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Mega Man Xtreme 1 & 2
Année : 2000
Système : GBC
Développeur : Capcom
Éditeur : Nintendo
Genre : Plate-forme / Action
Par MTF (16 mai 2022)

On parle assez peu, ce me semble, de la Game Boy Color, tant sur Grospixels qu'en général. Les rares fois où un article y fait référence ici, c'est pour un portage ou une adaptation, mais sans guère s'attarder ; ailleurs, la console semble oubliée, perdue entre son ancêtre extraordinaire et sa successeuse qui fit tant pour réinstaurer l'esthétique « retro » dans le monde du jeu vidéo. On aurait tort pourtant de la négliger : même si sa durée de vie fut brève en comparaison (cinq ans à peine, de 1998 à 2003), elle était comme l'évolution logique de la Game Boy Pocket et a permis non seulement d'améliorer le rendu de tous les jeux Game Boy, mais aussi d'accueillir quelques titres originaux bénéficiant de son bel et écran et de son processeur plus puissant.
Toutes choses égales par ailleurs, on pourrait volontiers comparer la GBC à la Game Gear : non seulement parce qu'il s'agissait des premières consoles portables en couleurs, mais aussi parce que la console pouvait imiter plus ou moins bien la NES, de la même façon que la portable de Sega adaptait la Master System et que, plus tard, la Game Boy Advance adaptera la Super Nintendo. Alors, bien entendu, la comparaison n'était pas exacte, l'écran était plus petit, les effets un peu plus chiches souvent : mais un jeu comme Wario Land III aurait très bien pu sortir sur console de salon et Super Mario Bros. Deluxe demeure sans doute, aujourd'hui, l'un des portages les plus agréables de l'aventure inaugurale du plombier.

Le rendu est sans doute un peu plus faible que sur NES, soyons honnête ; mais la résolution y est pour beaucoup (Xtreme 2)

C'est cependant à une autre série que je m'intéresserai ici en parlant de la dyade des Mega Man Xtreme, qui prenait jadis tout le monde à contrepied : car alors que la Game Boy Advance était sur le point de sortir, voire était déjà sortie, c'est sur la génération antécédente que Capcom décidait de porter Mega Man X, comme il l'avait fait jadis avec la série des Classics. Pour être plus exact cependant, et cela aura plus d'importance qu'on ne le croirait de prime abord, il ne s'agit pas tant de portages que de « réinterprétations », à la façon d'un genre de spin-off. Le premier épisode se déroule ainsi entre les épisodes X2 et X3 ; le second, entre ce dernier et X4. Le gain historique est faible, pour ne pas dire nul, même si on appréciera revoir le Dr. Cain et Iris, mais cela reste assez bien venu.
Les jeux se piquent cependant de développer une dimension « méta-vidéoludique », en justifiant dans leur économie même la résurection d'anciens Mavericks. Dans le premier jeu, on explore un ordinateur contenant les données de nos anciennes batailles, lequel a été piraté par une menace inédite ; dans le second, un duo de ruffians récupère les processeurs de nos vieux ennemis et nous obligent à les affronter une fois encore. Ainsi, et à l'exception de quelques mini-boss inédits, mais exclusivement dans le second épisode, rien ne sera inconnu à qui connaît les jeux originaux.

Comme un air de déjà vu... (Xtreme)

Les niveaux de même, bien que parfois raccourcis ou simplifiés, sont quasiment identiques à ceux d'alors, ce qui est des plus pratiques pour récupérer les réservoirs d'énergie, les cœurs, les améliorations d'armure car, à peu de choses près, on les trouvera au même endroit que jadis. Une bonne connaissance de la trilogie originale vous sera demandée cependant, car le jeu propose un mic-mac des stages précédents sans s'attarder sur leur cohérence : on peut dès lors très bien affronter Storm Eagle (MMX) avec l'arme de Flame Stag (MMX2) ou aller titiller Volt Catfish (MMX3) après avoir salué Wheel Gator (MMX2). Au final, cela représente donc les deux tiers des robot masters d'alors et la sélection est plutôt bonne, du moins, je pense dire qu'ils ont conservé les plus mémorables.
Cependant, du fait de l'approche particulière du jeu et, surtout, de l'écran rétréci de la Game Boy Color, les différences sont des plus notables. D'un côté, les niveaux sont bien plus simples que leurs originaux : il est en effet rare que l'on affronte plus d'un ennemi à la fois, les stages ont perdu de leur verticalité (c'est frappant pour celui de Neon Tiger dans XTreme 2, qui troque son exploration pour une linéarité déconcertante), on les traverse sans faire vraiment attention. C'est d'autant plus frappant que l'on a accès, dans le premier épisode, au dash dès le commencement, et que les héros se manient très, très bien, avec vitesse et précision.

Rien ne saurait surprendre qui connaît bien les premiers épisodes, même si certaines séquences ont été simplifiées entre temps. Il y a à présent des points de sauvegarde dans le courant du niveau, pour mieux les séquencer. (Xtreme)

En revanche, concernant les boss, c'est là une toute autre affaire, et c'est étrangement le point faible de ces jeux. Le premier épisode fait le choix de conserver les patrons dans leur intégrité première : mais comme leur arène est bien plus petite que sur Super Nes, les combats sont immensément plus difficiles, voire impossibles souvent, et on meurt sans vraiment avoir eu de chance. Par exemple, Armored Armadillo, qui était une promenade de santé jadis, est ici sans doute l'une des plus grandes épreuves, alors qu'il n'a pas un seul coup de plus dans sa panoplie !
Dans le second épisode en revanche, les boss sont non seulement un peu plus petits et les arènes sont un peu plus grandes, mais il suffit surtout de bourriner sans vraiment réfléchir à ce que l'on fait pour gagner sans même s'en rendre compte. Enfin, et comme pour réinverser une fois encore la tendance, le dernier boss du premier épisode est cruel de facilité, avec une safe zone des plus faciles à trouver, alors que ceux du second sont une horreur à combattre et vous feront rager plus d'une fois. Globalement cependant, ces épisodes peuvent se terminer sans trop d'efforts, et je situerai leur difficulté entre le premier et le second épisode des X.

Ces mini-boss parfaitement inédits ne résistent pas longtemps. (Xtreme 2)

Il y a cependant un choix bizarre de gameplay que je ne m'explique pas encore tout à fait, et qui rend ces jeux inutilement fastidieux. En effet, dans un épisode comme dans le second, nous n'avons pas immédiatement accès aux huit stages traditionnels, que l'on peut choisir librement : on ne nous en offre au commencement que quatre. Certes, Capcom nous avait déjà fait le coup avec Mega Man 7 et Rockman & Bass, aussi m'attendais-je à en débloquer quatre autres après cette première salve. Mais quelle fut ma surprise en me voyant directement me rendre à la forteresse terminale, et finir le jeu en moins d'une demie-heure !
En réalité, ce n'est qu'après ce premier tour que le jeu vous autorise, soit par l'intermédiaire d'un nouveau mode de difficulté, soit en vous demandant de jouer avec un autre personnage, à affronter quatre autres robots pour enfin accéder à la « true ending ». Un ultime mode se débloque alors, vous permettant — enfin ! — d'affronter les huit boss à la suite (voire 16, dans le second épisode !).

À gauche, le mode « normal » ; à droite, le mode « difficile ». Certes, cela n'est pas innocent, mais c'est tout de même bizarre. (Xtreme)

C'est là quelque chose de franchement étrange, et qui m'étonne encore. Dans le premier jeu ainsi, certains boss du quatuor n'ont alors aucune faiblesse, puisque l'arme censée les défaire se situe dans la seconde sélection ! Et même si, dans le second épisode, cette répartition est justifiée par l'intrigue puisque X et Zero se séparent pour explorer la base ennemie, j'aurais largement préféré ne pas avoir à refaire trois fois l'aventure, avec souvent les mêmes segments introductifs et conclusifs et les mêmes mini-boss.
Je pense cependant comprendre ce qui s'est passé ici, du moins, je puis formuler l'une ou l'autre hypothèse. Pour le premier épisode, la seconde sélection de boss est considérée comme le « mode difficile » et il est vrai que ces quatre-là sont sensiblement plus ardus que les premiers, à cause de ce que j'expliquais plus haut : il s'agirait ainsi d'une façon de ne pas inutilement nous frustrer. Pour le deuxième épisode, je subodore en revanche un allongement artificiel de la durée de vie tant le jeu se traverse en une heure, deux si on veut vraiment tout trouver.

Les boss sont globalement assez faibles, même s'ils sont graphiquement assez impressionnants ! (Xtreme & Xtreme 2)

Si l'on met cependant cette curiosité de côté, citons pour mémoire quelques innovations du côté d'Xtreme 2 qui méritent que l'on s'y arrête. Tout d'abord, on appréciera que le jeu propose un magasin, à nouveau à la façon dont la série Classic s'était habitué à le faire depuis quelques épisodes maintenant, qui permette d'améliorer notre vitesse de frappe ou la puissance de notre arme. Enfin, et c'est sans doute le point le plus intéressant ici, on aura accès à un moment donné à une option nous permettant de changer de héros à la volée et d'alterner entre X et Zero. Mais alors que dans X3 cette possibilité était mal intégrée, et tandis que dans X4 il s'agissait d'une toute nouvelle aventure, ici, ce choix influence directement l'arme récupérée une fois le niveau fini : X gagne un nouveau projectile alors que Zero gagne un nouveau mouvement, et impossible pour nous de refaire un niveau en espérant compléter notre arsenal.
Il y a alors une certaine dimension stratégique ici, qui autorise une relecture assez agréable de l'aventure : généralement, les améliorations de Zero permettent de mieux gérer les (quelques) délicates phases de plates-formes, tandis que X parviendra à mieux défaire les ennemis. Cela permet dès lors de corriger l'endroit où vous pensez être le plus faible, pour finir l'aventure le mieux possible.

Le magasin est tenu par Iris, et les améliorations se débloquent progressivement, au fur et à mesure que nous terminons les niveaux. Une idée sympathique, même si assez anecdotique dans cet épisode. (Xtreme 2)

Une autre surprise pour moi également, et me concernant, c'est la beauté des graphismes du jeu, qui n'y paraît pas sur les images fixes mais qui est bel et bien présente. Les couleurs sont choisies avec soin, l'animation est d'une fluidité irréelle, le jeu ne ralentit quasiment pas. Parfois, il est vrai, des bouts de sprites disparaissent, et les décors sont particulièrement épurés : mais les développeurs ont réussi avec brio à adapter des éléments du jeu SNES (voire de la Playstation pour certains décors d'Xtreme 2 !) sur une console bien, bien moins puissante.
Le jeu s'autorise aussi de petites séquences d'histoire, dans ce style anime caractéristique de la série des X depuis le commencement et même s'il ne s'agit que d'images statiques, cela participe à la qualité générale de la présentation. Il en va de même de la musique, adaptation des thèmes de la série, qui est très bien réussie. Je ne l'échangerai pour rien au monde avec les originales mais pour un jeu comme ça, l'équipe de développement a réussi à aller bien au-delà de leurs prérogatives.

La séquence en moto est franchement fluide. Quant à ce décor menaçant, il est issu directement de Mega Man X4, et rend diablement bien ! (Xtreme 2)

Pour conclure, j'ai été extraordinairement surpris par ces deux Mega Man Xtreme, moi qui n'en attendais rien au commencement, ou alors de la rigolade, comme je les croyais ridicules. J'en suis ressorti finalement assez content, et je pense que j'aurais sincèrement adoré avoir ces jeux quand j'étais enfant ; mais je ne m'intéressais alors pas encore au Blue Bomber. Les jeux ont du reste été de belles réussites commerciales, même si les critiques ont été un peu plus mitigées, et ont été depuis réédités sur telle ou telle console virtuelle : il est donc assez facile de les trouver, que ce soit en occasion ou en téléchargement.
Je suis heureux de les avoir découverts, et je vous encourage de faire de même. Ne vous laissez pas abuser par les images que vous pouvez glaner en ligne, sachez aller au-delà de vos préjugés et donnez-leur une chance sincère : ils n'égalent sans doute pas les originaux mais ils n'auront aucun mal à vous plaire.

Quel dommage que l'histoire soit tellement anecdotique... Certains enjeux et concepts reviendront cependant dans la série des « Mega Man Zero », quelques années plus tard, mais ils sont ici à l'état de brouillon. (Xtreme)
MTF
(16 mai 2022)