Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par MTF (31 octobre 2016)
Il y a de cela quelques années, dans ce qui fut l'un de mes premiers articles pour Grospixels, j'évoquais la série des Runaway, composée de trois jeux d'aventure développés par Péndulo Studios, sis en Espagne. Ces trois titres, outre d'avoir redoré au début des années 2000 le blason de l'interface point'n click, jouirent d'un immense succès mondial et firent connaître ce qui n'était alors qu'une compagnie surtout réputée au sud des Pyrénées. J'évoquais aussi dans cet article, chemin faisant, leurs premiers faits d'armes, et notamment Hollywood Monsters, inédit partout ailleurs : j'y reviens maintenant, puisque The Next BIG Thing, appelé Hollywood Monsters 2 en Espagne, n'en est jamais qu'une suite. Les deux épisodes des Hollywood Monsters prennent place dans un monde mi-historique, mi-fantastique qui ravira les fanatiques du cinéma de genre. Dans un pays qui emprunte beaucoup à l'esthétique et à l'esprit des États-Unis des années 60, les monstres que l'on peut voir dans les films d'horreur sont de véritables acteurs, des êtres difformes qui sont connus pour leur jeu facétieux. Les momies sont de véritables cadavres réanimés par la magie, les vampires sont assoiffés de sang, les professeurs fous ont vraiment été changés en mouches humanoïdes.... Bref, songez un peu à toute la galaxie des films Hammer qui, de la première moitié des années 1950 aux années 1970, ont remis sur le devant de la scène qui Dracula, qui la créature de Frankenstein, qui les monstres des marais, ceux-là même qui faisaient le bonheur des tout premiers cinéphiles de l'histoire du septième art. The Next BIG Thing a du reste, en plus de cet univers, une intrigue, du moins à son commencement, assez similaire à celle du premier épisode : deux journalistes travaillant pour The Quill (« La plume ») de Los Angeles sont dépêchés à une grande sauterie de monstres, organisée ici par William A. Fitzrandolph, monstre lui-même et directeur de la MKO, le plus grand studio de films d'horreur du monde. Problème s'il en est, ces deux journalistes ne s'apprécient guère : le premier, Dan Murray, est un rustre journaliste sportif ne jurant que par la boxe et le baseball, et envoyé là par son patron pour le punir d'une faute mystérieuse ; la seconde, Liz Allaire, est une débutante délurée et plutôt folle dont le zèle insupportable pourrait lui permettre, croit-elle, de se faire un nom. Si ce n'est cette petite modification, le jeu est on ne peut plus proche, en esprit et en mécanismes, de la saga des Runaway et notamment de Runaway 3: A Twist of Fate. Les graphismes reprennent ce mi-chemin entre dessin et trois dimensions, les musiques sont agréables, les doublages très réussis. On retrouve également des facilités de gameplay qui permettent de mieux guider les nouveaux arrivants et l'on pourra alors choisir, en début de partie, d'illuminer les zones interactives de l'écran pour faciliter la chasse au pixel ou de débloquer une série d'indices nous dirigeant vers la solution de l'énigme en cours. On a là encore des tableaux d'objectifs, qui viennent récapituler les micro-problèmes auxquels nous sommes confrontés (ce qui est bienvenu si l'on quitte le jeu au milieu d'un chapitre), et quelques ingéniosités concernant la façon dont les objets d'inventaire sont présentés et considérés, mais je vous en laisse la surprise. C'est là, à ce qu'il me semble, la très grande qualité de ce jeu. Les personnages jouables de la saga Runaway étaient d'ores et déjà truculents, et je parlais à l'époque déjà longuement de la façon dont cela participait à l'immense plaisir que l'on ressentait souris en main : mais ils en deviendraient presque diaphanes aux côtés de Dan et de Liz. Murray est un sportif goujat, misogyne et dragueur, aimable par ses défauts et détestable pour ses rares qualités ; Liz est pétulante et incohérente, bonhomme et énergique. Elle fait partie à présent de mes héroïnes préférées et je trouve, toutes proportions égales par ailleurs, que c'est l'une des femmes les mieux écrites du média, qui parvient à avoir un caractère autre que celui d'être la simple caution féminine de service. Liz, au regard de ce qu'on observe souvent, est non seulement intelligente, mignonne, décidée et spirituelle, mais elle est aussi drôle, burlesque même, sans pour autant devenir laide ou ridicule, ce qui est un exploit à souligner en ce domaine. Ce n'est pas une déception aussi forte, mettons, que le troisième épisode de la saga Runaway dont l'histoire peinait à s'articuler avec ses prédécesseurs et qui nous faisait miroiter mille personnages pour, finalement, n'en traiter qu'un ou deux. Ici, les lieux sont très distincts les uns les autres, les personnages, peu nombreux certes, sont néanmoins tous développés et se libèrent de leur rôle de panneau indicateur, enfin l'intrigue, rondement menée, commence et se termine sans heurt et de façon satisfaisante. Cette impression de facilité se rencontre également dans l'univers construit et son histoire, malgré ses qualités : ainsi, on rencontre moult personnages qui ont tous un potentiel monstrueux (un robot dépressif, un chupacabra, un homme invisible ou une créature de Frankenstein) mais qui, finalement, ne seront pas mis plus que cela en avant. Ce n'est pas qu'ils sont sous-exploités, ils ne sont tout simplement pas utilisés, ou alors à la marge : cela donne une impression étrange, comme si nous observions ce monde par le petit bout de la lorgnette alors qu'un univers immense nous attendait. On le reconstruira certes en esprit, mais on sera surpris de la célérité avec laquelle tout cela est traité. Peut-être que les développeurs n'ont-ils pas voulu trop en faire, et on sait que l'abus, dans Runaway 3, de la parodie de Vol au-dessus d'un nid de coucou n'était pas toujours bienvenue ; de plus, l'univers de The Next BIG Thing étant parodique en et par lui-même, peut-être que des références supplémentaires auraient nécessairement alourdi l'ensemble. Même si la chose est alors globalement réussie, cette sensation d'inachevé ne m'a pas quitté lorsque je vis le générique de fin ; et s'il est toujours bon signe de se dire, en sortant d'une œuvre, qu'on en aurait voulu davantage, ce phénomène couplé à la faible durée de vie du jeu transforme le tout en petite déception, que je ressens davantage qu'un autre sans doute puisque je suis un grand admirateur du travail de Péndulo Studios dans son ensemble. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (3 réactions) |