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Night trap
Année : 1992
Système : 3DO, 32X, Mac, Mega-CD, Windows
Développeur : Digital Pictures
Éditeur : Sega
Genre : Film Interactif
Par Marc G. (19 avril 2005)

Opération Némo

Il est des jeux dont le développement suit parfois des chemins plus qu'alambiqués : Night Trap est sans conteste l'un d'entre eux. À l'origine de tout ceci, Hasbro, le roi du jouet. Nous sommes au milieu des années 80 et depuis bien longtemps déjà, ce géant parmi les géants lorgne vers le très lucratif marché du jeu vidéo. Si cette compagnie d'outre-Atlantique représente un acteur majeur dans son domaine, elle ne possède néanmoins pas les compétences nécessaires à la réalisation d'une console de jeu. La nécessité de sous-traiter l'affaire devient alors indispensable. Le budget de 20 millions de dollars alloué à Nemo, nom de code de la machine, arrive naturellement à amadouer une foule de requins. Parmi ceux-ci, la firme Axlon se voit retenue. Les critères ayant influé sur le choix des responsables d'Hasbro peuvent être divers, nous n'en retiendrons cependant que 2. Le premier est la spécialité d'Axlon qui est la création de jouets robotiques particulièrement avancés. Le second et non des moindres est probablement le nom de son dirigeant et créateur, j'ai nommé : Nolan Bushnel. Celui-ci, après s'être fait limoger d'Atari, a mis sur pieds une nuée de petites sociétés, dont Axlon.

Le contrat étant signé avec Hasbro, le précurseur du jeu vidéo commercial crée alors, en 1987, la compagnie Isix chargée de mener l'opération Nemo à bien. Un tel projet ne pouvant se concrétiser seul, Bushnell s'adjoint alors quelques associés. Tom Zito, nous y reviendrons, est de ceux-ci. La locomotive est maintenant sur les rails et la bête prend forme : elle ne sera pas équipée d'un port cartouche (trop contraignant) ni d'un lecteur CD-ROM (technologie encore embryonnaire). Ses concepteurs ont plutôt misé sur la technique du VHS, déjà bien connue et maîtrisée. Grâce au système InstaSwitch, la bande magnétique est maintenant capable d'accueillir, en plus du son et de la vidéo, des données informatiques. La machine d'Hasbro commence à prendre forme et sa commercialisation est prévue pour novembre 1988 à un prix de 199$. Malheureusement pour le géant US, le coût délirant de la RAM, dû à une forte pénurie, atteint alors des sommets himalayens et vient grever le prix de la Control Vision, nom définitif choisi pour la console, de 100$, le portant ainsi à 299$. Si l'on ajoute la concurrence du rouleau compresseur Nintendo et sa NES, proposée à 99$, la messe est dite. Le magnat du jouet est totalement refroidi et le projet n'aboutira plus jamais. On murmure cependant qu'une première série aurait été produite et stockée dans un entrepôt avant destruction...

Déboires et des softs

L'avortement de la machine d'Hasbro ne se fait cependant pas sans heurts, les programmes prévus pour le lancement de la console passant eux aussi... à la trappe. Grâce aux infos circulant dans le milieu vidéo ludique, nous pouvons dire qu'ils sont au moins au nombre de 4. Ces jeux, vue la spécificité du système, sont ce que l'on nomme maintenant, le terme n'étant pas encore utilisé à l'époque, des films interactifs. Pour info, je vous les cite dans un ordre aléatoire. Dans les cartons nous trouvons donc Sewer Shark avec son coût de 3 millions de dollars et un tournage de plus d'un mois. Nous avons encore un football US, avec le très médiatique John Madden, et un autre basé sur la licence de la célèbre série, alors très appréciée des kids américains, Police Academy avec l'hilarant (hem) Steve Guttenberg. Le quatrième et dernier soft prévu à ma connaissance n'est autre que Scene of Murder, doté quant à lui d'un budget d'1,5 million de dollars et tourné en 3 semaines.

Tom Zito, le créateur de Digital Pictures : imaginez un instant que cet homme ait voulu créé un jeu avec le très déso(pi ?)lant Steve « Police Academy » Guttenberg. J'en frissonne encore...

Ce travail n'est cependant pas perdu pour tout le monde car Tom Zito, le principal instigateur des jeux de l'infortunée Control Vision, frustré de voir les projets en cours jetés aux oubliettes, s'empresse de monter sa petite entreprise dans un but de récupération non avoué. Nous sommes alors au début des années 90 et Digital Pictures pousse son premier cri à Palo Alto, Californie. L'ère du CD-ROM est en route et les ordinateurs (PC/Mac) et autres consoles (PC-Engine de NEC et Megadrive de Sega) se voient équipés de lecteurs ad hoc. C'est lors de la mise en vente du Sega-CD (version américaine du Mega-CD), en 1992 donc, que notre intéressé commence à se faire un nom en signant avec Sony Imagesoft pour la distribution de plusieurs de ses titres sur cette plate-forme. Je passe rapidement sur la série Make My Video, qui propose au joueur de concevoir des clips vidéos à base d'images d'archives de groupes aussi divers qu'INXS ou encore Kris Kross, pour m'attarder sur un jeu bien plus innovant...

La série des Make My Video permet de créer les clips de ses artistes favoris avec moultes effets : C&C Music Factory (dance), Kris Krass (rap à 2 francs), INXS (rock) et Marky Mark (rap à 3 francs cinquante - Marky Mark est en fait Mark Wahlberg, qui s'est reconverti dans le cinéma par la suite). Ces « jeux d'un genre nouveau » sont en fait une publicité déguisée, la plupart d'entre eux ne comprenant que 3 titres. Impressionnant les 5 premières minutes (et encore)...

Rien ne se perd, tout se transforme

Nous sommes maintenant en février 1993 et le Sega-CD accueille en son sein son premier film interactif : Sewer Shark. J'insiste sur le mot film car si la machine de la firme d'Haneda est déjà coutumière de ce style de programme (Thunderstorm FX, Road Blaster FX), il n'en est pas moins vrai que ces derniers ne font intervenir aucun acteur digne de ce nom. La sortie de ce shoot'em up interactif prouve aussi le bien fondé de la théorie de Tom Zito, à savoir qu'une jouabilité appauvrie peut être masquée par une réalisation technique d'envergure et relativement innovante. Pas mal pour un produit datant de la fin des eighties.

Les films interactifs ont la cote sur Mega-CD/Sega-CD : Thunderstorm FX, Road Blaster FX/Road Avenger et Sewer Shark composent le fer de lance de ce style sur l'accessoire fétiche de maître Sega. Malgré sa palette de couleurs plus que limitée, ce genre lui sied à ravir et permet aux ventes de décoller. Sewer Shark sort sous la marque Sony pour Mega-CD et Virgin sur les autres supports.

La rentabilité étant enfin de mise pour ses concepts et le contrat le liant à Sony arrivant à terme, notre homme s'en va donc trouver diverses sociétés : Sega pour la commercialisation sur ses machines CD et Virgin pour une version 3DO (Acclaim se chargeant, après le rachat de Digital fin 1994, des versions micros). Dans sa besace, il amène son « tout nouveau » Scene of Murder, rebaptisé Night Trap pour l'occasion, un titre qui promet de faire encore plus de bruit. Et il ne s'en privera effectivement pas...

Voici quelques unes des versions commercialisées, de haut en bas et de gauche à droite : Sega-CD (1993), Mega-CD japonais (1993), Sega-CD 32X (1995), Mega-CD européen (1994), 3DO américaine (1994), PC (1994) / Mac (1995) et 3DO japonaise (1994). Notons qu'une version « Director cut » incluant les scènes censurées fut commercialisée sur PC quelques années plus tard.

L'Amérique, l'Amérique... (air connu)

« Les créateurs du jeu représentent le mal et ils devraient être punis pour avoir créé une telle aberration. Les parents qui laissent de tels jeux dans les mains de leurs propres enfants sont des irresponsables. Toute personne qui achète le produit devrait être fichée », telles sont les paroles de Terry Dicks, un politicien américain parmi tant d'autres, alors offusqué par le contenu de Night Trap. Le soft de Digital Pictures, sorti au printemps 93, fait maintenant couler beaucoup d'encre. Il est vrai que certains de ces messieurs bien pensant ouvrent déjà de grands yeux lors de la distribution de Mortal Kombat en l'an de grâce 1991 dans les salles d'arcade (je pense tout particulièrement à un sénateur démocrate du Connecticut nommé Joseph Lieberman). Ce n'est toutefois pas la première fois que les États-Unis se voient outrés par une forme de divertissement, l'état de New York ayant déjà interdit les flippers sur son territoire pendant près de 35 années. Pour le programme qui nous intéresse, les principales questions que se posent ces moralisateurs sont les suivantes : que faire pour contrôler le contenu des titres vendus et mettre en garde une foule de parents généralement ignorants en la matière ? La réponse se traduit sous la forme de mesures réglementant la vente de jeux vidéo, un organisme, l'ESRB (Entertainment Software Rating Board), étant mis en place avec pour fonction l'évaluation et la pose d'un avertissement lors d'un éventuel contenu non recommandable aux enfants de moins de 13 ans. Pour Digital Pictures, mais surtout pour Sega, toute cette publicité est une véritable aubaine et fait office de jackpot : le logiciel, qui s'apprêtait à être une curiosité pour collectionneurs, devient un véritable succès commercial alors que les discussions s'enveniment au sénat.

Au début de l'année 1994, Night Trap est interdit de vente dans sa version Sega-CD. Les raisons invoquées par les censeurs sont les scènes érotiques et certains passages jugés trop sanguinolents. La Grande-Bretagne, quant à elle, prend les choses différemment et se borne à conseiller la supervision par les parents pour les enfants de moins de 15 ans. Il est rassurant de constater que l'Europe ne voit pas tout cela d'un oeil similaire, la publicité française de Sega s'inspirant même ouvertement d'un des montages litigieux. Face à la montée de jeux au contenu toujours plus violent et réaliste, divers organismes de contrôle verront néanmoins le jour dans nos vertes contrées.

D'étranges disparitions ...

L'arrivée de l'organisation S.C.A.T. sur les lieux présumé du drame. Le commandant Simms, dont la tête me dit vaguement quelque chose, vous explique alors la situation en détail.

Le jeu vous propose d'incarner un agent des forces spéciales S.C.A.T. (Special Control Attack Team) lors d'une mission ultra confidentielle codée sous le nom de Night Trap et se voyant attribuer le numéro 230. Je laisse maintenant la place au commandant Simms, votre officier supérieur durant cette opération, pour un bref récapitulatif :

« Cinq adolescents ont disparu aux alentours de la maison vinicole du lac, chez la famille Martin. L'investigation de la police locale ayant négligé certains indices de ce qui s'est réellement passé, l'affaire a été prise en charge par notre organisation. Suite à l'analyse du dossier, nos instances supérieures ont déterminé que ces jeunes ont été portés disparu après avoir passé la nuit en tant qu'invités chez les Martin. Ces derniers prétendent néanmoins, que les ados ont quittés leur demeure le dimanche soir. Lors d'une première approche du lieu, un de nos agents a infiltré la maison et a découvert quelque chose d'assez inhabituel. Des caméras de surveillance ont été dissimulées dans 8 zones distinctes : la chambre d'amis, la salle de bain, le hall supérieur, l'entrée, le hall inférieur, le salon, la cuisine et l'allée. Plus curieux encore est la série de pièges découverts dans ces endroits. Nous pensons que ceux-ci peuvent former l'ensemble d'un système de sécurité élaboré. Cet agent a aussi remarqué le panneau de contrôle caché dans le sous-sol de la demeure afin d'utiliser ce système. Durant cette opération, notre homme a réussi à dissimuler un câble permettant de diriger ces installations à distance. Malheureusement, si un des habitants vient à découvrir ce câble, l'agent opérant alors peut être mis en fâcheuse posture.

En ce qui concerne les pièges, ils sont contrôlés par un code d'accès basé sur une variation de couleurs : le rouge, le vert, le bleu, le jaune, l'orange et le violet. La bonne couleur devant évidemment être activée pour les utiliser. Dans un souci de discrétion, l'installation du sous-sol a été laissée en ordre de marche, laissant à quiconque l'opportunité de modifier ce code.
»

Le fameux câble « discrètement » posé lors de l'opération S.C.A.T. 229 (repérage des lieux) et permettant le contrôle à distance des divers pièges disséminés à travers la demeure des Martin. Comme quoi certaines situations ne tiennent vraiment qu'à un fil...

...à répétition

« Suite à une invitation, cinq autres jeunes gens sont en route vers la maison des Martin. Cette fois-ci, notre organisation a réussi à infiltrer le groupe et a placé notre meilleur agent pour ce style de mission : Kelli Medd. Ton travail consiste donc à prendre le contrôle du système de sécurité et à protéger Kelli et les autres des éventuels dangers qu'ils pourraient rencontrer. N'hésite pas à utiliser les pièges pour parer à toute éventualité mais abstiens-toi de capturer les invités ou l'un des nôtres. La sanction serait immédiate et définitive. »

Voici la représentation de votre interface en cas de fin de partie : préparez-vous alors à vous faire engueuler comme du poisson pourri. Un jeu plus vrai que nature...

« Avec l'aide de Kelli, tu dois trouver ce qui se trame dans cette demeure et savoir ce qu'il est advenu des précédents invités. Sois donc à l'écoute des conversations et des changements de code d'accès. Étudie rapidement le dossier que voici et tiens-toi prêt pour le début de l'opération. »

Kelli, l'agent secret infiltré, est interprétée par l'actrice Dana Plato aujourd'hui décédée. Elle est surtout connue sous nos latitudes pour son rôle dans la série "Arnold et Willy". Notons que le jeu des acteurs se révèle des plus convaincants et participe ainsi grandement à l'implication du joueur.

Après ce rapide état des lieux, l'aventure commence alors : vous êtes directement lâché dans la maison, par caméras interposées, et devez rapidement faire face à une multitude d'intriguants hommes en noirs...

Qui sont ces mystérieux mens in black ? Quel secret diabolique cache la famille Martin ? Autant de questions auxquelles vous serez amené à répondre...

Les principaux protagonistes

Outre les différents invités, il vous faut aussi surveiller les intervenants qui ne manqueront évidemment pas de se mettre en valeur (et en danger). La suite en images...

Voici, de gauche à droite et de bas en haut, les invités pour cette soirée mémorable : Cindy, Megane, Ashley, Lisa et Kelli. Protéger tout ce joli petit monde ne sera vraiment pas chose aisée.
Eddie et Danny : l'un est plutôt simplet, l'autre plutôt chevaleresque. Ayez bien l'œil sur le dernier car une fois armé, il s'avèrera des plus redoutables.
Vos hôtes : Victor et Sheila (les époux) ainsi que leurs 2 enfants, Jeff et Sarah, et enfin Tony, un cousin venu rendre visite à la famille pendant les vacances d'été. Les lunettes de soleil en soirée, c'est trop bien...
Les membres du S.C.AT. viendront vous donner un coup de mains durant l'opération. À la vue des résultats, on est en droit de se demander qui aide qui.
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