Avec Gradius Gaiden, on croyait la série repartie sur d'excellentes bases ; hélas, elle connut une nouvelle rechute à peine un an plus tard, lorsque le quatrième opus officiel de la saga fit son apparition en arcade.
Ne soyons pas méchants : Gradius IV n'est pas foncièrement mauvais. Il se joue agréablement, il est plutôt bien réalisé, et tourne sur une configuration alors très puissante : la carte Hornet de Konami associant technologie RISC et accélérateur graphique de type 3DFX. C'est donc les yeux ébahis que les joueurs japonais (le jeu n'ayant jamais franchi la frontière nippone...) découvrirent en 1998 le premier épisode de Gradius en haute résolution mélant à la fois sprites 2D et éléments graphiques en 3D.
Si Gradius IV n'est donc pas à rejeter comme on sera tenté de le faire avec Gradius III , il déçoit hélas énormément. La puissance phénoménale de la carte Hornet pouvait - devait - fournir aux équipes de Konami suffisamment d'outils pour élaborer des situations de gameplay nouvelles et passionnantes, comme était parvenu à le faire Gradius Gaiden un an plus tôt avec le zoom et la rotation. Gradius IV se montre pourtant incroyablement paresseux, incapable d'apporter à la saga ce vent de fraîcheur qui fait toute la saveur des meilleurs éposides. Pire : la 3D se révèle étonnamment stérile, cantonnée à quelques effets graphiques sans importance, voire ratés. Un vrai gâchis !
Quoi de neuf depuis Gradius III ? Deux configurations supplémentaires, mais aussi la disparition de la case "point d'exclamation" et du mode "edit". La possibilité de réarranger à sa guise l'ordre des armes, ou de les sélectionner deux fois, comme dans Gradius Gaiden, n'a pas été repris.
Niveau 1 - Hydra
Après la phase de chauffe traditionnelle, le jeu débute dans un univers qui n'est pas sans rappeler le tout premier niveau de feu de Vulcan Venture. Si les planètes ont échangé leur magma en ébullition contre ce qui s'apparente à de l'or liquide, elles abritent toujours quantité de serpents rageurs. Désespérément mou et répétitif, graphiquement très pauvre (les ennemis sont animés dans une 3D assez sommaire), ce niveau s'avère en tous points inférieur à son prédécesseur, pourtant de dix ans plus vieux.
Sans doute pour mieux se faire pardonner, les concepteurs offrent pour premier boss cette hydre dont l'affrontement se fera en deux temps : le premier consiste à détruire l'une de ses têtes. Ceci fait, la seconde étape démarre, l'hydre se métamorphosant alors en une crétaure qui dépendra de la couleur de la tête anéantie. Détruisez la verte, et c'est cette étoile tournoyante qui vous affronte. Détruisez la blanche, et c'est une tortue à trois têtes. Détruisez enfin la bleue, et c'est un molusque à trois yeux !De la variété, donc, mais aussi beaucoup de banalité puisqu'aucune des phases d'attaque de ces créatures grotesques ne parvient à se montrer imaginative.
Niveau 2 - Demeter
Ce niveau végétal ressemble à s'y méprendre à celui de Gradius Gaiden, le vert et le scrolling vertical en moins. On y retrouve, notamment, les plantes dont les longues tiges tentent d'agripper le Vic Viper. Agressées, les tiges se recroquevillent, laissant la voie libre. En attaquant les bulbes à leur base, elles disparaissent totalement.
Dans la deuxième partie du niveau, des fleurs projettent des spores qui envahissent peu à peu l'écran - absolument rien d'original à se mettre sous la dent malgré quelques effets techniques sympathiques, comme un brouillard assez dense rendant parfois la visibilité moins grande.
Cette fleur géante est une redite du premier boss de Gradius III. De gros pétales protègent son point faible tandis que de longues tiges traversent l'écran de part en part - un combat sans la moindre saveur.
Niveau 3 - Oceanus
Simple compilation du niveau de glace de Vulcan Venture et de celui des bulles de Gradius III, "Oceanus" est certes joli, mais il n'apporte strictement rien à la saga.
Comme un symbole, le boss se contente de combiner l'attaque du Big Core à celle de la bulle géante de Gradius III. Difficile de ne pas réprouver un léger bâillement.
Niveau 4 - Hades
La fameuse "planète à l'envers" fait son grand retour, ses volcans aussi ; mais la teinte rougeoyante que prend progressivement l'écran laisse espérer quelques changements.
Soudain, le sol se transforme en mer de lave en fusion, et le décor tout entier se met à voguer au gré des vagues de magma. Le sol et le plafond avançant dans deux directions opposées, il faut avoir l'œil partout ! De très loin la meilleure idée du jeu, ce décor mouvant n'atteint certes pas le degré de spontanéité du décor englouti par le fameux trou noir de Gradius Gaiden (tout y est scripté de A à Z, des vagues au déplacement des ennemis), mais il a le mérite de plonger le joueur dans une situation originale extrêmement stressante.
Parfois, l'amplitude des vagues se fait réellement impressionnante. Lorsque tout se calme, le boss surgit des flammes et replonge le jeu tout entier dans son petit train-train : quelques tirs décrivant un motif déjà vu mille fois, quelques plongées en apnée qui ne sont pas sans rappeler le mode de déplacement du ver géant de Gradius Gaiden, divers insectes se jetant désespérément sur la carlingue du Vic Viper, et c'est dans un jolie détonation que tout ce beau monde retourne ad patres. Le mélange d'explosions digitalisées, de sprites 2D et de figures géométriques en 3D n'est, dans Gradius IV, pas toujours des plus heureux.
Niveau 5 - Uranus
Le niveau des Moaïs réserve souvent d'excellentes surprises ; ce ne sera hélas pas le cas ici. À part quelques statues plantées le long de parois verticales, et d'autres se régénèrant d'elles-mêmes après avoir été anéanties (rendant le niveau encore plus confus si cela était possible), pas la moindre nouveauté notable à l'horizon.
Le boss relève un peu le niveau : pendant que deux imposants visages crachent leurs gros anneaux, six Moaïs de taille plus modérée effectuent un étrange ballet constitué de figures toutes plus mortelles les unes que les autres. Sans être géniale, cette séquence apporte un peu de diversité à un titre qui en a bien besoin.
Niveau 6 - Hera
Le niveau organique de cet épisode propose une introduction sympathique : des tuyaux, semblables à de gros vaisseaux sanguins, quadrillent l'écran. À l'intérieur de ces canaux circulent des amibes. Le joueur, qui se voit contraint de créer des brèches dans ce décor très chargé, libère bien malgré lui les amibes, qui se déversent alors en un flot ininterrompu. Bien que difficile, le passage se révèle intéressant du fait des possibilités stratégiques offertes au joueur par la destruction calculée des vaisseaux d'irrigation.
La suite ne reprend hélas qu'une recette éculée : celle des bras articulés indestructibles irrémédiablement attirés par le Vic Viper. Rappelons que le concept remonte à Salamander, développé en 1987.
Idem pour cette ultime phase mettant en scène les créatures aux bras tentaculaires de Gradius premier du nom. Beaucoup plus réactives ici, elles jouissent aussi d'une animation très réussie rappelant celle de vers plongés dans de l'eau chaude. Faites-en l'expérience chez vous, c'est très amusant.
Puisqu'on en n'est pas à une reprise près, le niveau se termine par un mur régénérant. Resservi tel quel, cet énième emprunt est un affront à la philosophie de la saga.
Sous ses allures de globe oculaire tentaculaire se cache en réalité la version améliorée du boss de cristal de Vulcan Venture. Comme son modèle, il agite avec souplesse ses deux bras, d'où sortent à intervalles réguliers des projectiles. Un peu plus tard, ce sont deux yeux indépendants qui, protégés par les deux bras, aspergent l'écran de gros lasers. En faisant varier leur angle de tir, il est possible de varier les situations de sorte que, en position de tir horizontal, l'on retrouve le troisième boss de Gradius III. Encore une fois, c'est l'esprit de la compilation qui prédomine dans Gradius IV, et non celui de l'innovation.
Niveau 7 - Dupon
La parade des boss est précédée d'une course folle dans des couloirs labyrinthiques parcourus, cette fois, de portes rotatives et de plateformes coulissantes. La vitesse du scrolling rend la traversée de ce parcours du combattant très, très énervante.
Le premier boss s'apparente à une version évoluée du sixième boss de Vulcan Venture, la 3D permettant cette fois à l'engin de protéger ses nombreux canons et son point faible grâce à sa carcasse rotative. Le cœur du vaisseau lui-même effectue quelques rotations qui lui permettent, de temps à autres, de tirer un laser destructeur ou quelques missiles à tête vaguement chercheuse.
Mise en scène oblige, le vaisseau amiral ennemi apparaît en arrière plan, et met sur orbite le prochain boss, un engin adepte des missiles. À l'aide de gros projecteurs, il asperge l'écran de lumière et, dès le Vic Viper repéré, met ses missiles en orbite. Selon la couleur de la lumière projetée, les missiles adoptent des trajectoires différentes. Joli, et plutôt inspiré !
Le vaisseau amiral se rapproche et nous envoie une vieille connaissance, le fameux troisième boss de Gradius III. Non vraiment, dans cet épisode, Konami ne craint aucunement la redite. Et c'est bien dommage.
Plus menaçant que jamais, le gros vaisseau vert a encore trois bottes secrètes dans sa manche. Tout d'abord, l'étoile de Salamander revient dans une version améliorée, ses bras déposant des mines aux quatre coins de l'écran. Avantage pour le joueur : il est maintenant possible de détruire ses tentacules un à un en visant leur base. Puis, c'est un Big Core aidé de deux petits vaisseaux mobiles qui vient harceler le Vic Viper de ses gros lasers. Les attaques, à la fois frontales et latérales, sont vives et redoutables. Détruire au moins un des petits engins s'avère presque indispensable. Pour finir, c'est le dernier boss de la parade de Vulcan Venture qui remet le couvert. Cette fois, ce ne sont plus des missiles, mais des boules de lumière tournoyantes qui gravitent autour de l'engin. Destructibles, se déplaçant lentement, ces boules posent moins de difficultés que les missiles d'origine.
Malgré sa capacité à quadriller l'espace de lasers, le boss, tout en 3D et produisant de beaux effets de lumière,jette rapidement l'éponge.
Niveau 8 - Promotheus & Athena
Plus complexe que jamais, la base finale use et abuse d'étroits goulets. L'exploitation fine des renfoncements dans le décor permet, en plaçant correctement ses "options", de détruire en toute sécurité des rangées entières de tourelles. Et c'est tant mieux, car dans ce dernier niveau, les balles fusent.
Dans les épisodes précédents, c'est à peu près à ce moment du niveau que les murs et le plafond commencent à se mouvoir dans l'espoir d'aplatir le Vic Viper comme une crêpe. Après des déplacements de structure verticaux puis latéraux, que pouvaient bien inventer les concepteurs pour différencier Gradius IV de ses prédécesseurs ? Le scrolling vertical pardi ! Sous les yeux éberlués du joueur, c'est tout le décor qui bascule, le jeu se transformant, le temps d'une minute ou deux, en un shoot à scrolling vertical.
La technique n'est pas foncièrement nouvelle - d'autres shoots ont tenté de modifier la direction de leur scrolling bien avant Gradius IV -, mais l'expérience est ici concluante, l'orientation désespérément horizontale du Vic Viper contraignant ce dernier à appréhender l'approche des ennemis de façon sensiblement différente. Quelques années plus tard, Gradius V retravaillera le concept de façon absolument sensationnelle.
Le scrolling horizontal ayant repris ses droits, c'est sans surprise qu'un mur mobile bardé de tourelles bloque le passage. Comme dans les épisodes précédents les plus récents, le sol et le plafond y mettent également du leur.
Le dernier couloir menant au boss ultime est couvert de lourds balanciers que seul l'impact répété de balles contraindra à bouger. Sans un timing parfait, l'échec est systématique.
L'araignée mécanique, qui se déplace avec davantage de souplesse que tous ses ancêtres, voit ses mouvements compliqués par l'irrégularité du sol et du plafond.
Plus loin, le sol se dérobe même sous les pattes du robot, provoquant la chute de lourdes plaques de métal - autant d'idées simples et efficaces qui permettent de réexploiter ou de développer finement des concepts usés jusqu'à la corde.
Après tant de péripéties, la suite n'est qu'un détail : une entrée qui se referme lentement, un cerveau inoffensif qui tente de raisonner le joueur dans une langue incompréhensible, et une explosion finale qui, grâce à la carte Hornet, permet quelques perspectives originales.
Pendant son temps de présence dans les salles d'arcade, un mot de passe attribué aux joueurs en fin de partie leur permettait d'entrer leur nom dans un tableau des scores en ligne.
N'y allons pas par quatre chemins : cet épisode d'arcade, qui devait marquer le grand retour de la série-phare dans les salles, est un échec. En totale panne d'inspiration, les équipes de Konami ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, incapables de retrouver le génie qui les fit enchaîner les hits une dizaine d'années plus tôt. Le cahier des charges de la saga, qui exige la présence d'un univers familier mais riche en surprises ainsi qu'une réalisation égalant les meilleures, est ici bafoué. Peu étonnant, dans ces conditions, que les épisodes suivants furent, pour la première fois, confiés à des équipes extérieures.