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Super Cars & Super Cars 2
Année : 1990
Système : Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, C64, MSX, NES, ZX Spectrum
Développeur : Magnetic Fields
Éditeur : Gremlin Interactive
Genre : Jeu de Course
[voir détails]
Par Laurent (16 mai 2002)

En 1986, Atari se rappela aux bons souvenirs des amateurs d'arcade avec une borne au gameplay légèrement rétro, mais si bien conçue et parfaitement emballée que son succès fut fulgurant et durable : Super Sprint, une course de Formule 1 en vue aérienne dans laquelle les voitures étaient représentées par de tout petits sprites, l'intégralité du circuit était affichée à l'écran, et surtout que ses auteurs avaient eu l'idée géniale de rendre pratiquable par trois joueurs simultanément. Super Sprint était en fait une version modernisée de Gran Trak 10, qu'Atari avait produit en 1974 et qui fut le premier jeu vidéo de course de l'histoire (voir cet article de JPB pour plus d'informations sur cette série). Le plaisir procuré par un tel gameplay, intemporel, renvoyait ces grands enfants qui peuplaient les salles d'arcade à des sensations ludiques qu'ils n'avaient plus connues depuis l'âge des couches-culottes, où ils passaient leur temps à pousser de petites voitures (Majorette ou Matchbox, personnellement j'étais plutôt Matchbox) sur la moquette de leur chambre.

Super Sprint (Atari, 1986) et son ancêtre Gran Trak 10 (Atari 1974)

Par la suite, plusieurs jeux similaires sont sortis dont beaucoup ont, grâce à une réalisation peu gourmande en ressources, envahi avec bonheur les collections des possesseurs de micros 8, puis 16-bits. La qualité de ces titres n'était pas toujours mirobolante mais pendant ce temps, chez Gremlin, on s'apprétait à mettre tout le monde d'accord.

Super Cars

L'intro de Super Cars 1 : ambiance...

Ainsi en 1990, sur Amiga, arrive Super Cars, premier jeu édité par Gremlin à arborer fièrement en intro le logo du développeur Magnetic Fields (à qui l'éditeur devait déjà deux gros hits sur 8-bits : Trailblazer et Kick Start 2), soutenu par un thème de Wagner (déjà entendu dans Excalibur, le film de John Boorman). Une entrée en matière tonitruante que les amateurs de course de voitures allaient apprendre par la suite à apprécier au plus haut point, salivant tels des chiens de Pavlov rien qu'en l'entendant.

Super Cars se présente comme une course de voiture en vue aérienne, selon la formule de Super Sprint, mais considérablement enrichie par la présence de décors largement plus étendus que l'écran et donc d'un scrolling multidirectionnel, ainsi que d'une multitude de ces petits détails de conception qui font la différence. Au début du jeu, le joueur possède une voiture de course et se trouve devant l'entrée d'un concessionnaire. Une visite chez celui-ci fait apparaître qu'il existe trois autres voitures (fictives mais ressemblant fort à des Lotus), qui sont bien trop chères pour pouvoir être achetées tout de suite, d'autant que le concessionnaire à l'air plutôt louche et dur en affaire. Il s'agit donc de participer à une série de courses rémunérées en fonction du classement final.

Le menu principal
On ne négocie pas que des virages dans SC1

Le jeu comporte 8 courses qui peuvent chacune être disputées selon trois niveaux de difficulté. La première course met le joueur en compétition avec trois autres voitures, nombre qui augmente par la suite jusqu'à 7. Le jeu démarre alors et immédiatement la qualité de la réalisation saute aux yeux : la maniabilité est parfaite, les décors très détaillés sont d'un graphisme fin et coloré et la bande sonore est sans génie mais très efficace. Pas de doute, on est devant un jeu de qualité, mais d'autres découvertes sont encore au programme.

A chaque course, il faut finir dans les trois premiers pour accéder à la suivante. Durant la course, la gestion des dégâts est une donnée très importante. Ceux ci sont localisés et représentés à l'écran : boîte de vitesse, suspension, pneus, carrosserie etc. Après la course, en fonction du classement obtenu, une récompense pécuniaire plus ou moins importante est accordée au joueur. Un tour au garage, accessible via le menu principal, s'impose. Après avoir flashé sur la caissière, blonde souriante et superbement dessinée, on peut réparer les dégâts faits à la voiture pendant la course et acheter divers équipements : kit moteur, renforts de carrosserie, de freinage, tout pour être plus performant. Il est aussi possible de thésauriser en vue de l'achat d'un véhicule haut de gamme chez le concessionnaire, sachant quand même que le modèle de base permet de gagner, avec un peu d'acharnement, toutes les courses en mode facile.

La fiche technique d'une voiture au look familier
La jolie caissière donne envie de s'attarder au garage

Toutes ces options, ces choix qui sont laissés au joueur, ainsi que des phases amusantes de dialogue avec le vendeur de voitures en vue d'une réduction du prix ou d'une reprise intéressante de la voiture d'origine, sont fort agréables et donnent l'impression d'être devant un jeu riche, complet, proposant plusieurs mini-cinématiques bien réalisées (notamment celle de la fin de course) et une ambiance très bien rendue.

Mais le plus important reste les phases de courses. Au départ, on craint que le fait que l'écran scrolle soit un problème, rendant difficile l'anticipation des virages et des dépassements, mais les voitures ni trop petites ni trop grosses, la maniabilité parfaite, la largeur des pistes idéalement ajustée et la vitesse de jeu très bien dosée, tout comme la difficulté, garantissent une jouabilité parfaite. Les crissements de pneus mettent dans l'ambiance, les virages serrés et les luttes au coude à coude avec les autres concurrents mettent la pression au joueur, qui doit toujours faire attention à ne pas trop heurter les barrières de protection et garder un oeil sur son classement, le nombre de tours restant, ainsi que ses jauges de dégâts, surtout s'il à fait l'impasse sur certaines réparations histoire d'économiser un peu d'argent. Il s'agit donc d'un vrai jeu de course, même si la conduite est peu élaborée (l'accélérateur est presque tout le temps câlé à fond).

L'annonce des résultats à l'issue de la course
Lotus Esprit Turbo Challenge

Malgré toutes ces qualités, Super Cars n'obtient qu'un succès d'estime à sa sortie. Vien que la presse spécialisée ait reconnu la perfection de sa réalisation, elle le taxe d'un certain manque d'originalité. Ce n'est que partie remise pour Magnetic Fields, qui s'attèle à un autre projet, celui cette fois d'une course de voiture en fausse 3d, ayant obtenu de son éditeur la licence d'exploitation du nom et des voitures Lotus. Ce sera Lotus Esprit Turbo Challenge, un pur chef-d'oeuvre qui introduit ce qui manquait cruellement à Super Cars : Un mode deux joueurs en split-screen, chacun jouant sur une moitié d'écran.

Super Cars 2

Cette fois il y a plus de monde

Contrairement à Super Cars, Lotus obtient un gros succès, devenant le jeu de chevet de nombreux possesseurs de 16-bits. Ainsi, c'est avec une certaine scepticité qu'est accueillie l'annonce d'un Super Cars 2, suite à priori pas indispensable d'un titre qui n'avait guère marqué les esprits, et qui surtout semblait renvoyer à un style de jeu de course obsolète. Pourtant, quand le jeu démarre, l'évidence saute aux yeux : c'est une réussite totale. Graphiquement, les différences sont minimes, mais un changement fait toute la différence sur la version Amiga : l'utilisation de l'overscan. Le jeu occupe la totalité de l'écran, ce qui change grandement la conduite d'autant que les voitures (bien plus nombreuses) sont, en vue du jeu en split-screen, légèrement plus petite que dans le premier jeu. La bande sonore est similaire, sauf qu'il n'y a plus de musique durant les courses. C'est un choix qu'on peut apprécier ou regretter mais il est vrai que le simple bruit des moteurs met dans l'ambiance et les bruitages n'ont pas trop des quatre voies sonores de l'Amiga pour rendre la course vivante.

Un champ visuel plus large améliore la jouabilité
Un circuit en 8, avec un saut au dessus de la route.

Le jeu ne se déroule plus comme une liste de courses à gagner mais comme une vraie saison de championnat, dans laquelle le classement général à son importance. Après chaque course une petite épreuve attend le joueur, ce qui est l'occasion pour les développeurs de faire preuve d'un humour british savoureux au travers des différentes phases dialoguées. Chacune de celles-ci met le joueur face à un interlocuteur qui lui pose des questions à choix multiples, avec au bout la possibilité de gagner de l'argent ou limiter le montant d'une amende. On se retrouve ainsi aux prises avec un examinateur du code de la route, un journaliste, un policier (dans un commissariat ou apparait un avis de recherche pour le vendeur de voitures du premier Super Cars !), un représentant de la fédération des sports automobiles, une avocate venue discuter d'un héritage, ou même une militante écologiste partie en guère contre les voitures bruyantes et polluantes. Les questions sont claires, en général, mais les choix de réponses vont du à peu près correct à l'absurdité totale, le bon choix au final n'étant pas toujours celui qu'on croit. Toujours est-il que ces phases, qui ne sont pas forcément déterminantes dans la progression (il est même possible de les désactiver), sont très sympathiques.

Exemples de phases dialoguées entre les courses : ironie et humour sont les maîtres mots

Le plus gros atout de Super Cars 2, ne tournons pas autour du pot, c'est bien le mode deux joueurs en split-screen. Le jeu prend alors une toute autre dimension sans que la réduction du champ visuel ne soit trop préjudiciable. Les courses, qui durent environ 3 minutes, s'enchaînent dans une ambiance délirante (personnellement j'en ai fait des dizaines avec Phil, qui furent encore plus acharnées que les heures passées quelques semaines avant sur Lotus), et le jeu devient plus facile puisqu'il suffit que l'un des deux joueurs finisse dans les cinq premiers de chaque course pour que la saison continue. Il y a au total 21 courses à disputer, sur trois niveaux de difficultés. Dans l'ensemble c'est très abordable, à part les deux ou trois dernières qui deviennent subitement très difficiles.

Le mode deux joueurs en split-screen : un régal
Le classement général et ses pilotes aux noms hilarants évoquant les stars de la F1 de l'époque

Un autre aspect sur lequel Super Cars 2 diffère de son prédécesseur est la jouabilité, beaucoup plus orientée arcade et fun. La conduite est légèrement plus facile, la difficulté résidant plutôt dans les nombreux types d'obstacles qui peuvent être rencontrés : passages à niveaux (traversés par un trafic de trains d'une densité surréaliste !), sauts entre deux plates-formes, barrières qui s'ouvrent et se ferment permettant quand on les franchit de prendre un raccourci, ou encore des tunnels dans lesquels la voiture devient invisible, ce qui oblige à y entrer parfaitement dans l'axe de la route sans quoi on percute les parois sans savoir où l'on se trouve.

Des factures salées au garage après la course

Les équipements qui peuvent être achetés sont bien plus nombreux, justifiant l'absence de possibilité de changer de voiture. Les upgrades de moteur, de direction, de pare-chocs ou de carrosserie sont toujours là, mais on trouve en plus des armes qui changent totalement l'ambiance du jeu : missiles avant ou arrières, tournoyant autour de la voiture, à tête chercheuse, mines ou dispositif permettant de laisser derrière soi des flaques d'huiles. Tout cela était déjà présent dans Super Cars mais l'usage en était bien plus restreint et ne débutait qu'à un certain stade du jeu. Ici il est permis, et même recommandé dès les premières courses, d'user de méthodes peu orthodoxes visant à détruire les voitures des autres concurrents. Lorsqu'une voiture est détruite, elle ne réapparait que quelques secondes plus tard, ayant le plus souvent perdu des places dans la course. Les dégâts ne sont plus représentés à l'écran que par une seule jauge globale, mais les réparations à faire entre chaque course sont toujours présentées poste par poste, ce qui permet de gérer finement son budget. Si pendant la course la jauge de dégâts atteint le maximum, c'est terminé pour le joueur concerné.

Toutes ces idées sont parfaitement intégrées au jeu et lui confèrent une ambiance très particulière, puisqu'on se préoccupe autant de détruire ses adversaires que de les doubler. Les missiles sont à ce titre un élément très fun puisqu'ils n'atteignent pas toujours la cible voulue (rappelons que dans ce type de jeu il est très difficile de garder sa voiture dans un bon axe et on fait beaucoup de zig-zags), et les mines sont particulièrement vicieuses. Il n'est pas rare d'être détruit alors qu'on était sur le point de franchir la ligne d'arrivée, ou de se faire percuter avant un saut, juste histoire de perdre un peu de vitesse pour s'écraser avant la plate-forme de réception. On imagine bien les éclats de rire qui accompagnent une partie à deux ! Quand au jeu seul, il est tout de même très sympathique même si le principe de course en vue aérienne est résolument une affaire de convivialité.

Résultats des courses

Après ce splendide coup d'éclat, Magnetic Fields à persisté dans le domaine de la course automobile avec un bonheur constant, signant deux autres épisodes de Lotus Esprit Turbo Challenge, dont le troisième (Lotus : The Ultimate Challenge) a fait l'objet d'une excellente adaptation sur PC qui fera les beaux jours de votre 486. On y retrouve le perfectionnisme propre à ce studio, mais hélas plus ces phases de conversations présentes dans les deux Super Cars, et qui leur conféraient des allures de jeux Cinemaware, l'humour anglais en plus, mais avec pratiquement le même style de dessins pour les personnages (notamment la caissière du garage dans SC1, qui me rappelle un peu l'infirmière de It Came From the Desert).

Par la suite, le studio s'est lancé dans une série de jeux de rallye sur PC, (International Rally Championship, Mobil 1: British Rally Championship, Rally Championship, Rally Championship X-Miles, Rally Championship 97, 99, 2000 et 2001), tous très appréciés pour leur grand réalisme qui tranche radicalement avec les délires des débuts sur 16-bits, mais qui s'accompagne d'une réalisation de grande qualité qui est restée une constante pour ce studio.

Conclusion

Chose rare et fort appréciable : les deux Super Cars sont désormais libres de droits. Ainsi, on peut en télécharger les versions Amiga sur le célèbre site Back to the Roots (à cette page : http://www.back2roots.org/News/Find/?find=super+cars), dans des versions disquettes ou installables sur HD, ce qui est bien mieux si vous parvenez à les faire fonctionner (toutes ces phases de jeux entraînent de nombreux chargements).

WinUAE fait tourner ces deux petits bijoux sans trop rechigner, alors ne vous gênez pas, c'est permis pour une fois. Le premier épisode comblera plutôt les fans de jeux à la Super Sprint car très orienté conduite, le deuxième est à conseiller au fan de jeux de course avec power-ups. Pour Super Cars 2, tâchez tout de même de trouver un partenaire (de toute façon, il en faut aussi un pour SpaceWar et Pong !) et de tenter l'expérience en split screen, qui reste un grand moment dans une vie de joueur.

Laurent
(16 mai 2002)
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