Après ce Fatal Fury 3 au bilan mitigé, les épisodes de Fatal Fury continueront à sortir à chaque début d'année, comme un symbole, celui du renouveau, du moins jusqu'en 98. La série se voit alors renommée Real Bout Fatal Fury (et non pas Fatal Fury Real Bout - je dis ça parce que c'est pénible de chercher un jeu à la lettre R dans une liste d'articles ou autres FAQs, et de finalement le trouver à la lettre F), ou Real Bout Garô Densetsu au Japon.
Toujours injustement restés dans l'ombre de The King of Fighters, les Real Bout marquent l'âge d'or de la série, durant lequel SNK va se montrer capable de remettre son travail en cause et d'apporter les bonnes réponses aux bonnes questions avec une intelligence rare. Fatal Fury arrive à maturité.
REAL BOUT FATAL FURY
Sans complexes
Dialogue entre deux concepteurs de SNK s'apprêtant à travailler sur le premier Real Bout (reconstitution d'après faux témoignages et spéculations) :
"- Bon, ok, on fait un nouveau Fatal Fury. Alors on va y claquer des nouveaux persos, ou alors on en remet des vieux ; et puis on rajoute quelques coups spéciaux et hop, c'est torché.
- Ouais mais non. On va faire ça, mais pas seulement. C'est Fatal Fury, quoi, il faut continuer à oser.
- Bah moi je veux bien mais tout le monde s'en fout de ça. On ose, on ose, et eux ils jouent à KOF ou à Street.
- Oué mais le boss a dit qu'on n'a pas changé le nom de la série pour des prunes.
- Bon, on fait quoi alors ?
- Ben le truc, c'est qu'on a eu des bonnes idées avec Fatal Fury 3. La question, c'est : où c'est qu'on a merdé ?
- Il était trop compliqué à gérer. Il y a le bordel des plans, et on a abusé sur certaines manips, et au final on a mis plein de nouveaux trucs pas toujours bien exploités.
- Voilà. Donc on va affiner les réglages, tout en rendant la chose plus fun et plus instinctive. Et on va encore ajouter des trucs.
- Et Geese Howard, on le crève ?
- T'es fou lui, on le garde. On dit qu'il s'était barré avec les parchemins et qu'il revient les mettre en jeu dans un tournoi.
- C'est débile.
- Tant pis. On vire pas Geese Howard."
Real Bout Fatal Fury, premier du nom, sort donc en janvier 1996. On y retrouve les 13 personnages de Fatal Fury 3, tous directement jouables, et trois revenants complètent idéalement le casting : Kim Kaphwan, qui avait sûrement trop de fans pour s'absenter plus longtemps, Billy Kane, qui fera office d'avant-dernier boss, et le fantasque Duck King, dans une version superbement relookée - il faut ne serait-ce que voir ses pas de danse, lorsqu'on ne touche pas à la manette.
Real Bout continuerait à exploiter les excellentes idées de son prédécesseur tout en étant beaucoup plus riche en possibilités, et pourtant il s'avèrerait infiniment plus agréable à manipuler ? Ouais mon pote. Cela tient essentiellement à un choix osé : assigner les changements de plan à un seul et unique bouton, D, quitte à ne laisser que trois boutons d'attaque (A et B pour les coups de poing et de pied rapides, et C pour les coups puissants).
Et fatalement (ahem...), on y voit plus clair. Le jeu fonctionne toujours sur trois plans, mais on se déplace vers l'arrière-plan avec D ou l'avant-plan avec +D. Mieux encore, à partir du plan principal, il suffit d'appuyer sur D pour attaquer un adversaire ayant changé de plan, qu'il se trouve à l'avant ou à l'arrière-plan. On peut aussi se relever en roulant vers l'arrière-plan lorsqu'on est mis à terre. Au bout de quelques parties, on prend aisément l'habitude de punir ceux qui changent de plan sans bonne raison, d'autant que les priorités entre les coups sont désormais bien mieux définies. Lesdits changements de plan gardent bien sûr tout leur intérêt selon les situations, il faut juste éviter de faire n'importe quoi. Bref, les mécanismes sont bien mieux huilés.
Vous allez me dire que du coup, avec seulement trois touches d'attaque (A, B et C), les possibilités deviennent très limitées. Eh bien non. Déjà, les personnages sont dotés d'un certain nombre de "command moves" (coups utilisant simplement une direction + un bouton) qui viennent enrichir leur attirail - par exemple, une bonne partie d'entre eux peut réaliser un anti-saut très simple avec +A. Ensuite, ils disposent d'un foisonnement de coups spéciaux divers et variés. Enfin, ce qui résoud en grande partie le problème, c'est le large développement des chain combos empruntés aux jeux en 3D et timidement expérimentés dans Fatal Fury 3. Cela enrichit grandement les possibilités offensives, ces chain combos permettant notamment d'enchaîner avec un coup spécial ou une super attaque (toujours selon le principe de two-in-one). Certains chain combos envoient l'adversaire dans les airs et permettent un "juggle", c'est à dire de le repêcher en l'air (ici uniquement avec un coup spécial). Bien sûr, les combos classiques, tels qu'on les connaît dans la majorité des autres jeux, sont toujours possibles.
Le principe est jouissif, mais pour être tout à fait honnête, pas toujours parfaitement dosé, puisqu'on observe un certain nombre de combos un peu trop longs, ce qui occasionne parfois des dommages assez conséquents et surtout casse quelque peu le rythme du combat (enfin, surtout pour celui qui se prend la raclée). Mais bon, ce n'est pas non plus au point de déséquilibrer réellement le jeu. Et puis, il faut encore avoir l'opportunité de les placer, ces combos. Notez que le nombre de hits s'affiche désormais à l'écran comme dans les jeux de Capcom (les combos sont ici appelés "rush").
Une jauge "power", qui se remplit un peu comme celles des jeux de Capcom, a fait son apparition. Ainsi, les super attaques, et surtout celles qui, dans Fatal Fury 3, étaient ultimes, cachées, et à peu près inexploitables, ont pris du galon. La première, qu'on appelera par commodité "S. Power move", est accessible quand votre jauge de vitalité clignote en rouge (comme avant) mais aussi quand votre jauge "power" est pleine (affichant alors "S. Power"). La seconde, "P. Power move", encore plus puissante, peut être invoquée quand ces deux paramètres sont réunis (la jauge affiche alors "P. Power").
Plus besoin, donc, de procéder à des manœuvres alambiquées pour sortir ces satanées attaques encore plus ultimes : les manips des P. Power moves sont en général les mêmes que pour les S. Power moves, mais en terminant par C au lieu de B+C. Ces attaques sont ici très puissantes (environ 50 % de dommages pour un S. Power, un peu plus pour un P. Power). Geese possède même un second P. Power move, le Dealdy Rave, qui permet des combos assez tonitruants. Sacré Geese !
Autre emprunt aux jeux de baston 3D : certains personnages disposent d'un ou plusieurs "pursuit moves" qui leur permet d'apporter une touche finale à leurs offensives en frappant un adversaire au sol. Certains ont aussi des "recovery move", c'est à dire un mouvement d'attaque spécifique en se relevant après avoir été mis au sol.
Les "fake moves", ou coups spéciaux feintés, sont toujours présents, mais cette fois il suffit d'appuyer sur une direction puis A+B. Par exemple, le Power Wave de Terry ( A+B. C'est beaucoup plus simple et plus approprié à l'usage qu'on peut faire de ces feintes.
Une grosse nouveauté encore issue des jeux de combats en 3D : un système de ring out particulièrement fun ! Les extrémités de l'aire de jeu sont fermées par un obstacle (une barrière, des caisses, la vitre d'un ascenseur ou encore un groupe de spectateurs) qui s'endommage au gré des assauts des combattants. Une fois cet obstacle démoli, celui qui tombe hors de l'aire de combat perd le round !
Inclure un système de ring out dans un jeu de combat 2D, il fallait oser. L'idée est complémentaire des possibilités de combos, que l'on va tâcher d'utiliser sans retenue contre un adversaire coincé, et surtout du système de plans qui rend l'affaire bien plus subtile qu'elle n'aurait pu l'être : une fois la barrière brisée, celui qui se trouve au bord du ring est dans une situation délicate, mais est-ce bien raisonnable de se ruer sur lui alors qu'un simple pas de côté lui suffirait à esquiver et laisser son agresseur se précipiter lui-même hors du ring ? Voilà qui pimente sacrément les duels !
Avouons que la gestion des ring out souffre parfois de quelques imprécisions : sur certaines actions, les deux combattants peuvent tomber du ring en même temps, et la victoire est parfois étrangement attribuée à celui qui a subi l'assaut... Ca reste heureusement assez rare. Mais d'une façon générale, on n'est pas à l'abri d'une défaite stupide en subissant un ring out vidéo-gag-esque lors d'un combat que l'on menait largement. Remarquez, du point de vue du fun...
La bonne vieille guard attack est toujours là, mais le "quicksway" de Fatal Fury 3 (esquive rapide avec ) a disparu (il me semblait de toute façon assez délicat à exploiter). En revanche, on observe une dernière nouveauté cruciale : le guard cancel. Chaque personnage peut instantanément riposter avec un coup spécial au moment où il bloque un coup. Ne froncez pas les sourcils - cette manœuvre est tout à fait accessible au commun des mortels. En effet, lorsque vous bloquez le début d'un combo, votre personnage reste en garde automatiquement pour la suite, ce qui rend l'exécution du guard cancel bien plus abordable. Il serait donc regrettable d'ignorer cette nouveauté ingénieuse qui offre un contrepoids idéal aux possibilités offensives du jeu, tout en n'autorisant aucun abus, puisqu'elle consomme une partie de votre jauge "power". C'est vraiment bien foutu. Pensez-y !
Real Bout, ma parole, ça fait plaisir
Concernant la réalisation, on retrouve l'atmosphère toute particulière d'un Fatal Fury, même si tout n'est pas irréprochable. Certains sprites (ils sont tous repris de Fatal Fury 3, du moins pour les persos qui y étaient) n'ont pas très bien vieilli, et les choix de couleurs ne sont pas toujours des plus heureux, notamment au plan des décors. Ils ne sont pas toujours très harmonieux visuellement - je préférais ceux de Fatal Fury 3 - et puis il n'y en a que 5 (en comptant celui de Geese qu'on ne voit jamais en mode 2 joueurs), c'est vraiment peu. Qui plus est, les musiques (issues de Fatal Fury 3) sont jouées en fonction des personnages mis en scène, quel que soit le décor. La douce musique de Mai passait à merveille devant l'aquarium géant de Fatal Fury 3, c'est nettement moins le cas dans une station de métro ou sur des docks mal famés...
Mais qu'importe, le plaisir de jeu est là, et il est immense. Car en plus d'être bourré de bonnes idées, Real Bout est doté d'une jouabilité fabuleuse. Il offre un confort encore jamais vu dans les jeux de baston 2D. La gestion des délais dans l'initiation et les impacts des coups a fait l'objet d'une attention toute particulière. Enchaîner est ici un vrai plaisir. Là où les combinaisons les plus complexes des autres jeux font parfois l'objet de furieux exercices de pianotage, Real Bout propose des timings intelligents et confortables qui, tout en réclamant une certaine dose d'application, permettent d'explorer sans lassitude les différentes possibilités de combos et de tirer parti du gameplay dans ses moindres recoins.
Bref, Real Bout, c'est la bouffée d'air frais. Il s'inscrit plus que jamais dans la logique novatrice de la série. Ses concepts originaux se complètent à merveille dans un ensemble riche et cohérent. Et le plus fort, c'est que SNK va avoir la clairvoyance et le talent de le faire évoluer dans le bon sens en poursuivant la série de façon magistrale. Le meilleur est donc, encore et toujours, à venir.
Autre plate-forme : Sega Saturn japonaise.
REAL BOUT FATAL FURY SPECIAL
La classe en prime
La belle histoire continue avec la sortie du bien nommé Real Bout Fatal Fury Special en février 1997. Bien nommé, car à l'image de son prédécesseur, ce Real Bout accueille non pas des personnages inédits, mais des stars oubliées de Fatal Fury Special : les sympathiques Tung et Cheng, ainsi que Lawrence et Krauser qui seront, comme à l'époque, les deux derniers boss.
Les deux derniers boss ? Mais alors, et Geese l'increvable ? Là, il est vraiment mort en principe, mais il revient dans une version "Nightmare", tel un fantôme. Et puis Real Bout Special est un épisode sans scénario, alors il aurait été dommage de s'en priver. Geese apparaît ainsi en tant qu'ultime boss caché. Un code permet de jouer avec, et de profiter de sa puissance devenue presque abusive. M'enfin, c'est un perso caché, dirons-nous...
Tous les autres personnages répondent présent, et quatre d'entre eux (Billy, Andy, Mary et Tung), toujours via un code, existent aussi en version "EX". Ils apparaissent alors sous un jour un peu différent et disposent d'une palette de coups modifée. On n'ira pas jusqu'à dire que ça fait 4 nouveaux persos à part entière, mais ils ont un intérêt qui leur est propre (surtout EX Mary, je trouve), contrairement aux Evil Ryu, Shin Gouki et autres Iori ouf-de-la-tête qu'on trouve ici ou là. Alors disons que Real Bout Special propose 20 + 4 persos...
Outre cet inévitable élargissement du casting, ce qu'on remarque avant tout chez RB Special, c'est sa réalisation considérablement retravaillée. Andy, Joe, Mai, Mary et Franco voient leurs sprites entièrement - et magnifiquement - refaits (pour certains, ce n'était pas du luxe, d'ailleurs) et les "nouveaux revenants" sont eux aussi très classes. Quant à ceux qui ont conservé les mêmes sprites, ils ont bénéficié de retouches habiles qui leur permettent de rester dans le ton sans problème. Les décors plutôt loupés de Real Bout sont oubliés, ils sont ici infiniment plus réussis - et plus nombreux. Côté son, quelques digits vocales nouvelles sont apparues, et presques toutes les musiques ont été remplacées. Les nouveaux thèmes sont bien plus agréables. Beaucoup d'entre eux sont des remixes des musiques de FF Special.
Pour couronner le tout, l'habillage du jeu est lui aussi plutôt classe. Il suffit d'arriver sur l'écran de sélection des personnages pour constater que le design général est beaucoup plus maîtrisé qu'avant. Dommage que les fins des personnages aient été complètement torchées - le générique des crédits, en revanche, vaut le détour (finissez le jeu plusieurs fois, il y en a différentes versions). Dans l'ensemble, Real Bout Special nous plonge dans une atmosphère "dessin animé" tout à fait particulière qui change idéalement des stéréotypes manga/comics que l'on trouve souvent dans les autres jeux du genre. Ca fait plaisir à voir. Enfin moi, en tous cas, j'adhère totalement.
En termes de gameplay, les changements sont moins flagrants. Enfin, je dis ça, mais dans ce monde de la baston 2D où les innovations sont généralement distillées avec une certaine parcimonie, Real Bout Special n'a à rougir devant personne. Les palettes de coups des personnages sont modifiées et enrichies d'une manière dont d'autres séries feraient bien de s'inspirer. C'est plutôt au plan du système de jeu en général que RBS reste assez proche de son prédécesseur, mais après tout, la série avait déjà innové de façon suffisamment fulgurante pour se permettre de reposer un peu sur ses acquis. On retrouve donc la même configuration des contrôles (avec D pour les changements de plans), l'ingénieux et indispensable guard cancel, ici rebaptisé "breakshot", ou encore cette bonne vieille guard attack.
Ce qui a le plus été modifié, c'est le fameux système de plans. Désormais, il n'y en a plus "que" deux, et on peut évoluer indifféremment dans le premier ou le second, comme dans Fatal Fury 2/Special, mais avec une gestion dynamique comme dans Fatal Fury 3 et Real Bout. C'est bien foutu dans l'ensemble, et offre comme toujours une liberté de mouvement qui manque cruellement lorsqu'on revient sur un autre jeu de combat 2D.
Les ring out ont été aseptisés. Le principe est le même qu'avant, sauf que lorsque vous vous faites exploser dans le coin avec les éléments du décor, vous ne tombez nulle part, vous vous retrouvez "juste" dans les pommes, ce qui permet à votre agresseur de vous remettre une volée.
Un reproche : le problème des combos trop longs ou trop puissants n'a pas été résolu, et il s'assortit même d'une certaine dose d'uniformité et de monotonie... Une bonne moitié des combattants possède notamment un chain combo "standard" de type A, B, + C, + C qui permet d'enchaîner avec un coup spécial ou un Power move (qui sont toujours aussi puissants). La manœuvre est assez vite mémorisée et on se retrouve donc, après un peu de pratique, à savoir dégommer de grosses quantités de la jauge de vie adverse en quelques assauts réussis. Assez grisants au début, ces combos semblent parfois interminables, ce qui porte préjudice à la dynamique générale des affrontements.
Mais, relativisons la chose : il s'agit de l'unique réel défaut du jeu et ce n'est pas le genre de défaut propre à "casser" le gameplay. Real Bout Special est en effet à peu près irréprochable sur tous les points cruciaux (collisions, priorités, gestion des différents "lags"...) qui font qu'un jeu de baston est réglo ou pas ! Au passage, c'est dommage qu'une bonne partie des joueurs soit souvent moins réceptive à ce genre de qualité fondamentale qu'à d'autres paramètres un peu plus tape-à-l'œil... M'enfin.
Brillamment relooké par rapport à son prédécesseur, joliment étoffé en termes de personnages et de coups spéciaux, doté d'une jouablilité toujours aussi épatante et d'un gameplay toujours aussi unique, Real Bout Special est un véritable trésor. C'est l'épisode que je conseillerais idéalement à ceux qui connaissent encore mal la série. D'ailleurs, c'est le favori d'une bonne partie des adeptes... Et pourtant, même si la question fait régulièrement débat, je me permets d'affirmer que sa suite est encore meilleure. Les concepteurs ont une fois de plus trouvé le moyen d'élaborer un jeu toujours plus abouti, toujours plus juste, toujours plus riche. Alors pour la vue imprenable sur les sommets de la baston 2D, suivez le guide.
Autres plates-formes : Sega Saturn japonaise, Game Boy. La Playstation (japonaise) a aussi accueilli un épisode assez particulier, nommé Real Bout Special : Dominated Mind. Assez différent de l'original, c'est un autre jeu à part entière : il s'adapte aux avantages et aux inconvénients du support. Ainsi, le système de plans, qui nécessite trop de sprites pour la petite RAM de la Playstation, a été supprimé, mais on retrouve un très joli dessin-animé d'introduction... Alfred, boss caché de Real Bout 2, est ici un personnage central. On trouve un boss final inédit, nommé White (non jouable). Enfin, le jeu offre un système de Super Cancel lui aussi inédit. Je m'en souviens comme d'un très bon jeu, mais l'ayant simplement testé lors de sa sortie en 98, je ne saurais vous en dire plus.
REAL BOUT FATAL FURY 2
L'apothéose
"RB2" : trois signes typographiques qui résonnent instantanément à mes... euh, à mes yeux, puisque ce sont des signes typographiques. Real Bout 2 sort en avril 98 (remarquez qu'il n'est pas toujours évident de faire une intro originale en cherchant à y caser une date de sortie).
Oh, je les vois d'ici, les fans de Real Bout Special qui s'offusquent déjà de mon sous-titre. "L'apothéose". Et si je vous dis qu'à mon avis, Real Bout 2 est un des meilleurs jeux de baston 2D de l'histoire si ce n'est le meilleur, je vais aussi me mettre à dos les innombrables fans de KOF, voire ceux de Street Fighter. Bah, tant pis. Je vais vous livrer les raisons de ce postulat effronté.
Real Bout 2 nous accueille avec une intro (en fait, il y en a deux versions) brève, mais étonnante, mettant en scène l'un des deux "newcomers" de cet opus. Car, oui, il y a cette fois deux personnages totalement inédits ! Il s'agit de Li Xiangfei, rapide et insaissable, qui pratique notamment le kung fu "de l'homme ivre", et Rick Strowd, un boxeur amérindien vif et percutant. Ils apportent leur style très personnel à un casting déjà particulièrement varié et pittoresque.
La réalisation déjà excellente de Real Bout Special n'a pas énormément changé. Hormis, bien sûr, les décors entièrement nouveaux (et globalement aussi bons qu'avant), on remarque que certains mouvements ont encore été retouchés (comme le Screw Upper de Joe) pour rendre l'animation encore plus fluide et dynamique. Les petites animations qui servaient d'intro aux combats ont été supprimées, et il n'y a plus de pose de victoire qu'au dernier round. Ces détails chagrinent souvent les fans de Real Bout Special. Pour ma part, je dirais qu'on a de toute façon vite fait de zapper ce genre d'animation au bout de quelques parties, et que finalement les combats s'enchaînent avec un rythme d'autant plus soutenu. Et puis j'aime autant que les développeurs préservent leurs efforts et leurs méga-octets pour les phases de jeu proprement dites.
Plus de dynamisme, plus d'équilibre et plus de variété. Ce sont les mots d'ordre de cette nouvelle mouture. RB2 présente une enième refonte du système de plans - à mon avis la plus convaincante. Il fonctionne sur toujours deux plans, mais l'arrière-plan est uniquement transitoire, comme dans le premier Real Bout, avec cependant des possibilités d'enchaînements pour celui qui vient de l'arrière-plan. Notez que le bouton D sert aussi aux "recovery roll", élément classique dans les jeux de baston (il s'agit d'une petite roulade pour se relever rapidement lorsqu'on se fait envoyer au sol).
Les palettes de coups des personnages ont encore subi des modifications significatives - pour ne pas dire des chamboulements. Au premier abord, on peut être déçu, mais il faut comprendre que le jeu n'en est que plus varié et équilibré. Par exemple, il faut bien réaliser que Geese reste un perso très intéressant sans être le démon surpuissant qu'il était dans RB Special (ça le rend même plus intéressant, d'ailleurs), ou encore que si Terry n'a plus de Power Dunk, c'est pour mieux accueillir un nouveau coup plus original et complétant mieux sa panoplie.
Les Power moves infligent désormais des dommages plus raisonnables. Ouf ! Si les S. Power moves n'ont pas trop changé, les P. Power moves, en plus d'être complètement différents chez certains combattants, sont davantage gérés comme dans les KOF ou Street de "seconde génération" : ils figent l'écran pendant un bref instant et, en général, se prêtent plus à une réaction instantanée ou aux combos. Les concepteurs ont donc compris qu'il fallait donner un usage différent à chaque catégorie de super attaque, puisqu'on a beaucoup moins l'occasion de réaliser un P. Power qu'un S. Power, ce dernier étant accessible à volonté dès qu'on a perdu la moitié de son énergie. Bien vu !
Autre ajustement bienfaiteur : les chain combos sont désormais plus brefs mais aussi plus variés. Finies les longues séquences de punching ball qui cassaient le rythme des combats et nuisaient à leur équilibre ! En fait, on peut toujours sortir de gros combos très balèzes, mais ils sont plus rapides et plus variés (on a moins l'impression de faire la même chose d'un perso à un autre) et surtout, ils sont plus délicats à réaliser et moins faciles à placer. La marge de progression est donc plus grande... Nouveauté croustillante, d'ailleurs : les "fake moves" (feintes de coups spéciaux) peuvent désormais s'enchaîner comme les "vrais" coups spéciaux ! Quel intérêt, me direz-vous ? Celui d'interrompre un chain combo pour en placer un autre dans la foulée ! Un exercice globalement réservé aux joueurs avancés.
En tous cas, ne perdez pas de vue que certains persos sont moins spécialisés dans les combos que d'autres. Cela n'a rien d'une hérésie, et il faut le rappeler. En effet, il suffit de parcourir un forum ou une FAQ pour se rendre compte à quel point les joueurs considèrent, à tort, les combos comme l'élément central du gameplay d'un jeu de baston. Les combos sont une fin, pas un moyen !
Tenez, en voilà un, de moyen : le principe de Breakshot, toujours présent, cette fois-ci généralisé à une majorité de coups spéciaux (au lieu d'un seul par perso). Cela va dans le sens de l'épuration des combos que subit ce jeu. On peut même "breakshooter" avec certains Power moves ! Pas évident, mais ça vous donne une idée de la richesse du jeu. En tous cas, j'insiste : ayez le réflexe d'utiliser les breakshots ! Vous verrez qu'il y a un certain nombre de situations raisonnablement exploitables (pas comme l'exemple ci-dessous - là, c'est nettement plus difficile).
Pour terminer, la guard attack devient plutôt une sorte de "dodging attack", et prend ainsi beaucoup plus d'importance. On l'exécute désormais n'importe quand, en appuyant sur A+B, ce qui lui permet d'être utilisée en première intention, y compris dans les enchaînements, et plus seulement en réaction. C'est en tous cas une nouvelle attaque de base qui s'ajoute à la panoplie de chaque combattant, et pour certains d'entre eux, comme Andy, Joe ou Tung, elle devient même carrément un atout de premier choix. Tirez-en profit !
Le contrôle de ce Real Bout 2 est aussi épatant que celui de ces prédécesseurs. En plus, et c'est la dernière modification majeure que je relèverai, les dernières manipulations peu commodes ont été globalement éradiquées (oui, même celle Raising Storm de Geese !). Dorénavant, presque tous les Power Moves se réalisent comme celui de Terry ( B+C) celui de Joe ( B+C) ou parfois "à la Zangief" (faire un arc de cercle de 270° avec la manette). La jouabilité est donc plus merveilleuse que jamais. Dommage, simplement, qu'il y ait encore besoin d'appuyer sur B+C en même temps pour les S. Power moves.
Real Bout 2 est donc vraiment un jeu d'exception. Oh, bien sûr, même les meilleurs jeux de combat ont leurs petites imperfections ici oulà... mais Real Bout 2 tend nettement vers l'irréprochable. La série a su évoluer, oser, expérimenter puis affiner ses concepts jusqu'à livrer la quintessence de ses qualités. Il s'agit d'un véritable rayon de soleil dans le monde des jeux de combat en 2D. Rarement un jeu aura su être aussi accessible et docile, et cependant profondément riche et technique, proposer une telle variété dans la façon d'appréhender les différents personnages, une telle dynamique d'attaque/contre-attaque ou encore consommer l'improbable mariage entre l'audace typique de SNK et l'aspect "clean" du gameplay d'un Street Fighter.
Faites moi confiance, je n'ai rien du fan aveugle qui voue une adoration sans limites à une série en particulier au détriment de ce qui se fait à côté. KOF et Street Fighter (pour ne citer qu'eux) m'ont fait vibrer, moi aussi. Mais Real Bout 2, c'est autre chose, c'est autrement, c'est ailleurs. Il m'est tombé sur le coin de la tronche comme ça, sans prévenir, et depuis je suis littéralement sous le charme. C'est un jeu intelligent, bien foutu, rafraîchissant, fun et passionnant. En un mot, extraordinaire. Prenez la bouffée d'air frais. Ne passez pas à côté de cette perle.
Autres plateformes : eh bien, aucune. Celui qui est peut-être le meilleur jeu de baston 2D de l'histoire est aussi le seul Fatal Fury, sur 8 épisodes, à n'avoir jamais été porté sur d'autres machines que les systèmes Neo Geo 16-bits.
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Et voilà. Voilà comment, même si la prouesse est passée relativement inaperçue, une série parvient à évoluer dans le bon sens pour accoucher d'un OVNI qui restera un des trésors perdus du jeu de baston 2D - on doute qu'il ait encore une chance, aujourd'hui, d'être adapté sur un autre console. Mais alors, pourquoi pas une suite à cette fabuleuse série Real Bout ? Hélas, ça ne semble pas être dans la tendance actuelle. Real Bout est un nom qui semble bel et bien appartenir au passé. Après avoir atteint les sommets, Fatal Fury va en effet changer de visage avec un 8e opus qui est encore aujourd'hui le dernier en date.
La prochaine et dernière partie de ce dossier lui est consacrée. Allez, il va falloir que je me remotive, pour le coup...