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Fallout - La série
Année : 1997
Système : Windows, Playstation 3, Playstation 4, Xbox 360, Xbox One
Développeur : Interplay
Éditeur : Interplay
Genre : RPG / FPS

Gameplay

Les combats, on l'a dit, sont incessants et il n'y a guère de moyen d'y échapper. Afin de satisfaire aussi bien l'amateur de Modern Warfare que le vieux routard du RPG, le choix vous est laissé entre temps réel et tour-par-tour. Lorsque des ennemis se présentent, les points d'action (PA) n'entrent pas en ligne de compte, on peut courir et se battre comme dans n'importe quel jeu d'action en vue subjective. Chacun de vos tirs (ou coups portés avec des armes de corps-à-corps) reste soumis à la valeur de Chance de vos stats S.P.E.C.I.A.L et peut donc rater même en ajustant parfaitement la cible. C'est frustrant et ça peut passer pour des problèmes de collision, ce qui ajouté au comportement stupide des ennemis finit par faire ressembler Fallout 3 à un Doom-like primitif et imprécis.

Mode V.A.T.S : la posture de cet ennemi fait que son bras droit a moins de chance d'être touché (67%) que les autres membres. Si vous rendez infirme ses jambes il devient immobile, son fusil et il passera sur une arme de corps-à-corps, sa tête et il ne pourra plus viser correctement ou (plus rarement) s'attaquera à ses alliés. En principe Ses points de vie sont indépendants de l'état de ses membres, mais à haut niveau il arrive (trop) souvent qu'une attaque invalidante à la tête le tue en même temps. Que ce soit en temps réel ou en V.A.T.S, on finit donc par aligner les headshots. Dommage que le joueur ne soit pas davantage poussé à varier ses attaques.

C'est là qu'intervient le Vault-Tec Assisted Targeting System (V.A.T.S), interface qui tend vers le tour-par-tour sans l'être totalement : une pression sur un bouton fige l'action et provoque un zoom de la caméra vers l'ennemi, qui apparaît de face plein cadre. Vous sélectionnez alors la partie du corps sur laquelle vous allez tirer : jambes, tête, bras, torse, ou tir sur l'arme. Pour chaque membre, la probabilité de toucher apparaît, ainsi qu'une jauge de dégâts. Au bas de l'écran figure la barre de vie de l'ennemi avec une prévisualisation des points de vie qu'il subira lors de l'attaque, et votre jauge de PA. Vous pouvez programmer plusieurs tirs, en fonction des PA restants, avant de valider l'attaque. Celle-ci est alors mise en scène : votre personnage tire et l'ennemi encaisse les coups, le tout vu au ralenti avec un mouvement de caméra rotatif. Si vous n'avez plus de PA, vous devez rester en temps réel le temps que la jauge se recharge. Le fait d'ouvrir son inventaire et d'utiliser les objets, stimpacks et autres drogues qu'il contient ne consomme pas de PA, ce qui est un assouplissement considérable par rapport au tour-par-tour des anciens Fallout.

Le V.A.T.S est une réussite ludique : ça va vite, ça fait un peu penser aux RPG japonais dans la mise en forme et on peut observer son perso en action. À haut niveau, lorsqu'on consomme très peu de PA par tir, il est même possible de faire des cartons homériques. Mais la dimension stratégique est limitée : comme les ennemis restent à découvert et foncent bêtement vers le joueur, les chances de coup réussi varient peu d'un membre à l'autre et le tir à la tête reste incontournable pour en finir au plus vite. On n'est pas suffisamment encouragé à estropier l'ennemi ou détruire son arme, ce qui pourtant peut s'avérer utile et très amusant.

Les armes sont nombreuses et aussi réussies que dans n'importe quel FPS correct des années 2000. Fusils, pistolets, mitraillettes, épées, Gattling, poings assistés, lance-roquettes, grenades diverses, il y a de quoi faire. Et au cas où vous tomberiez sur un ennemi trop résistant, votre lance-roquette Fat Man lui expédiera quelques mini-bombes nucléaires dans les gencives, c'est bien fun. Des ateliers permettent aussi de fabriquer des armes uniques en combinant les centaines d'objets (inutiles en eux-même) trouvés pendant le jeu. Il n'y en a que 7, mais elles sont très drôles : le Rock-it Launcher utilise n'importe quel objet comme munition (même les ours en peluche), le fusil à fléchettes paralyse les jambes des ennemis (avec ça les Griffemorts ne se prennent plus pour Bob Beamon)...

Visualisation de l'attaque en mode V.A.T.S. A haut niveau, l'ennemi est déchiqueté avec des effets gores si outranciers que ça en devient comique. Comme dans Oblivion, les personnages n'ont pas une apparence réaliste et leur animation est rudimentaire. Si le jeu peut choquer, c'est davantage par les situations qui sont décrites pendant les quêtes.
Dans le QG de la Confrérie de l'Acier se trouvent de nombreux terminaux que vous pouvez pirater pour y lire des infos sur les conflits au sein de la Confrérie, la guerre nucléaire, l'Enclave, le projet Liberty Prime (le robot géant)... Le hacking de terminaux se fait par un mini jeu inspiré du Master Mind, dont la difficulté est conditionnée par la compétence en Sciences.

Le reste du gameplay est directement importé d'Oblivion : infiltration, crochetage, vol, réparation d'armes dans l'inventaire, on est en terrain connu. Il est possible de recruter un compagnon parmi un choix de 8, dont certains sont surprenants (un super mutant, une prostituée, un pillard...), mais tous d'une aide précieuse au combat. La navigation dans le Pip-Boy est efficace, la carte et le déplacement rapide sont toujours là et bienvenus. Seul le journal de quêtes déçoit, puisqu'il ne conserve pas le récit des événement passés comme c'était le cas dans Oblivion.

Votre personnage peut subir des dégâts variés sur différents membres ou être irradié, ce qui se produira dans de nombreuses zones, et peut à terme en être affecté dans sa mobilité et son champ de vision, voire en mourir. Mais il faut vraiment le faire exprès car des comprimés très faciles à trouver soignent ça aussi facilement qu'une crise d'asthme. Le jeu est globalement facile, bien plus que ne l'étaient Fallout 1 et 2. Votre personnage avancera même s'il est mal conçu, même si vous multipliez les erreurs. Il est certes possible d'augmenter de deux crans la difficulté de base, mais certains choix de game design comme la possibilité de transporter à l'infini des munitions sans alourdir l'inventaire, l'immortalité des compagnons et la quantité de perks dédiés au combat, étonnent par leur indulgence.

Les à-côtés

La Tenpenny Tower est un hôtel de luxe magnifiquement préservé. Ses occupants haïssent les pauvres et les êtres rendus difformes par les retombées du conflit. Pour vous faire bien voir de ces bourgeois, vous devrez soit être spécialisé en Discours, soit accepter une mission aux conséquences insupportables. Cet endroit est à visiter absolument car il est le siège de la meilleur quête secondaire du jeu.
Résidente de Megaton, Moira Brown tente d'établir une taxinomie des terres dévastées, et vous pouvez l'aider. Cela se solde par une série de missions dignes d'un MMORPG, mais les récompenses sont intéressantes en début de partie. Si vous détruisez la ville, elle s'en sort (pour que ses quêtes restent accessibles, Bethesda style), mais dans un état physique très altéré.

Les Elder Scrolls sont célèbres pour la quantité industrielle de quêtes qu'ils proposent et le faible pourcentage de jeu que représente, chez eux, l'aventure principale. Aussi, il est étonnant de constater que Fallout 3 ne contient qu'une vingtaine de quêtes secondaires dignes de ce nom, dont les deux tiers s'obtiennent sur le chemin de la principale. Autrement dit, lorsque vous atteindrez la conclusion de l'histoire et la laisserez en plan pour ne pas déclencher la séquence de fin, vous n'aurez sans doute que cinq ou six quêtes secondaires à dénicher, ce qui est d'autant plus gênant qu'à ce stade vous aurez exploré la moitié de la carte tout au plus. C'est très troublant, au moins dans un premier temps  : on se retrouve sans rien à faire ou presque dans un monde immense qui pourtant regorge de lieux intéressants. Ne reste alors qu'à se promener sans but précis, visiter des bâtiments par dizaines (il y aura toujours un objet sympathique à récupérer), lire des terminaux, collectionner différents objets... Vous aurez alors atteint un niveau confortable et débloqué les perks nécessaires pour ne plus être embêté par les combats aléatoires ni vous perdre, et pourrez vous abandonner au simple plaisir de parcourir un monde virtuel, vous imprégner de son histoire, contempler le travail effectué sur les décors. Les Elder Scrolls mettent aussi cette manière de jouer en avant, mais ce n'est qu'une façon de les aborder parmi d'autres. Dans Fallout 3, la sensation d'abandon, de désœuvrement, est inéluctable. D'ailleurs, le niveau maximum de votre personnage plafonne à 20, signe clair d'une intention de livrer un jeu aux dimensions finies.

Le cimetière d'Arlington est un exemple d'endroit fascinant, mais dans lequel il n'y a pratiquement rien à faire.
Inspection d'un abri : l'endroit vous fait peur ? Attendez d'en connaître l'histoire...

Avant d'en arriver là, il y a tout de même de quoi s'occuper pendant des dizaines d'heures et les quêtes secondaires sont dans l'ensemble savoureuses, en particulier celles qui conduisent à visiter un abri. La société Vault-Tec, qui les a construits, est présentée par le biais de ses publicités d'avant-guerre comme une multinationale œuvrant pour le bien des citoyens américains. Mais plus on en apprend sur elle, plus on réalise que c'était un empire du mal exécutant les projets les plus inavouables du gouvernement. Ainsi, les abris n'avaient pas pour but de protéger leurs occupants mais d'expérimenter différentes micro-sociétés fondées chacune sur un concept, une idéologie ou un certain type de population. Certains servaient même à tester des produits chimiques sur des sujets vivants, à leur insu. Bien sûr, les choses ont mal tourné le plus souvent (révoltes, massacres, épidémies, famine...), et la plupart des abris qu'on peut visiter sont abandonnés. Il y en a 4 dans Fallout 3 (en plus du 101 d'où vient le héros), et ils sont conçus comme des donjons. Glauques, remplis de cadavres et de monstres, on s'y perd facilement mais les lieux recèlent de nombreuses informations sur ce qui s'y est passé. Même si les graphistes (et c'est valable pour tout le jeu) ont mis le paquet sur les détails horrifiques, ces visites sont passionnantes et on n'aura le fin mot de l'histoire qu'en les poursuivant jusqu'au bout. La quête principale en comporte une, les quêtes secondaires une ou deux, il serait dommage de passer à côté des autres.

Les extensions

Cinq DLC ont été vendus, mais une version du jeu les incluant tous est ensuite apparue, c'est celle-ci qui se perpétuera. Une de ces extensions prolonge le jeu principal, les autres sont des spin-offs en décalage avec la progression de votre personnage et son histoire. Installer l'ensemble repousse le niveau maximal du personnage à 30 et allonge la liste de perks du jeu.

- Broken Steel : cette extension est très utile car elle permet de continuer le jeu après la fin de la quête principale (certaines conséquences de vos actes passent à la trappe pour les raisons évoquées plus haut). Il s'agit de mener la Confrérie de l'Acier à la victoire finale contre l'Enclave. Il y a de nouveaux lieux à explorer dans Washington DC (la Maison Blanche, notamment) et une ou deux phases de jeu assez intéressantes, mais dans l'ensemble c'est surtout de baston contre des ennemis en armure qu'il s'agit. On se croirait un peu dans le dernier tiers de Half-Life², lors de l'attaque de City 17. Le final est plutôt sympathique.

- Operation Anchorage : une simulation en réalité virtuelle vous fait revivre une des grandes batailles qui ont précédé la guerre nucléaire. L'équipement de votre personnage est imposé, et le jeu se transforme en clone raté des premiers Medal of Honor. Dommage.

Combat aux côtés de Liberty Prime dans Broken Steel. Conçu pour tuer des Chinois, le robot ne cesse de déclamer des slogans anticommunistes.
Operation Anchorage : level-design en couloir, fusillades incessantes, ennemis crétins, aucun loot... C'est la cata.

- The Pitt : vous vous rendez dans ce qui reste de Pittsburgh, qui fut une ville de métallurgistes (rappelez-vous du début du film Voyage au bout de l'enfer). Dans Fallout 3, c'est un repaire de négriers qui font travailler des prisonniers capturés un peu partout autour de DC, dans des conditions atroces. Vous devrez mener une révolte d'esclaves, ou la faire capoter, au choix. Cette extension est assez réussie, les décors sont intéressants à explorer (avec enfin un peu de verticalité) et la tension est palpable tout le long.

Bienvenue dans les hauts-fourneaux de The Pitt : en plus d'une quête assez courte mais bien menée, vous aurez droit à la collecte de 100 lingots d'acier dans une usine au level-design soigné.
Mothership Zeta plonge Fallout 3 dans la SF rétro. Certaines scènes scriptées sont très impressionnantes, mais on peut passer à côté du contenu le plus intéressant si on se contente de suivre le marqueur de quête.

- Mothership Zeta : dans ce petit aparté hors-sujet, vous êtes capturé par des extra-terrestres du genre "zone 51" qui étudient depuis des millénaires la race humaine, en vue d'une extermination future. Vous devrez parcourir leur vaisseau de fond en combles, libérer des prisonniers, puis atteindre le poste de pilotage, très Star Trek dans l'esprit, pour rentrer chez vous. Les décors sont superbes et il y a de puissantes armes alien à collecter.

Avec Point Lookout, Bethesda s'est un peu lâché et ça lui réussit. Au menu : une secte mystique à noyauter, de sombres histoires d'espionnage, un siège à tenir dans un magnifique manoir, une enquête sur l'épave d'un avion écrasé ou celle d'un sous-marin, un phare à rallumer...

- Point Lookout : le add-on le plus apprécié, le seul à contenir une vaste zone de jeu inédite. L'action se passe dans une île comportant un village abandonné, quelques demeures victoriennes, des installations militaires et des km² de marécages peuplés de paysans dégénérés qui tirent à vue. Les quêtes sont très bonnes, assez longues, les NPC intéressants et il y a pas mal de petites histoires à reconstituer en explorant les lieux... Un cocktail de brumes lovecraftiennes et de Redneck Rampage, très réussi.

Fallout 3, le messie ?

Bethesda a fait énormément d'efforts et déployé une imagerie extraordinaire. Son respect envers la licence Fallout et son intention de la porter haut et loin ne font aucun doute. Fallout 3 est un jeu massif, un open-world époustouflant, et une expérience qu'on n'oublie pas.

Ce qui lui manque, c'est la modularité narrative et idéologique des anciens épisodes. Il pêche aussi par naïveté, oubliant en route l'aspect amoral de ses aînés. Oui, on peut y jouer une brute, un menteur ou un voleur, on peut se montrer odieux avec des gens qui ne nous ont rien fait, et aider des ordures à s'enrichir en commettant des exactions, puis les flinguer et les dépouiller. Mais ce ne sont que des codes, une banque de données et de scripts. Difficile d'en tirer une réflexion d'ensemble sur la civilisation, la guerre, le pouvoir, ce à quoi les épisodes précédents se risquaient avec une audace rare.

Enfin, on peut déplorer que le jeu accorde autant de place à l'action et à la montée en puissance physique du personnage. Mais c'est un reproche qu'il faut faire en connaissance de cause, sans tomber dans les clichés et en se mettant à la place de développeurs dont la mission ne se résume pas à sortir un jeu fait sur mesure pour une poignée d'internautes intransigeants, puis aller pointer au chomage derrière... Considérons donc ce jeu comme un coup d'essai. Les outils pour développer un Fallout tout en 3d sont prêts, on sait qu'ils fonctionnent et que la formule plaît au public. C'est déjà une avancée considérable.  

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