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Gradius II
Année : 1988
Système : NES, PC Engine CD, X68000
Développeur : Konami
Éditeur : Konami
Genre : Shooter

Au contraire de l'épisode original, Gradius II fut adapté sur un nombre très limité de machines - la faute sans doute à la mauvaise distribution du jeu d'arcade, qui fut à l'origine de son manque de popularité dans beaucoup de pays occidentaux. On ne s'étonnera donc pas de constater que des trois conversions réalisées pour ce jeu, aucune ne traversa la frontière nippone - une bien grande déception, tant la qualité de ces trois adaptations s'avère remarquable.

Gradius II : Gofer no Yabou
(X68000, 1992)

Le X68000 est une machine franchement extraordinaire. Heureux furent ceux qui la possédèrent, car elle était la garantie quasi-systématique de posséder ce que beaucoup d'occidentaux à l'époque cherchaient sans hélas jamais l'obtenir : l'arcade à la maison. Cette adaptation, sortie il est vrai quatre ans après l'original, n'est ni plus ni moins que la copie conforme de son aîné. Tout y est, de la cinématique d'introduction à l'attract mode, du graphisme aux bruitages. Comble du comble : la musique se paie le luxe d'être meilleure - à l'image du sublime thème de chargement inédit, où les instruments, plus amples, plus doux, n'agressent plus l'oreille du joueur comme cela était le cas avec ceux de l'original, qui souffraient d'un taux d'échantillonnage inférieur.

Cette version mériterait sans aucun doute le titre de version définitive si sa difficulté n'avait pas été à ce point réhaussée. Plus dur que le jeu d'arcade ? C'est possible ! Dès le premier niveau, les serpents de feu usent de leur gueule comme d'une Gatling et poursuivent le Vic Viper avec la ténacité d'un moustique affamé. Si le challenge ne vous fait pas peur et que l'idée de jouer à la meilleure version de Gofer no Yabou vous tente, n'hésitez pas une seconde : ce jeu est fait pour vous.

Ne cherchez pas de différences, vous n'en trouverez pas.Le X68000 maîtrise son sujet de bout en bout.

Gradius II : Gofer no Yabou
(PC-Engine Super CD-Rom, 1992)

Sortie aussi tardivement que la version X68000, cette conversion mérite toute l'attention du joueur bêta désireux de se faire les dents sur Gradius II. Bien loin de la grande difficulté du jeu original et de celle, inhumaine, de la version Sharp, Gofer no Yabou sur PC-Engine devient un shoot abordable que tout amateur de shoot pourra terminer sans ressentir l'envie indescriptible d'encastrer sa manette dans un mur.

Pour ne rien gâcher, le programme de Konami tient toutes ses promesses : le graphisme et l'animation ne souffrent que de peu de défauts (tout au plus pourra-t-on reprocher, comme cela est souvent le cas avec la palette limitée de la PC-Engine, d'un choix de couleurs parfois discutable) ; la musique, directement enregistrée sur CD, reprend note pour note celle de l'arcade ; les bruitages, forcément inférieurs en raison du processeur sonore rudimentaire de la console, reproduisent avec bonheur l'intégralité des voix digitalisées. Cerise sur le gâteau : le très léger scrolling vertical de la conversion de Gradius sur PC-Engine a été supprimé, et un tout nouveau niveau a été intercalé entre le niveau 5 (The Old Stone Age) et le niveau 6 (Maximum Speed).

De quoi ravir les amateurs de la saga, frustrés qu'ils étaient de n'avoir jamais pu botter la cervelle de l'ignoble Gofer.

Support CD-Rom oblige, une petite introduction cinématique a été créée spécialement pour l'occasion. C'est joli, pas inoubliable, mais ça a le mérite de mettre dans l'ambiance.

Comme le montrent ces quelques clichés, la fidélité de cette conversion ne saurait être prise en défaut, sauf dans certains niveaux, où les couleurs un peu pâles trahissent l'âge de la machine sur laquelle le jeu tourne.

Le niveau inédit de cette version rappelle énormément la planète antique de Gradius II sur MSX. Dans un désert couvert de vestiges anciens, d'étranges piliers affectés par les effets d'une double pesanteur, se fissurent et viennent s'écraser au sol ou au plafond, soulevant d'épais nuages de sable.

Tandis que le décor s'encombre de ruines toujours plus nombreuses, des canons à lasers verticaux barrent le passage de Burton. Puis, lorsque l'aridité du lieu reprend ses droits, des statues de pierre prennent leur envol et menacent de s'écraser contre la carlingue du Vic Viper.

Ce boss inédit est un modèle d'ingéniosité. Armé de quatre canons lasers classiques, il creuse le sable à l'aide de ses longs bras articulés et en fait jaillir à la surface les extrêmités d'où surgissent de dangereux projectiles. Régulièrement, le boss modifie la trajectoire qu'empruntent ses bras pour attaquer le Vic Viper depuis des positions variées. Lorsque, enfin, les deux cœurs alimentant les bras sont hors circuit, le boss ouvre son cœur principal et procède à une nouvelle attaque.

Gradius II
(NES, 1988)

Attention : miracle. Publié peu de temps avant Noël à une époque où la borne d'arcade faisait encore rage dans les salles, cette adaptation assez libre de Gofer no Yabou sur la petite Famicom a de quoi laisser perplexe. Comment diable Konami est-il parvenu, en l'espace de quelques années, à dompter la console 8-bits de Nintendo au point de lui faire accomplir quantités de prodiges techniques que l'on pensait réservés aux machines plus récentes ? Le gouffre qui sépare l'adaptation de Gradius, sortie deux ans et demi plus tôt, et celle-ci, est immense.

Première chose qui étonne : les voix digitalisées, qui annoncent l'obtention des armes, ont été conservées. Immédiatement, on se jette sur la boîte annonçant les caractéristiques de la cartouche, et l'on se rend compte que cette dernière pèse quatre fois plus lourd que son ancêtre. Cela n'explique pas tout : comment la NES parvient-elle à produire des sons digitalisés sans nuire au déroulement du jeu, alors même que sa grande concurrente, la Master System, plus récente et donc plus évoluée, ne parvient à balbutier des voix enregistrées que sur écran fixe ? C'est qu'une routine de reproduction de sons digitalisés coûte cher en temps machine.

Le temps de retourner la question dans tous les sens, et tout semble s'emballer à l'écran : la NES reproduit à la perfection le scrolling vertical du niveau des serpents de feu ; le Vic Viper s'arme de non pas deux, mais de quatre options sans broncher ; des animations gigantesques, voire carrément impressionnantes, se succèdent à un rythme effréné (les gerbes de feu surpassent celles, pourtant très réussies, de Salamander) ; les boss, dont la taille et la qualité de l'animation constituent du jamais vu sur cette console, font jeu égal avec ceux de l'arcade ; les scintillements, l'une des plaies majeures de la machine, sont inexplicablement absents, ou presque.

La compétence seule de la maison ne saurait expliquer pareils prodiges. Le secret de Konami tient dans la présence, au sein de la cartouche, d'une puce spécialisée particulièrement performante : le VRC4. À l'instar des puces MMC généralement employées par Nintendo pour améliorer le rendu technique de ses jeux, le VRC4 booste la NES de façon considérable grâce notamment à de nouveaux mappers graphiques lui permettant d'afficher l'impensable. En outre, des voix sonores supplémentaires, semblables à celles déjà utilisées sur MSX grâce à la puce SCC, viennent épauler le processeur de la console.

L'usage de ces puces n'est, sur NES, pas rare ; les grandes firmes de l'époque, telles que Irem, Capcom, Taito, Namco ou Sunsoft, y ont presque toujours eu recours - à tel point qu'on dénombre actuellement plus d'une trentaine de chipsets différents. Il n'empêche : rarement avait-on été les témoins, en 1988, d'une telle démonstration technique sur console 8-bits. Le savoir-faire de Konami est irremplaçable.

Au-delà de son aspect purement visuel et sonore, Gradius II se caractérise par un gameplay aux petits oignons, largement inspiré de son modèle, mais aussi suffisamment différent pour que même à l'heure actuelle, il justifie que l'on y consacre du temps. Première constatation : le niveau de difficulté a été singulièrement revu à la baisse - non qu'il soit facile, mais au moins se place-t-il au niveau du joueur moyen, évitant avec bonheur l'erreur commise par son grand frère d'arcade. Seconde constatation : les niveaux sont des versions remixées de l'original - comprendre : de nouveaux ennemis font leur apparition tandis que d'autres disparaissent, la topologie des lieux n'est plus la même, certains niveaux en regroupent plusieurs. On a donc affaire à un nouveau Gradius, à la fois empli de surprises et pourtant très familier. Troisième et dernière constatation : bien qu'aucun niveau secret ne soit ici à dénicher, on retrouve avec bonheur ce qui fait le charme des nombreuses versions domestiques de Gradius : la possibilité d'upgrader plusieurs fois une même arme. Mieux : l'"option", la grande star de sa saga, est désormais upgradable cinq fois, octroyant aux quatre satellites, mais de façon temporaire, la capacité de tournoyer autour du Vic Viper. Cette capacité n'est pas nouvelle - Gradius II sur MSX avait déjà démontré son potentiel défensif dans les niveaux couverts de murs destructibles ; cependant, la possibilité de l'activer à tout moment l'est tout à fait, et s'impose comme une alternative intéressante (car hautement stratégique) au maintien du curseur de la barre d'upgrade sur la case "shield" une fois toutes les armes acquises. Il est d'ailleurs étonnant, vu l'intérêt qu'elle représente, qu'elle n'ait jamais été reprise dans aucun des épisodes suivants tant elle justifie que le joueur continue de ramasser sans relâche les icônes de power-up là où elles deviennent sans grand intérêt une fois le Vic Viper armé à son maximum.

On tient donc là un shoot'em up énorme qui, malgré ses qualités, ne sortira jamais du Japon - la faute sans doute à l'architecture de la NES occidentale qui, différente de la Famicom, n'aurait pas toléré la puce VRC4, et donc, aurait nécessité de la part de Konami un travail de reprogrammation très lourd. Castlevania III, en raison de sa popularité, eut droit à cet honneur ; pas Gradius II. On ne peut que le regretter.

La sobriété de la page de présentation, précédée d'un joli plan fixe du Vic Viper, est loin de nous faire imaginer que nous tenons là l'un des tout meilleurs shoot'em up de la console.

Niveau 1 - Burning Heat

Comme pour immédiatement marquer sa différence, le jeu débute par l'affrontement de soleils minuscules, à mille lieues des exemplaires XXL de l'original. Le doute s'installe : la NES sera-t-elle capable de se montrer aussi impressionnante que son modèle ?

Konami est un sacré farceur : la réponse est oui, trois fois oui. Les planètes de feu géantes ne tardent pas à faire leur entrée, les serpents de feu non plus. On est immédiatement subjugué par la qualité irréprochable de l'animation, l'absence totale de scintillement, et la présence de petites nouveautés, comme cette petite planète verte d'où sortent pléthore de vaisseaux adverses.

Puis, un étrange phénomène se produit : au moment où l'on s'attend à affronter l'oiseau de feu géant, des escadrilles d'oiseaux minuscules jouent les kamikazes et fondent sur le Vic Viper. Il fallait s'en douter : Konami n'aurait jamais pu animer un sprite de si grande taille. C'est donc la mort dans l'âme que l'on affronte la suite du niveau qui, surprise, n'est pas terminé. Salamander fait des émules : alors que le scrolling vertical tire sa révérence, la surface de soleils absolument gigantesques fait surgir des gerbes de flammes grandioses, semblables à celles que Burton avait déjà affrontées quelques années plus tôt. De temps à autres, des oiseaux de feu, dont la taille grandit à chaque coup reçu, nous font reprendre espoir : peut-être l'oiseau de feu géant nous attend-il vraiment à la fin du niveau.

En attendant, ça chauffe pour Burton : les éléments se déchaînent autour de lui. Le joueur, lui, reste subjugué par la beauté de ces effets pyrotechniques. Et soudain, c'est le drame : le joueur s'évanouit. Konami l'a fait : le monstre de feu, grandiose, majestueux, s'anime devant ses yeux, qui n'en croient par leurs oreilles. Ou un truc dans le genre.

Niveau 2 - Synthetic Life

Remis de ses émotions, conscient qu'il tient là un shoot'em up d'exception, le joueur s'engage dans le second niveau de cet étonnant programme. L'on y retrouve l'essentiel du niveau original : les larges conglomérats de cellules destructibles, les bras articulés (que l'on peut, ici, anéantir), l'œil qui vous regarde d'un drôle d'œil, et un petit nouveau, une tête squelettique plus impressionnante que réellement dangereuse, dont le déjeuner ne passe vraisemblablement pas bien. Admirez la taille de ce laser.

Niveau 3 - A Way Out Of The Crystal World

Curieusement, ce n'est pas avec le monde de cristal que ce niveau débute, mais avec celui des volcans, dont les sommets, pareils à ceux de Salamander, sont désormais destructibles. Le but n'est pas de rendre le jeu plus facile, mais de tenter de nouvelles expériences, comme la présence face à face de deux volcans en pleine éruption, matérialisant une barrière de rochers infranchissables.

Une fois les deux volcans hors d'état de nuire, Burton s'engage dans un champ de blocs de cristal, semblable au niveau trois de l'arcade. La conversion est parfaitement réussie : les météores envahissent progressivement l'écran, bondissant et rebondissant les uns sur les autres avec une fluidité à faire pâlir d'envie le jeu original. Le revers de la médaille, c'est qu'à vouloir pousser la NES dans ses derniers retranchements, on risque d'en faire trop - et c'est le cas ici. En maintenant l'animation à 60 images/seconde, le jeu ralentit à un point difficilement acceptable. C'est lent, poussif, et d'une simplicité désarmante. On est bien loin de l'action trépidante de l'arcade.

Les choses s'améliorent lorsque les cristaux bleus, indestructibles, prennent le relais sur les cristaux mauves. L'animation reprend alors son rythme de croisière, pour le plus grand plaisir du joueur.

Sans surprise, le boss de cristal se lance dans la bataille. Ses tentacules, bien que moins fluides qu'en arcade, se comportent de façon identique. Aucun ralentissement n'est ici à déplorer. Ouf.

Niveau 4 - The Old Stone Age

Pour des raisons assez inexplicables, le niveau des statues de l'Île de Pâques,bien que très fidèle à l'original, ne s'étend que sur un écran et demi de haut.

En arrivant sur NES, la tête bondissante a perdu ses trois copines. Ce n'est heureusement pas le cas du boss, toujours aussi effrayant avec ses trois imposants visages, mais bien moins agressif que par le passé.

Niveau 5 - Boss Parade

Le festival des boss commence ! Une fois le plein d'armes fait,le Big Core s'avance dans l'arène. Puis, c'est au tour du cerveau cyclope et de la pieuvre mécaniquede faire montre de tout leur talent.

Petit changement de programme pour ce quatrième affrontement. Devant la piètre performance de ses sbires, c'est le boss final de Salamander - carrément - qui vient défier le Vic Viper. Ses attaques, faites d'éclairs lumineux et de bulles tournoyantes, sont impressionnantes. Aucune surprise en revanche pour le dernier boss : il s'agit bien du... de ce... machin qui balance des missiles par poignées de 5.

Niveau 6 - Ultimate Speed

Seulement le niveau 6, et nous voici déjà dans la forteresse - ce Gradius II se boucle hélas assez vite. Mais ne boudons pas notre plaisir, car quelques surprises nous attendent encore. Commençons par l'inclusion dans la forteresse même du fabuleux rush d'adrénaline que constitue la section "maximum speed".

Tout y est, des murs destructibles aux portes qui s'ouvrent et se ferment au passage de Burton. Petit détail qui risque d'en décevoir plus d'un : la vitesse de défilement du décor a été franchement revue à la baisse.

Après quelques dizaines de secondes de course effrénée, le bout du tunnel approche, et le scrolling reprend son allure normale. Notez la présence dans le décor, quelques écrans avant la sortie de la section, de murs verticaux en lieu et place des surfaces orientées à 45 degrés. L'esquive de ces murs n'en est que plus délicate, mais elle est permise par la vitesse de défilement moindre de l'écran.

La suite est connue : sol et plafond se liguent contre le Vic Viper, puis c'est au tour du mur couvert de gadgets meurtriers de bloquer le passage.

Le mur vaincu, c'est la forteresse entière qui essaie d'écraser le Vic Viper. L'animation des blocs qui se soulèvent du sol et du plafond est étonnante de fluidité. Il en va de même pour le robot arachnoïde, qu'il est enfin possible de détruire en visant son centre. Sur le cliché ci-dessus, il m'a suffi d'opérer un lent mouvement vers la droite pour que mon dernière satellite se charge de cette basse besogne sans prendre le moindre risque.

Niveau 7 - The Final Enemy

Contrairement à la version arcade, il faudra encore fournir quelques efforts pour parvenir au malfaisant cerveau responsable de toute cette mascarade. Ce dernier niveau, totalement inédit, fait la part belle aux créatures organiques : des amibes bleues sortent d'un décor repoussant, et d'envahissantes canalisations contraignent Burton à user du laser plus que de raison.

Les phénomènes les plus étranges se multiplient : des doigts géants, en très mauvaise santé, tentent d'agripper la carlingue du Vic Viper tandis que d'épineuses protubérances veineuses se créent, en temps réel, devant les yeux médusés de Burton.

L'illusion est parfaite : en faisant progressivement apparaître des éléments bien choisis du décor, les programmeurs simulent le mouvement de sprites démesurés. L'effet de surprise est total : lorsque surgissent ces masses difformes, le joueur n'a qu'une fraction de secondes pour réagir s'il veut éviter le crash. Salamander avait déjà travaillé cet effet, mais de façon bien moins efficace et convaincante.

Le décor continue de faire des siennes, et il faut des réflexes bien aiguisés pour franchir à temps l'étroit passage que ces amas organiques s'apprêtent à refermer.

Scandale : à l'instar de Gradius II sur MSX, le boss final se défend, et pas qu'un peu. Les bulles qu'il expulse par la bouche - probablement des remontées gastriques - sont d'une redoutable solidité. Sans Gaviscon sous la main, Burton n'a d'autre choix de que tuer le malade pendant qu'il en est encore temps. Nemesis est sauvé !

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