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Monnier, Théophile
Co-créateur du magazine Vae Victis, fondateur de Cyberstratège et Pc4War, les premières revues dédiées au jeu vidéo de stratégie, Théophile Monnier est une personnalité-phare du jeu de stratégie dans les pays francophones. Pour GrosPixels, il revient sur sa carrière, parle de ses jeux marquants et analyse le futur du jeu de stratégie.
Par Thezis (14 avril 2008)

Théophile Monnier représente incontestablement l'une des figures centrales du wargame en France et dans les pays francophones. Fondateur du magazine de référence sur les wargames papier Vae Victis en 1995 avec François Vauvillier puis de Cyberstratège en 1997 et de PC4War en 2002, deux magazines dédiés aux jeux vidéo de stratégie, ainsi que de magazines d'histoire stratégique, il demeure peu connu en-dehors des cercles d'amateurs. Pourtant, défenseur en France des jeux de stratégie informatiques dès leurs débuts et passeur infatigable auprès des acharnés du wargame papier, il joua un rôle certain dans la médiatisation et même la diffusion (il travailla et travaille encore pour différents éditeurs) de plusieurs titres qui sont entre-temps devenus des classiques. Aujourd'hui à la tête des Editions du Paladin, il continue de faire connaître les wargames informatiques, des plus pointus aux plus ouverts. Il a gentiment accepté pour GrosPixels de revenir sur sa carrière et l'évolution des jeux de stratégie informatiques.

Le wargame papier : de la passion à Vae Victis

Bulletin d'abonnement du premier Casus Belli et la boîte de Risk (version 1970).
  • Bonjour Théophile Monnier ! Tout d'abord, merci à vous d'avoir proposé cette interview suite à plusieurs questions sur le forum de www.cyberstratege.com, c'est un vieux rêve qui se concrétise. Commençons par la question habituelle : comment a débuté votre passion pour les jeux de stratégie ?
  • De manière très classique, avec les petits soldats et les beaux livres de notre enfance ! J'ai passé une bonne partie de ma jeunesse plongée dans la collection des « Soldats de tous les temps » de Liliane et Fred Funcken, dans la vie d'Alexandre le Grand et les batailles de Napoléon. Naturellement, j'ai toujours aimé les jeux de société dès l'âge de sept ans : le Risk, Richesses du monde, les boîtes de soldats Airfix. Ajoutez à cela une bonne dose de Marvel et de Tolkien et vous obtenez le pur produit d'une génération de cyberstratèges ! Après, il aura suffi que je découvre Casus Belli [NdT : dédié dans un premier temps aux jeux de stratégie avant de se spécialiser dans les jeux de rôle], les jeux de rôle et Squad Leader pour me mettre sur le bon chemin... Autant dire que je me suis tardivement intéressé aux filles !
  • Quel jeu de plateau vous a le plus marqué ? Vous avez souvent fait part de votre attachement à ASL (Advanced Squad Leader), pouvez-nous en dire plus sur les raisons de cet attachement ?
  • Squad Leader, puis ASL, c'est presque dix ans de ma vie. Je suis tombé en arrêt devant la boîte de Crescendo of Doom, une extension pour Squad, à l'âge de 16 ans, je l'ai achetée (sans avoir la boîte de Squad) et pendant plusieurs semaines, je me suis inventé les règles pour y jouer seul. Après, je suis devenu un fou d'ASL et j'ai joué uniquement à ça pendant presque dix ans donc [NdT : plus de détails sur ASL dans l'article sur Close Combat].L'échelle tactique me plaît énormément, car elle combine un côté jeu de rôle avec des actions héroïques, des combats à distance et donc dans la dimension. On peut aussi facilement visualiser et s'imaginer l'action (j'adore faire les bruits des tirs quand je joue !). L'échelle opérationnelle a un côté abstrait que j'apprécie moins. Certains amis wargamers aiment partir à la conquête du monde, j'ai toujours plus de mal à mettre en place des plans sur la distance. Je suis un homme d'intuition, et l'échelle tactique, rapide et où la moindre erreur est mortelle, me convient [NdT : le jeu tactique concerne un petit nombre de soldats tandis que le jeu opérationnel concerne des armées à l'échelle d'une région].
Les premiers numéros de Tactiques et Vae Victis.
  • Du joueur passionné au rédacteur en chef du premier magazine français entièrement dédié au wargame, quel aura été votre parcours ?
  • J'ai toujours voulu travailler dans la presse, ou au moins dans la création écrite, et pendant mes études de journaliste, j'ai naturellement créé un fanzine sur ASL, Tactiques. Il me semblait impossible de travailler hors du domaine des jeux, et j'ai proposé à l'éditeur Histoire & Collection de lancer un magazine sur les jeux d'histoire. François Vauvillier, le patron d'H&C, avait déjà en tête un projet similaire, nous nous sommes bien entendu et il m'a donc embauché pour créer Vae Victis avec lui.
  • Quelles étaient vos envies et vos ambitions en lançant Vae Victis ? Plus d'une décennie après, quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par ce magazine ?
  • Notre ambition était énorme car nous avions la certitude de nous trouver face à un marché important, et délaissé par les revues de jeux de l'époque, principalement Casus Belli. Des milliers de wargamers attendaient un support qui leur était dédié et le succès a été au rendez-vous. En plus de la démarche ludique, l'objectif était surtout de créer une revue qui apporte un nouveau regard sur l'étude de l'histoire militaire, décomplexé vis-à-vis de la mainmise anglo-saxonne sur le sujet, pratique, épique et surtout varié, avec un fort accent mis sur l'histoire de France. Je pense que toute une génération d'historiens en herbe ont lu Vae Victis avec passion, on les retrouve maintenant dans des postes d'enseignant ou de chercheur, et la revue a clairement changé le regard très conventionnel que l'on portait sur l'histoire militaire dans ce pays.Pour ce qui est de l'évolution du magazine, c'est une réussite, d'abord parce que dans un marché de la presse en difficulté, Vae Victis est encore là, à la différence de tous ses concurrents « jeu de rôle » de l'époque, il faut le souligner ! Ensuite, parce que la revue a su évoluer, tout en conservant ses fondamentaux, et continue à proposer des articles toujours aussi originaux, avec une équipe qui est dans l'ensemble resté très proche de celle que j'avais rassemblée il y a onze ans. L'actuel rédacteur en chef, Nicolas Stratigos, qui a pris la tête de la revue à ma suite, a su conserver une équipe de rédacteurs solides, trouver de nouvelles plumes et conserver l'enthousiasme et la fraîcheur des débuts, c'est exceptionnel.
Vae Victis n°10 comprenant Operation Apocalypse et n°16 avec la première version d'En pointe toujours.
  • Vous avez réalisé vous-même plusieurs jeux complets en encart dans Vae Victis. Ne regrettez-vous pas cette démarche de créateur, très différente de celle de rédacteur ? Auriez-vous une anecdote à partager sur ces créations ?
  • Je n'aurais plus le temps aujourd'hui de créer des jeux à nouveau, c'est très prenant et il faut une grande disponibilité intellectuelle. Je suis en admiration devant certains des concepteurs de VV qui continuent à faire des jeux dix ans après, comme Frédéric Bey. Mais en même temps, j'avoue avoir adoré créé par exemple En pointe toujours [NdT : qui a marqué les joueurs au point de posséder un site amateur dédié et une communauté toujours active], car c'est l'occasion de mettre en pratique des tonnes d'idées et d'expérimenter des choses nouvelles. On verra si le démon me reprend quand j'aurais de nouveau le temps de faire des wargames sur carte, probablement quand mes enfants auront grandi.Une anecdote ? Vous savez, la conception des jeux dans VV a toujours eu un côté artisanal, de mon temps en tout cas, et nous faisions parfois, en interne ou avec les concepteurs, des tests en urgence à deux jours du bouclage pour nous rendre compte que le système ne marchait pas du tout ! Mon pire souvenir a été le jeu Opération Apocalypse (VV 10), que j'ai décidé en catastrophe de transformer en un jeu solo, ce que j'ai fait en pratiquement une journée... mais nous avons oublié de donner la table de placement dans le mag. J'était en vacances quand le numéro est sorti mais j'ai senti une clameur de rage des lecteurs de là où je me trouvais !
  • Dernière question pour le wargame papier : comment voyez-vous ce marché aujourd'hui ?
  • Dans une forme éblouissante ! En réalité, les wargames classiques ont connu une étonnante résurrection il y a quelques années. Tout le monde les donnait pour mort avec l'avènement de l'informatique, et en fait c'est l'inverse qui s'est produit : la capacité de pouvoir facilement créer les graphismes des jeux chez soi grâce à l'informatique a permis à de nouveaux éditeurs de se faire connaître, et Internet a permis de rassembler des communautés de joueurs auparavant isolés et d'échanger des informations. Aujourd'hui, le marché a changé évidemment, les wargames ne se trouvent plus en boutique, mais ils sont facilement disponibles par correspondance sur le net, avec un choix et une variété très supérieurs à ce qu'on pouvait trouver il y a dix ans. Rappelons également que le marché français est unique puisque c'est le seul au monde où on trouve une revue entièrement consacré à ce loisir dans les kiosques et qui se vend à plusieurs milliers d'exemplaires...
  • Vous vous êtes aussi lancé plus généralement dans la presse stratégique avec des magazines comme Champs de bataille, Axe & Alliés, ... Êtes-vous un touche-à-tout de l'histoire stratégique ?
  • Exactement ! C'est aussi les hasards professionnels qui ont fait que j'évolue dans différentes maisons d'édition... mais ce n'est pas un hasard si cela reste dans le même domaine, l'histoire militaire. Cela étant, le marché est aujourd'hui saturé à mon avis et il faut chercher de nouvelles idées. Une revue de tricot peut-être ?

La presse vidéoludique dédiée : Cyberstratège, PC4War et Cyberstratège à nouveau

  • Les premiers tests de Cyberstratège ont été publiés dans Vae Victis en rubrique dédiée dès 1995. Avez-vous dès le départ soutenu un travail d'écriture autour du wargame informatique ?
  • Le développement des jeux de stratégie PC rendait inévitable cette évolution. En 1995, c'est l'apparition de Panzer General et Steel Panthers, les premiers jeux d'histoire enfin agréables à utiliser et ergonomiques, capable d'attirer à la fois le spécialiste et les novices. Vae Victis ne pouvait pas se tenir à l'écart de cette évolution.
Cyberstratège n°1 à 6.
  • Qu'est-ce qui a mené à la création de Cyberstratège comme un magazine à part entière ?
  • Le développement des jeux PC et l'importance que cela prenait dans le magazine (sous mon impulsion) commençait à poser un vrai problème vis-à-vis de la « vieille garde » des joueurs, allergiques à l'informatique. D'ailleurs, le sectarisme entre les joueurs plomb ou papier vis-à-vis du PC restent encore assez fort aujourd'hui ! Surtout, j'ai senti qu'il y avait là un vrai marché, en terme publicitaire mais aussi en terme de vente, car aucune revue française ne traitait correctement des jeux d'histoire sur PC. Je me suis alors en partie basé sur quelques magazine US, dont par exemple Strategy Plus, disparu depuis, pour créer la formule de Cyber.
Cyberstratège n°7 à 12.
  • Comment se déroulèrent les premiers mois ? Ce fut folklorique j'imagine ? Comment avez-vous composé votre équipe ? Et à quoi ressemblèrent les premiers retours des lecteurs ?
  • Comme souvent, le lancement des magazines se fait avec des équipes très réduites, j'ai donc, comme pour Vae Victis, rédigés les premiers numéros presque entièrement. Cela étant, j'avais autour de moi dès le début quelques excellents rédacteurs, qui sont presque tous encore présents dans l'équipe du Cyber actuel, comme Pascal Di Folco [NdT : qui travaille aussi pour le développeur français Ageod, spécialisé dans les jeux de stratégie].
Cyberstratège n°13 à 18, dernier numéro de la première formule.
  • Au final, que retirez-vous de cette première formule de Cyberstratège ?
  • Cyber 1ère formule a été un magazine superbe, extrêmement novateur et qui a laissé à mon avis un souvenir impérissable à ses lecteurs [NdT : je confirme], avec des articles de légende : les analyses de Steel Panthers ou Master of Orion, les scénarios offerts dans le CD et détaillés dans le mag, les mods dénichés avec amour. Il faut se souvenir qu'Internet en était à ses balbutiements et les infos que nous donnions étant dévorés par des fans avides...
PC4War n°1 et 9.
  • Malgré la fin de Cyberstratège en 2000, vous n'abandonnez pas le wargame informatique et lancez PC4War en 2002.
  • Cyberstratège s'est arrêté suite à mon départ d'Histoire & Collections, on m'avait alors proposé de participer au lancement d'une start-up dans l'Internet, un pari que je voulais relever. Ensuite, j'ai participé à la création d'une autre société dans le sud de la France, société qui avait de nombreux objectifs... mais aucun dans la presse m'avait-on dit ! J'étais alors heureux de changer de métier mais finalement, nous avons convenu avec mes associés de l'époque qu'il était intéressant de profiter de mes compétences pour développer une activité presse, en premier lieu autour d'un titre qui reprendrait le flambeau de Cyber. Personnellement, j'étais très hésitant à me replonger dans la presse, un secteur contraignant et difficile, mais la tentation de repartir était trop forte.
Cyberstratège seconde formule n°1 à 4.
  • 2006, retour gagnant pour Cyberstratège qui a conservé une base importante de fans de la première heure. Vous semblez avoir gardé l'ancienne formule tout en y introduisant une série de changements prenant en compte le développement du jeu de stratégie sur Internet et sur console (jeuxvideo.com décrit particulièrement bien cela dans son article).
  • La ligne rédactionnelle du magazine est la même qu'il y a dix ans : la revue des jeux de stratégie informatique. La différence est que les jeux informatiques ont fortement évolué ces dernières années et que par exemple, il est impossible de se contenter de parler des jeux PC ou d'ignorer les jeux en ligne. Cela étant, la base de lecteurs du magazine est attaché avant tout à nos fondamentaux : les articles de conseils stratégiques et faire découvrir de nouveaux jeux sur PC, que les autres médias (presse ou Internet) ignorent presque entièrement.
Cyberstratège seconde formule n°5 à 8.
  • Quelle place future voyez-vous pour la presse vidéoludique en général et dédiée en particulier, notamment face à Internet ?
  • Depuis quelques années, avec la concurrence d'Internet, le nettoyage est sévère, avec des ventes en kiosque sur ce secteur qui ont été pratiquement divisé par deux ! Alors qu'il y avait profusion de titres il y a encore trois ans, les mags spécialisés sur les jeux PC se comptent maintenant sur les doigts d'une main ! Et il y a eu des morts...Cela étant, on aurait tort d'enterrer la presse de jeu, car la publication d'articles de fond n'est possible qu'avec un magazine, et c'est la force par exemple de Cyberstratège. Par ailleurs, beaucoup de sites qui semblent aujourd'hui bien installés peuvent disparaître d'un jour à l'autre, car leur équilibre économique est très fragile, ne vivant que de la pub et souvent chichement. Le problème du net également est que la qualité rédactionnelle, surtout sur des secteurs pointus comme les jeux de stratégie, est assez faible, la plupart des auteurs de sites dédiés étant des bénévoles. Mais il faut également prendre conscience que les nouvelles générations de joueurs ont complètement perdu l'habitude de lire des mags et ne rentrent pratiquement plus dans des kiosques, l'information sur le net étant déjà volumineuse. C'est dommage car seul un véritable magazine papier peut offrir l'essence du journalisme : la hiérarchisation de l'info et la découverte de nouveaux sujets, l'acquisition de l'info sur le net se faisant au « pull », à l'initiative de l'internaute et donc dans ses propres limites... Cyber a encore une vraie mission à jouer !
Cyberstratège seconde formule n°9 (qui fête les dix du lancement du tout premier Cyberstratège) à 12.

Le wargame informatique : analyse et prospective

  • Un regard en arrière pour répondre à la soif de retro-gaming de Grospixels : quels jeux vous ont marqué en tant que testeur et rédacteur en chef ? Et quels jeux conservent une place à part pour vous ? N'hésitez pas à les sortir du formol, nous sommes entre papys du jeu vidéo.
  • Bizarrement, je pense en premier lieu à un certain nombre de nanars que j'ai eu l'occasion de tester, des jeux dont on attendait énormément, dont nous avions parfois même réservé les couvs et qui se sont révélés des daubes infâmes. L'éditeur français Cryo s'était fait une spécialité de ça...Sinon, pour parler des jeux de qualité, je dois dire que je garde une place à part aux jeux de combat tactique, qui reste ma passion : Steel Panthers, auquel j'ai consacré un nombre d'heures indécent, Close Combat et surtout Combat Mission, le jeu auquel que j'ai le plus pratiqué, avec parfois 4-5 parties par mail en cours simultanément ! Et je suis évidemment un grand fans des jeux en tour par tour : la série Heroes of Might & Magic, la série Civilization, et les deux jeux que j'ai probablement préféré, malgré leur âge : Master of Orion II et Master of Magic. Ah oui, j'adore également Dominions III, qui est un jeu énorme en multijoueur mais comme je perds toujours et que je déteste ça, j'ai arrêté... D'ailleurs, j'ai arrêté de publier des articles dessus dans Cyber, c'est ma vengeance mesquine et perso !
Master of Magic, Master of Orion II et Fantasy General, l'un des meilleurs épisodes de la série des 5-Star General.
  • Que pensez-vous du retro-gaming ? Quel regard portez-vous sur un site comme GrosPixels ?
  • J'admire, mais j'adhère peu. Par exemple, je me vois mal aujourd'hui rejouer à certains jeux que je pratiquais comme un fou il y a cinq ans. Cela étant, je suis le contre-exemple absolu puisque, je possède certainement l'un des plus belles ludothèques informatique en France (sur les jeux de stratégie en tout cas) et que j'ai testé pratiquement tous les jeux parus dans ce domaine depuis dix ans... Ce serait évidemment différent si je les découvrais aujourd'hui. Comment peut-on passer à côté de Fantasy General par exemple, de Battle of Wesnoth ou de Master of Magic ? Impossible !!!
  • Dans votre éditorial du numéro 3 de Cyberstratège première formule, vous insistiez sur l'importance des STR dans le développement du marché du wargame. Avec le recul, comment voyez-vous l'apport de ce nouveau genre au wargame informatique ? Et quelle serait selon vous sa place aujourd'hui
  • Je dirais que les STR ont évolué dans le bons sens, puisque Cyber a choisi comme meilleur jeu 2006 dans ce domaine Company of Heroes... une réussite ludique que je recommande allégrement. En revanche, je me félicite de voir que finalement les mécanismes en temps réel montrent aussi leur limite. Le marché des STR est en nette crise, avec peu de titres intéressants ces derniers temps alors que celui des jeux en tour par tour repart de plus belle, non seulement chez les grands éditeurs mais aussi avec plein de créations de petites structures. Ma plus forte déception a été celle de Theatre of War, qui montre que malgré la meilleure volonté du monde, un jeu en temps réel ne peut pas dépasser une certaine échelle de jeu et ne peut rivaliser avec les produits tour par tour (ou en tour simultané plutôt) en terme de réalisme.
  • Comment voyez-vous le marché du wargame informatique aujourd'hui ? Cyberstratège insiste régulièrement sur deux phénomènes : la place du téléchargement légal des jeux permettant un marché de niche solide et la force de deux éditeurs aux produits très ciblés : Matrix Games et Battlefront.com.
  • Comme pour les wargames papier, l'atomisation des studios de développement (parfois avec un seul programmeur – concepteur) et la plus grand facilité de réalisation des jeux a permis l'éclosion d'un nouveau marché, dynamisé par la grand fluidité des échanges sur le net. Nous sommes dans une ère de pionniers, avec des moyens de géants ! Le phénomène que je trouve le plus excitant actuellement est le dynamisme d'une foule petits studios, capables de créer des jeux excellents avec peu de moyens et que nous faisons découvrir dans Cyber. Inversement, on peut se réjouir de voir que les gros éditeurs continuent à miser fortement sur la stratégie, avec des produits aux mécanismes finalement très classiques mais servis par des moyens techniques de notre temps, comme par exemple Heroes V et Civilization IV. Cette combinaison permet de toucher à la fois les retro-gamers comme nous et tous les nouveaux joueurs, de plus en plus nombreux à découvrir la stratégie PC !
Le numéro du "délit" et la cyberstratège famille Monnier .
  • Comme le montre le bouillonnant débat déclenché sur le forum du magazine par le numéro 13 de Cyberstratège (qui place pour la première fois un jeu console en couverture), le développement de la stratégie sur les consoles ne semble pas faire l'unanimité auprès des joueurs ? Quel est votre point de vue sur la question? Quelle place voyez-vous dans le futur pour la stratégie sur console ? Cette plate-forme représente-t-elle l'avenir économique du genre ?
  • L'accueil réservé à cette couverture n'est pas si négatif, nous avons eu en fait assez peu de critiques et la plupart des lecteurs ont parfaitement compris le caractère exceptionnel de notre choix, sachant qu'il s'agissait pour la première fois d'un jeu de stratégie sur console consacré à la Seconde Guerre mondiale, ce qui n'est pas banal. Mais c'était un « coup » intéressant, qui a marqué les esprits !Pour ce qui est de l'évolution de ces jeux sur console, c'est à mon avis un phénomène très positif et qui ne remet pas en cause l'existence ou la dynamique des jeux stratégie sur PC. L'amélioration technique considérable des consoles portables permet de profiter de jeux de plus en plus performants, en termes de mémoire et de graphisme, et l'avantage est tout de même de pouvoir s'amuser partout, sans devoir trimballer son PC. Après tout, on peut tout à fait envisager de pratiquer des jeux relativement sophistiqués, et surtout en tour par tour, sur une console avec un bel écran comme la PSP. C'est différent pour les consoles de salon, car par définition, elles se prêtent moins à des jeux cérébraux, étant souvent placées dans des lieux de passage de la maison. Alors que jouer à Civilization dans son lit ou dans le train, comme cela sera possible d'ici la fin de l'année, c'est le bonheur !Et avec le développement de la connectique entre console (et donc la possibilité de s'affronter à distance à plusieurs), on n'en est qu'au début de la stratégie portable, sans parler de ce que les éditeurs nous réservent pour la prochaine génération de console !
  • Merci encore pour cette interview, le temps que vous avez bien voulu consacré à y répondre et une bonne continuation !
Thezis
(14 avril 2008)
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