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Vampire Vengeance
Année : 2020
Système : Windows, ZX Spectrum
Développeur : Ariel Endaraues
Éditeur : Poe Games
Genre : Plate-forme / Action / Arcade
Par Simbabbad (12 décembre 2022)

Le jeu vidéo a toujours été un art immersif : déjà en 1979, Adventure parvenait à captiver les joueurs sur Atari 2600 malgré des moyens techniques très sommaires – même si on devait alors puiser copieusement dans son imagination, on attendait déjà du jeu vidéo qu'il nous permette de nous évader en plus de nous amuser : pouvoir visiter de vastes paysages exotiques, être confronté à des créatures étranges, effectuer des actions impossibles dans la vraie vie, et... incarner quelqu'un d'autre !

Comme la littérature ou le cinéma, le jeu vidéo nous projette en effet dans la peau d'un personnage, et il le fait avec une efficacité particulière puisqu'on contrôle ici ledit personnage à l'écran ! Très naturellement, les jeux ont plutôt choisi de nous faire jouer des personnages positifs, des héros archétypiques que les enfants rêvent d'être un jour : de vaillants chevaliers, de courageux soldats, d'impétueux pilotes, d'héroïques pompiers, etc. Ils ont aussi pu nous amuser en nous faisant jouer un chat, une souris, une toupie, une citrouille ou une grenouille.

Assez rapidement, cependant, est arrivée la tentation de nous faire jouer un personnage négatif, et pourquoi pas un monstre. Bien sûr, lorsque le jeu vidéo était un média récent surtout destiné aux enfants, cette tentation a rencontré de fortes réticences : incarner un monstre et effectuer des actions répréhensibles n'allait-il pas influencer négativement la psychologie des joueurs ? Alors que le jeu vidéo s'est démocratisé et banalisé, cependant, ces réticences se sont dissipées, et on a pu incarner librement qui on voulait.

Et tant qu'à jouer un monstre, quoi de mieux qu'un vampire ?

Ça va saigner !

Le vampire est en effet un choix idéal de monstre à incarner : sur le plan immersif, celui-ci bénéficie d'un certain prestige et d'une certaine prestance (bien plus qu'un zombie, par exemple), et il peut se prêter facilement à un cadre ou un ton au choix romantique, horrifique ou tragique. Sur le plan ludique, le vampire est aussi très intéressant : il est endurant mais vulnérable à des choses bien spécifiques, il doit attaquer au contact mais craint certaines armes de lancer (pieux projetés ou jet d'eau bénite), il chasse plutôt à l'affût pour se nourrir mais est lui-même chassé en meute, et bien sûr, il peut se transformer en diverses choses voire même voler : simplement énumérer ses caractéristiques semble dicter le gameplay d'un jeu à lui tout seul !

Si de nombreux jeux vidéo ont pu mettre en scène un vampire, cependant, peu ont véritablement su transcrire sa nature spécifique en contenu ludique : soit l'aspect immersif du jeu est en-deça, soit son gameplay...

Pour illustrer le problème, intéressons-nous à quatre jeux représentatifs, dans l'ordre par rapport aux captures d'écran ci-dessous, avec une ancienneté croissante : Castlevania : Symphony of the Night (Konami, 1997, PlayStation et Saturn), Fright Night (Microdeal, 1988, Amiga), Night Hunter (Ubi Soft, 1988, Amstrad CPC, ZX Spectrum, Amiga, Atari ST, DOS), et enfin Dracula (Imagic, 1983, Intellivision).

Le décorum sans les sensations.

Chaque jeu a ses propres lacunes :

  • Castlevania : Symphony of the Night est bien sûr le grand classique que l'on connaît, mais la nature vampirique de son héros, Alucard, y est anecdotique : il doit combattre les monstres du château de Dracula à l'aide d'une épée et d'un bouclier pour trouver et tuer le comte comme le ferait un Belmont, il ne boit jamais de sang et perd ses points de vie de façon banale sans vulnérabilité spéciale, c'est de facto un héros ordinaire... Concrètement, sa seule action vampirique, c'est pouvoir se métamorphoser en chauve-souris, en loup, ou en brume, mais avant cela, il lui faudra avoir déniché les bons powerups, qui lui permettront alors d'explorer d'autres sections du château à la façon des Metroid – ces pouvoirs sont donc de simples améliorations qui, légèrement modifiées, auraient très bien pu s'appliquer à un autre héros.
  • À l'inverse, dans Fright Night, on incarne un authentique vampire qui tue les gens pour boire leur sang puisque l'on y joue Jerry Dandrige, l'antagoniste du film de 1985, choix assez original ! Le jeu est graphiquement magnifique et insiste bien sur la monstruosité de son héros, mais en pratique, on découvre que ce pauvre Jerry passe son temps à éviter des fantômes dans sa propre maison, en pouvant uniquement se déplacer et sautiller de façon grotesque dans une formule ludique très pauvre, alors que les humains venus le tuer représentent une menace dérisoire et sans grand intérêt.
  • Dans Night Hunter, les humains sont bien les antagonistes principaux (même si des sorcières volent régulièrement à l'écran pour nous taper dessus), notre vampire a une apparence très traditionnelle et peut se transformer à tout moment en chauve-souris ou en homme-loup, et il chasse les humains en les attrapant par la nuque pour boire leur sang afin de regagner de l'énergie, mais le gameplay exploite tout cela de façon pitoyable : on ne peut pas atteindre les plateformes en hauteur sous forme de chauve-souris (on passe au travers sans raison), se changer en homme-loup sert uniquement à sauter au-dessus de trous en combinant "bas" + "feu" (!), les comportements humains (déplacements, attaques) sont agaçants et inintéressants, la hitbox lorsqu'on tente d'attraper une proie est catastrophique, et plus largement, le jeu se résume pour l'essentiel à ramasser des objets dans le bon ordre... encore raté !
  • Finalement, des quatre jeux, c'est Dracula qui s'en sort le mieux pour ce qui est d'incarner un vampire alors qu'il s'agit du jeu le plus ancien et le plus primitif : ici, chaque nuit, le comte doit vider de leur sang un certain nombre de victimes avant la venue du petit matin ; pour cela, il doit simplement leur courir après dans la rue principale d'une ville qui boucle de façon cyclique, si nécessaire après les avoir réveillées en frappant à la porte de leur maison. Pour aller plus vite, on peut se changer en chauve-souris, mais il faut alors faire attention à ce qu'un aigle ne nous emporte pas hors de l'écran. On doit aussi prendre garde à des "bobbies" qui protègent la population en nous lançant des pieux, heureusement non mortels mais qui nous figent et nous font perdre un temps précieux. Dracula ne peut pas se confronter directement aux policiers mais peut transformer ses victimes en zombies au lieu de les tuer ; on pourra ensuite contrôler ces zombies à l'aide du second pad de la console pour neutraliser les "bobbies". C'est très amusant, mais le jeu reste limité et répétitif.

On le voit, il n'est pas facile de transcrire la logique vampirique en une formule ludique élaborée et efficace...

Les sensations sans le décorum.

Pourtant, à l'inverse, d'excellents jeux donnent l'exacte sensation de jouer un vampire alors que leur héros n'en est pas un ! Dans Mark of the Ninja (ci-dessus à gauche) par exemple, on a beau incarner un ninja, ce pourrait tout autant être un vampire : on se faufile dans la pénombre nocturne pour approcher nos proies et les éliminer au contact l'une après l'autre, on s'efforce de ne pas être vu pour que nos victimes ne puissent pas se regrouper contre nous ni nous attaquer à distance, on plane par-dessus leur tête pour atterrir en silence dans leur dos, on les terrifie pour qu'elles se piègent toutes seules... les sensations sont bien là !

La même chose peut se dire de sections entières de Batman : Arkham Asylum (à droite), renforcée par les caractéristiques de Batman : son apparence de chauve-souris, ses sens spéciaux comme la vision aux rayons X, etc. le rapprochent du vampire – ici comme dans Mark of the Ninja, quelques ajustements auraient suffi pour en faire une véritable expérience vampirique...

En 2020 est sorti un jeu tout simple, techniquement bien plus épuré que la plupart des jeux déjà cités, qui est néanmoins parvenu à nous faire pleinement incarner un buveur de sang tout en proposant un gameplay extrêmement solide et amusant : vous en avez déjà vu l'écran-titre en introduction, il s'agit du (très) bien nommé Vampire Vengeance, et comme on peut le deviner à son style graphique reconnaissable entre mille, le jeu tourne sur... ZX Spectrum !

L'Ordre de la Croix d'Argent chasse Orlack.

Vampire Vengeance fait en effet partie de cette tendance du mouvement néo-rétro consistant à sortir de nouveaux jeux sur des machines anciennes, tendance qui a particulièrement bénéficié au ZX Spectrum du fait de son aura, de son lien historique avec la programmation amateur, du charme de ses graphismes, de sa longévité (en particulier en Russie), et de l'existence de nombreux moteurs de programmation très performants – Vampire Vengeance a d'ailleurs été créé à l'aide de Arcade Game Designer, le moteur de Jonathan Cauldwell (2008).

L'histoire mise en scène par Vampire Vengeance est en quelque sorte Dracula (ou plutôt Nosferatu, puisque le comte du jeu s'appelle "Orlack" en référence au comte Orlock de Murnau) inversé : au lieu de quitter son château pour prendre le bateau puis conquérir Londres d'où il se fera chasser par une meute humaine, Orlack doit ici revenir sur ses terres depuis l'étranger pour les reconquérir peu à peu jusqu'à retrouver son château, d'où il avait été chassé par les chevaliers de l'Ordre de la Croix d'Argent. Le jeu est ainsi divisé en quatre actes : d'abord le voyage en bateau, puis les monts glacés des Carpates, puis l'arrivée d'Orlack en Transylvanie, et enfin son château ; chaque acte compte à peu près sept tableaux où l'objectif est simple : vider de leur sang tous les membres de l'Ordre de la Croix d'Argent afin d'obtenir vengeance !

Décrite comme ça, cette structure où il faut tuer tous les ennemis présents dans un tableau pour pouvoir passer au suivant où l'on continuera le massacre, ça a l'air très violent, mais c'est tout bêtement la formule de... Bubble Bobble ! Vampire Vengeance se revendique en effet ouvertement du même genre "jeu de plateformes à tableaux typé arcade" que le classique de Taito, jusqu'à adopter le même style graphique "chibi", avec de petits personnages à grosse tête aux hitbox bien carrées et bien nettes évoluant dans de jolis décors colorés aux contours épurés et lisibles. Là où Vampire Vengeance se distingue du célébrissime jeu d'arcade, cependant, c'est dans la logique de déplacement et d'attaque de ses protagonistes, qui en fait un jeu plus posé et plus réfléchi...

Si je t'attrape, je te mords !

On dirige simplement Orlack avec quatre directions et un bouton : il peut bien entendu aller à gauche ou à droite, mais aller vers le haut ne le fera pas sauter, ça le transformera en chauve-souris ; Orlack pourra ainsi voler où l'on veut (dès que l'on cesse d'aller en haut, la gravité le fait redescendre naturellement), puis il retrouvera forme humaine en pressant "bas" après l'avoir posé au sol ou sur une plateforme. Le bouton sert à attaquer : en le laissant pressé alors qu'Orlack a forme humaine, celui-ci montre les dents et tend les griffes dans une posture prédatrice, et il maîtrisera ainsi tout humain qu'il parviendra à toucher.

L'Ordre de la Croix d'Argent sait que Orlack est de retour, il a donc pris soin de truffer son parcours d'obstacles : quelle que soit sa forme, si Orlack entre en contact avec des pieux, des crucifix, des animaux, des armes en argent, etc. il perdra aussitôt une de ses vies, et s'il touche un membre humain de l'Ordre sans être en position d'attaque, il perdra là encore une vie.

Les forces mobilisées par l'Ordre sont de quatre types distincts (cf. image ci-dessous), au comportement très différent de la plupart des monstres de Bubble Bobble : ils se déplacent tous en ignorant totalement Orlack, comme si le comte était invisible, et pour la plupart, ils se contentent d'effectuer en boucle la même ronde de va-et-vient, rappelant plutôt Manic Miner ou un jeu d'infiltration qu'un platformer nerveux de salle d'arcade.

Un bestiaire limité mais efficace.

Voici le détail des quatre types de forces auxquelles on aura affaire (les noms sont officieux) :

  • Les chevaliers sont les ennemis les plus fréquents, on ne voit qu'eux durant tout le voyage en bateau : ils patrouillent inlassablement le long de la plateforme sur laquelle ils se trouvent, dans un sens puis dans l'autre ; même s'ils semblent ne pas voir Orlack, ils peuvent cependant sentir sa présence dans des circonstances que l'on détaillera plus bas – ils se mettent alors à attaquer régulièrement en brandissant leur lame en argent devant eux.
  • Les paladins surviennent dans le jeu juste avant l'arrivée en Transylvanie (troisième acte) ; ce sont les seuls ennemis à se déplacer de façon non prédictible : ils se laissent chuter lorsqu'ils arrivent au bout d'une plateforme, et ils sautent très haut de façon aléatoire, ce qui peut leur permettre d'atteindre des plateformes en hauteur. Quand ils sentent la présence d'Orlack, ils lancent un couteau en argent devant eux, heureusement stoppé par les murs et les obstacles. Ces ennemis sont particulièrement dangereux.
  • Les druides apparaissent pour la première fois dans les Carpates (deuxième acte) : sous forme humaine, ils restent au sol complètement immobiles, puis se changent soudain en hibou et volent alors en diagonale en rebondissant (!) contre les parois du décor, jusqu'à atterrir au sol où ils redeviendront humains en attendant de décoller à nouveau. Ils suivent toujours le même parcours, empêchant Orlack de se déplacer librement dans les airs en chauve-souris : sous forme de hibou, ils sont mortels pour notre vampire quoi qu'il arrive, mais ils ne résistent pas lorsqu'on les attaque au sol.
  • Les molosses sont déployés par l'Ordre au milieu de l'acte se déroulant en Transylvanie : étant des animaux, ils sont mortels pour Orlack quoi qu'il fasse, mais ils sont facilement prédictibles puisqu'ils effectuent le même type de patrouille que les chevaliers, en avançant cependant bien plus vite.

On le voit, seuls les membres de l'Ordre de la Croix d'Argent qui portent arme et armure peuvent sentir la présence d'Orlack : ils attaqueront alors devant eux à intervalles réguliers tant qu'ils sentent que le comte est sur la même ligne horizontale qu'eux. La distance ou le fait que le vampire soit devant ou derrière eux n'a aucune importance.

Orlack prend son envol dans les Carpates.

Ce qui résulte de ces règles, c'est que le moyen le plus simple et le plus sûr de neutraliser les chevaliers et les paladins est de se transformer en chauve-souris pour se positionner sur une plateforme en hauteur, puis se mettre en position d'attaque et se laisser tomber sur eux alors qu'ils passent sous nous : ni le chevalier ni le paladin ne peut attaquer en hauteur, et ils sont de toute façon incapables de sentir notre présence dans ces conditions. De même, il est sans danger de réceptionner dans nos griffes un paladin se laissant imprudemment tomber d'une plateforme, ou qui chuterait après un saut.

Si on ne peut pas attaquer ces ennemis verticalement, la meilleure méthode est alors de les attaquer dans le dos : dans le cas du paladin, c'est vital puisqu'il lance ses armes, et c'est plus prudent dans le cas du chevalier. Là encore, il vaut mieux atterrir dans le dos d'un chevalier depuis une plateforme en hauteur en étant déjà sous forme humaine, mais ça n'est pas toujours possible : on devra sinon d'abord changer Orlack en chauve-souris, puis voler jusqu'à la plateforme où se trouve le chevalier, voleter sur place dans les airs en attendant qu'il ait le dos tourné, puis atterrir derrière lui, reprendre forme humaine (très important), se mettre en position d'attaque, et enfin le rattraper pour l'attaquer avant qu'il arrive au bout de la plateforme et fasse demi-tour – heureusement, on se déplace plus vite que nos proies !

Dans certaines situations, le timing de cette dernière opération est très (trop) serré, avec un risque important que le chevalier fasse demi-tour au dernier moment et embroche Orlack sur sa lame en argent juste avant que celui-ci ait pu le saisir entre ses griffes. Il vaut alors parfois mieux attaquer frontalement : voleter en attendant que le chevalier ait le dos tourné, puis se poser au bout de la plateforme mais ne pas le poursuivre, plutôt attendre qu'il fasse demi-tour, on foncera alors sur lui face à face entre deux attaques de son épée afin de se repaître de son sang...

Un paladin a déjà été réduit en tas d'os... au suivant !

En effet, je ne l'ai pas auparavant précisé, mais Orlack ne se contente évidemment pas de maîtriser ses adversaires, il les dévore : lorsqu'il en saisit un, la bordure du jeu devient rouge vif, et Orlack prend le temps de le vider entièrement de son sang jusqu'à n'en faire qu'un tas d'os. Attention : on reste vulnérable aux attaques pendant ce temps, il nous faudra donc soigneusement planifier qui on dévore et quand, notamment sur les plateformes où circulent plusieurs ennemis.

Ce qui est remarquable, dans Vampire Vengeance, c'est que tout ce que je viens d'énumérer est éminemment vampirique, mais découle simplement du gameplay : les quatre jeux avec des vampires que j'ai cités en introduction insistent lourdement sur le fait que l'on joue un buveur de sang – dans Castlevania : Symphony of the Night, les points de sauvegarde sont des cercueils en 3D qui tournent tout en se matérialisant puis se dématérialisant, dans Fright Night, le sprite vampirique du héros est gigantesque et multiplie les mimiques horrifiques, etc. mais pourtant, aucun des quatre jeux ne nous fait agir comme un vampire. Même Dracula sur Intellivision nous fait courir après les gens dans la rue, ce qui est très atypique : imaginez le Dracula de Christopher Lee ou de Gary Oldman se comporter ainsi, ce serait ridicule !

À l'inverse, dans Vampire Vengeance, on se faufile entre les rondes d'une horde hostile brandissant des lames en argent et des crucifix, et on parvient à sucer le sang de nos ennemis pour les réduire à l'état de squelette l'un après l'autre tel un monstre de film d'horreur : se changer en chauve-souris pour atteindre une plateforme en hauteur puis fondre sur nos proies, ou atterrir dans leur dos et les maîtriser sans qu'elles ne puissent rien faire, ou à l'occasion les attaquer frontalement dans un périlleux face-à-face, ce n'est pas du décorum, ce sont des choses que l'on fait parce que le gameplay du jeu nous y amène naturellement – c'est ainsi que l'on gagne, tout simplement. Malgré son épure, les sensations ludiques et immersives procurées par le jeu sont donc intenses.

Orlack en train de dévorer un chevalier qui surveillait le toit.

Tous les éléments déjà décrits sont parfaitement exploités par un excellent level design qui parvient à se renouveler agréablement malgré des règles très simples et seulement quatre ennemis différents. Chacun des quatre actes a son identité propre sur le plan graphique, en style de level design et en gameplay : les surfaces gelées glissent dans les Carpates, les crucifix font leur apparition en Transylvanie, le château d'Orlack est partiellement inondé par un liquide verdâtre et mortel, et il comporte des bouches ouvertes de gargouilles qui soufflent du vent affectant nos trajectoires en chauve-souris – chacun des trente niveaux du jeu est unique d'une façon ou d'une autre et offre son lot de surprises.

Le défi proposé par le jeu est bien équilibré : on commence avec cinq vies, une vie est gagnée entre chaque acte, mais il n'y a pas de moyen d'en gagner d'autres ; avec le temps, on acquiert cependant de l'expérience et de la méthode qui nous font progresser toujours plus : Vampire Vengeance a parfois des allures de jeu de puzzles ou d'infiltration, l'observation et la planification y sont toujours récompensées. Le jeu ne propose pas de score, mais on peut collecter dix reliques lors de son parcours, affectant un taux de complétion affiché à la fin du jeu. La réalisation est elle aussi exemplaire, avec des graphismes très jolis, soignés et lisibles, qui mettent bien en avant le style propre au ZX Spectrum. Chaque acte dispose de sa musique dédiée, là encore très appropriée et réussie. Si Vampire Vengeance était sorti dans les années 1980/90, il aurait incontestablement été un classique dont les joueurs d'alors seraient restés nostalgiques : sa réalisation, son gameplay et la concrétisation de son thème constituent un sans-faute.

La paternité de Vampire Vengeance revient à Ariel Endaraues, fondateur de la petite compagnie Poe Games ayant notamment publié The Last Escape, un jeu d'infiltration sur ZX Spectrum pensé comme un "demake" de Escape from Colditz sur Amiga, et qui exploite très intelligemment les particularités graphiques de la machine.

Quelques jeux ZX Spectrum de Poe Games.

Tous les jeux de Poe Games sont créés pour ZX Spectrum, et aucun d'entre eux n'exige de verser de l'argent : ils sont disponibles au téléchargement de façon libre sur la page itch.io de Ariel Endaraues contre une donation facultative, comme beaucoup de jeux du magasin, et tournent bien entendu parfaitement sous émulateurs. L'auteur a aussi collaboré à des jeux de PCNONOGames et TOKU Soft, là encore pour ZX Spectrum, et a également écrit un livre, Retrocuentos – Fantasía y Videojuegos, recueil d'histoires diverses mêlant réalité et jeu vidéo.

Ariel Endaraues vit à Buenos Aires et est hispanophone, comme un grand nombre de créateurs de jeux néo-rétro tournant sur des machines anciennes : parfois, on a l'impression que toute cette scène parle espagnol ou russe ! Et les Français, alors, on s'y met ?

Simbabbad
(12 décembre 2022)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
Cet article a été publié initialement sur le blog de Simbabbad, à cette adresse.