas vraiment dans la catégorie des "films interactifs". La présence de comédiens n'est là que pour renforcer la crédibilité des situations, ainsi que des divers instruments et armes montrés. Il faut savoir que le jeu a été conçu avec la collaboration de William Colby, ancien de la CIA, et d'Oleg Kalugin, du KGB, ce qui assure l'authenticité de ce qui est montré. Sans cette référence, il serait difficile de croire à ce que l'on voit dans le jeu, mais apparemment tout est véridique. Quant au scénario, il est l'œuvre de James Adams, rédacteur en chef du Sunday Times de Washington, spécialiste de la guerre froide et auteur de solides romans d'espionnage. L'interface du jeu est très simple a priori, mais elle donne accès à de nombreuses fonctions. La fenêtre principale affiche les séquences vidéos lors des dialogues, et les quelques 400 photos (contenues dans les 3 CD du jeu) utilisées lors des phases interactives. En bas, les objets de l'inventaires apparaissent, ainsi que l'icône d'accès au Weblink, outil sur lequel nous reviendrons plus loin. En fait, l'interactivité du jeu se résume principalement à utiliser des outils technologiques surpuissants afin d'obtenir des informations nécessaires à l'avancée de l'enquête. Les dialogues permettent aussi certains choix de réponses, mais cela ne va pas très loin, le scénario étant très linéaire. En général on ne meurt pas, sauf en de très rares occasion, et on peut sauvegarder sa position à n'importe quel moment. On se trouvera bloqué uniquement si on n'a pas vu passer une information importante, et il est toujours possible de la débusquer puis reprendre la progression. Parmi les outils que Spycraft permet d'utiliser, on trouve : - Le BADMAN : interface qui permet, grâce à une vue satellite, de donner des directives à distance à une équipe d'intervention lors de l'infiltration d'un bâtiment. Tous ces outils vous serviront à progresser dans l'enquête. Par exemple, le Kennedy Assassination Tool, combiné à l'Image Analysis et le Mix and Match, vous aidera à identifier le tueur de l'homme politique russe au début du jeu. On arrive donc à l'Intelink, une sorte de petit ordinateur portable relié à Internet que vous utilisez dans le jeu. Le Weblink, logiciel qu'il lance automatiquement au démarrage, apparaît comme un navigateur web que vous utilisez pour consulter d'innombrables menus, parmi lesquels : - Le Comlink, qui vous permet de communiquer avec les autres membres de l'équipe. L'Intelink vous donne aussi accès aux archives de votre enquête, à savoir les enregistrements des conversations et des découvertes les plus importantes faites. Il indique aussi, et c'est très important, les prochains objectifs à atteindre, et ceux qui ont été remplis. Cette fonction aide beaucoup, car les personnages s'adressent à vous comme si vous étiez "de la maison", et il n'est pas toujours évident de comprendre ce qu'il faut faire. Pour continuer sur l'exemple de l'assassinat du début, après avoir identifié le suspect, le Datalink vous permettra de déterminer quelle arme développée par la CIA il a utilisée. Vous utiliserez ensuite le Security Model pour débusquer l'employé du laboratoire de fabrication des armes de la CIA qui a aidé à dérober l'engin, et l'adresse où ses complices se cachent. Cette petite enquête terminée, vous ferez votre rapport grâce au Comlink, et votre assistant vous informera de la suite de l'enquête, indiquant si la personne que vous avez désignée était la bonne, et si les complices se trouvent là où vous l'avez dit. A noter aussi que vous êtes amené à interroger des suspects, et ceux-ci (souvent des tueurs cruels et sanguinaires, mais aussi des tueuses) sont rarement coopératifs et impressionnables. Réalisme oblige, l'usage de la torture est donc intégré dans le jeu. On n'est pas là pour rigoler, ni pour respecter la loi, mais pour sauver le monde, alors la fin justifie les moyens. Il est toutefois possible de se dispenser de la torture en sélectionnant l'option adéquate dans le menu de démarrage du jeu. Au début de l'aventure, vous serez formé par un instructeur sur des simulateurs. Cette phase est probablement celle où le jeu se rapproche le plus d'un jeu d'action. Le reste du temps, on est dans un jeu d'aventure classique, même si l'usage de l'Intelink donne parfois l'impression que tout est réel. Ce qui fait l'intérêt, et il est énorme, de Spycraft, c'est la crédibilité et l'authenticité. De plus, il est franchement passionnant d'utiliser les divers outils, d'autant plus que leur simulation est très bien rendue. Par exemple, lors de l'analyse du Security Model, ce sont quatre personnes différentes qui sont suspectées, et leur emploi du temps et conversations téléphoniques respectives comportent tous des éléments louches. Vous passerez donc beaucoup de temps à décortiquer ces renseignements, qui vous dévoileront l'existence de ces quatre personnes avec une grande cohérence, même si trois d'entre elles n'ont aucune importance dans le scénario. C'est cette profondeur et ce perfectionnisme qui font de Spycraft un grand jeu. Il y a la de quoi alimenter plusieurs longs métrages, tant l'univers décrit est complexe, et pourtant jamais on ne sent perdu. Les comédiens, quant à eux, sont comme d'habitude dans ce genre de jeu des seconds couteaux, vus dans des films à succès dans des rôles similaires. On aura reconnu Charles Napier (vu dans Le Silence des Agneaux en chef des SWAT, ou dans The Blues Brothers en chanteur des "good ole boys") en sergent instructeur, et le comité directeur de la CIA rappelle furieusement celui aperçu dans les X-Files. La version française est de bonne tenue même si, comme dans Zork Nemesis (qui utilise une interface similaire), le mixage est très mauvais et les voix sont parfois difficilement compréhensibles, noyées dans les effets sonores. On a souvent recours à l'Intelink pour relire ce qui vient d'être dit. Quant aux graphismes, ils sont corrects, tout en accusant l'âge du jeu, notamment à cause des séquences vidéos, très pixelisées, et de la résolution qui refuse de dépasser le 640x480. Spycraft est la tentative la plus réussie de jeu d'espionnage sur micro. On pourra regretter que tout ceci ne sorte pas du cadre d'un scénario linéaire, et ne permette de jouer de petites missions exploitant à fond les différents outils, mais le choix d'un jeu d'aventure donne de l'envergure au projet. Comme tous les jeux basés sur des séquences filmées, Spycraft n'a pas eu le retentissement qu'il méritait, n'a pas été suivi d'extensions ou de add-ons, et le Starcraft 2 que promet son générique final n'a jamais été développé (MAJ : en fait il est sorti 14 ans plus tard). Bien qu'il soit aujourd'hui très difficile à trouver, il serait dommage de finir sa vie d'espion sans y avoir joué. Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |