Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Jean-Christian Verdez (15 juillet 2024)
Si je vous dis "Titanic", normalement vous pensez à deux choses : un bateau qui coule, et un film qui cartonne. Par conséquent, si je vous dis qu'un jeu en rapport avec le Titanic est sorti à peu près en même temps que le film, vous pensez surement à un jeu à licence douteux, ou a une tentative opportuniste de vendre un produit vidéo-ludique douteux aussi. En tout cas, c'est ce que moi j'avais pensé au moment de la sortie chez nous de Titanic ~ Une Aventure Hors du Temps, en pleine Titanic-mania. Ayant été personnellement agacé par la médiatisation disproportionnée du film en cette fin 1997/début 1998, au point de n'aller voir le film que deux ans plus tard (oui, il était toujours diffusé dans un cinéma près de chez moi), j'avais balayé d'un revers de la main ce jeu dont je ne voulais pas entendre parler, lui préférant Les Chevaliers de Baphomet et sa suite, aux aussi sortis à cette période... L'histoire pourrait s'arrêter là, mais nous voilà maintenant fin mai 2020, alors que je termine Timelapse (un bon Myst-like dont il faudra qu'on reparle un de ces jours), je décide de me renseigner sur son développeur et son éditeur. Et non seulement je retrouve ce fameux Titanic dans la liste de leurs productions, mais en plus il semble auréolé de critiques étonnamment positives, et d'une popularité persistant malgré les années. Intrigué par la situation (on ne peut pas dire que les jeux à licence des années 90 soient spectaculaires en règle générale), je profite de soldes dont seules les boutiques de jeux dématérialisés ont le secret, et je finis enfin par monter à bord, presque 23 ans plus tard... L'histoire commence à Londres en 1942, pendant le Blitz. Vous êtes un agent secret britannique, mis à la retraite prématurée suite à une mission échouée en 1912. Soudain, une bombe tombe sur la maison, et un flash vous propulse dans le passé ! Et si les choses avaient été différentes ? Et si vous aviez réussi votre mission à l'époque ? Et si vous pouviez réécrire le passé, et changer le futur ? Vous revoilà alors jeune agent, en mission le soir du 14 avril 1912, sur le Titanic. Votre objectif est de récupérer un livre de poésie perse, le Rubáiyát, récemment volé et possédé par un colonel allemand douteux... De fil en aiguille, vous découvrirez que cet objet est à l'origine d'une série d'événements qui mèneront, deux ans plus tard, à la 1ère guerre mondiale... Il était temps, petit navire !Ce jeu n'a donc absolument rien à voir avec le film de James Cameron. Et même si sa date de publication a surement été calculée pour coïncider avec la hype autour du blockbuster américain, cela ne change rien au fait que les développeurs ne nous proposent pas un jeu bouclé à la va-vite ! Au contraire, il y a beaucoup de choses intéressantes ici. Déjà, Titanic possède un scénario original et solide ! Pas question de tout spoiler ici, mais l'intrigue est très bien ficelée, en particulier pour un jeu d'aventure non linéaire où vous pouvez vous promener partout. Le paquebot a bénéficié d'une reproduction assez fidèle, ce qui a néanmoins l'inconvénient de ses avantages : qui dit décors fidèles dit aussi lieux qui se ressemblent tous un peu. Eh oui, sur un bateau, rien ne ressemble plus à un couloir qu'un autre couloir, et il arrivera sans doute une fois ou deux que vous ne sachiez plus exactement où vous êtes. Ceci étant, on n'est pas non plus dans un labyrinthe, et la carte vous aidera à vous y retrouver, de même que certains membres d'équipage que vous croiserez ici et là. Autre point fort, ce jeu d'aventure à la première personne fonde en partie son gameplay sur le temps réel ! Et brutalement, Titanic rappelle un autre jeu, The Last Express. À vrai dire, il est même étonnant de constater à quel point ces deux jeux ont des similitudes :
En ce qui concerne la notion de temps limité, là où The Last Express impose un temps réel impitoyable, Titanic opte pour une approche beaucoup moins radicale. Durant la majeure partie de l'aventure, le temps réel est en fait une illusion telle qu'on la trouvait déjà dans un jeu Amiga qui a peut-être inspiré les développeurs, Croisière pour un Cadavre : en bas de l'écran, votre montre indique une heure précise (ex: 22h15), et en dépit de ce que laisse croire la trotteuse qui égrène les secondes, l'heure reste fixe. Elle évoluera par à-coups (ex: vous avancerez de 15 minutes d'un seul coup, passant ainsi à 22h30), et uniquement lorsque vous aurez conversé avec certains personnages, ou résolu certains puzzles. Mais attention, le jeu n'est pas linéaire pour autant ! À l'image des deux autres jeux précédemment cités, et selon les actions clef que vous effectuerez en priorité, l'heure pourrait tout-à-fait avancer au point de vous faire passer à côté de certaines opportunités. Des personnages auront peut-être changé de place, modifiant ainsi les dialogues voire les rendant indisponibles. Idem pour certains objets, qui ne seront peut-être plus accessibles ou, au contraire, faciles à récupérer. Rassurez-vous, de ce que j'ai pu expérimenter au fil des parties (ainsi qu'en comparant mon expérience avec quelques let's play trouvés sur Youtube), il n'y a à priori aucune situation irrécupérable avant assez tard dans le jeu. Par exemple, dans ma partie, je suis arrivé trop tard pour récupérer un objet crucial pour l'intrigue (un tableau stocké dans les cales). J'ai toutefois eu l'opportunité de remettre la main dessus plus tard, pendant le naufrage. De façon générale, en restant attentif et en récupérant les objets dès que possible, tout devrait bien se passer. Par exemple, vous apprendrez à un moment que le Rubáiyát tant convoité se trouve à un endroit précis. Dès que vous aurez l'information, ne trainez pas et allez le chercher ! Ne prenez pas le risque de faire avancer l'heure en discutant avec tout le monde ! D'ailleurs sur place, vous rencontrerez surement un énigmatique clandestin serbe qui a besoin d'un service (un simple aller-retour pour transmettre un message en 1ère classe, qui est important pour la suite de l'histoire). Ne vous laissez pas distraire, et avant toute chose, trouvez le bouquin et changez-le de cachette. Sinon, lorsque vous reviendrez, il aura été pris par quelqu'un d'autre (À ce stade du jeu, la "bonne fin" est toujours possible, mais disons que ça complique les choses...). Bref, restez focalisé sur vos objectifs : vous êtes en mission, pas en croisière ! Comparé à The Last Express, j'ai été beaucoup plus à l'aise avec cette approche du temps "réel mais pas trop", car tant qu'on ne fait rien d'important et qu'on n'initie pas de conversation, le temps se fige et on peut se promener à sa guise sur le bateau, profiter des décors et se familiariser avec les lieux. The Last Express, avec son temps continu véritable, avait comme effet de vous inciter à la précipitation et de toujours vous donner l'impression d'avoir loupé quelque chose d'important... Régulièrement dans Titanic, il faudra résoudre des puzzles. Jamais trop durs et toujours gratifiants, ils apportent de la diversité et de l'intérêt car ils sont toujours cohérents, aussi bien avec leur environnement qu'avec le scénario ! En de plus rares occasions, il y aura des phases uniques impliquant d'autres personnages, prêts à vous aider en échange d'un service ou d'un défi, comme par exemple de les battre à une ultime partie de poker alors que le bateau coule ! (Un moment bien stressant car le temps vous est compté, dans tous les sens du terme). Plus globalement, les passagers se montreront plus ou moins utiles ou bavards. On appréciera l'effort apporté aux différentes voix, réussies, ainsi qu'au travail d'écriture pour apporter de la vraie personnalité à chaque passager. La carte permet d'effectuer des voyages rapides entre certains lieux spécifiques, histoire de faciliter les déplacements. Cependant, il ne faut pas négliger l'importance d'apprendre et retenir l'architecture des lieux, car lors de la dernière phase du jeu, le voyage rapide sera désactivé ! Notez aussi que dans les options, Titanic propose un mode promenade, durant lequel tout le navire est visitable à loisir, et les personnages placés ici et là vous feront un topo sur l'historique du Titanic (avec photos d'époque en illustrations). C'est un autre point commun avec The Last Express : un gros travail de recherche pour l'aspect historique, aussi bien pour le bateau que pour le contexte de l'époque. Fluctuat nec mergitur... Ah bah si, en fait.Le dernier acte du jeu est différent : il débute à 01h05 du matin, dans votre cabine, alors que le naufrage est en cours. Le dernier canot de sauvetage quittera le Titanic à 02h00 tapantes. Autrement dit, vous avez au maximum 55 minutes, cette fois en temps réel, pour boucler votre mission ou/et quitter le navire. Il vous faudra de plus trouver une place dans un des canots, ce qui ne sera pas si simple puisque vous n'êtes pas le seul à vouloir vous en sortir ! Selon la situation en fin de partie, vous obtiendrez l'une ou l'autre des 8 fins possibles, la plupart proposant des alternatives historiques très radicales. Pour résumer et sans donner trop d'informations susceptibles de vous gâcher l'expérience, il y a 4 objets de première importance dans le scénario : le Rubáiyát, un tableau, un collier, et un carnet de notes (à vous de découvrir pourquoi ils sont importants). Pour obtenir la meilleure fin possible, il vous faut quitter le navire en vie, avec les quatre objets en votre possession. Des graphismes étonnantsConcernant l'aspect visuel, les développeurs ont adopté une solution plutôt insolite. Les personnages que vous croisez sont joués par de véritables acteurs, incrustés dans des décors fixes en 3D pré-calculée. Mais afin d'éviter la solution habituelle du Full Motion Video, très gourmande en place, le jeu opte pour des acteurs photographiés avec différentes expressions faciales qui s'enchainent très rapidement pour simuler les mouvements des lèvres, clignements des yeux, et autres subtilités du langage non-verbal. Le résultat obtenu ne plaira pas à tout le monde. On est à mi-chemin entre South Park et un visual novel. Bien que se voulant réaliste, cela donne un aspect légèrement comique au résultat...En contre-partie, cette méthode très économique en taille a permis d'augmenter le nombre de dialogues et de personnages, bien au-delà de ce qu'on aurait eu avec la solution habituelle de la Full Motion Video, puisque tout le jeu devait tenir sur deux CD-Rom. Pour ma part j'ai trouvé ce compromis très original et plutôt bien vu. Sauve qui peut ?En conclusion, j'ai beaucoup apprécié ce Titanic : Adventure out of Time (NB: j'y ai joué en anglais sous-titré, seule version disponible sur GOG et Steam, mais une version française a existé, distribuée chez nous en 1997, soit environ un an après la sortie du jeu aux USA...) L'aspect "temps limité", idée stressante par nature, n'est au final pas trop perturbante et permet de rester concentré sur l'aventure. Quant à la toute dernière partie du jeu, en temps réel, il suffit de sauvegarder juste après la collision du bateau avec l'iceberg et, au pire, on pourra toujours recharger au tout début de la séquence et ainsi profiter de l'expérience acquise lors des précédentes tentatives, et optimiser sa partie. De toute façon, ce temps de 55 minutes reste suffisamment raisonnable pour qu'on ne soit pas découragé à l'idée de tenter un nouvel essai si les choses se sont un peu trop mal goupillées ou/et que l'on a l'impression d'avoir été trop lent. Et puis quoi qu'il en soit, ce délai reste amplement suffisant pour faire tout ce qu'il y a à faire avant de quitter le navire... Ou du moins ce qui peut encore être fait, car à ce stade, il est possible que les quatre objets ne soient plus tous récupérables. Je sais d'expérience qu'on peut encore trouver le tableau et le carnet, mais en ce qui concerne le collier et le livre, j'en suis moins sûr... Pour finir, sachez que Titanic : Adventure out of Time, sans doute indirectement aidé par le carton du film de Cameron, s'est vendu à 1.5 million d'exemplaires ! Pas mal pour l'histoire d'un naufrage...
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