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Gekido: Urban Fighters
Année : 2000
Système : Playstation
Développeur : N.A.P.S.
Éditeur : Infogrames
Genre : Beat'em all / Action
Par Simply Smackkk (09 juin 2014)

Il y a ces grands jeux, dont on partage les souvenirs avec les nombreuses personnes qui l’ont essayé. Et puis, les autres, plus personnels, car peu connus mais pourtant loin d’être mauvais. On en parle, et les gens écoutent d’un air mollement intéressé. Oui, je souffre de l’indifférence accordée à Gekido : Urban Fighters (de son petit nom européen). Et pourtant, le jeu en question a de la pêche. Il est juste sorti sur une console qui dédaignait ce genre de jeux. L’idiote.

Comme souvent avec ce genre d’histoire personnelle entre un jeu et un quidam, il y a d’abord l’histoire de la rencontre. Gekido: Urban Fighters est un beat'em all à la jaquette dessinée par Joe Madureira, alors au sommet de sa gloire. Le style hybride entre comics et manga de l’artiste était alors très original, et il a illuminé les X-Men dans la deuxième moitié des années 1990 avant de se consacrer à sa série, Battle Chasers, abandonnée trop vite. Quant au genre du beat’em all, il s’était épuisé au tournant des années 1990. Le beat’em all faisait partie de ces genres, avec le jeu shoot’em-up, devenus démodés avec la lame de fond de la 3D et de la Playstation. Fighting Force entre 1997 et 1999 eut son petit succès, en tentant de marier le genre à la 3D mais peu tentèrent de reprendre ou remodeler la formule. Alors que j’avais épuisé manettes et amis sur des jeux aussi divers que Streets of Rage, Captain America & the Avengers ou Bad Dudes sur Megadrive, cela faisait bien longtemps que je n’avais pu reprendre une bonne dose de castagne vidéoludique.

Un design promotionnel du jeu signé par Joe Madureira.

J’ai donc acheté le jeu, dans la version budget "Best of Infogrames". Un achat "au plaisir" alors que je n’avais pas la Playstation sur laquelle il tournait. Mes souvenirs s’emmêlent, mais il n’est pas improbable, vu les circonstances, que cela fut donc mon premier jeu Playstation, à défaut d’avoir la console. Mais l’émulation sur PC me permit de surmonter ce petit désagrément, sur les vénérables émulateurs Bleem ! et EPSXe. Et puis, je l’ai prêté, je l’ai perdu, je l’ai racheté et j’y ai rejoué dix ans après. Je suis replongé dans les années 1990, avec ce plaisir simple mais jouissif de distribuer ces bons vieux casse-mâchoires.

Gekido est l’œuvre du studio N.A.P.S. Team. Le jeu serait sorti en mai 2000, avant deux rééditions en gamme budget, l’une en février 2001, la suivante en 2003. Aux Etats-Unis, sa sortie est accompagnée d’une campagne promotionnelle. Le jeu aura même eu droit à son guide chez Prima. Mais cette campagne diligentée par Interplay, l’éditeur américain, met l’accent sur un point particulier que nous verrons plus tard.

Le guide officiel du jeu ainsi qu’une image promotionnelle diffusée par mail pour la sortie américaine.

En Europe, sa sortie est assez confidentielle. Je n’ai pas retrouvé de tests du jeu sur les magazines de l’époque conservés par Abandonware Magazine, juste un encart dans les news du Consoles + d’avril 2000. Nous sommes à la fin de vie de la Playstation, la Playstation 2 arrive bientôt. Le jeu reprend un genre trop "vieille génération", et son seul concurrent sur ce terrain est le prochain Bouncer sur PS2, alors attendu un peu trop de ferveur dans les rédactions. Et pourtant, Gekido : Urban Fighters, s’il est un digne héritier du genre, n’est pas poussiéreux et se montre moderne sous plusieurs aspects.

Comme tout jeu Playstation, Gekido a son introduction en images de synthèses. Sous-traitée à une autre compagnie, elle est un échec total. Nous n’en parlerons plus par respect pour le jeu.
Pas de doutes, on est bien dans la tradition. On engrange des points qui permettent d’obtenir des vies supplémentaires au fil des niveaux représentés sur une carte.

Gekido tenta sa chance. Le scénario est classique. Il va falloir castagner du méchant, filer des roustes aux boss et sous-boss pour défaire de vilains méchants. La racaille de la rue des années 1990 est remplacée par une organisation para-militaire-techno-financières avec des relents de fantastique dans le Neo-Tokyo d’un futur proche. Rien que ça. Ils ont enlevé l’innocente Angela pour conclure un pacte avec l’Enfer. Il faudrait éviter que ça arrive. Entrent alors quatre personnages de base à incarner, Travis, Michelle, Ushi et Testuo, ayant tous des comptes à régler. Comme tout bon représentant du genre, il est possible de parcourir le jeu en solitaire ou à deux.

Ushi est la brute, Michelle est la plus frêle. Et Paul et Steve endurent.

Le jeu a le bon goût de varier les expériences selon ces personnages, puisqu’il existe trois progressions différentes imposées, avec un autre choix en fin de partie, soit quasiment une vingtaine de niveaux. Ils ne dépayseront pas les habitués, et on y trouve, évidemment, un passage en ascenseur. Mais Gekido tente aussi de bousculer certaines habitudes, avec des mises en scènes différentes. Si rien ne ressemble plus à un entrepôt qu’un autre entrepôt, certains passages dans les rues de ce Neo-Tokyo témoignent d’une réelle recherche artistique, avec parfois une légère touche de cyberpunk.

Les niveaux en question adoptent parfois des mises en scènes spectaculaires. Nous sommes sur Playstation, le joueur doit avoir droit à son quota de cinématiques, mais celles-ci sont heureusement courtes et avec une mise en scène agréable. De plus, certains niveaux sont rythmés par différents événements qui viennent casser le rythme du "j’avance, je tape", comme celui où il faut échapper à une inondation. Le jeu arrive à en mettre plein la vue, et c’est ce qu’on attend. Comme tout bon produit de la "génération Playstation" qui se respecte, il adopte une bande-son branchée électro, avec notamment du Fatboy Slim ou Apartment 26 aux détours des niveaux. Et ça se marie bien.

Les idéogrammes japonais sont présents pour le "style", mais les rares dialogues sont en français.

Le jeu tente de condenser différentes mécaniques du genre. Projections, coups spéciaux, armes de mêlée ou de poings permettront de faire le ménage tandis que des nouveaux combos apparaissent au fil de la progression. Le plan étant linéaire, avec peu de profondeur, il y a peu de chances de rater ses coups, mais les développeurs ont pensé à un système de ciblage. Les "vrais" n’en auront pas besoin. Toutes ces possibilités se marient avec le plaisir retiré à donner des coups. Un beat’em all mou, où castagner du punk donne l’impression de caresser un édredon, est évidemment un piteux représentant du genre. Ici, un compteur de coups, des effets spéciaux et des bruitages adéquats vous accompagnent dans votre distribution d’amabilités physiques. Ce système de combat est suffisamment complet pour que les développeurs aient développé plusieurs modes de jeux en arènes, ce qui permet de se quereller virtuellement jusqu’à 4. Ce ne sera pas d’une grande finesse, mais c’est aussi ce qu’on attend.

Les armes et les coups spéciaux sont vos meilleurs amis.

C’est ce mode multijoueurs qui a principalement été mis en avant pour la sortie américaine du soft. À une époque où la branche américaine de Sony était particulièrement réfractaire à tout ce qui faisait trop "vieille génération", Interplay a mis l’accent dans sa communication sur le mode de jeu en arènes. Les sorties d’Ehrgeiz sur Playstation, de Power Stone sur Dreamcast ou de Smash Bros sur N64 la même année, sans oublier tous les jeux de catch, ne sont, de plus, probablement pas étrangers à cette décision.

Ce n’est pas d’un grand raffinement, mais on peut se caresser le menton jusqu’à quatre joueurs, ou sinon avec des IA.
La publicité américaine sait vendre le mode multijoueurs : "Le mode de jeu à quatre joueurs en arène rend les autres jeux de combats aussi menaçants que des moines tibétains déclamant des chants de paix".

Gekido a du punch, il a du caractère. Respectueux de ses aînés, tout en se voulant moderne dans la forme, il fournit la dose d'action attendue. Une certaine solidité de ses mécaniques qui s'allie avec une direction artistique réussie, inspirée par la japanimation. On pourrait croire que le titre vient de l'archipel japonais, et, pourtant, il est italien. Il est néanmoins dommage qu'il soit parfois injustement punitif, surtout pour le joueur d'aujourd'hui. Les priorités sont parfois confuses. Mais le genre n’a jamais été d’une grande finesse. La caméra est un peu trop rapprochée, et sacrifie un peu trop au spectacle la bonne appréhension des affrontements. Mais ce ne sont que des broutilles dont on s'accommode. L'important est de retrouver les sensations d'un bon vieux beat'em all, et, de ce côté, Gekido est suffisamment réussi pour passer plusieurs dizaines d'heure pour en faire le tour, le jeu étant généreux en contenu déblocable.

Malheureusement, N.A.P.S., son heureux papa, n'a pas rencontré le succès mérité. S'il a bien tenté de développer sa franchise avec une suite sortie sur GBA, la conversion de celle-ci sur N-Gage fut annulée, ainsi qu'une déclinaison sur PSP. De même, une version GBC est restée dans les tiroirs. Les différentes images de ces jeux trahissent un amour certain pour le Japon, avec des influences telles que SNK ou Capcom. Le développeur transalpin a depuis signé d’innombrables jeux de dog-fights pour consoles qui ne se sont pas fait remarquer, et il semblerait qu’il ait disparu depuis 2012. Quant à Joe Madureira, il participa, de près ou de loin, à des jeux tels Darkened Skye, Dragon Runners et, surtout, Darksiders, représentant moderne du beat'em all. La boucle est bouclée.

La version GBA emprunte à SNK...
...tandis que la suite qui fut prévue sur PSP lorgne vers le Devil May Cry de Capcom.
Simply Smackkk
(09 juin 2014)
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