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The Sinking City
Année : 2019
Système : Windows, Playstation 4, Playstation 5, Switch, Xbox 360, Xbox Series
Développeur : Frogwares
Éditeur : Frogwares
Genre : Aventure / FPS / Survival Horror

THE SINKING CITY

Année : 2019, 2021
Systèmes : XBox360, PS4, PC Windows, Switch puis PS5, XBox Series
Supports : DVD / Blu-ray
Développeur : Frogwares
Éditeur : Nacon Frogwares

L'histoire

Dans The Sinking City (dont une traduction serait "la Cité Engloutie"), on incarne le détective privé Charles W. Reed, autour de 1925. Quand le jeu commence, il se réveille en sursaut sur son lit, dans la cabine d'un bateau, et se précipite vers sa valise qu'il ouvre fébrilement. Dedans, un miroir qu'il rabat pour ne pas voir son reflet, des fioles de médicaments, et quelques photos - surtout une qui le représente parmi un groupe de marins souriants. Regardant cette photo, Charles voit l'apparence des marins se décomposer - sauf lui. Paniquant, il ferme la valise, s'assoit sur son lit et essaie de se calmer... quand un tentacule surgit de sous son lit et lui attrape la jambe.

Charles n'a pas l'air en forme.
Rêve, hallucination ou... souvenir ?

Reed se réveille, se lève péniblement, et sort lentement de sa cabine. Le bateau est échoué sur un immense récif sous-marin. Levant les yeux, Charles voit la surface de l'eau qui ondoie très loin au-dessus, tandis qu'une gigantesque créature ressemblant à un mélange de poulpe et de méduse nage paresseusement en face de lui. Montant sur le bastingage, Reed aperçoit, des dizaines de mètres plus bas, ce qui ressemble à un village dont un des bâtiments a même une enseigne indiquant "Récif du Diable" en néons rouges. Il met les bras en croix... et se laisse tomber à la renverse dans le vide, plongeant vers... une énorme gueule à peine visible dans le brouillard... et semble finir sa chute sur sa couchette. Se réveilllant en haletant, il s'asseoit en sursaut pour reprendre son souffle.

Après cette cinématique, Charles s'est équipé et sort de sa cabine. Il monte sur le quai et fait la rencontre de la personne avec qui il a entretenu une correspondance pour venir à Oakmont, afin de résoudre son problème d'abominables cauchemars récurrents : Johannes Van der Berg. L'homme, habillé d'un costume jaune, chapeau assorti et lunettes rondes, s'est occupé de tout concernant le séjour de Charles : il lui a retenu une chambre à l'hôtel qui s'appelle... le Récif du Diable, et lui confirme que celui qui peut l'aider, et qui a étudié et financé des recherches sur les rêves, s'appelle Robert Throgmorton... Ce personnage que Van der Berg considère comme "une remarquable créature, héritier d'une robuste lignée" se trouve justement près d'ici, au port. Reed se présente auprès de lui, et se retrouve en plein milieu d'une enquête policière avec scène de crime.

Johannes Van der Berg.
Robert Throgmorton.

Throgmorton, fier de son apparence (déconcertante pour quelqu'un n'habitant pas Oakmont) et visiblement à la fois très riche et condescendant, explique à Charles que son fils a disparu de la maison derrière lui, et que les pêcheurs qui y habitent affirment qu'il les a agressés. Reed lui propose son aide en tant que détective privé, et Throgmorton accepte - en promettant de l'aider à résoudre son problème s'il retrouve son fils. Du coup, Charles se dirige vers l'étage de la maison, constate les dégâts humains et matériels, parle avec le pêcheur rescapé... Utilisant son sixième sens qui lui a déjà permis de résoudre de nombreuses affaires, il arrive à remonter la piste du seul pêcheur disparu (Lewis) et du fils Throgmorton, qui sort de la maison et l'emmène dans un entrepôt non loin. Après y avoir fouillé le rez-de-chaussée, Reed descend au sous-sol, et doit affronter deux terribles découvertes : d'une part, le cadavre du fils Throgmorton, tué d'un tir au milieu du front - et pendu par deux crochets dans les épaules pour faire bonne mesure ; et d'autre part, une créature cauchemardesque, qui ressemble à des bras reliés à une gueule pleine de dents, qui se jette sur lui.

Charles fait feu et la créature (qu'on apprendra plus tard être une malbête) s'effondre. Fouillant plus attentivement, il trouve une lettre indiquant que Lewis, le pêcheur disparu, a des soucis d'argent et doit se terrer dans le bar du coin. Il s'y rend, discute avec le barman et arrive à obtenir la clé de la chambre où Lewis se cache. L'homme a sans le moindre doute le masque d'Innsmouth, et il explique à Reed qu'il est un réfugié de cette ville, qu'il a eu énormément de mal à trouver du travail à Oakmont pour nourrir sa famille, et qu'il ne se souvient pas du tout de ce qui s'est passé après que lui et ses amis pêcheurs aient recueilli le fils Throgmorton, qu'ils avaient découvert inconscient dans une chaloupe.

Après avoir rassemblé toutes les preuves des lieux liés au crime, Charles va pouvoir choisir de dénoncer Lewis à Throgmorton, ou au contraire de le laisser filer, convaincu de sa bonne foi et qu'il a agi sans s'en rendre compte. Il ne reste plus qu'à faire le compte-rendu à Throgmorton...

Voilà qui n'est pas naturel... et on n'est pas dans Ghostbusters.
Lewis le pêcheur. Réfugié d'Innsmouth, vu son apparence.

L'aventure peut vraiment commencer...

Respect par rapport à l'œuvre de Lovecraft

Il y a plus de ressemblances avec Innsmouth proprement dite dans ce jeu que dans le jeu précédent. The Sinking City utilise intelligemment la nouvelle de Lovecraft comme base de départ, comme faisait le premier Witcher qui commençait juste après le dernier roman de Sapkowski. Dans le jeu, Innsmouth est nommément citée, elle n'est pas très loin et comme elle vient d'être plus ou moins rasée par la police (comme indiqué au tout début de la nouvelle), cela provoque un afflux de réfugiés vers Oakmont.

L'enseigne de l'hôtel (au nom évocateur) où loge Charles...
... mais alors, cette vision qu'a eu Charles au début ?

On y assiste à une lutte de pouvoir entre les trois grandes familles de la ville.
- La première, les Throgmorton, est basée sur la nouvelle Arthur Jermyn, qui raconte les voyages d'un explorateur dans l'Afrique profonde où vivent cachés les singes blancs ; l'apparence des membres de cette famille devrait vous faire comprendre ce que le trisaïeul d'Arthur a initié quelques générations plus tôt. Dans The Sinking City ce personnage est remplacé par Francis Throgmorton, le père de Robert, qui a monté une expédition en Afrique en 1891.
- La deuxième, les Blackwood, a disparu depuis l'Inondation, mais il est admis qu'au contraire des deux autres elle entretenait de bonnes relations avec les réfugiés d'Innsmouth ; d'ailleurs, une référence dite par l'un d'eux parle de "la famille Blackwood, autrefois liée aux habitants d'Innsmouth par les Marsh", ce qui rappelle bien Obed Marsh dans la nouvelle ; de plus, il existe une conserverie Blackwood-Marsh dans la ville (et des affiches sans équivoque à ce sujet). Reed rencontrera Ebernote Blackwood, rescapé de cette famille. Ce nom serait-il un hommage à Algernon Blackwood, écrivain que Lovecraft adorait ?
- La troisième famille, les Carpenter, a visiblement été rajoutée pour le besoin du jeu et de la "guerre des gangs" décrite dans l'histoire. Cette idée est intelligente, elle permet de nombreuses références culturelles sur ce qui s'est passé dans la réalité à l'époque de la Prohibition, et amène le joueur à se poser pas mal de questions. De plus, cette famille est en-dehors de l'inimitié "face de poisson / face de singe" que se vouent les deux autres, et ne s'intéresse qu'à obtenir le pouvoir. Mais à quel prix ?

Les autres références à Innsmouth sont subtiles, comme par exemple le nom de l'hôtel. L'Ordre Ésotérique de Dagon est là aussi, bien caché... et aux intentions loin d'être claires. On n'est clairement pas à Innsmouth, mais malgré tout, plus encore que dans L'Appel de Cthulhu, on a vraiment l'impression d'y déambuler, tellement l'ambiance est peu engageante, avec ces détails mystérieux un peu partout. Et puis, certaines rues portent des noms en référence à Lovecraft : Alhazred Street, Innsmouth Road, Ward Street, Eibon Street...

Combien de temps faut-il pour que de pareilles
excroissances se retrouvent devant...
... et à l'intérieur des bâtiments ?
Qu'est-ce que c'est que cette ville ??

Dans The Sinking City, on découvrira de nombreux lieux tels que l'hôpital, l'asile, la bibliothèque, l'université... qui n'existent pas à proprement parler à Innsmouth. Là aussi, ces lieux restent cohérents avec l'histoire, par leur aspect mais surtout par leur importance pour l'enquête. Le jeu se permet par ailleurs certaines touches humoristiques qui détonnent avec l'ambiance générale, comme des publicités dans la rue vantant les mérites des douces caresses des tentacules...

Élémentaire, mon cher Reed !

C'est dans The Sinking City qu'on exerce le plus ses talents de détective, alors qu'on en incarne un dans les trois jeux. En dehors des quêtes annexes un peu plus simples, on a d'abord dans chaque chapitre la recherche des lieux proprements dits liés à un élément. Ensuite dans chaque lieu en question, il faut arriver à trouver toutes les preuves plus ou moins cachées (le jeu signale quand vous avez réussi). Ces preuves sont de plusieurs sortes : des éléments matériels (objets, taches de sang...) mais aussi des éléments cachés, accessibles via le fameux sixième sens de Charles : les bords de l'écran se mettent à vibrer quand le joueur se trouve près de l'un d'eux. En basculant dans ce mode, qui consomme de la santé mentale et dont il ne faut pas abuser, il est possible de de suivre une piste, ou de voir des traces cachées soit sur des objets qu'on a en main, soit directement dans l'environnement (passage secret ou masqué).
Une fois qu'on a progressé dans la recherche de preuves, il faut utiliser le sixième sens à un endroit bien précis qui s'affiche dans le lieu qu'on examine, pour passer en mode profiler et reconstituer une suite d'évènements (entre trois et cinq) dans le bon ordre, ce qui fait encore avancer l'histoire. Quand le joueur a résolu l'énigme, Charles résume les faits. Tout ce qu'il trouve est inscrit dans son carnet de notes.

De plus, les établissements publics d'Oakmont (police, journal, bibliothèque, mairie...) proposent tous le service de farfouiller dans leurs archives. La méthode doit être utilisée finement : d'abord, sélectionner dans les notes le sujet à rechercher, puis dans les archives le faire coïncider avec trois éléments (période, quartier...). Si tous correspondent, il y a un résultat que Charles inscrit à son tour dans son carnet de notes, puis sur la carte.

Une recherche dans les archives de police pour trouver l'adresse d'un suspect.

Mais ce n'est pas tout ! En plus de noter les objets ou évènements trouvées au cours de l'enquête, il faut se rendre régulièrement dans le "Palais de la Mémoire" pour associer ce qu'on a découvert. En combinant des faits deux par deux, on finit par arriver à des déductions précises qui résument le chapitre, et certaines sont des "pivots" qui permettent de choisir entre deux options opposées. Dans le cas du tout premier crime, comme je le disais, on peut choisir de voir Lewis le pêcheur comme un assassin sadique et déterminé, ou comme une victime poussée par une force mystérieuse ; choisir l'une ou l'autre option entraîne des liens différents, et le jeu se cale sur ce choix. Ainsi, si on défend le pêcheur, on peut mentir à Throgmorton en lui disant que Lewis a été dévoré par des malbêtes... option impossible si on décide de l'accuser du meurtre.

Cette partie "détective" n'est pas très difficile, mais elle est plaisante. Une fois qu'on a bien trouvé toutes les preuves dans chaque lieu du chapitre, et découvert puis replacé dans le bon ordre les différentes séquences, les propositions à classer et associer dans le palais de la mémoire sont cohérentes et en rapport avec l'histoire, donc il ne faut pas longtemps pour faire le tour et trouver les déductions du chapitre. Une fois que tout est en place, il faut retourner voir le commanditaire pour lui faire part de ce qu'on a trouvé au final (et donc prendre garde aux déductions "pivots") pour progresser dans l'aventure via les dialogues, et recevoir les récompenses attendues.

Une déduction pivôt, qui affecte la conclusion du chapitre.

Pour finir, il faut parler de l'arbre de talents de Reed, réparti en trois parties : combat, vigueur et esprit. On récolte des points de connaissance au fur et à mesure qu'on complète des quêtes, et il suffit de choisir un élément pour l'apprendre. À vous de voir quel style vous préférez, privilégier (entre autres) l'action ou la résistance à la folie ?

D'ailleurs, concernant la gestion de la folie, Reed possède une barre de mental, qui diminue lors de certaines actions (vision de choses innomables, utilisation du sixième sens...). Lorsque la barre commence à diminuer, Reed a des visions qui le perturbent, dont certaines le mettent en scène. Plus la barre se vide, plus l'environnement autour de lui se dégrade. Il est inquiétant de constater que même quand cette barre remonte, si on laisse Reed immobile, on le voit sortir son arme et la poser sur sa tempe, mais pas d'inquiétude, il ne tirera pas. N'oublions pas que lui aussi est traumatisé par un évènement antérieur (naufrage de l'USS Cyclops où il était en poste avec ses amis, ceux qu'on voit sur la photo dans l'intro) et qu'il est venu à Oakmont suite à son enquête sur ces visions atroces, dont lui et bien d'autres personnes souffrent. Comme Pierce dans Call of Cthulhu, Reed peut utiliser des médicaments pour se calmer.

Le jeu à proprement parler

Graphiquement, The Sinking City est dans la même veine que le jeu précédent. Les bâtiments décrépits voire délabrés, les rues souvent inondées, les étranges piliers cyclopéens qui se dressent à certains endroits de la ville, les cycles jour/nuit sec/brumeux/pluvieux, tout ceci confirme au joueur que si une telle ville existait, il faudrait éviter de s'y rendre à tout prix. C'est glauque, lugubre, très humide... et donc parfait pour l'ambiance à la Lovecraft, bien retranscrite à l'écran par de nombreux détails (surtout le poisson omniprésent).

Les personnages avec qui on peut discuter sont très détaillés et ne se ressemblent pas trop, même si certains d'entre eux partagent le même modèle 3D facial... ce qui n'est pas le cas des passants, qu'on retrouve vraiment partout (un peu comme dans le premier Witcher avant l'extension gratuite). Les visages des protagonistes de The Sinking City sont de loin les plus détaillés parmi les trois jeux : même s'ils n'ont pas beaucoup d'expressions, et que les conversations se font toujours en plan américain / plan rapproché / gros plan, c'est du beau travail. Et surtout, chapeau pour le look de Throgmorton et des habitants d'Innsmouth, leur modélisation est digne d'éloges.

La boîte version "Day One" sur PS4. Merci au site Mobygames !
Cliquez sur une image pour une version plus grande.

Côté son, premier constat : le jeu est doublé en français, et de fort belle façon, à mon sens pas besoin de repasser sur la version anglaise pour bien profiter des répliques. Ça n'a l'air de rien, mais en cours de partie, entendre les gens et ne pas devoir lire les sous-titres, quel bonheur ! C'est Jérémie Covillault qui double Charles Reed ; en dehors d'être la voix officielle de Benedict Cumberbatch ou Tom Hardy, il a déjà à son actif de grands jeux : interprète de Gascoigne et Gehrman dans Bloodborne, du seigneur Nicholas dans A Plague Tale: Innocence, de Jackie Welles dans Cyberpunk 2077, mais aussi de John Blacksad dans Blacksad : Under the Skin... Je n'ai pas réussi à trouver les autres voix françaises.

Pour les bruitages, ils sont aussi efficaces, surtout encore une fois les sons d'ambiance. Et pour la musique, là non plus je n'ai pas vraiment fait attention.

C'est pas beau, Oakmont, même le jour

Un point qui mérite un chapitre : contrairement aux deux autres jeux où on se déplace dans des zones indépendantes, de tailles plus ou moins réduites, The Sinking City offre au joueur rien de moins que l'équivalent d'un petit open world. Oakmont est grande, très grande même, ce qui est un avantage pour l'immersion et montrer les différences entre quartiers inondés/secs, riches/pauvres, etc... Il est clair que les différentes zones de la ville ne sont pas logées à la même enseigne, et il est possible de marcher tranquillement dans une large rue carrossable bordée d'arbres centenaires, derrière lesquels se dressent de belles masures... alors qu'on finit toujours par revenir dans les quartiers pauvres inondés, ne serait-ce que pour aller régulièrement dans la chambre d'hôtel. En fait, comme dans Batman Arkham City, la ville est un personnage à part entière.

La carte d'Oakmont.
Cliquez sur l'image pour une version plus grande.

On a réellement l'impression d'arpenter les rues d'une ville qui se remet d'une catastrophe, où les secours ne peuvent pas intervenir, et où les habitants survivent comme ils peuvent dans le chaos, la misère (pour la plupart) et les monstres d'un autre monde. Les gens ont compris que les malbêtes se trouvent principalement dans certaines zones, et ils les ont barricadées comme ils ont pu. L'apathie avec laquelles ils en parlent montrent bien qu'ils ne comprennent ni le comment et le pourquoi de l'Inondation, ni ses conséquences, mais ils ont tellement de mal à s'en sortir que savoir qu'il faut éviter les monstres leur suffit...

Ce que je trouve intéressant, c'est le fait de devoir trouver son chemin en utilisant la carte : ici, pas de points d'interrogation qui fleurissent automatiquement un peu partout. Comme le dit Johannes quand Charles débarque : "Personne ne viendra vous guider, alors c'est à vous de savoir comment trouver ce que vous cherchez". Du coup, les lieux liés aux quêtes sont toujours décrits par des intersections de rues, du genre "dans Reed Heights, sur Eibon Street, entre Warren Road et Heavenhill Avenue". Il faut trouver l'endroit soi-même, puis choisir l'itinéraire pour y aller, soit en privilégiant la sécurité quitte à faire de longs détours, soit en privilégiant la rapidité et en traversant des zones dangereuses remplies de malbêtes de toutes sortes.

Conséquence de son gigantisme, les déplacements sont assez lents, même en bateau : oui, des fois on est obligé de prendre la barque (à moteur heureusement), même pour une petite distance, car l'endroit où on veut aller est coupé du reste par l'Inondation... et s'il est possible de nager, ce doit être pour une très courte distance, car il y a d'autres malbêtes dans l'eau qui grignotent petit à petit le joueur. Il est tout à fait possible de "se promener" (façon de parler) et d'explorer la totalité de la ville si le cœur vous en dit, ce qui est sans danger du moment que vous n'allez pas dans les zones infestées, mais au final les décors de chaque quartier finissent par être lassants, et comme je disais, même en courant on ne va pas très vite. Mais l'exploration récompense le joueur : d'abord il y a des lieux bien spécifiques assez impressionnants ; cela permet également de ramasser des ressources un peu partout, pour pouvoir créer des matériaux (soins, munitions, pièges, bombes, etc.) ; et enfin, cela permet de trouver des cabines téléphoniques qui servent de réccourcis, pour pouvoir se rendre plus vite d'un quartier à un autre. Et comme les quêtes annexes, nombreuses mais pas toujours passionnantes, vont vous faire arpenter ces rues dans tous les sens, avoir déniché l'essentiel des cabines est un plus.

Les différences de classe se font jour, elles vont de pair avec l'état du quartier. Certains lieux sont
quand même impressionnants. Mais bon, ne vous y trompez pas : presque tout ici est décrépit, glauque,
comme laissé à l'abandon pendant dix ans au fond de l'océan.

Conclusion

The Sinking City n'est certainement pas un mauvais jeu ; mais les critiques n'ont pas été tendres avec lui, qui mérite bien mieux. Encore une fois, tenter d'adapter l'univers de Lovecraft est difficile. Ici, on a visé du lourd, plus en adéquation avec les jeux AAA de l'époque : un monde ouvert, des choix laissés au joueur pour la résolution des différentes quêtes. Mais c'est un jeu Frogwares et donc, malgré toute leur bonne volonté et leur savoir-faire dans l'univers de Sherlock Holmes, c'est un AA. Faut-il pour autant lui tourner le dos ? Ce serait une erreur. À mon sens, il a de nombreuses qualités...

... mais un gros défaut : les combats. Reed est lent, il est peu résistant, mal armé, et même si on finit par récupérer des mitraillettes, les séquences de tir contre les malbêtes sont mal gérées. Au début du jeu, combattre les malbêtes qui se trouvent dans les lieux de quête est délicat, et s'aventurer dans un quartier infesté est un suicide. Même plus tard, mieux armé, on reste faible face aux malbêtes de taille moyenne, et surtout face aux grosses qu'il vaut mieux décaper à la grenade. La visée est encore potable, mais les bestioles sont agiles (pour les petites) et costaudes (pour les autres) ; de plus, on est rapidement à court de balles, et si on peut en refaire avec assez de matériaux, ça reste des fois très limite. Au final, on appréhende systématiquement de devoir sortir son arme... Après, passer à côté de toute l'histoire et du plaisir de l'enquête juste parce qu'il faut s'y reprendre à plusieurs fois pour buter un énorme cloporte, ce serait dommage, et en s'accrochant on y arrive.

Du coup, est-ce que je peux vous le conseiller ? Si vous aimez Lovecraft et les enquêtes, oui, sans hésiter. Des trois jeux que j'ai traités, c'est le plus récent et donc visuellement le plus proche de ce qu'on attend en 2023 (mais Call of Cthulhu ne démérite pas sur le plan visuel). Non, The Sinking City est surtout le plus abouti avec des mécaniques intéressantes, la sensation d'incarner réellement un détective, et quelques défauts qui ne pèsent pas si lourd que ça.

Plein de malbêtes (dont une grosse) me foncent dessus, ma santé mentale diminue.
Après cette rencontre abominable,
Reed est au bout du rouleau.

De plus, ce 2 janvier 2024 alors que j'étais en train d'écrire cette page, j'ai reçu un communiqué sur Steam, qui indique la fin de l'imbroglio juridique entre Nacon et Frogwares (TheGreatReview en avait fait un excellent résumé). Il faut croire que les conjonctions entre mon dossier, les étoiles lointaines et la Grand-Race de Yith sont favorables :

Salut les amis, nous avons de grandes nouvelles.
Frogwares est désormais le seul éditeur de The Sinking City sur toutes les plateformes, y compris Steam. Nous sommes heureux d'enfin mettre tout cela derrière nous et nous sommes impatients de partager plus de nouvelles sur l'avenir de la franchise.
Maintenant, veuillez lire attentivement les informations ci-dessous :
Nous publierons bientôt une nouvelle version de The Sinking City qui comprend toutes les dernières corrections de bugs et optimisations ainsi que quelques éléments à garder à l'esprit :
- Pour plusieurs raisons techniques, vos anciennes sauvegardes ne seront pas compatibles avec la nouvelle version. Ne vous inquiétez pas cependant, lorsque vous lancerez le jeu, vous aurez la possibilité de continuer à jouer à l'ancienne version si vous souhaitez la terminer.
- Nous conservons l'ancienne version uniquement pour une durée limitée. S'il vous plaît, pensez à terminer votre partie avant le 28 février 2024 !
- Nous publierons également un nouveau DLC, Merciful Madness, mais gardez à l'esprit qu'il ne fonctionnera qu'avec la nouvelle version du jeu. Si vous ne souhaitez pas rejouer le jeu à partir de zéro pour accéder au DLC, vous pourrez télécharger les sauvegardes préparées qui vous mèneront directement au début des quêtes Merciful Madness.
Nous tenons à vous remercier tous pour votre soutien et votre patience.
Votre équipe Frogwares

Du coup, je ne peux que vous conseiller le jeu. Si vous décidez de l'acheter (ou si vous l'avez déjà), en attendant la nouvelle version, faites attention à vos sauvegardes.

The Sinking City fut testé :
- dans le JeuxVidéoMagazine n°223H d'été 2019 (14/20) ;
- sur Metacritic (71%) ;
- sur jeuxvideo.com (15/20).

Voilà qui conclut ce petit dossier consacré à trois jeux basés sur Lovecraft et Innsmouth. J'espère qu'il vous a plu, et qu'il vous a donné envie, si ce n'est pas déjà le cas, de connaître les œuvres de ce grand écrivain (et accessoirement, de jouer à au moins un de ces jeux).

JPB
(15 janvier 2024)
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