Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par Shenron (20 janvier 2014)
Si Sega, depuis la fin de sa carrière de constructeur, n'est plus franchement réputé pour la qualité de ses campagnes de communication -et c'est un euphémisme-, il en fut autrement à l'époque où la firme de Haneda tentait de disputer à Nintendo la place de leader des ventes de console. Les joueurs français se souviennent sans aucun doute du punk et du fameux slogan "Sega, c'est plus fort que toi", tandis que les Américains ont eu droit au non moins célèbre "Genesis does what Nintendon't". "Sega, c'est plus fort que toi" aura connu plusieurs tentatives de recyclage, dont le "Sega, toujours plus frais que toi", imprimé sur les éventails largement distribués par Sega France avant la fermeture de leurs bureaux. Au Japon, en revanche, la promo était un peu plus faiblarde. Certes, les spots TV étaient pour le moins étranges, mais ni plus ni moins que le tout venant de la production nippone. Il aura fallu attendre la Saturn pour voir du changement : l'inspiration a changé de camp, et alors que l'Occident doit se contenter de campagnes ternes et pas du tout vendeuses, le Japon voit arriver son plus grand, et dernier véritable héros : Segata Sanshiro. Segata Sanshiro est un artiste martial complet, dont le seul but, que dis-je, la vocation, que dis-je, le sacerdoce, est de pousser les gens à jouer à la Saturn. Et quel meilleur moyen pour cela que de punir ceux qui ne le font pas, de préférence à coups de bourre-pifs et de projections explosives ? D'ailleurs, son nom même trahit ses intentions, puisque Sega Satan, shiro ! peut se traduire par "Vous devez jouer à la Sega Saturn !". Au-delà de ce jeu de mots, Segata Sanshiro est également une référence à Sugata Sanshiro, premier film d'Akira Kurosawa datant de 1943, qui retrace l'itinéraire d'un jeune homme apprenant le Judo. Segata Sanshiro est interprété par Hiroshi Fujioka, qui, s'il n'est connu chez nous que pour son rôle du-plus-grand-et-dernier-véritable-héros, l'est bien plus au Japon pour avoir incarné le personnage principal de la série Kamen Rider, qui doit être à peu près 10 fois plus populaire au Japon que Bioman a pu l'être chez nous au sommet de sa gloire, et a joué dans de nombreux films historiques. Il a même un astéroïde qui porte son nom. Aujourd'hui, Hiroshi Fujioka, continue sa carrière d'acteur à la télévision et au cinéma, et écrit des livres sur les arts martiaux et l'honneur des samourais. Parce que oui, je ne vous l'ai pas dit, mais il est expert en une demi-douzaine d'arts martiaux (il possède d'ailleurs son propre dojo, et enseigne à une vingtaine de disciples), et maîtrise l'art de l'épée. Et juste histoire d'ajouter une ligne sur son CV de mec le plus classe du monde, Hiroshi Fujioka était également le doubleur d'Iwao Hazuki dans Shenmue. Segata Sanshiro est le protagoniste d'une série de spots TV dédiés à la Saturn et à ses jeux. Ces publicités sont aujourd'hui cultes, grâce à leur humour décalé, à leur outrance toute nippone, ainsi qu'à leur thème musical inoubliable, et il est plus que probable qu'elles ont contribué au succès de la console au pays du soleil levant. Il va donc de soi qu'un tel personnage méritait son propre jeu vidéo. C'est ainsi qu'en 1998 (le jour des 10 ans de la Megadrive, d'ailleurs) sortit Segata Sanshiro Shinken Yugi. Et c'est... hum, disons qu'on est très proche des pubs dans l'esprit. En effet, en 1998, la Dreamcast pointe le bout de son nez, la Saturn est en fin de vie, et ce titre n'est rien de plus qu'un clin d'oeil à un personnage déjà mythique, probablement développé avec la monnaie des courses du pot de départ d'un stagiaire de la compta. Segata Sanshiro Shinken Yugi est une compilation de mini-jeux dont le thème correspond à un spot TV. Les jeux sont extrêmement basiques, ne nécessitant souvent l'usage que d'un seul bouton (voire moins !), et jouant principalement sur les réflexes. On trouve de la plateforme, du shoot, des jeux à la Athlete Kings, et tout un tas de petits jeux d'arcade. Il y a en a 10 au total, et ils ont pour point commun d'être tous très courts. Leur difficulté, quant à elle, est très variable, les plus difficiles relevant du die and retry, et demandant un travail de mémorisation des obstacles. Plateforme, puzzle game, shoot, plusieurs genres sont abordés avec deux points communs : un concept remarquablement idiot, et une réalisation indigente. Digitalisations approximatives, animation minimaliste, pixellisation à outrance, interface d'un autre âge et loadings omniprésents et interminables, tout concourt à faire de Segata Sanshiro Shinken Yugi un horrible navet. Mais le considérer comme tel serait une grave erreur, puisqu'il est de toute évidence un nanar volontaire, et comme tous les nanars le jeu est tellement mauvais qu'il en devient amusant. Les épreuves sont d'une telle idiotie que même les plus ennuyeuses deviennent divertissantes pour peu qu'on y joue à plusieurs. La nullité de certaines épreuves devient leur plus grande qualité, et les musiques et les bruitages possèdent un tel caractère hypnotique que vous vous surprendrez à fredonner le thème de Santa Shiro sous votre douche, ou à crier "Tsuaaa !!!" dans votre sommeil. Car vous passerez du temps sur ces jeux. Peut-être pas sur tous, non, mais il y en aura forcément un sur lequel vous bloquerez irrémédiablement, sur lequel vous vous acharnerez. Non seulement pour débloquer les vidéos associées, mais aussi parce que derrière cette épaisse couche de nullité, il reste le savoir-faire de développeurs qui, certes étaient probablement complètement torchés lorsqu'ils ont élaboré ce jeu, mais possèdent malgré tout un véritable savoir-faire, qu'ils ont mis au service d'un grand cri d'amour au jeu vidéo, à la Saturn, et à Sega. Sources, remerciements, liens supplémentaires : Un avis sur l'article ? Une expérience à partager ? Cliquez ici pour réagir sur le forum (20 réactions) |