Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Mickmils (19 septembre 2011) WORSE. HOLIDAY. EVER.On n'apprend rien en jouant aux jeux vidéos parait-il. Parait-il que ça rend stupide, que la virtualité vous éloigne de l'expérience de la vie. Pourtant on apprend plein de trucs dans les jeux vidéos. Exemples en vrac : - Comment tuer des nazis. En 1925, les jeux vidéos n'existaient pas. Résultat quand un beau jour de mai Lillian Prune demande à son amie Laura Bow si elle serait d'accord pour l'accompagner lors d'une petite visite familiale dans une vielle demeure cernée par les marais, Laura accepte, persuadée que c'est une EXCELLENTE idée. Après tout qu'est ce qu'il pourrait se passer de mal ? Hein ? Hein ? Et bien vous le saurez en jouant à The Colonel's Bequest ! LA MAISON DU MYSTÈRE EN COULEUR AVEC DES CHAMBRES PAS JAUNES !En 1989, Sierra On-Line est LE studio du jeu d'aventure. Quoi, comment ? Lucasfilm ? Ils ont encore tout à prouver, même s'ils ont déjà sorti Maniac Mansion, Zak McKracken, et qu'Indiana Jones 3 est dans les tuyaux. Sierra a largement eu le temps depuis d'aligner les titres cultes et les séries phares. En 1989, King's Quest, Leisuire Suit Larry, Police Quest, Space Quest sont des séries qui comportent chacune plusieurs excellents épisodes à leur actif. On a d'ailleurs un peu tendance a oublier les progrès faramineux, tant du point de vue technologique que du gameplay, que Sierra a fait faire au genre : le personnage visible à l'écran, il fallait y penser. Le support des cartes sons et de modes graphiques avancées du PcJunior puis de l'EGA, également. Sierra On-Line, bien que portant leurs jeux sur plein de machines, est un studio qui croit au PC et qui faisait tout pour pousser au plus loin ce nouveau genre que sont les jeux d'aventure, ou "fictions interactives animées".Pourtant beaucoup préfèrent Lucasarts, car en comparant avec Sierra, on observe chez ce dernier un gameplay sévère : des commandes à taper à la main, la possibilité de se retrouver en mode zombie (en gros, impossible de poursuivre l'aventure parce que vous avez oublié une action ou un objet à un endroit donné, et on ne vous préviendra pas), et le fait que vraiment, on mourrait pour un ou pour un non. A titre personnel, j'estime au contraire que ça fait partie du charme de leurs jeux, difficiles, mais pas véritablement cruels si on sauvegarde souvent. Avec la série des Laura Bow (série courte, deux épisodes seulement uniquement), Sierra va tenter quelque chose de légèrement différent. Mais avant de rentrer dans les détails du gameplay, peut être est il bon de revenir sur les sources d'inspiration du jeu. Il y en a deux essentiellement : - And then they were none (Dix petits nègres) : ce roman d'Agathie Christie, paru en 1939, relate une sombre affaire de meurtre en série dans lesquels des personnages invités sur une île par un hôte invisible sont assassinés à tour de rôle. Ce livre, qui fait partie des ouvrages les plus vendus au monde (c'est même le plus populaire de son auteur malgré l'absence de ses enquêteurs fêtiches Hercule Poirot et Miss Marple) est considéré comme un classique de la lecture policière. Si vous ne l'avez pas lu, honte à vous ! Courrez lire ce classique ! Moi-même je compte le faire un jour ! - Mystery House : un autre jeu de Roberta Williams publié par Sierra On-Line, qui reprend le concept de la maison dans laquelle tout le monde s'entretue. Il a une autre particularité historique : celle d'être le premier jeu d'aventure graphique, ce qui représentait un saut technologique impressionnant même si c'était globalement très moche et que l'interpréteur de commande était particulièrement naze. The Colonel's Bequest est, pour faire court, un remake très retravaillé de Mystery House. Si tous les éléments sont là, les personnages sont différents et plus développés, et bien sûr les énigmes plus fouillées. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que Sierra nous fait le coup du remake : le premier épisode de Leisure Suit Larry était essentiellement un remake de Softporn, jeu d'humour textuel et sexuel, auquel ont été ajoutés des graphismes et une personnalité propre. L'histoire de Mystery House, a savoir la recherche d'un diamant perdu, fait un petit comeback dans The Colonel's Bequest sans être centrale dans l'intrigue. C'est même carrément une quête annexe. Quoi ? Des quêtes annexes dans un jeu d'aventure ? De 1989 en plus ? Si votre curiosité est piquée, tant mieux. J'y reviendrai par la suite. Parce que pendant qu'on parle, Laura et son amie Lillian en ont profité pour descendre de leur barque frapper à la porte du manoir pour y faire connaissance de la famille. Lillian promet à Laura qu'il s'agit d'individus particulièrement exquis. Comme des cadavres, donc. WORSE. FAMILY DINNER. EVER.Laura et Lillian sont à la bourre. Pas le temps pour les présentations, les invités sont déjà là ! On les emmène donc en cuisine non pour les découper en rondelles (on a toute la nuit pour ça), mais pour manger un succulent repas en compagnie d'hôtes de qualités, et principalement du Colonel Dijon (tiens tiens, Colonel Dijon, comme le Colonel Moutarde du Cluedo ? Un autre des nombreux clins d'oeil (clin d'yeux ?) que le jeu fera au genre)). Le Colonel Dijon est un type dont Laura ne sait pas grand chose, si ce n'est qu'il est extrêmement riche et adoré de sa nièce Lillian. Quand le grincheux personnage en chaise roulante fait son apparition à table, l'ambiance va retomber subitement. Et plus encore lorsqu'il explique qu'il vient de terminer de coucher son testament : lors de son décès, son argent sera distribué en parts égales à tous les invités de ce dîner (a l'exception de Laura, bien entendu). Bien entendu, il y aura autant de parts que de membres SURVIVANTS à la mort du Colonel. Le repas se poursuit. Le colonel se retire dans sa chambre. La discussion est agitée. Tout le monde aurait aimé avoir plus. En parts égales ? C'est un héritage très morcelé. De toute façon, vous mourrez avant lui très chère, vu votre âge et le fait que vous picolez comme un trou. Ah oui ? Et vous alors mon bon monsieur, vous croyez mériter un seul centime ? Oh, et je me demande si ce vieux schnoque en a encore pour longtemps ! Lillian, excédée, quitte la table avec Laura. Le jeu commence. OH MON DIEU LAURA, DERRIÈRE TOI, C'EST AFFREUX !Après une excellente séquence d'intro (et encore plus excellente si vous aviez une Roland MT-32, voir ce lien), nous présentant les divers protagonistes à qui Laura devra survivre toute une soirée (au sens propre comme au sens figuré), le joueur prend le contrôle de la jolie rousse. Mais avant d'aller plus loin, étudions tous ensemble brièvement la belle brochette de salauds que Laura devra se coltiner... jusqu'à ce que mort s'ensuive.
En plus de ces êtres humains, le Colonel a trois bestioles charmantes, que j'ai IMMEDIATEMENT suspectées : - Beauregard le chien : s'agissant d'un jeu Sierra, dès que j'ai vu un chien dans un coin de l'écran je me suis écrié "OH MON DIEU JE VAIS MOURIR JE VAIS MOURIR !". J'avais tort, le toutou est globalement inoffensif. On connait tous un Beauregard, le genre de chien qui apparement ne sert à rien et ne fait que dormir dans sa niche bien en évidence pour que PERSONNE ne le suspecte. Rien que ça, vous ne trouvez pas que c'est un peu louche ? - Blaze le cheval : S'agissant d'un jeu Sierra, quand j'ai vu un cheval je me suis dit "OH MON DIEU JE VAIS MOURIR JE VAIS MOURIR !". J'avais raison. Ce cheval n'est décidément pas net. Blaze n'essaye pas de coucher avec Fifi, mais demandez à Rudy quand même ce qu'il pense de lui ! Hein ! Demandez lui ! - Polly le perroquet : comme tout perroquet de jeu vidéo, Polly ne sert qu'à répeter des trucs quand on lui donne des biscuits. Intéressant, si vous avez raté certaines conversations... Bref, pas un pour rattraper pour l'autre. Et il va falloir passer la soirée avec toutes ces gens. Enfin non pas toutes. Les heures défilant, le manoir se vide petit à petit. Mais où diable disparaissent-ils tous? Hein ? Demandez à Rudy. Ou pas. CA VA COUPER, CHERIE !Sitôt le dîner terminé, on remarque deux choses : tout d'abord un "Acte I" et une horloge qui apparait à l'écran et sonne. Puis, on peut enfin contrôler Laura, explorer la maison et ses alentours immédiats (composés de diverses granges et maisonettes, d'un cimetière, de jardins et d'autre lieux dont je vous laisse la surprise). Habituez-vous. Mais n'explorez pas trop vite. Ce jeu d'aventure de Sierra propose en effet un gameplay immensément différent de ce à quoi l'éditeur nous a habitués, euh, habituellement. Dans la plupart des jeux d'aventure, l'univers tout entier dépend du personnage-joueur. Rien ne change et rien ne bouge si vous ne faites rien. Ce n'est pas le cas dans ce jeu. Vous vous rappelez l'horloge ? Au fur et à mesure que vous jouerez, vous la verrez de temps en temps changer d'heure. Je dois vous avouer que je ne sais pas trop ce qui fait avancer le temps dans ce jeu : il ne s'agit clairement pas de temps réel (rester une heure sur le même écran ne fera rien)... il semble qu'il s'agisse d'une combinaison d'exploration et d'actions tentées et/ou réussies. Toujours est-il que les personnages vont mener leur petite vie (et leur petite mort) autour de vous sans véritablement vous prêter grande attention (sauf quand vous décidez de leur parler). Le gameplay est ici admirablement en relation avec le scénario puisque, rappelez-vous, vous n'avez strictement rien à faire dans cette histoire. Vous êtes juste là, invitée par une amie, dans une maison dans laquelle vous ne connaissez personne. De même, les autres invités n'ont strictement rien à faire de votre présence : en tant qu'invitée, vous n'êtes pas couchée sur le testament du colonel. Pourquoi vous témoigneraient-ils de l'importance ? Ainsi, première différence essentielle avec les jeux Sierra habituels, s'il y a bien quelques endroits ou on peut mourir (sauvegardez régulièrement), on ne tentera pas de vous assassiner sauvagement (sauf à deux ou trois moments si vous mettez votre nez un peu partout). Autre chose, Laura n'est pas réellement enquêtrice, aussi, bizarrement, le but du jeu n'est pas de trouver le (ou les ?) coupables. Je vois votre regard interrogatif ! Bon, mais si le temps passe tout seul, qu'on est pas en danger, et encore moins obligé de trouver le coupable, quel est le but ? C'est bien cela qui fait toute la différence. Il n'y a aucun but. Autour de vous, les évènements se dérouleront et cadavres s'empileront sans votre intervention. Alors que les jeux d'aventure de l'époque étaient très difficiles à terminer, vous n'aurez véritablement aucun mal à terminer Laura Bow. Par contre, après l'ultime confrontation, aurez-vous la moindre idée de ce qui s'est passé dans cette maison ? "Ecoutez, laissez la police faire son travail, dès que nous aurons de plus amples informations, vous en serez les premiers informés." Et le voilà, l'intérêt du jeu : l'exploration, la découverte, les confidences volées. Lorsque vous terminerez l'aventure, le jeu vous donnera une note (un peu de la même façon que les autres jeux Sierra vous donnent un score, sauf que celui ci ne sera visible qu'à la toute fin du jeu) et vous donnera quelques indices sur ce que vous avez manqué. Il est fort probable que lors de votre première nuit, vous ne compreniez rien à rien, sauf si vous avez l'habitude de ce genre de jeu. Par contre, si vous fouillez partout, interrogez les bonnes personnes et utilisez les bons objets, peut être même connaîtrez-vous l'identité du coupable avant même qu'il ou elle commette son dernier forfait ! Bref, attention à ce que vous faites ! Perdez trop de temps sur des fausses pistes (et elles sont très très nombreuses dans ce jeu ! Tout le monde à un mobile et une bonne raison de détester son prochain !), alors les cadavres s'ammonceleront au même rythme que les preuves disparaîtront. Mais il y a pire, dans cette maison, personne ne semble se rendre compte de rien. A peine Laura trouvera-t-elle un cadavre que celui ci aura disparu quand elle aura le dos tourné. Où diable vont tous les corps ? La conséquence est que personne ne semble se rendre compte de ce qui se passe, ou alors ils ne veulent pas en parler. Annoncez à Gloria que le cadavre de sa pauvre mère est juste là dehors, elle ira vérifier avant de vous sermonner... "Que racontez vous ? Il n'y a rien dehors !". Cela se vérifiera pour les autres personnages. Et peut être est-ce un indice : sont ils tous dans le coup, ou bien quelqu'un est vraiment doué dans la dissimulation de preuves ? Les heures passant, l'ambiance va néanmoins se mettre à changer. Si aucun corps n'est retrouvé, les survivants se mettront à s'inquiéter : où donc est passé tout le monde ? La comédie policière changera d'atmosphère en s'approchant de sa fin, devenant lourde, pesante, et terriblement inquiétante, alors que les survivants se font moins nombreux et n'oseront pas dire à haute voix ce qu'il se passe et dont ils auront pourtant parfaitement conscience. Vous devrez donc fouiller partout et espionner les conversations. Evidemment, on ne vous connait pas et les gens auront tendance à se taire subitement quand vous entrerez dans la pièce. Mais y a t'il un moyen d'écouter sans se faire entendre ? Allez, je vous offre un indice : dans un vieux manoir comme celui ci, n'y a-t-il pas souvent des passages secrets ? Pour le reste, le système de dialogue doit être mentionné : il est en effet possible de s'adresser aux différents personnages (retenez bien leur nom en jouant) de la façon suivante. Par exemple, prenons, je ne sais pas... au hasard... Rudy !- TALK TO : échanger de manière générique avec Rudy. Concrètement, Rudy n'a que deux vitesses ( "drague" et "pénible"). Bref, regardez bien partout, et parlez de tout à tout le monde. Prenez des notes, et peut-être que vers la fin de la nuit, vous aurez une petite idée sur le meurtrier. Je ne dirais pas grand chose sur le déroulement du scénario. Comme dit plusieurs fois, les crimes vont se succéder. Les révélations se multiplieront et chacun aura une bonne raison de tuer l'autre. Vous serez témoin de scènes qui orienteront votre jugement, certaines à tort, d'autres à raison. Et selon ce que vous avez vu et raté, ce jugement s'orientera probablement vers telle ou telle personne.... jusqu'à ce que cette personne devienne elle même victime, et il faudra alors réviser votre opinion (ou pas ?) . Ce jeu est donc véritablement une excellente surprise : l'ambiance est travaillée, le scénario que je ne peux malheureusement pas dévoiler davantage sans spoiler est riche de trouvailles et devient surprenemment sombre vers la fin pour un jeu s'inspirant d'Agatha Christie, on a toujours un petit sourire à chaque indice découvert et vous vous creuserez vraiment la tête pour savoir qui est derrière tout ça. Pour autant, la pression est légère : vous arriverez à la fin de l'aventure, quoiqu'il arrive. Le jeu ne vous bloquera jamais, et progressera avec ou sans vous. A vous simplement de suivre le rythme... Quand vous arriverez à la fin de l'aventure, vous serez alors partagé de sentiments divers. Bien sur, ce jeu n'est pas parfait : l'avancée incompréhensible de l'horloge, le manque de réaction des invités aux meurtres, et le fait que parfois il suffit de rentrer et sortir d'une pièce pourtant sans issue pour découvrir un nouveau cadavre feront grincer des dents tous ceux qui s'inquiètent de ce genre de détails dans les romans policiers. Néanmoins, si l'on accepte que la vérité ne sera pas découverte sur ce genre d'arguments, Colonel's Bequest est un excellent titre qui vous fera vous interroger, vous gratter la tête, et surtout... vous méfier de tout le monde. Mais plus que ça, il représente une autre façon de faire un jeu d'aventure, un jeu qui n'a pas besoin de vous pour continuer à vivre sa vie, chose presque inconcevable aujourd'hui à une époque où même les game designers de MMOs s'efforcent de faire en sorte que vous croyiez être "le héros" de l'histoire. "On peut tromper une fois mille personnes.... " The Colonel's Bequest est un jeu inspiré et inspirant. Il eu d'abord une suite, signée Roberta Williams mais pas designée par elle (et l'honnêteté me pousse également à vous dire qu'une certaine "Jacqueline Austin" créditée à l'ouverture et qui a complètement disparu depuis, est peut être la véritable auteure d'un The Colonel's Bequest signé par Roberta Williams dont la popularité était grande à l'époque), intitulée Laura Bow 2 - The Dagger of Amon Ra. J'avoue ne pas connaître cet épisode, mais le gameplay semble similaire, l'action se déroulant cette fois dans un musée, et le moteur graphique SCI mis à jour pour être au niveau des King's Quest 5&6 et autres jeux contemporains de la marque. En France aussi, The Colonel's Bequest inspire. Il suffit d'avoir joué à Croisière pour un cadavre pour constater la parenté évidente : le huis clos, l'intrigue tournant autour d'un héritage, et surtout cette fameuse horloge qui tourne régulièrement (sauf que dans Croisière pour un Cadavre il est impossible de rater dans un évènement). Paul Cuisset avait à l'époque réalisé un chef d'oeuvre du jeu d'aventure français, proposant une histoire complexe, riche en rebondissement, et également un jeu techniquement et artistiquement superbe. Et puis... plus rien. Le jeu d'aventure a entamé la longue traversée du désert qu'on lui connaît. Sa renaissance depuis quelques années n'a pas empêché la trop jeune Laura de mourir et d'être enterrée avec le cadavre de Sierra On-Line, tout comme les autres séries du studio (à part Leisure Suit Larry, dont il ne vaut mieux pas parler des deux derniers épisodes). Reste Agatha Christie, plus immortelle que jamais, dont certains des romans auront été adaptés en jeu vidéo par The Adventure Company, à savoir : Le crime de l'orient express, Meurtre sous le soleil,A.B.C contre Poirot... et... Dix petits nègres. La boucle étant alors bouclée. Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (16 réactions) |