Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par JPB (11 décembre 2017)
Jusqu'en 2015, il y avait deux sortes de gamers : ceux qui avaient joué à Elite, et les autres. ;) Si je parle de 2015, c'est parce qu'en décembre 2014, Elite : Dangerous est arrivé. La suite. Par David Braben, à l'origine (avec Ian Bell) de toutes les versions précédentes. Et à cette époque, l'information a dû toucher bien plus de gamers - déjà parce qu'il y avait plus de joueurs en 2015 qu'en 1984, et aussi parce que théoriquement, les nouveaux venus attirés par cette version devaient côtoyer les "anciens" ayant déjà apprécié au moins une ancienne version d'Elite ! Mais replongeons dans le passé. Personnellement, j'ai à peine connu le premier volet, lors de son adaptation sur Atari ST (dans laquelle, pour la première fois, on passait du vectoriel à la 3D pleine). Je n'y ai pas réellement accroché : la difficulté d'arriver à entrer dans une station spatiale a eu raison de mes efforts, et d'autres jeux m'attendaient. Mais quand la pré-version d'Elite II a été publiée dans Joystick, au vu des images et des infos annoncées, je me suis mis à attendre la version finale avec une impatience grandissante. D'ailleurs, parmi mon entourage, un copain a été lui aussi attiré par les sirènes de l'espace : on s'est retrouvés tous les deux avec Frontier sur nos Amiga. On se racontait nos aventures en parallèle... De la lecture, et tant pis pour les arbres !Vient enfin le jour où je rentre chez moi, avec la boîte du jeu dans mes mains fébriles. On ne se moque pas du monde : dans la boîte, la disquette Amiga bien sûr, mais aussi la documentation papier, un index des systèmes les plus importants, un recueil de nouvelles, et un poster qui représente la carte des secteurs les plus emblématiques. Impossible d'avoir une telle profusion d'informations de nos jours.
Le manuel est décidément très complet : navigation et vol, chantier spatial et vaisseaux ainsi que leur équipement, commerce et articles commerciaux, exploitation minière, et surtout combat... Rien n'est laissé au hasard. Comme d'habitude, ayant connu Carrier Command et me rappelant de mes déboires avec Elite, je préfère potasser le manuel avant de faire n'importe quoi. Bien m'en prend : par habitude des jeux en général, j'aurais pu tirer avec mes lasers par erreur avant de décoller, ce qui m'aurait valu une amende - histoire de bien débuter ma première partie. Donc, je prends mon temps pour apprendre les commandes, assez complexes au début, et découvrir les possibilités offertes par ma future vie aux commandes de mon Eagle Fighter MkI. Frontier, espace de l'infini (heu... ?)Bien, j'ai lu le manuel, il est temps pour moi de lancer le jeu pour de bon. Le premier contact avec Frontier, c'est la démo qui présente de façon assez réussie ce qui attend le joueur. On y voit un vaisseau au look surprenant, avec deux réacteurs tournoyants (un Imperial Courier) qui se pose sur une planète ressemblant à la Terre. Deux petits chasseurs (des Eagle Fighter MkII) l'ont pris en chasse et se mettent à tirer sur le spatioport. Aussitôt, le Courier décolle, saute en hyperespace et profite du temps de réaction de ses ennemis pour se cacher contre un immense transporteur. Les deux Eagle sautent à leur tour en hyperespace et rejoignent le point de sortie du Courier ; avançant à sa recherche, ils le dépassent sans le voir... et se font finalement abattre. Impressionnant ! Si le reste du jeu est du même acabit, ça promet !!
Ensuite c'est le moment de vérité : le choix du lieu de départ. Qu'est-ce qu'on fait ce soir ?C'est depuis les spatioports, qu'ils soient à l'air libre, souterrains, ou dans les stations spatiales, qu'on dialogue avec les représentants des différents secteurs de ces mêmes spatioports. D'abord, la question primordiale est : que voulez-vous faire ? Marchand ? Chasseur de primes ? Transporteur de passagers ? Pirate ? Un peu de tout ça ? En fonction de votre besoin, vous irez consulter la page de la Bourse pour acheter des marchandises bon marché, afin d'espérer les revendre bien plus cher sur votre lieu d'arrivée. Ou vous demanderez plutôt une mission de transport de documents, à moins que vous n'ayez envie d'emmener un petit groupe de voyageurs sur Terre ? Dans ce cas, il faut contacter le tableau d'affichage. Et encore, la Fédération ou l'Empire peuvent vous donner des missions de toutes sortes... Tout est possible. Et vous n'êtes pas obligé de vous cantonner dans un seul rôle. Il faut cependant tempérer les choses. Au début du jeu, avec l'Eagle Fighter MkI et le maigre pactole (100 malheureux crédits !) qu'on vous a laissés, vous serez longtemps cantonné au transport de quelques tonnes de fret, voire de missions bas de gamme de livraison d'infos ou de petits objets qui ne rentrent pas dans la soute. Le début est laborieux dans toutes les versions d'Elite, Frontier ne fait pas exception, et c'est la raison pour laquelle nombreux sont les joueurs qui ne poussent pas plus loin l'aventure. Mais qui dit laborieux ne veut pas forcément dire difficile : cela permet de prendre ses marques avec le pilotage de l'engin, les différents systèmes que vous pouvez atteindre, de trouver la station qui vous plaît le plus en terme de look et de contenu, bref de vous faire votre petite niche pour pouvoir commencer à avancer réellement dans le jeu. Petit à petit, vous allez amasser des crédits, qui vous permettront (si vous le désirez) de revendre votre appareil pour en prendre un plus adapté au commerce. Si vous voulez rester dans les missions plus mouvementées, l'Eagle est un bon choix au début et vous pourrez l'améliorer. Le fait d'accomplir des missions pour l'armée (en fonction du secteur où vous vous trouvez) vous fait petit à petit monter dans les rangs de l'Empire ou de la Fédération, et même si vous ne vous enrichissez pas beaucoup au tout début, gagner des rangs vous donnera accès à des missions plus difficiles mais mieux payées. Il n'est pas obligatoire de faire du commerce à tout prix.
Personnellement, j'ai quand même choisi cette voie. J'ai commencé à faire des navettes entre les systèmes Sol et Barnard's Star dans mon Eagle Fighter MkI et ses 4 tonnes de soute, puis j'ai acheté un Moray Starboat (17 tonnes), un ASP Explorer (30 tonnes) - excellent vaisseau que celui-ci ; de fil en aiguille, j'ai pu me payer le nec plus ultra des transporteurs : un Panther Clipper (225 tonnes de soute) amélioré avec quatre rayons laser, un système de réparation de la coque au cas où elle aurait été atteinte malgré les 30 boucliers énergétiques couplés à un accélérateur de recharge, mais bon : ce transporteur était tellement énorme et lourd (2000 tonnes en tout, contre 25 pour un Eagle) qu'il était une cible aussi facile à atteindre qu'un éléphant dans un couloir. Les crédits sont le nerf de la guerre dans Frontier. Mais comme vous l'avez vu, les moyens d'en gagner sont variés et amusants. N'oubliez pas qu'on ne gagne pas dans Elite et ses suites : on peut juste perdre (si on meurt ou si on n'a plus d'argent), mais il n'y a pas de fin véritable, pas de but - à part celui que vous vous êtes fixé. C'est grand, une Voie Lactée, la nuit...
Dans Frontier, tout ce qui est réellement connu est fidèlement reproduit : ainsi, on voyage parmi 100 milliards d'étoiles principales, autour desquelles gravitent un certain nombre de planètes ou d'autres étoiles. Or, vous le savez aussi bien que moi, de nos jours on ne sait pas aller bien vite dans l'espace, et les distances sont tellement immenses que même si on pouvait aller plus vite que la lumière, le moindre voyage durerait un temps incroyablement long. On a d'ailleurs l'habitude, au niveau astronomique, d'utiliser des unités de mesure particulières pour se simplifier la vie : Pour pouvoir s'amuser, deux éléments de pure science-fiction ont été ajoutés dans Frontier : D'abord, l'hyperespace : il permet à un vaisseau d'aller dans un autre système que le sien, plus ou moins loin de lui (la distance se mesure en AL). Concrètement, c'est la capacité de saut du moteur hyperspatial qui permet de savoir si on peut se rendre dans tel ou tel système ; et il faut 1 semaine pour qu'un vaisseau fasse le plus long trajet réalisable par le moteur. Par exemple, si votre moteur a une capacité de saut de 10 AL, il vous faudra 7 jours pour les parcourir, mais seulement 3,5 jours pour faire un saut de 5 AL. Ceci a des répercussions sur les missions d'assassinat : si vous espérez coincer un vaisseau, assurez-vous d'avoir une capacité de saut supérieure à lui, ou vous n'aurez aucune chance d'arriver avant lui à destination ! Ensuite, le Stardreamer, système d'accélérateur de temps. On met le pilote, je cite : "en présence d'une combinaison de champ Zilman et de vagues ultrasoniques", qui le plongent dans un état semi-hypnotique et l'empêchent de se rendre compte du passage du temps. Pour le joueur, c'est un simple multiplicateur (le temps va 10, 100, 1000 ou 10000 fois plus vite). En cas d'attaque ou d'arrivée à destination, le pilote est aussitôt "réveillé". Et comme il est évidemment très difficile de gérer ce phénomène, on note la possibilité d'acheter un ordinateur de pilotage, qui prend en charge le trajet vers une destination précise, chose très difficile à réaliser correctement quand on accélère le temps. ... on met du temps à l'explorer...
Frontier étant très réaliste avec l'univers, la physique de vol est également fidèlement respectée.
Prenons un exemple pratique. Vous êtes dans votre Eagle et vous venez de réussir un saut hyperspatial : vous êtes donc pratiquement à l'arrêt au sortir de l'hyperespace, à 7 UA de la station où vous voulez apponter. Ça fait une trotte ! Donc vous la ciblez et vous activez l'ordinateur de pilotage. Aussitôt, le vaisseau pointe pile dans la direction de la station, et accélère. Et accélère encore. Et encore.
La plupart du temps, les combats ont lieu pendant le trajet entre la sortie de l'hyperespace et la station choisie (on peut se faire "arracher" de l'hyperespace, mais ça n'arrive vraiment pas souvent). On se retrouve en général avec un seul petit vaisseau ennemi, qui vous canarde avec un laser à impulsion (qui tire par à-coups, contrairement au rayon laser qui lui est continu.) Soyez moins bête que les PNJ qui vous attaquent : passez en vol manuel, et faites de petites corrections de trajectoire et de poussée plutôt que laisser les moteurs allumés en permanence. De cette manière, vous allez facilement pouvoir cibler votre adversaire, et surtout le garder dans votre viseur, tandis que lui fera sans arrêt de grands moulinets autour de vous sans arriver à vous toucher systématiquement. Une fois que vous l'avez détruit, vous pouvez continuer votre périple en rebranchant le pilote automatique et le Stardreamer. Au bout d'un temps plus ou moins long, vous arrivez à destination : le StarDreamer s'arrête, mais vous pouvez laisser le pilotage automatique se charger de l'appontage (ou de l'atterrissage) proprement dit. Quelques secondes de plus, et voilà, vous êtes docké. Vous avez réalisé un saut hyperspatial et une arrivée standard sur un astroport. Vous verrez, vous vous retrouverez vite à faire des aller-retours Sol -> Barnard's Star, puis le trajet inverse, en moins de temps qu'il n'en faut pour prononcer trois fois "Bételgeuse". ... et pourtant, ça ne prend pas de place !Frontier tient sur une seule disquette (c'est un des derniers jeux entièrement programmés en assembleur). Et sur cette disquette tient tout l'univers connu. Et les stations, les gens, la Bourse, les vaisseaux... Fantastique !
Graphiquement, Frontier est impressionnant. Les corps célestes sont fidèlement reproduits. Les stations spatiales, de plusieurs sortes, semblent sorties de 2001, l'Odyssée de l'Espace... Les étoiles, de plusieurs couleurs en fonction de leur type, entraînent un éclairage correspondant sur les éléments autour d'elles, vaisseaux compris. Rien n'a été laissé au hasard.
L'animation est un peu limite par moments sur Amiga 500, mais plus fluide sur A1200. Je me rappelle qu'il y avait moyen d'atteindre les limites de l'Amiga : faire une mission d'espionnage, se faire repérer, et assister au ballet de vaisseaux de type Viper qui sortaient en masse - et se percutaient joyeusement les uns les autres : les explosions, elles aussi en 3D, achevaient de mettre l'Amiga à genoux.
Le son est assez moyen. Les bruitages des moteurs sont classiques, ceux des lasers un peu moins, mais il n'y a pas beaucoup d'autres bruitages dans Frontier. Ah si, le bruit du vent sur les spatioports en surface de planètes (il fallait y penser).
Si vous avez vu 2001, l'Odyssée de l'Espace, vous ne pouvez pas avoir oublié cette scène (que certains qualifient d'interminable) dans laquelle le vaisseau qui emporte le docteur Floyd, endormi, se rapproche et synchronise sa rotation avec celle de la station spatiale en orbite autour de la Terre. Pendant toute cette séquence, on entend le Beau Danube Bleu. Le parallèle est évident.
La jouabilité est, quant à elle, exceptionnelle. La liberté d'action est totale. Bref, si on entre dans le jeu, Frontier est un incontournable. De nos jours, Elite, c'est dangereux !Finalement, après avoir joué des mois à Frontier, je suis passé à d'autres jeux. J'ai essayé une version shareware de First Encounters, mais je n'ai pas osé l'acheter à cause de la mauvaise réputation qu'il s'est traîné au moment de sa sortie (bugs, jeu non fini, etc). Et puis... plus rien. Des demandes des fans, de vagues rumeurs, mais surtout la résolution des soucis juridiques entre David Braben et Gametek... mais pas grand chose de plus. Et on en revient à ce que je disais au tout début de l'article. En décembre 2014, sortie de Elite : Dangerous. Développeur : Frontier Developments, studio créé en 1993 par David Braben. Concepteur : David Braben lui-même - pas tout seul, évidemment, mais c'est lui l'âme du jeu, comme pour tous les jeux précédents. Bref : du lourd. Le jeu a été en partie financé par Kickstarter. Elite : Dangerous est constamment amélioré. Le 16 décembre 2015, l'extension payante Horizons sort, qui permet notamment l'atterrissage sur certaines planètes. Au troisième trimestre 2017, la version 2.4 confirme les rumeurs sur la présence des Thargoïds, des extraterrestres - belliqueux ou pas ?
Que dire de ce jeu, si ce n'est qu'il est le digne descendant de Frontier ? Des nouveautés sont apparues : déjà, on joue soit en solo, soit en ligne, mais dans le même univers (en solo, on ne voit pas les autres joueurs, qui ne nous voient pas non plus, c'est la seule différence avec le mode online). Du coup, cela permet de retrouver des amis, de créer des groupes, de faire des missions ensemble, voire de faire partie de l'équipage du vaisseau d'un copain, ou même être un chasseur Eagle embarqué dans son immense Anaconda pour le défendre ! Comme je le disais au début, si vous avez aimé Elite, Frontier et/ou First Encounters, vous serez forcément amené à vous procurer Elite : Dangerous un jour. Si vous ne les connaissez pas et voulez tenter l'aventure, je vous conseille d'attendre une promotion sur Elite : Dangerous, et de ne prendre l'extension Horizons que si vous avez accroché au jeu. Et si vous voulez vous faire une idée avant de décider quoi que ce soit, n'hésitez pas à regarder les vidéos qui tournent sur le net, je vous recommande celles d'Aymeric qui sont de bonne qualité et très pédagogiques.
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