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Panzer Dragoon Zwei
Année : 1996
Système : Saturn
Développeur : Team Andromeda
Éditeur : Sega
Genre : Shooter
Par Shenron (03 septembre 2012)
Jaquette japonaise
Jaquette US
Jaquette PAL

Lors de la sortie de la Playstation et de la Saturn, en plus des duels Daytona/Ridge Racer et Tekken/Virtua Figher se livrait une bataille moins médiatique : celle de la 3D "différente" : jusque-là, celle-ci était utilisée principalement dans les jeux de course et les simulations de vol. Avec l'arrivée des consoles 32 Bits, conçues pour la 3D, il fallait montrer autre chose. À sa sortie, la Playstation avait donc Jumping Flash, un jeu de plateforme atypique en vue subjective, tandis que la Saturn proposait le plus classique Panzer Dragoon. Classique, car il s'agissait d'un rail shooter, dans la droite lignée de l'ancêtre Space Harrier. Panzer Dragoon compensait le relatif classicisme de son gameplay par un univers et une direction artistique d'une grande richesse inspirés par le travail de Moebius, qui réalisera d'ailleurs l'illustration de la pochette japonaise du jeu, l'occident devant se contenter de boîtes hideuses. Une tendance qui se poursuit 15 ans plus tard, malheureusement.

Panzer Dragoon

Jumping Flash ne connut pas un très grand succès, et la licence tomba dans l'oubli. En revanche, Panzer Dragoon connut son petit succès, et son univers incroyable méritait plus de développement. 1 an plus tard, la suite, Panzer Dragoon II Zwei, arrive un peu avant Noël, portée par une démo offerte dans les magazines.

L'histoire se déroule 20 ans avant celle de Panzer Dragoon : alors qu'une des principales activités du village du héros, Jean Jaque Lundi, est l'élevage de dragons, les coolias, des mutations apparaissent sur certains d'entre eux, sous la forme d'une lueur verte au fond de la gorge. Cette mutation est vue comme un mauvais présage, et les porteurs de celle-ci sont systématiquement abattus. Mais Lundi ne peut pas se résoudre à tuer un de ces coolias, car en plus d'avoir cette lueur verte, il a des ailes. Un an plus tard, l'Empire, qui entreprend de conquérir la Fédération Mecchania, découvre qu'un immense vaisseau des Temps Anciens est apparu dans la région.

Un an plus tard, alors que Lundi tente d'apprendre à son coolia, Lagi, à voler, il est témoin de la destruction de son village par l'immense vaisseau. Lundi découvre alors le pouvoir que donne à Lagi la lueur verte au fond de sa gorge : celui-ci, probablement à cause de l'émotion, crache une salve de lasers qui se perd dans le ciel. À partir de ce moment, Lagi et Lundi seront pourchassés par les troupes de l'Empire, les Mecchania et trouveront sur leur route des ennemis provenant des Temps Anciens. Peut être trouveront-ils également des réponses à leurs questions sur les origines de Lagi.

Tout comme son aîné, Panzer Dragoon Zwei est un shoot sur rail, qui permet de tourner la caméra à 360°, et de locker les ennemis pour les abattre plus rapidement, et de marquer plus de points. Mais il apporte deux nouveautés : la première, la plus anecdotique, est l'ajout de la barre de Berserk : elle se remplit avec chaque ennemi tué, et une fois qu'elle passe au vert, on peut déclencher l'attaque Berzerk : le dragon locke alors automatiquement tous les ennemis à portée (y compris ceux qui ne sont pas compris dans notre champ de vision immédiat), et tire. Sa durée est plutôt courte, mais elle permet de se sortir de situations délicates et de soigner sa précision de tir.

Il est mignon, hein ? Oh oui il est mignon le bébé dragon à son papa ? Oh ben oui !
Les niveaux sont entrecoupés de courtes cinématiques.

L'autre grosse nouveauté est l'évolution de notre dragon. Si dans le premier Panzer Dragoon, on chevauchait le Dragon Bleu, ici c'est Lagi qui nous accompagne, et l'aventure commence alors qu'il est tout juste capable de planer. Au fil de l'aventure il va grandir, muer, évoluer, pour aboutir à 4 formes finales possibles. Chaque évolution lui permettra de gagner en puissance, et de voir augmenter la taille de sa barre de vie et de berzerk, ainsi que le nombre de cibles qu'il peut locker simultanément. Evidemment, l'aspect du dragon change également, et on passe d'un gros lézard un peu disgracieux à un fier destrier dont l'envergure va doubler. Bon, il y a quand même une exception, et une des formes est à la fois visuellement ridicule et affreusement faible, mais il y a une bonne raison à cela. J'y reviendrai.

L'évolution du dragon dépend du nombre de points engrangés au fil des niveaux. Ils sont de trois types : les "Clear Points", qui augmentent naturellement à la fin de chaque épisode, les "Technical Points", qui dépendent du pourcentage d'ennemis abattus, et enfin les "Route Points". Ces derniers changent selon le chemin emprunté dans les niveaux qui en possèdent plusieurs. Les épisodes 2 et 3 en comptent deux, le quatrième, trois. Le choix d'un embranchement n'a pas d'impact sur les niveaux suivants, ni sur le scénario, puisque les différentes routes se rejoignent un peu plus loin dans le niveau. En revanche, le challenge et l'atmosphère des épisodes change du tout au tout en fonction de ce choix, ainsi que l'évolution du dragon.

Le jeu fait le point sur votre précision à chaque niveau. Un grade vous sera attribué à la fin du jeu en fonction de vos performances.
Quand toutes les cibles sont rouges, c'est que le lock a atteint sa capacité maximale.

Le choix de la route est donc le seul qui permette de choisir l'évolution de notre monture de façon délibérée, puisqu'on peut arriver aux 4 stades finaux uniquement en faisant jouer cette variable - à condition d'avoir le maximum de Technical Points par ailleurs, ce qui n'est pas très difficile.

Si vous ne vous jouez pas comme un manche, vous devriez arriver à une de ces formes finales :

  • Armornite n'est pas très fort, mais c'est la première forme qui commence à en imposer un peu.
  • Brigadewing est mon préféré. C'est le stade final le plus résistant, avec sa barre de vie qui fait un tiers de l'écran, et sa barre de Berzerk gigantesque. Il est un peu lent, mais il a tellement la classe que ça n'a pas tellement d'importance.
  • Skydart est le troisième stade d'évolution final disponible. Il est laid, faible et peu résistant, mais c'est aussi le plus rapide. Franchement, cette forme n'a aucun intérêt en tant que phase finale de croissance, mais elle est indispensable pour accéder à la quatrième et dernière évolution...
  • Solo Wing, alias le dragon du premier Panzer Dragoon, s'obtient en obtenant le maximum de points de progression. C'est la seule forme "canonique", qui fasse le lien avec le premier épisode.

S'il y a bien un lien scénaristique entre les deux volets de la saga en devenir, Zwei s'écarte légèrement de son prédécesseur au plan de sa direction artistique et de son atmosphère. Les grandes étendues désertiques laissent la place à des canyons ou des forêts, les décors sont plus fournis, et le monde semble moins désolé. Les musiques se font moins symphoniques et plus tribales, notamment grâce à l'omniprésence des basses et des percussions.

Panzer Dragoon premier du nom était remarquable de par la cohérence de son univers. PDZ y ajoute un sentiment d'immersion qui ne repose pas sur les artifices habituels : cinématiques ampoulées et bavardes, ou pathos exagéré. Ici, les cinématiques qui séparent les niveaux sont brèves, et n'ont qu'un but informatif, dans une langue inventée pour l'occasion. Dans PDZ, l'immersion provient de l'univers, l'empathie envers le dragon (qui se souvient du nom du héros humain ?), l'émotion d'un mélange de tout ça et d'une grosse maîtrise de la narration et des mécanismes de jeu.

Oh et puis je vous montre des boss, parce qu'ils ont sacrément la classe !

Durant le prologue, Lagi doit fuir le village dévasté par le vaisseau géant. Il ne peut pas encore voler, et ne dispose que de deux locks. C'est l'occasion de tranquillement découvrir les commandes, avec des ennemis qui ne se déplacent que par deux, qui apparaissent souvent au loin et ne représentent pas vraiment de menace. On introduit pour de bon à la fois le lock et l'usage de la caméra grâce à un énorme rocher qui nous poursuit et qu'on ne peut pas détruire avec le tir en rafale. Ce premier niveau est également l'occasion de nous présenter un par un quasiment tous les boss qu'on rencontrera par la suite, et qui sont à ce moment-là complètement hors de portée. Ce sentiment d'oppression et d'impuissance est renforcé par la désolation du décor et la musique, dominée par les cuivres et les percussions sourdes. À la fin du niveau, un plan prolongé sur un mystérieux dragon noir avant un fondu au noir, sans musique, donne le ton : la situation est grave, l'enjeu énorme, on n'est pas là pour rigoler.

On n'est pas dans Indiana Jones, dégommez ce boulet !
Lagi est encore un peu tendre pour affronter ce duo.

Les choses sérieuses commencent avec l'épisode 2. On débute dans un canyon, et des sortes de scorpions attaquent par derrière. Des escadrilles ennemies suivent, et c'est le premier embranchement : à droite, la Route 1 nous propose un court vol plané, suivi de l'attaque d'une citadelle : il faut éviter les tirs ennemis au rythme des trompettes et des tambours de guerre. À gauche, la Route 2 : après avoir repoussé d'autres escadrilles, Lagi et le joueur, effectuent un saut vertigineux : Lagi s'engage dans le vide, la musique et la respiration du joueur se suspendent. Pendant quelques instants, semblables à une délicieuse éternité, le silence n'est brisé que par le bruit des ailes du dragon. Puis c'est le retour à la réalité, et les Mecchanias attaquent à l'aide de vaisseaux volants, et pour la première fois on se rend vraiment compte de l'utilité du radar. Le boss qui suit, malgré une arrivée en fanfare, est du coup assez décevant, car assez inoffensif. Mais ce n'est que le début, et après une première évolution, Lagi s'enfonce dans la forêt pour échapper à ses poursuivants.

Une embuscade dans un canyon. Classique.
Vous n'avez pas le vertige ?

Le niveau 3 était celui proposé dans la démo du CD Sega Flash n°1 : Lagi s'enfonce dans une forêt des plus denses, donc la canopée n'est transpercée que par quelques rayons de soleil diffus. La course-poursuite continue au son de ce qui ressemble à de la flûte de Pan et un xylophone. La difficulté augmente, le nombre des ennemis également, et on bénéficie de l'augmentation du nombre de locks disponibles. Les moments intenses alternent avec d'autres plus calmes, et on jurerait entendre les bruits de la faune locale. La Route 1 nous oppose à des vers géants peu ragoûtants. La Route 2 est plus difficile : on subit l'assaut de vaisseaux noirs, qui envoient de plus petits ennemis tout aussi dangereux. Encore une fois, lorsque la musique s'arrête, c'est que le boss, un énorme quadrupède blanc doté de ce qui ressemble à un exosquelette, arrive.

Je ne vous dis pas dans quel état j'étais en découvrant ce décor à l'époque.
Ce boss de mi-niveau n'est pas très dangereux, mais long à abattre. Harcelez-le, mais n'oubliez pas les petits ennemis alentours.

Après être sorti de la forêt (et, normalement, avoir évolué une nouvelle fois), Lagi s'enfonce dans un temple. Le niveau 4 tranche avec le précédent : c'est dans la pénombre, que seuls éclairent les reflets d'une rivière souterraine, que le combat se poursuit, et c'est ce niveau qui connaît le plus de ruptures de rythme. Grâce aux différences entre les différentes routes, d'une part, et grâce aux changements de rythme au sein même de ces routes, d'autre part. Je ne vous cache pas que la Route 3, une impressionnante course-poursuite dans d'étroits couloirs à la géographie complexe, avec l'obligation de sans cesse réorienter la caméra, au son d'une musique envoûtante sur laquelle se cale vos battements de cœur, fait partie de mes séquences favorites, tous jeux confondus, et qu'elle met à l'amende la quasi-totalité des lamentables tentatives de railshooting qui suivront.

Mais si vous préférez les ambiances plus oniriques et contemplatives, la Route 1 et son ballet d'étranges machines pédestres, ou la Route 2 et son guet-apens dans le noir total vous conviendront mieux. En revanche, vous n'aurez aucun moyen d'échapper au combat contre le boss du niveau, dont la mise en scène vous rappellera obligatoirement quelque chose...

Ces ennemis ne sont pas très dangereux en eux-mêmes, mais le décor défile tellement vite qu'on peut facilement se faire avoir.
Il y a un je ne sais quoi de poétique qui se dégage de ces créatures...

Vous avez vaincu le boss, ce qui a eu pour effet collatéral de faire s'écrouler le temple traversé. Meh. Au moins vous voilà à l'air libre, et quelle liberté ! L'atmosphère s'est rafraîchie, et c'est sous un magnifique crépuscule que la neige commence à tomber. Mais pas le temps d'admirer le paysage, puisqu'un énorme vaisseau sombre vous prend en chasse. Il va falloir faire preuve de subtilité, car l'attaquer directement ne servira à rien... Une fois le combat terminé, l'immense vaisseau blanc qui vous suit depuis le début réapparaît, mais il faut continuer à combattre, car ce n'est que partie remise. Ici, pas de chemin alternatif, et plus d'évolution. Si vous avez le Skydart, vous allez souffrir.

Pour vaincre ce boss de début de niveau, visez ses satellites.
N'admirez pas trop longtemps le paysage, des ennemis vont arriver...

L'attaque de l'Etoile Noire vous a plu ? Place à l'Attaque du Gros Vaisseau Blanc d'une Civilisation Inconnue et Vachement Avancée. Volez en rase-motte pour abattre les premières lignes de défense, puis pénétrez la forteresse pour la détruire de l'intérieur. L'épisode 6 ressemble un peu à la Route 3 de l'épisode 4, en un peu moins intense, mais la bande-son est encore plus épique. La confrontation finale est proche.

Un peu de rase-mottes sur le vaisseau géant...
... puis on le détruit de l'intérieur.

Je passe le combat final sous silence, pour vous laisser la surprise. Cependant, je ne résiste pas à l'envie de vous dire que ma première confrontation avec le boss final fait partie des moments les plus marquants, les plus solennels, et les plus stressants de ma vie de joueuse.

L'aventure ne s'arrête pas après le -sublime, quelle musique ! - générique de fin, et un New Game + est là pour récompenser le joueur qui souhaite se replonger dans son univers : ce New Game +, c'est la Pandora's Box.

Une fois que vous avez terminé le jeu une fois, que vous disposez d'un moyen de sauvegarde et que vous redémarrez la console, le menu d'options propose une nouvelle ligne : la Pandra's Box (transcription approximative de Pandora's Box) permet d'entièrement paramétrer le jeu. Choix de l'épisode de départ, du dragon, de la difficulté, du type de tir, du comportement de la barre de vie et de Berzerk, et encore tout un tas d'autres choses. Vous voulez jouer l'épisode 6 avec le dragon de base et une barre de vie ridicule, ou exploser les ennemis de l'épisode 2 avec l'imposant Brigadewing, en tir automatique et avec le Berzerk infini ? Pas de problème. La Pandra's Box, dont les options se débloquent au fil des parties (tout sera débloqué au bout de 30h de jeu), permet de tout modifier, avec comme seule contrepartie l'impossibilité de sauvegarder ses parties (score et progression). La Pandra's Box propose en plus un niveau inédit, le Niveau Zero Space, qui est cependant assez anecdotique.

Le contenu de la Pandra's Box. Tout sera débloqué si vous avez une sauvegarde de Panzer Dragoon Saga.
Seulement 6 stages en mode Time Attack. Meh.

Si on n'échappe pas au traditionnel clipping et à un peu de tearing, les textures sont plus fines que dans le premier épisode, et on peut jouer en mode 16/10. Les animations des boss ont fait l'objet du plus grand soin : leurs patterns d'attaques sont bien différenciés, parfois surprenants, et leur gestuelle est soufflante, comme celle du boss de l'épisode 3. Les musiques symphoniques ont laissé la place à des sons plus tribaux, et le contrôle du dragon est plus souple et plus précis. On regrettera juste de méchantes baisses de framerate quand l'écran est vraiment chargé. La Saturn est maîtrisée, et si vous avez été sensible à l'univers du premier Panzer Dragoon, je doute que celui-ci ne vous enchante pas malgré les différences entre les deux titres. Le bestiaire est toujours aussi atypique, et les décors semblent encore plus vivants, moins figés.

Au final, l'aventure Panzer Dragoon Zwei ne dure qu'une petite heure, et est bien moins ardue que celle du premier épisode (sauf si vous retirez le radar). Mais elle est parfaitement rythmée, les phases d'action trépidantes alternant avec d'autres plus contemplatives sans temps mort, et la Team Andromeda a réussi à créer une véritable complicité avec ses personnages et son univers. Une réussite totale, riche en sensations et en émotions, qui - eh oui, c'est mon côté fangirl qui ressort - n'aurait pas pu voir le jour sur une autre machine que celle de Sega, qu'il exploite magnifiquement. La saga continuera plus tard avec Panzer Dragoon Saga et Panzer Dragoon Orta, mais on ne peut que regretter que Sega l'ait abandonnée sur les machines plus récentes, même si Crimson Dragon, sur Xbox 360, semble en être un digne successeur. Après tout, si le nom disparaît, l'essentiel est que l'esprit perdure.

After all this, he is still with me...
Shenron
(03 septembre 2012)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
http://www.thewilloftheancients.com/, un site extrêmement complet sur la série et son background