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Lords Of The Rising Sun
Année : 1988
Système : Amiga, Windows
Développeur : Cinemaware
Éditeur : Cinemaware
Genre : Stratégie
[voir détails]
Par Magma (23 mai 2003)

Superbe, comme tous les jeux de Cinemaware, s'appuyant sur un background historique passionnant et tourmenté -la guerre civile japonaise du 12ème siècle-, Lords of the Rising Sun a marqué l'histoire des jeux de stratégie en proposant une gestion des combats en temps réel, comme Centurion, et en alternant scènes d'arcade et de réflexion.

Après avoir cassé une demi-douzaine de joysticks à jouer sur Defender of the Crown sur Commodore 64, après avoir crié au génie pendant plusieurs années devant les productions de Cinemaware, j'ai fini par troquer mon petit C64 pour un Amiga. Là, forcément, vous allez me dire : "Mais oui mais oui. Et alors ?". Et alors, je suis resté collé sur mon siège lorsque j'ai vu la version de Defender... Une vraie claque pour mon vieux 8-bits, qui m'a fait regretter de ne pas avoir changé de machine avant. J'avais acheté un petit bundle Defender-Lords of the Rising Sun histoire de pouvoir juger de l'évolution du graphisme et du reste, je n'étais pas déçu.
Forcément fébrile, j'ai inséré la première disquette de Lords of the Rising Sun dans mon lecteur de disquette (dire que Defender prenait deux cassettes double face sur C64 et six minutes de chargement...), et zou, au boulot. L'écran vire au noir, la bande son commence, et la page d'intro s'affiche avec un fading superbe, en ombres chinoises, sans mauvais jeu de mots.

Petit cours d'histoire

Avant de parler du jeu lui-même, il me semble important de décrire le contexte, tant Cinemaware s'est attaché à suivre l'histoire du Japon afin d'immerger le joueur. On confond souvent Samouraïs et Bushis : dans l'imaginaire collectif, le Samouraï désigne le guerrier japonais type, présent depuis toujours et dont la vie est intimement mélée à son arme. Pourtant, le Samouraï n'est apparu qu'au 17ème siècle... alors comment les shoguns se faisaient-ils la guerre ?
Au huitième siècle, Fujiwara Nakamaro, qui dirigeait le clan dominant à la cour Impériale, remplaça la conscription militaire des paysans par des combattants professionnels : la classe des guerriers (Bushis) était née et allait dominer le Japon pendant plusieurs siècles. Peu à peu, les bushis allaient subir le mépris de la noblesse impériale, rafinée, subtile et intrigante, qui les faisait passer pour des brutes sommaires.
Les deux castes se toisent pendant longtemps et l'hostilité est de plus en plus visible, alimentée par les avantages accordés aux nobles par l'Empereur et par le manque de reconnaissance des services remplis par les bushis. En 940, une révolte (Taira no Masakado) est réprimée de justesse. Deux cents ans plus tard, les grands clans guerriers (Bushidan), à l'initiative des Taïras et des Minamotos vont se battre pour le pouvoir, de 1160 à 1185.
C'est dans ce contexte tourmenté que s'inscrit l'action de Lords of the Rising Sun. Vous incarnez l'un de deux demi-frères, Yoritomo ou Yoshitsune, représentants du clan Minamoto qui instaurera le Bakufu (gouvernement militaire) au Japon, créant une aristocratie combattante (Buke) en face de la noblesse de cour (Kuge). Pour l'instant, vous n'en êtes pas là : après une défaite, votre père disparaît, et vous voilà aux commandes d'un clan en pleine débâcle, qui cherche à faire face au Taïras.

Et le jeu dans tout ça ?

La première originalité du jeu apparaît dès la création d'une nouvelle partie : vous devez choisir entre Yorimoto (dans ce cas, le jeu sera entrecoupé de scènes d'actions, ou vous devrez, par exemple, faire face à un ninja envoyé pour vous assassiner) et Yoshitsune (stratégie pure). L'écran de choix présente les visages des deux demi-frères, de profil, face à face. Lorsque vous bougez votre souris vers l'un, l'autre ferme les yeux... un exemple de petit détail qui souligne le souci de Cinemaware de réaliser de vrais "films interactifs".
L'un éclipse donc l'autre ? c'est en partie vrai, puisque Yoritomo et Yoshitsune ont tout d'abord combattu ensemble, avant que Yoritomo, jaloux de la popularité de son frère, ne le force à une guerre fratricide, puis à se suicider.
Une fois le choix fait, on entre dans le jeu lui-même. La carte du Japon de 1160 s'affiche alors. Les troupes sont symbolisées par des hommes à pied portant l'étendard du clan. Une troupe est dirigée par un général, qui améliore ses compétences au fil des combats.
Si on compare le jeu aux autres titres du même genre sortis à l'époque, l'aspect gestion des armées et des généraux est assez complet. Les généraux ont ainsi une capacité à assiéger les villes et places fortes, à commander leurs troupes et à décupler leur efficacité, etc. Les armées, quant à elles, sont caractérisées par leur nombre d'hommes et leur moral ou fatigue. Les monastères, les villes, les villages permettent à celles-ci de se reposer et d'enrôler de nouvelles recrues.

Les deux clans Taïra & Minamoto ne sont pas seuls : au début de la partie, de nombreux clans non-alignés sont présents dans la carte et se battent aussi pour prendre des terres. La force de LOTRS, de ce côté-là, est de proposer une intéraction avec les leaders de ces clans mineurs. Ainsi lors d'une rencontre, il est possible de tenter de les ralier à votre bannière, de décider de les combattre ou de les laisser passer sans encombre. Cet aspect se retrouve aussi lors de l'arrivée dans un village, puisqu'il est possible, lorsque les habitants ne sont pas sous votre tutelle de les laisser en paix ou de prendre d'assault le hameau. On se retrouve donc immergé dans un monde qui n'est pas "tout blanc ou tout noir", plus nuancé, et on reste scotché derrière son écran pendant de longues heures (à noter qu'une sauvegarde est prévue, une option encore sur l'Amiga à l'époque). Autant le dire tout de suite : il est inutile de lancer une partie si vous n'avez qu'une petite demi-heure devant vous... Le jeu est long, très long, et dure souvent plus de quatre ou cinq heures, même en étant habitué ! Encore un bon titre qui vous fera vivre de nombreuses nuits blanches, car l'intérêt est sans cesse renouvellé : les armées ne se déplacent pas toujours de la même manière, les clans mineurs peuvent refuser une alliance pendant une session et l'accepter à la suivante, etc.

Attention à vos généraux ! Effectivement, lors d'une bataille, si vos troupes sont malmenées et perdent beaucoup d'hommes, elles auront tendance à prendre la fuite et si leur moral est en berne, votre général, insuffisamment protégé, pourra se faire tuer. Cela signifie non seulement la perte d'un leader mais aussi la dissolution de l'armée... ouille !
Enfin l'Empereur peut vous accorder une audience... mais je m'exprime mal : par "vous" j'entends ici "vos généraux". C'est à dire qu'une n'importe lequel des leaders de votre clan peut demander cette faveur, mais peu l'obtiennent. Il faut avant cela remporter de nombreuses victoires sur l'ennemi. Ces audiences augmentent le prestige du personnage et donc son leadership.

Stratégie, ok, mais il est où le doomlike ?

Nulle part ! Les scènes d'actions, au nombre de cinq, sont dans le pur style Cinemaware : entre les batailles, la course à cheval pour tuer un général adverse, la prise d'un chateau, la défense de ce même chateau et le combat contre un ninja, ceux qui aiment seront servis.
Les batailles se dirigent à la souris - les hommes avances en ordre, un peu dispersé (allez essayer de maintenir une ligne parfaite, je n'ai jamais réussi...), sont animées, et sont un pur régal ! Quel bonheur de voir des bushis aussi finement dessinés (au vu du nombre de pixels utilisés, c'est un exploit !), de les observer marcher, puis courrir et enfin se battre... Les sons suivent, avec des "argh" marrants comme tout. Il existe deux types de troupes , les archers tirant de loin sur tout ce qui bouge, et les bushis qui se battent au sabre.
La course à cheval n'apparaît que lors d'une large victoire de votre part sur l'adversaire. Il s'agit alors d'éviter des rochers, des arbres et des bushis adverses (vous pouvez toujours les décapiter d'un coup de sabre, c'est pas propre mais ça défoule...) avant de rejoindre le général adverse pour le tuer. Originalité de la scène : la vue en 3D isométrique qui rappellera des souvenirs aux adeptes de Last Ninja 2.

La prise d'un château est euh... bizarre : vous avez une mini bouillie de pixels jolis jolis (un petit bushi sabre au clair) en main, et vous devez courir dans le château pour en trouver le coeur, avant la fin de la journée. C'est donc une course contre la montre pas évidente du tout, et à vrai dire assez mal animée. Les ennemis sortent de partout et vous vous retrouvez facilement submergé, à courrir dans tous les sens et à laminer des portes à coup de tachi.

La défense d'un château vous propose de vous entrainer à l'art difficile du tir à l'arc. Que ceux qui se souviennent du concours d'archerie d'Iron Lord d'UbiSoft, c'est un peu la même chose, en moins précis.
Enfin, lors d'une tentative d'assassinat (uniquement si vous avez choisi Yoritomo), vous tenez votre sabre devant vous et vous essayer de parer les shurikens envoyés par le méchant-mauvais-néfaste-pourri ninja. Je reprendrais ma remarque précédente sur Iron Lord : souvenez-vous des combats contre les chevaliers renégats sur les routes, et vous aurez une idée de ce qui vous attend. Pour les plus jeunes d'entre vous ("jeune" va faire rire, puisque le jeu que je vais nommer a tout de même une dizaine d'années...), Heimdall proposait le même système.

En conclusion...

Lords of the Rising Sun est définitivement un excellent jeu, beau, prenant, et surtout peu répétitif, pour qui aime la stratégie et les jeux où l'on peut observer ce qui se passe à l'écran sans cliquer comme un furieux. Par la suite, Realms ou Battle Isle ont repris le flambeau, mais LOTRS reste à mon avis le jeu de stratégie sur Amia ou ST le plus passionnant, ou plus exactement celui qui réussit le mieux à nous immerger dans un monde irréel.

Magma
(23 mai 2003)
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