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We Love Katamari
Année : 2006
Système : Playstation 2
Développeur : Namco
Éditeur : Namco
Genre : Aventure
Par eSceNeKCAP (05 mai 2014)

L'histoire du jeu vidéo est faite de genres qui ont engendré de grandes sagas. Dans leur sillage, des dizaines d'autres jeux ont vu le jour. Les passionnés peuvent donc s'orienter dans la masse de jeux produits. On aime les RPG, les jeux de combat, de plate-forme, de sport, etc. Tous ces styles obéissent à des règles et des codes qui leurs sont propres. Le néophyte doit y être initié pour les apprécier.

Mais l'industrie a également produit quelques jeux fascinants. On les dit inclassables. Ceux-là, nul besoin de comprendre comment est fait un jeu vidéo pour les appréhender. Nul besoin d'intégrer des conventions, des comportements stéréotypés pour y progresser. Leur point commun est de tutoyer l'universel, de transcender les barrières culturelles. Leur force est de parvenir à supprimer toute interface entre le jeu et le joueur et ses dispositifs que sont la manette, l'écran, le temps.

Des exemples ? Pong, Pac-Man. Tetris en est peut-être le meilleur exemple, avec Puzzle Bobble également (pourquoi croyez-vous que Candy Crush Saga en est arrivé là où il est ?). Par la suite : Rez, Kuru Kuru Kururin, Vib Ribbon, Portal. Cannabalt, Angry Birds peut-être. On les dit « barrés », « atypiques », « spé ».

Au vrai, ils sont dotés d'une force rare : celle de changer la perception que le joueur peut avoir du monde réel qui l'entoure. Après une grosse dose de Tetris, on devient persuadé que des objets sur une table, des meubles dans une chambre, des voitures dans un parking sont manipulables et peuvent s'imbriquer de façon logique, comme un puzzle. Tout joueur ressent plus ou moins ce genre de sensations lorsqu'il pratique n'importe quel jeu qu'il affectionne. Mais la force de ces inclassable est de permettre à n'importe qui de vivre ce type d'expérience.

La série des Katamari est de ces jeux.

J'y suis venu en lisant des avis sur le net. Dans la masse de commentaires, personne n'était capable d'expliquer concrètement l'histoire ou le principe de ce jeu. C'était déconcertant. Je l'ai vu bradé chez feu Score Games. Une poignée d'euros. Au dos de la boîte, un charabia incompréhensible. Et le vendeur qui m'assure, avec des étincelles dans le regard, que ce jeu est tout simplement démentiel, sans davantage de précision.

Je démarre le jeu. Une histoire incompréhensible. Un roi fainéant qui s'exprime de façon sibylline. Puis une mission. Les commandes sont simplistes. Une boule collante, le Katamari, à faire rouler pour amasser des objets et le faire grossir de plus en plus. Elle se manie de façon complètement logique : un stick analogique par main du personnage. Comme quoi, pas besoin d'une Wiimote pour concevoir un gameplay naturel. Le seul « skill » demandé, c'est pour déclencher un sprint (alterner haut et bas sur les sticks, on a vu plus sorcier).

L'addiction arrive vite : on se prend de plaisir à rouler ce Katamari comme un enfant s'amuserait avec de la pâte à modeler. On nettoie une chambre, un jardin, un bonhomme de neige...

Et l'on roule, on roule. À la fin du temps, fiérot, on présente son Katamari à son roi qui, d'un geste, le refuse et le place dans le cosmos de sorte qu'on ne verra plus jamais le ciel de la même façon.

Et c'est là que le jeu bascule dans l'onirisme pur. Lorsque l'on débute par ramasser des trombones, à une échelle infiniment petite, pour rouler ensuite, dans le même niveau, les pyramides d'Egypte. Lorsqu'un niveau propose de capturer des centaines de lucioles. Lorsque l'on enroule des animaux, des enfants, des sumotoris, des voitures de course... Tout l'imaginaire d'un enfant qui rêve de tenir le monde dans sa main une fois grand est revisité.

En fait, ce jeu n'est qu'un rêve. Pas comme dans Inception, où les personnages vivent, parlent, discutent, se battent. Non, un vrai rêve. Où tout est familier, mais étrange dans ses formes, ses couleurs, ses attitudes, son enchaînement. Où l'on comprend les mots, les notes de musique, les bruits ne forment pas des phrases, mais un ensemble sonore indéfini. Où le retour à la réalité est décevant.

Tetris proposait une solution logique aux problèmes d'espace mais, dans un même temps, enfermait le joueur dans une lutte désespérée, faite de mathématiques, pour retarder une issue inexorable. Pac-Man était voué à être capturé par les minotaures du labyrinthe, malgré sa course effrénée. Katamari, lui offre d'approcher l'infini. Le stress laisse place à la quiétude, la contemplation.

Katamari est une ode à la banalité, aux petits objets du quotidien qu'il montre comme autant de flocons de neige vus au microscope et aux choses qui nous dépassent et que l'on peut enfin saisir. Katamari, c'est beau. We love Katamari.

eSceNeKCAP
(05 mai 2014)
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