Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Sebinjapan (16 juillet 2012)
Femme des années 80Elle ne le sait pas encore mais lorsqu’elle rejoint la société Atari en 1978 pour produire des cartouches à destination de la console VCS, Carol Shaw est, selon les informations historiques à notre disposition, la première femme engagée pour créer et programmer des jeux vidéo. Pas que ce soit particulièrement remarquable dans notre société moderne où la parité est de mise, mais à l’époque sa présence au milieu des employés quasi-exclusivement masculins d’Atari attire l’attention du président d’alors, Ray Kassar, qui au cours d’une revue des effectifs lui adresse cette réplique que nos lectrices apprécieront certainement : Y’a pas à dire, il savait y faire pour s’attirer la sympathie de ses employés le gars ! (tous les programmeurs le détestaient ...) Carol Shaw programma d'abord deux titres pour le compte d’Atari : 3D Tic-Tac-Toe, un jeu de morpion en 3D, et Video Checkers, un jeu de dames (NDMTF : Oh! The Irony!). Un troisième titre, Polo, ne sera pas commercialisé. Il s’agissait donc d’un jeu de... polo produit pour faire de la publicité à la marque de vêtements Ralph Laurens. Activision avait été fondé quelques mois plus tôt par des anciens d’Atari en quête de reconnaissance pour leurs jeux, les auteurs demeurant toujours anonymes au sein des productions d’Atari. Parmi eux, il y a Al Miller, l’auteur de Checkers, qui s’empresse de proposer un job à Carol Shaw lorsque cette dernière quitte Atari. Le pont de la rivière (quoi ?)La première idée de Carol Shaw est de réaliser un jeu de tir dans l’espace. Mais au début de l’année 82, le genre est saturé et Activision lui demande de trouver un thème plus original. Elle entreprend alors le design d’un jeu de tir dans lequel le joueur dirige un bateau, placé en bas de l'écran et vu de dessus, qui doit remonter une rivière en évitant ou détruisant de nombreux navires, avions et hélicoptères ennemis. Influencée par Scramble (1981), elle désire que l’action ne se limite pas à un seul écran, mais transporte le joueur dans une longue quête destructrice qui se déroule selon un scrolling vertical (plus facile à programmer sur VCS que le scrolling horizontal de Scramble), avec des décors (îlots, bords de la rivière) qui provoquent une collision mortelle si on les percute. Pendant la programmation, ne parvenant pas à obtenir un sprite représentant de façon convaincante le bateau dirigé par le joueur, elle le remplace par un avion de chasse. Le fait d’avoir une aire de jeu qui dépasse les limites de l’écran, ainsi que des obstacles à éviter (issus du concept premier du jeu dans lequel on était censé diriger un bateau), constituent déjà en soi une bonne base pour obtenir un bon shoot-them-up sur VCS. Mais Carol Shaw va y ajouter une petite idée toute simple, également inspirée de Scramble, qui va rendre le jeu encore plus captivant : la gestion du carburant. Ainsi, au fur et à mesure qu’il avance, le jet dirigé par le joueur consomme du carburant et il s’écrasera si son réservoir se vide complètement, provoquant la perte d’une vie. Pour éviter cette fin tragique, le joueur doit survoler des dépôts symbolisés par le mot FUEL écrit verticalement, ce qui permet de refaire le plein. Mais attention, étant donné qu'on peut influer sur sa vitesse en inclinant le joystick vers l'avant ou l'arrière, il faudra survoler doucement ces zones afin d’engranger un maximum de carburant, ce qui nous expose aux attaques ennemies. Et d’autre part, tout comme les ennemis, ces dépôts peuvent être détruits par nos propres tirs, ce qui en revanche rapporte des points. Le concept apporte ainsi également une mécanique de scoring, le joueur devant choisir entre faire le plein de carburant, ou de points, en espérant accéder à un nouveau dépôt un peu plus loin. Cependant ces derniers se raréfient au fur et à mesure de la progression du joueur, tandis que le tracé de la rivière devient de plus en plus complexe et étroit, de gros îlots venant réduire la liberté de mouvement du joueur. Éviter les collisions avec le décor, abattre (ou éviter) les ennemis (bateaux, avions et hélicoptères) qui traversent sans prévenir, gérer son carburant, et enfin détruire les ponts qui se dressent régulièrement sur sa route, tout cela constitue finalement un concept de jeu vidéo assez simple. Oui, simple et efficace, à condition que la jouabilité soit au point. Pas de soucis de ce côté-là puisqu’il s’agit du gros point fort de River Raid. La maniabilité est tout simplement parfaite. Le joueur voit immédiatement son avion gagner de la vitesse dès qu'il pousse le joystick vers l'avant, et ralentir lorsqu'il le tire vers lui, tandis qu'il se déplace latéralement avec aisance en matraquant le bouton de tir, slalomant entre les dangers et semant la destruction ! La rapidité avec laquelle le jet répond aux sollicitations du joueur est stupéfiante. On retrouve une efficacité finalement pas si courante sur Atari VCS, plus proche de ce que fournissent alors les bornes d’arcade. Une efficacité qui se traduit également par une gestion des collisions exemplaire. Je crois qu’aucun autre jeu sur cette console ne permet de diriger dans toutes les directions un sprite avec autant d’aisance, de fluidité, de plaisir. Du point de vue de la difficulté, River Raid est très abordable. Le début du périple se déroule sur une rivière bien large, peu encombrée d’îlots et sur laquelle les ennemis se déplacent lentement. Très progressivement, les passages deviendront de plus en plus étroits et les ennemis de plus en plus agressifs. Mais bientôt, le joueur habile se concentrera moins sur sa survie et plus sur l’amélioration de son score qui passera par l’éradication d’un maximum de cibles et le sacrifice de quelques dépôts de carburant.
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