Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Jean-Christian Verdez (03 mai 2002)
« Le Golden Warpship était l'un des plus puissants navires spatiaux de la flotte galactique de Solar Jetman. Mais c'était avant que des pirates ne s'en soient emparés lors de sa dernière mission. Maintenant, il gît démonté, en 12 morceaux dispersés partout dans la galaxie, et Jetman est le seul à pouvoir les récupérer ». Bon, au moins le mode d'emploi du jeu était assez clair à ce sujet, l'univers entier compte sur vous alors maintenant au boulot ! C'est le challenge proposé par Rare à ceux qui souhaitent privilégier l'exploration à la destruction massive. Succès d'estime pour un jeu riche qui mérite amplement d'être (re)découvert. En fait les ventes modérées et surtout l'injuste absence de reconnaissance (disons plus simplement « oubli ») de ce jeu de la part des joueurs avides de souvenirs du temps passé est d'autant plus déroutante que Solar Jetman était à l'époque déjà espéré par quelques illuminés fans de la première heure : en effet, sorti sur la 8bits de Nintendo en 1990, nous somme en présence du 3ème épisode d'une série initiée sur ZX spectrum par Jetpac en 1983 puis Lunar Jetman peu après. Les deux premiers volets étaient aussi l'œuvre de Rare (alors baptisée Ultimate - play the game comme vous avez déjà pu le lire dans les articles consacrés). Notons cependant qu'à l'origine, ce troisième épisode n'avait pas pour vocation d'appartenir à cette série. En effet, le concept initial est l'œuvre de Zippo Games, petite boite indépendante qui travailla en étroite collaboration avec Rare sur plusieurs jeux NES comme Wizards & Warriors II et III, et qui sera finalement rachetée et rebaptisée Rare Manchester. Initialement donc, le jeu s'appelait Iota et était un projet original, bien qu'il s'inscrive finalement assez bien dans l'évolution de la saga Jetman, surtout si on repense à Cyberun, un autre jeu Spectrum signé Ultimate et qui sous certains aspects peut faire office de chaînon manquant entre Lunar Jetman et Iota/Solar Jetman... Bref, voilà notre héros parti à la recherche des morceaux du Golden Warpship, perdus sur des planètes toutes plus hostiles les unes que les autres. Chaque fois que le vaisseau d'attache se pose sur une planète, vous en sortez à bord d'un jetpod afin de compléter les objectifs suivants : trouver du fuel pour remplir les réservoirs du vaisseau (c'est fou ce que ça consomme, ces trucs-là), ensuite chercher le mini trou noir qui conduira là où est caché l'une des parties du Golden Warpship, et enfin quitter cette planète pour en visiter une autre. Accessoirement, il sera possible de récolter des diamants ou autres bibelots extraterrestres (l'espace est d'ailleurs un drôle de dépotoir car on dégote de tout et n'importe quoi : cabines téléphoniques anglaises, bananes, têtes de l'île de Pâques, vieux ordinateurs qui ne sont pas sans rappeler les machines sur lesquelles les programmeurs de Solar Jetman ont sans doute fait leurs preuves, etc.). Seuls les doses de fuel et les morceaux du vaisseau légendaire sont indispensables, mais ne sous-estimez pas l'importance des autres objets car une fois acquis ils rapporteront, en fonction de leur valeur, un certain nombre de crédits grâce auxquels il sera possible d'acheter différentes armes ou autres bonus permettant d'améliorer le Jetpod, voire même l'achat de modèles plus maniables (il existe en tout 3 types de pods). Tout l'intérêt de Solar Jetman repose sur son gameplay. D'une part, votre jetpod fait preuve d'une très grande inertie. Il est donc déconseillé de foncer droit devant soi à pleine vitesse car si une paroi se dresse soudain devant vous, c'est la collision assurée. D'autre part, chaque planète possède une attraction différente. De ce fait, sur certaines d'entre elles vous serez irrésistiblement attiré vers les profondeurs, sur d'autres vous aurez au contraire tendance à vous envoler au moindre choc. Pour corser le tout, votre jet a une autonomie limitée : chaque utilisation de vos réacteurs, chaque choc, diminue votre barre de résistance. Il faudra donc jouer au maximum avec l'inertie de l'appareil pour ne pas user trop vite votre énergie. Si celle-ci tombe à zéro, le pod explose et vous vous retrouvez à pied (enfin, en scaphandre). Le personnage est alors beaucoup plus maniable, mais aussi extrêmement vulnérable. À noter qu'à chaque fois que vous rejoignez le vaisseau d'attache, l'énergie est remise à fond. Très rapidement dans le jeu on peut découvrir un bouclier qui, lorsqu'on l'active, diminue fortement les dégâts en cas de choc, puis un peu plus tard des propulseurs plus performants, qui consomment plus d'énergie mais permettent une maniabilité accrue. Concernant la récupération d'objets, il faudra fouiller chaque planète de fond en comble. Pour ramasser un objet, il suffit de s'en approcher suffisamment (le bouclier doit être désactivé). Là, un rayon tracteur se déclenche et il ne reste plus qu'à traîner le magot jusqu'au vaisseau principal. Ici encore, les objets ont leur propre poids et leur propre inertie, ce qui complique sérieusement la tâche. D'autant que lorsque vous tractez un objet, il est impossible d'activer le bouclier en même temps. Heureusement on peut lâcher l'objet n'importe quand et venir le chercher plus tard (il restera à l'endroit laissé, indépendamment de la gravité. En cas de danger vous pouvez donc le lâcher brutalement sans craindre de le voir continué sa route à cause de l'inertie - ce n'est finalement pas très logique, mais ce n'est pas plus mal). Des ennemis de toutes sortes parsèment votre route, et certains donnent vraiment du fil à retordre. Des robots tireurs accrochés aux rochers, des canons laser surpuissants, et même des sphères de gravité qui attirent ou repoussent leur victime... Le jeu est aussi truffé de warpzones et niveaux bonus. Il existe même 2 planètes supplémentaires, qui sont en réalité des raccourcis/chemins alternatifs. Les musiques sont longues et assez planantes, même si certaines peuvent vite devenir stressantes. La musique du dernier niveau est complètement différente, bien plus rythmée, mais le niveau est lui aussi très différent (voir plus loin). Les graphismes sont plutôt colorés (la palette NES type, que personnellement j'adore) et certains niveaux sont immenses, renforçant une immersion déjà importante grâce à cette petite prouesse technique qu'est l'affichage de chaque niveau en entier : souvent sur NES, les jeux nantis de grands niveaux subdivisent ces derniers en « salles » (le scrolling s'arrête pour permettre au personnage de quitter l'écran par la droite, et de réapparaître à gauche pour la suite du niveau, ou bien il faut franchir des portes, permettant un imperceptible chargement des nouvelles données). En revanche dans Solar Jetman, on se déplace dans toutes les directions, sans aucun interruption, dans des niveaux dont la surface atteint plusieurs centaines d'écrans. Ah, j'allais oublier les sauvegardes : comme très souvent sur cette console, il n'y en a pas, mais à chaque nouvelle planète vous aurez un mot de passe. Pour l'anecdote, à l'époque un petit malin avait réussi à trouver et expliquer comment étaient générés les mots de passe (du genre les deux premières lettres représentent le nombre de vie en hexadécimal, et sont forcément un multiple des trois suivantes, etc. Je n'ai malheureusement pas pu retrouver le système de décodage en question) Moyennant quelques calculs, on pouvait alors commencer où l'on voulait, avec les crédits et les options de son choix. Cela occasionnait parfois aussi des bugs redoutables... Une fois le Golden Warpship reconstitué, une ultime épreuve vous attend : la dernière phase du jeu est un shoot'em up ! Ce changement est extrêmement déroutant, d'autant que c'est un passage assez difficile et que vous n'avez qu'une vie. En cas d'échec, il faudra recommencer à explorer la 12ème planète depuis le début (et croyez-moi, le niveau en question est loin d'être une partie de rigolade), ceci dit, quel plaisir de parvenir à ses fins. Finalement, Solar Jetman est un jeu long et assez difficile, qui plaira avant tout à ceux qui aiment explorer et contempler des mondes hostiles pendant des heures. Des portages de Solar Jetman ?On a évoqué un temps la possibilité non pas d'un quatrième volet à la série, mais d'adaptations de Solar Jetman sur d'autres supports, notamment du côté des micro-ordinateurs. Ainsi, la version Amiga aurait été sans nul doute la plus intéressante de toutes de par les capacités théoriques de la machine. Plus impressionnant vue la prouesse technique que cela sous-entends, une version ZX Spectrum fut évoquée par le magazine Crash, mais ces versions restent pour l'instant dans le domaine du rêve de joueur... Pourquoi « pour l'instant » ? Eh bien parce qu'il arrive parfois qu'un jeu prévu, puis annulé, réapparaisse comme par magie quelques années plus tard et soit dumpé puis distribué en ROM sur le net. C'est évidemment dans ce genre de cas que des mots comme « émulation » ou « abandonware » prenent un sens particulièrement savoureux, et c'est exactement ce qui s'est produit sur Commodore 64. Le site Game That Weren't 64 (GTW) est dédié aux jeux C64 qui ne sont jamais sortis « à l'époque », malgré un état de développement parfois très avancé, et qui sont « retrouvés » plus tard et distribués pour le plus grand plaisir des joueurs. Le magazine Zzap, dédié au C64, parla à l'époque tout comme son confrère Crash des possibles portages de Solar Jetman sur ordinateurs. Histoire sans suite jusqu'au jour où des années plus tard, Martin Holland, ancien employé de Software Creations (à qui l'on doit des jeux comme Solstice et Equinox) prend contact avec GTW et annonce que le jeu a bien été intégralement converti pour cette machine ! Au développement, on y trouve John Buckley (programmation), Haydn Dalton (graphismes) et Geoff Follin (musique et bruitages). Après investigation, GTW retrouve les développeurs, et c'est finalement Haydn Dalton qui, un peu par hasard, parvient à remettre la main sur deux disquettes qui constituent cette version inédite de Solar Jetman. Ce qui était sans doute la dernière copie existante de ce jeu est donc vite copié puis dumpé, pour le bonheur de ce bon vieux patrimoine vidéoludique ! Bien entendu et pour des raisons techniques, cette version diffère sous plusieurs aspects de la version NES originale, mais elle n'en demeure pas moins intéressante, aussi bien d'un point de vue ludique qu'historique. Ainsi, le jeu a malheureusement dû être amputé de quelques ingrédients importants, comme les images « cinématiques » ainsi que les musiques ingame. En contrepartie, on y gagne un très bon (mais court) morceau inédit de Geoff, l'un des fameux frères Follin, pour accompagner l'écran titre. Les cartes des différentes planètes sont elles aussi plus petites, bien que les habitués de la version NES reconnaîtront sans peine les lieux et autres positions d'objets. Cette différence de dimensions accroît en revanche la difficulté dès la seconde planète (en effet, la distance qui séparait certaines zones dangereuses est ici parfois tellement réduite que l'on quitte un piège pour immédiatement tomber dans un autre. L'action est donc beaucoup plus soutenue). La maniabilité peut sembler étrange au premier abord (on tire en orientant le joystick vers le haut, tandis que le bouton fire sert à utiliser la propulsion) mais on s'y fait assez vite. Devant le faible succès du jeu rencontré par la version NES, l'idée d'abandonner la mise en vente de toute autre version s'impose, et la version C64, bien que terminée et sensée sortir courant 1991, passe donc à la trappe et dix ans plus tard entre dans la légende (bon ok j'en fais peut-être un peu trop). Quant à savoir si d'autres versions de ce jeu d'exception qu'est Solar Jetman seront un jour exhumées, seul l'avenir nous le dira... Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (25 réactions) |