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Mega Man X2
Année : 1994
Système : SNES
Développeur : Capcom
Éditeur : Nintendo
Genre : Action / Plate-forme
Par MTF (22 février 2021)

On ne change pas une équipe qui gagne : à peine un an après la sortie du tout premier Mega Man X, Capcom sacrificie à son vice séquentiel et nous propose Mega Man X2, suite attendue, si ce n'est prévisible, du succès incroyable de l'épisode inaugural. Malheureusement, et sans trop anticiper la conclusion de cet article, il n'y aura pas ici de révolution majeure, comme Mega Man 2 le fut pour Mega Man, premier du nom ; et si l'épisode se fait assez plaisant, voire effectivement meilleur par endroit, le bilan terminal sera un peu plus contrasté, pour moi ne serait-ce. Nous y viendrons en temps voulu ; mais pour l'heure, un peu d'histoire...
Six mois après les événements du premier épisode, X et les « Maverick Hunters » lancent une série d'attaques déterminantes pour capitaliser sur la mort récente de Sigma. Ils parviennent à trouver une usine de Mavericks, dans le désert, et la détruisent parfaitement sans savoir que trois ennemis particulièrement puissants, Violen, Serges et Agile, observent de loin le déroulement des combats. Ce trio s'est baptisé les « X-Hunters », et a dédié son existence à éradiquer une fois pour toutes X. Ils ont pour ce faire un avantage inégalable : ils ont retrouvé les trois parties du corps de Zero, enseveli jadis avec la forteresse de Sigma, et menacent de le ressusciter pour lui faire rejoindre leurs rangs. Est-ce que X parviendra à stopper leur macabre machination ?

La séquence d'introduction met immédiatement dans le bain.

L'histoire de Mega Man X2 continue de s'amplifier, et n'hésite pas à rajouter ce qui manquait parfois à son prédécesseur : des cut-scenes, et en nombre, expliquant bien mieux les enjeux de l'intrigue. Le jeu se pique même d'une originalité, qui deviendra à présent un attendu de la série, et propose deux fins distinctes à son aventure. Oh, rien de déterminant : selon que les X-Hunters parviennent à ressusciter Zero, ou que l'on récupère les pièces de leurs mains, le cheminement de la forteresse finale, et les boss que l'on croisera, différeront légèrement. Ce n'est pas extraordinaire certes, mais cette ambition de relier davantage histoire et gameplay fonctionne assez bien et sera promis à un bel avenir. C'est en tout cas une première pour la série des Mega Man qui, sur ce point, ronronnait tranquillement sans trop se mettre en péril.
L'histoire est, une fois encore, assez plaisante et réussit à compliquer notablement l'univers. S'il manque encore pas mal d'éléments, qui nous seront offerts bien, bien plus tard, on enrichit les relations entre les personnages, on voit le Dr Cain dans son laboratoire, les boss ne se contentent plus d'apparaître mais nous livrent une remarque assassine, ridicule et surannée, mais terriblement attachante. Il devient plus difficile ici d'ignorer l'intrigue, du moins, on risque de passer à côté d'étapes déterminantes pour obtenir la fin que nous désirons ; mais j'y viendrai plus bas.

Bon, évidemment, les dialogues ne sont pas vraiment du Shakespeare et se réduisent souvent à « ahah, tu vas mourir Mega Man parce que je suis très méchant », mais c'est mieux que rien.

Et huit de plus !

Ce qui ne change point en revanche, c'est la régularité de l'architecture générale du jeu. Après un stage introductif particulièrement nerveux, l'on nous propose de choisir entre huit niveaux, chacun se déroulant dans un nouvel environnement et culminant par un duel avec un Maverick, dont l'arme sera le point faible d'un autre boss. Une fois les huit niveaux terminés, la forteresse finale s'ouvre à nous : celle-ci, composée de cinq zones de plus en plus complexes, aboutira à un combat épique face à un vieil adversaire, que l'on pensait disparu, et dont le retour est une révélation extr... oui, non, c'est Sigma, vous l'avez deviné, qui engage à présent sa « Dr Wily-sation » et sera toujours la cause de tout.
Il me faut cependant contraster ce tableau, en y ajoutant un détail important. Après avoir vaincu deux Mavericks, les X-Hunters, étonnés de la force de X et voulant gagner du temps quant à la résurrection de Zero et de Sigma, décident de sortir de leur fort et de se rendre au contact de notre héros. Ils apparaîtront alors, aléatoirement, dans les stages restants, où ils occupent des salles plus ou moins bien cachées et feront office de boss facultatifs. Les vaincre, c'est obtenir l'une des trois pièces de Zero et, ainsi, leur damer le pion ; mais si l'on finit un stage où ils se trouvent sans les affronter, ou si l'on tarde trop à le faire, alors ils disparaissent et vous empêcheront d'accéder à la « Good Ending ».

Pas le temps de niaiser ! Dès le début du stage introductif, un robot vous canarde. Le boss qui clot la séquence est énorme, bien que globalement inoffensif.

Il est alors une nouvelle stratégie à développer ici, qui vous fera notamment vous demander s'il vaut mieux prendre le risque de les affronter avant d'avoir obtenu suffisamment d'armes, de cœurs d'énergie ou d'améliorations d'armure, ou bien attendre et se consolider au risque de tout perdre. Toutes choses égales par ailleurs, cela n'influence guère que l'ultime partie de la forteresse de Sigma, et la présence, ou non, d'un boss supplémentaire avant le boss final ; il s'agit donc davantage d'un challenge, destiné à pousser votre dextérité jusqu'à ses derniers retranchements, qu'une nécessité historique.
Car ce que fait surtout Mega Man X2 au regard de l'épisode précédent, c'est augmenter notablement sa difficulté. On retrouvera bien entendu les E-Tanks et les cœurs d'énergie, quatre améliorations d'armure (jambes, bras, corps et tête, toutes facultatives cette fois-ci), huit boss inspirés du monde du vivant (dont un concombre de mer !) ; mais tout cela se fait avec bien plus d'efforts qu'auparavant, ce qui vient corriger la seule critique sérieuse qu'on avait alors faite au jeu précédent.

Aucune amélioration n'est, cette fois-ci, obligatoire, mais elles vous simplifieront bien la vie. Quant à Wire Sponge, je me demande encore ce qu'il vient faire ici, tant il relève davantage du végétal que de l'animal.

Cela ne se ressent pas immédiatement, mais par petites touches. Il y a, déjà, le fait que X débute la partie avec le Dash de la partie précédente, et les niveaux de mettre immédiatement à profit cela. Jadis, on pouvait très bien n'obtenir ce pouvoir qu'une fois tous les Mavericks vaincus, les stages devaient alors être un peu plus plans ; ici, nous nous lançons dès le commencement à pleine vitesse : ennemis comme projectiles font mal, très mal, et il faut quelques minutes pour s'ajuster au rythme de jeu.
Ensuite, les objets d'inventaire, les cœurs, tanks, capsules d'armure, sont bien plus difficiles à trouver qu'auparavant. La faute, notamment, à l'augmentation du casque que l'on peut trouver sans mal dans le stage de glace, comme toujours (enfin, il s'agit davantage de cristaux, mais l'idée est là). Celle-ci nous donne une sorte de radar nous indiquant l'emplacement de secrets divers, sans nous dire cependant comment y accéder. Certes, cela facilite la recherche des ultimes secrets, si besoin était ; mais il y a cependant une perversité à devoir utiliser une scie pour creuser un passage dans un sol totalement innocent, ou mesurer au pixel près un saut au-dessus de pics mortels pour ramasser ce certain objet.

Bon courage pour trouver ou récupérer ces améliorations... Le cœur à droite, notamment, m'a fait bénir les sauvegardes d'état car le moindre contact avec un pic (y compris sur le côté plat !) nous tue instantanément.

La plus grande des difficultés, cependant, résidera dans les combats de boss. Ceux-ci sont considérablement plus ardus à vaincre, notamment sans leur faiblesse élémentaire, et ils changent à présent leur tactique au milieu du combat, histoire de vous surprendre une fois dernière. La courbe de progression du jeu est donc un peu plus raide que précédemment, ce qui m'a assez surpris lorsque je refis les jeux successivement ; et quand bien même finirait-on toujours par atteindre une zone de confort, on gagnera à suivre une solution nous indiquant, même approximativement, l'emplacement de tel ou tel bonus, et les armes à employer face aux ennemis si nous avons du mal à progresser.
Cela sera d'autant plus utile que certaines arènes des boss facultatifs sont bloquées derrière des murs accessibles uniquement avec une certaine arme ; s'y risquer, alors, sans l'amélioration attendue, c'est potentiellement faire fuir l'un des X-Hunters et bloquer la porte à l'une des pièces de Zero. Après quelques tentatives cependant, et en ayant une idée générale des pièges qui nous attendent, on saura reconnaître le meilleur des chemins ; mais on ne peut cependant s'empêcher de considérer la chose comme des plus artificieuses.

Sans leurs faiblesses, les boss sont franchement compliqués à vaincre... Sigma, notamment, a musclé singulièrement sa difficulté.

Plus de temps à perdre

En réalité, et quand bien même l'histoire se compliquerait substantiellement dans cet épisode, l'on perd le caractère organique qui s'illustrait dans le premier jeu. Ainsi, les niveaux ne sont plus aussi bien reliés qu'auparavant, en terminer un n'a pas de véritables conséquences sur les autres. En revanche, les armes ont de plus belles utilités, souvent logiques d'ailleurs, plutôt inédites : les cristaux transforment les ennemis en plates-formes sûres, ce qui est bien utile pour franchir les fossés remplis de pics, les bulles nous font monter au plus vite à la surface des zones englouties. Même, une arme permet d'attirer à nous, si activée dans des salles spécifiques, plusieurs pastilles d'énergie, ce qui permet de remplir bien plus facilement nos E-Tanks chèrement glanés.
Le bilan est donc, pour moi, plus nuancé, malgré l'augmentation bienvenue du challenge, quasiment inexistant jadis. D'un côté, le jeu propose de belles améliorations, une histoire plus engageante, une quête secondaire intéressante ; de l'autre, il se fait plus laborieux dans sa construction, simplifie les contours organiques de son identité, pousse jusqu'à la crapulerie les caches secrètes de ses items, a des combats de boss bien plus ardus.

Les cristaux transforment les ennemis en promontoire, tandis que ces scarabées vous ouvriront des passages intéressants, si vous savez attirer leur attention...

Il en va de même, à dire vrai, des aspects plus techniques de l'épisode, qui soufflent le chaud et le froid. Graphiquement, le bond en avant est notable : les environnements sont plus détaillés et plus colorés, le jeu embarque même une puce spéciale, la « Cx4 », qui permet d'afficher des objets en trois dimensions façon « fil de fer », ce qui sied particulièrement bien à cet univers. Enfin, le design général des personnages et des ennemis abandonne une fois pour toutes les rares traces du passé (les Mets ont ainsi définitivement disparu du bestiaire) pour se consacrer entièrement à ce nouvel esprit.
Mais de l'autre côté, force est de reconnaître que les environnements commencent d'ores et déjà à sentir la redite, il n'y a que peu de façons différentes de dessiner une usine ou un complexe industriel ; la bande originale durcit ses sonorités hard rock, mais cela finit par toutes les faire se ressembler, tant et si bien que l'on peine davantage à dégager l'une ou l'autre du reste ; le gameplay est quasiment identique au précédent. Il y a bien quelques idées nouvelles évoquées plus haut, l'amélioration des bottes permet à présent de dasher dans les airs, une petite séquence à moto dans le stage du désert, mais tout cela est plutôt circonstanciel, peu intégré à l'essence du jeu, artificieux encore une fois, laborieux même.

Ce mini-boss en forme d'épée, ainsi que la forme finale de Sigma, exploite particulièrement cette puce graphique. L'effet rend plutôt bien, mais c'est tout de même gadget.

Pour toutes ces raisons, je peine à préférer X2 à X, premier du nom, et ce bien que je lui reconnaisse de fort charmantes avancées et de belles idées. À l'époque, de même, le jeu me sembla passer plutôt inaperçu, en France ne serait-ce : il faut dire aussi qu'en 1994 au Japon, 1995 en Europe, la Playstation de Sony arrivait, Sega dégainait la Saturn ; autrement dit, le cœur n'y était plus, et tous les regards se tournaient déjà vers la génération subséquente de machines. Même, à cause de la puce d'accélération graphique évoquée précédemment, la cartouche avait été vendue légèrement plus chère que ses comparses, ce qui a pu dissuader les joueuses et les joueurs hésitants. Enfin, la concurrence était rude : en face, Nintendo sortait Yoshi's Island, Rare en imposait avec Donkey Kong Country 2, des jeux autrement plus mémorables. C'était trop d'obstacles, même pour Capcom, même pour le « Blue Bomber ».
Je ne saurais cependant vous décourager de jouer à l'épisode et si vous avez aimé le premier, donnez-lui sa chance véritable, peut-être avec une solution sur les genoux pour éviter l'inévitable et délicate recherche des améliorations cachées. Même si l'effet de surprise est passé, et que nous sommes ici davantage dans la consolidation que dans la rénovation, Mega Man X2 demeure l'un des grands jeux de la Super Nintendo, que l'on se doit d'essayer au moins une fois dans son parcours ludique.

Vite, il faut s'échapper ! La fin du jeu sera plus ou moins la même, que vous ayez, ou non, récupéré les pièces de Zero. La « good ending » sera, comme on s'y attend, canon au regard de l'histoire officielle de la série.
MTF
(22 février 2021)