Année : 1996 Système : Arcade ..., Playstation 2, Playstation 3, Xbox 360 Développeur : Sega AM2 Éditeur : Sega Genre : Jeu de Combat (VS fighting)
Par DSE76 (15 août 2016)
Lors de sa création en 1991, Sonic a été la coqueluche de SEGA en interne. Les caméos dans les jeux de la firme d'Haneda sont tellement nombreux qu'un article serait nécessaire pour tous les citer. L'un des plus généreux en caméos soniciens, c'est le studio de développement Sega-AM2 : tout le monde se souvient du Sonic gravé dans la pierre de Daytona USA. En 1996, même si le studio Sega-AM3 avait déjà fait un jeu sur le hérisson bleu en arcade (SegaSonic the Hedgehog), SEGA remit le couvert avec Sonic the Fighters ou Sonic Championship aux États-Unis.
Sonic the Fighters/Sonic Championship est un VS Fighting. Oui, un jeu de combat dans l'univers du hérisson bleu. D'ailleurs, sa genèse est assez amusante : un employé de l'AM2, Mashimo Sugiyama, pendant son temps libre et durant la réalisation de Fighting Vipers, a eu la drôle d'idée de modéliser Sonic et Tails dans un jeu de combat. L'idée a tapé dans l'œil du chef de projet, Yu Suzuki, qui décida de faire un jeu de combat avec le hérisson et toute sa clique. Seulement, l'équipe avait peur que Yuji Naka ne donne pas son aval, le jeu donnant une image violente de sa mascotte. Mais Naka adora l'idée et l'AM2, dirigé par Hiroshi Kataoka, sortit ce jeu en mai 1996, un an avant Sonic R, ce qui en fait le premier jeu 3D de la série.
Malheureusement, le destin s’acharnera sur ce jeu : en mai, il sort au Japon mais la série est peu considérée et noyée sous ses concurrents, et notamment ceux de SEGA lui-même... Aux États-Unis, le jeu commence à être distribué à partir de juin (sous le titre de Sonic Championship), mais de façon confidentielle : Sega of America freine des quatre fers, considérant que cela nuira à la réputation du hérisson bleu et lui donnera une image trop violente. Aussi, le jeu tomnbera peu à peu dans l'oubli et ce jusqu'en 2005, où il reviendra dans la compilation Sonic Gems Collection sur Game Cube et Playstation 2. Mais cette fois-ci, il souffrira de la comparaison avec Tekken, et on lui reprochera le « mâchage de boutons » comme seule tactique, ses graphismes colorés et son ambiance cartoon.
Sonic the Fighters est sorti en arcade sur Model 2, sur la version B pour être plus précis. Comme tous les jeux de bastons SEGA, le gameplay est fondé sur le fameux trio « Poing Pied Garde », commandes qu'il faudra combiner pour sortir des coups plus puissants. Le jeu est construit sur le moteur de Fighting Vipers, lui-même dérivé de celui de Virtua Fighters.
Le but du jeu consiste, bien évidemment, à mettre KO l'adversaire en lui en foutant plein la tronche. Le poing... file un coup de poing (mais pas toujours, selon le personnage), le pied un coup de pied et la garde permet de parer les coups. La touche « droite » permet d'avancer et de courir si répété, « gauche » permet de reculer tandis que l'on saute avec « haut » et se baisse avec « bas ». Si les adversaires sont encore debout à la fin du chronomètre, c'est leur énergie restante qui les départagera ; bref, que du classique.
Deux modes sont accessibles : solo et deux joueurs. Le mode solo se compose de 10 matchs de 2 rounds gagnants. En cas de game over, vous pourrez continuer là où vous avez échoué ; toutefois, les high scores se fondent sur le temps. Il faut donc aussi bien ne pas perdre un match que vaincre l'adversaire le plus rapidement possible. Le mode deux joueurs est également des plus classiques : chacun choisit son personnage et en avant la baston ! En revanche, on ne peut pas choisir son stage (ce qui n'a aucune incidence sur le combat, de toutes façons).
Comme tout jeu de baston qui se respecte, l'histoire n'est pas très développée : Robotonic (non, ce n'est pas une erreur... son nom est réellement écrit comme ça dans le jeu) a encore fait des siennes en construisant un « Death Egg 2 » et menace encore le petit monde de nos héros. Tails a bien construit un vaisseau, le Lunar Fox, pour rejoindre la station de Robotnik, mais il est monoplace et il faut huit émeraudes du chaos pour le faire démarrer (rien que ça !). Pour décider qui sauvera le monde, chaque héros se voit confier une émeraude et un grand tournoi est organisé. Le vainqueur d'un match gagne l'émeraude de l'autre, et celui qui collectera les huit pourra défier le docteur dans son vaisseau.
Huit personnages aux capacités distinctes sont jouables, auxquels il faut rajouter deux boss et un personnage qui n'a pas pu rejoindre le cast par manque de temps mais qui a été rajouté dans la compilation Model 2 Collection sorti en 2012 sur XBox Live Arcade et PlayStation Network. Voici les combattants :
Sonic the Hedgehog : Le fameux hérisson le plus rapide du monde. Il est très rapide, mais peu puissant.
Miles "Tails" Prower : Le renard est un peu le all rounder du jeu. Il est moyen en tout, mais certaines prises peuvent être dangereuses, notamment ses coups exploitant sa double queue si on ne garde pas.
Amy Rose : Surnommée étrangement « Rosy the Rascal », Amy se voit adjoindre une arme qui ne la quittera plus : un marteau qu'elle utilise à la place de ses poings.. Elle est surtout douée pour les contre-attaques et peut devenir une véritable menace si bien maîtrisée.
Knuckles the Echidna : Le gardien d'Angel Island est connu pour ses coups de poing, mais cela ne l'empêche pas d'utiliser ses pieds. Il est assez puissant et modérément rapide.
Fang the Sniper : Une redoutable belette chasseuse de trésor. L'AM2 a décidé de renouer avec un concept abandonné dans son premier jeu, en proposant un personnage armé d'un pistolet... à bouchons. Ne vous fiez pas aux apparences : ce pistolet est redoutable car il tire vite et sur toute la surface de jeu. En revanche, les bouchons sont vite repoussés par une garde... C'est aussi un kicker, et elle utilise sa queue aussi bien comme fouet que comme propulseur.
Espio the Chameleon : Le Chaotix du lot. Dans son premier jeu, il est dépeint comme un ninja ; eh bien, c'est exactement son style de combat. En outre, il utilise sa langue comme troisième poing, attaque à longue distance ou pour chopper ses adversaires. En revanche, celle-ci peut se retourner contre lui.
Bean the Dynamite : Un des nouveaux personnages créé spécialement pour le jeu. Bean est grandement inspiré des héros d'un vieux jeu de l'AM2 : Bin et Pin de Dynamite Düx. D'ailleurs, la plupart de ses mouvements sont inspirés de ce jeu : Bean balance des bombes à tour de bras et peut faire un super coup de poing. Il utilise aussi son bec pour attaquer. Il est rapide, mais fait très peu de dégât.
Bark the Polar Bear : Bark est l'autre personnage créé pour le jeu et comme le veut la tradition des jeux de baston, il représente le personnage lent mais fort du groupe, un peu comme Jeffry de Virtua Fighters. Il utilise quasi exclusivement ses poings et a à sa disposition un large nombre de choppes différentes.
Ajoutons à cela les boss du jeu :
Metal Sonic : Metal Sonic est le Dural du jeu. En d'autres termes, il a les meilleurs coups, il frappe vite et il frappe fort. Autant dire que ceux qui trouvent les autres combats trop faciles vont vite déchanter. Mieux vaut connaître son perso pour s'en sortir sans trop de casse.
Dr. Robotnik : Le savant fou tente d'arrêter le joueur dans un robot de combat. Il est beaucoup moins puissant que Metal Sonic, mais son round ne dure que 15 secondes et il n'est pas possible d'utiliser un continue.
Et enfin, le personnage annulé :
Honey the Cat : Honey est censée être la version sonico-féline de Candy (Honey dans l'archipel nippon) de Fighting Vipers. Malheureusement, les développeurs n'auront pas le temps de finir sa création, et Amy sera la seule fille du jeu. Elle a un set de combat qui emprunte à Amy et à Knuckles ; et malgré son absence de la version originale, elle sera réintégrée dans la compilation de 2012, à la grande surprise de tous.
Revenons en détail sur le gameplay. On l'a déjà vu, le jeu reprend le système « poing, pied, garde » de Virtua Fighter, mais aussi la philosophie de son moveset. Pour ceux qui n'ont jamais joué à un VF ou à l'un des autres jeux qu'il a inspiré, cela veut dire que les pieds et les poings permettent de faire des combos, mais rien de plus : le but est surtout de sortir des coups plus puissants avec des combinaisons de touches. Par exemple, pour faire un uppercut, on doit appuyer, lorsqu'on regarde vers la droite, sur « diagonale bas-droite » puis « poing ». Une choppe se fera avec « poing + garde », tandis que les mouvements les plus intéressants nécessitent des manipulations plus complexes comme « gauche, droite + poing », voire des quarts et des demi-cercles à la Street Fighter.
Chacun de ces mouvements a un temps d'exécution et un temps de récupération. Certains coups mettent du temps à sortir, d'autres demandent plusieurs frames avant que le personnage soit de nouveau jouable. Soyez attentifs à ces timings : dans le premier cas, vous risquez de vous faire cogner avant d'avoir lancé votre coup, dans le second, vous allez vous faire punir méchamment si ça rate.
La garde, elle, est unique : il s'agit d'une barrière qui s'active dès qu'on appuye sur le bouton consacré. Elle protège de quasiment tous les coups mais attention, elle reste fragile : en effet, certains coups suffisamment puissants peuvent la briser. Les choppes aussi peuvent casser la barrière si vous gardez pendant que vous êtes attrapé. Faites attention, vous avez un nombre limité de barrières (cinq généralement) et si vous n'en avez plus, vous devrez nécessairement utiliser vos talents d'esquive pour éviter les dégâts.
L'esquive est une autre part importante du jeu. Déjà, tous les coups qui visent la tête ou les choppes peuvent être facilement esquivés en se baissant, à l'exception de Bark (pour compenser ce manque et éviter qu'il soit vulnérable à la choppe, il peut reculer plus rapidement que les autres personnages). Ensuite, en appuyant sur « Poing + Pied + Garde », le joueur pourra faire une esquive de côté pour éviter les coups de l'adversaire, et pourra même contre-attaquer pendant ce temps. Précisons enfin que vous n'avez le droit qu'a deux esquives avant de lancer une attaque...
Comme vous avez pu le voir sur les images, le jeu est très coloré, mais ce n'est pas tout. Vous souvenez-vous de Bean, la copie de Bin et Pin ? Eh bien, ce n'est pas le seul emprunt à Dynamite Düx, parce que le jeu est une véritable ode à l'esprit cartoon, tout aussi bien au niveau visuel que sonore. Les persos sont très expressifs, surtout au niveau des yeux (avec des tourbillons quand ils sont étourdis), et des émoticônes apparaissent parfois au-dessus de leur tête.
Quant au moveset de chacun, entre Amy qui pointe du doigt pour distraire l'adversaire, les choppes de Bark apparemment piquées à Obélix et une autre qui transforme l'adversaire en boule de bowling (avec les quilles et effets sonores qui vont bien), Bean qui passe en mode pivert, Espio qui utilise sa langue pour immobiliser l'adversaire au sol, Fang qui file des coups de pieds en se reposant sur sa queue, Knuckles et Tails qui reprennent leurs fameuses attaques et Sonic qui tourne autour de son adversaire, finissant par s'étourdir et s'évanouir, autant dire que le jeu ne se prend pas sérieux une seule seconde. Pour dire, on peut marcher sur le pied de l'adversaire pour lui piquer son arme et l'utiliser contre lui.
En plus d'être amusants, certains coups ont d'autres utilités pratiques. Par exemple, quasiment tous les personnages peuvent utiliser le mur pour se propulser vers l'adversaire et renverser la situation. De même, grâce à une manipulation, il est possible de se retourner, de grimper au mur et, en appuyant soit sur poing, soit sur pied, de lancer une attaque pour surprendre l'adversaire.
On peut aussi parler de l'« hyper mode ». Ce mode spécial s’enclenche par une combinaison de boutons et consomme une barrière. Il supprime tout temps d'exécution et de récupération de coups pendant un temps limité, et permet d'enchaîner rapidement les attaques. Il permet surtout d'effectuer un coup « hyper » , surpuissant mais à l'exécution délicate. En mode hyper, le personnage est baigné d'étoiles (comme l'invincibilité dans les jeux de plateforme) et il s’enclenche automatiquement face à Robotnik. D'ailleurs, parviendrez-vous à obtenir Super Sonic en faisant la même combinaison, mais en ne perdant aucun round jusqu'à Metal Sonic, et en remportant le premier round face à lui ?
Niveau technique, Sonic the Fighters profite grandement de la puissance du Model 2 : les environnements sont magnifiques, tout comme les personnages. Ces derniers ont d'ailleurs reçu un soin particulier au niveau de l'animation : elle est époustouflante et même 20 ans après, elle reste impressionnante. Les personnages sont pleins de vie et très vifs et, en plus, l'AM2 a rajouté des effets d'écrasement et d’aplatissement. En plus de servir le ton cartoonesque, ces effets servent parfois au gameplay, en réduisant les choix offensifs ou défensifs.
Le jeu reprend les effets sonores de la Megadrive, en meilleure qualité cependant. D'autres ont été rajoutés, que l'on jurerait étrangement tirés d'un dessin animé de Tex Avery. La musique, quant à elle, est composée par Maki Morrow, un illustre inconnu qui a fait également la musique de Rail Chase 2. Takenobu Mitsuyoshi - oui, celui qui lance les « Let's go away! » dans Daytona USA - a également participé : il a fait des arrangements de certaines musiques, dont une qui a été remixée en 2005 par ses soins dans Sonic Gems Collection.
On peut souligner quelques défauts. Le premier dont se plaint tout le monde, c'est la « polygonation » des persos. En fait, Sonic The Fighters met en lumière le seul défaut du board Model 2 : l'absence de Gouraud Shading, qui permet en gros d'arrondir les angles entre les polygones. En réalité, si vous observez les autres jeux Model 2, vous remarquerez que personnages comme objets sont anguleux. Évidemment, avec des persos tout en rondeurs, ce défaut est aussi visible qu'éléphant dans un corridor, d'autant plus que le style graphique des persos, peu texturés, amplifie ce sentiment... Je croyais, au début, avoir affaire à un jeu Model 1 !
On se plaint aussi souvent du moveset, qui serait pauvre. En réalité, je me suis aperçus que la plupart des joueurs se contentait de mâcher le poing avec Sonic... Ça peut marcher jusqu'à Metal Sonic, mais la même méthode avec Tails ne permet même pas de passer Amy : en réalité, chaque perso peut effectuer près de 35 mouvements différents. Bon, à vrai dire, l'AM2 avoue avoir conçu ce jeu pour les novices du VS Fighting : les personnages partagent nombre de coups, d'autres sont similaires à ceux de Virtua Fighters, et tous sont assez simples à sortir. En contrepartie, les persos ne sont pas toujours bien équilibrés, et certains demandent plus d’entraînement que d'autres.
Sorti en plein boum des VS Fighting 3D, avec les propres jeux de SEGA comme concurrents, sabordé par SEGA of America, Sonic the Fighters est rapidement tombé dans l'oubli et l'abandon d'une version Saturn n'a rien arrangé. Déterré 9 ans plus tard dans Sonic Gems Collection, il est souvent considéré comme peu intéressant car désuet comparé à l'époque où il est ressorti, la mode étant aux jeux de combat sombres et sérieux. Sans le comparer à un Virtua Fighter, Sonic the Fighters reste un jeu sympa et un sacré bijou technique par rapport aux autres jeux contemporains de la série et comme je suis généreux, j'ai inclus à cette article un document récapitulant tous les coups (voir plus bas).
Avant de clore l'article, une dernière anecdote : lors du hackage du jeu, des objets inconnus ont été découverts, comme des poissons, des têtes de Bean... On a pensé à des objets inutilisés mais en réalité, il s'agissait d'objets qui tombaient lorsqu'Amy lançait son attaque « Attention dessous ! », qui est très dure à sortir... C'est vous dire si on n'avait que survolé le jeu à l'époque !