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Dynamite Düx
Année : 1988
Système : Arcade, Amiga, Amstrad CPC, Atari ST, C64, Master System, ZX Spectrum
Développeur : AM2 (Yu Suzuki)
Éditeur : Sega
Genre : Arcade / Beat'em all
Par DSE76 (12 juillet 2017)
Flyer japonais du jeu. Cliquez sur l'image pour une version plus grande.

Les années 80 ont vu chez SEGA la percée d'un des groupes de développement les plus fameux et primés de l’histoire de la firme d’Haneda. Une équipe qui a chamboulé, au fil des années, la majeure partie des genres du jeu vidéo (en particulier ceux transposables en arcade) et créé une large collection de titres qui sont tous devenus des classiques reconnus. Cette équipe en question, c’est l’AM2 de Yu Suzuki.

Malheureusement, sur le CV du fleuron de SEGA, il y a un étrange nom, que la firme d’Haneda a mis sous le tapis depuis longtemps. Pourtant, il n’est pas du tout honteux, mais aux yeux des joueurs, c’est juste un vilain petit canard (NdJPB : c'est le cas de le dire !), tant il dépareille face aux autres titres plus connus de Suzuki et de son équipe. Ce jeu est Dynamite Düx.

L’écran titre de Dynamite Düx.

Le jeu d'arcade

Dynamite Düx (prononcez comme Dynamite Ducks) est un beat them all, et l'un des plus particuliers. Le principe est, comme dans tout beat'em all qui se respecte, de venir à bout des ennemis en chemin en les castagnant afin d’atteindre la fin du niveau et le boss de fin. Classique, sauf que le jeu est un peu spécial car l’AM2 ne fait définitivement rien comme les autres : au lieu de l’habituelle guerre des gangs, on a ici deux canards, compagnons de jeu d’une fille nommée Lucy, qui s'amusent tranquillement sur un parterre de fleurs quand, soudain, un sorcier fou débarque de nulle part et kidnappe Lucy. Les deux canards décident de suivre le sorcier dans son monde, où ils devront se battre contre toute une armée aussi loufoque que possible.

Dynamite Düx fait partie d’une vague de beat'em all made in SEGA. Un des premiers jeux vidéo de ce genre fut Samurai, en 1980. Par la suite, SEGA va sortir quantité de bornes d'arcade dans ce style avec des équipes maison ou externes. À l’époque où le jeu est sorti, le genre était dans son âge d’or grâce à des titres renommés tels que Bad Dudes vs Dragon Ninja de Data East, Double Dragon de Technos - mais aussi Altered Beast de... SEGA ! Autrement dit, il y avait fort à faire avec la concurrence.

L’histoire est résumée dès le début du jeu. Elle n’est guère différente des autres beat'em all.

Dans Dynamite Düx, le joueur incarne Bin, canard bleu, ou Pin, canard rouge (cela dépend sur quel bouton start vous avez appuyé : Bin est pour le joueur 1 et Pin pour le joueur 2). Les deux palmipèdes peuvent effectuer les mêmes actions : se déplacer dans huit directions différentes, donner un coup de poing, sauter ou faire un coup de pied sauté. C’est assez limité comparé aux autres beat'em all qui proposent plus de variété côté coups.

Toutefois, nos deux héros disposent d’une attaque spéciale : en maintenant la touche enfoncée, ils font tournoyer leur poing pour lancer un uppercut permettant d’atteindre des ennemis éloignés et de leur faire des dégâts supplémentaires. Plus vous maintenez le bouton, plus le coup sera puissant et aura d’allonge.

Le premier niveau : Downtown. Le type en haut de la première image n’est autre que le Colonel Sanders, très connu des américains puisque fondateur de KFC (SEGA adore les caméos publicitaires).

Si les deux canards ont un moveset limité, il y a, heureusement, des armes à foison et elles sont des plus variées : pierres, bazooka, lance-missiles autoguidés, fusil automatique, lance-flammes et les bombes iconiques au jeu. Les armes peuvent être ramassées en marchant simplement dessus. Une seule arme peut être récupérée à la fois : en ramasser une autre fera lâcher celle que vous avez déjà dans les mains ; heureusement, vous pouvez la récupérer à tout moment.

Lorsque vous avez une arme, il vous suffit d’appuyer sur la touche attaque pour l’utiliser. Chaque arme a une particularité permettant de venir à bout de certains ennemis plus facilement. Attention, les munitions sont limitées et affichées en bas à droite de l’écran. Le stock de munitions est variable, généralement indiqué par l’icône de l’arme que vous allez ramasser.

Bin armé d’un bazooka. Contrairement aux coups, les armes dans Dynamite Düx sont nombreuses et vous seront très utiles pour vous sortir de diverses situations.

L’opposition est constituée de diverses créatures, plus loufoques les unes que les autres : des loups équipés de mortiers, des chiens qui tirent des missiles autoguidés, des têtes de chiens ou d’élans, des crocodiles boxeurs... Bienvenue dans le monde d’Achacha The Great, nom du méchant. Les boss sont malheureusement moins originaux, très souvent des monstres élémentaires, mais on a tout de même droit à des pingouins, en plein désert texan (?!).

La quasi-totalité des ennemis meurent en un coup : il suffit d'un simple coup de poing pour les neutraliser. De plus, votre canard dispose d’une assez large barre de vie, restaurable par le biais de divers aliments récupérés sur certains ennemis. Alors, ce jeu est-il donc assez facile ? Que nenni ! Si le début est une promenade de santé, les ennemis deviennent rapidement assez agressifs, et surtout se déplacent en grands groupes compacts, assez délicats à gérer avec vos seuls poings. Sans compter que les ennemis ont des stratégies difficiles à contrer : les ninjas qui apparaissent rapidement (mais cela reste téléphoné), tout un rang de chiens armés de lances missiles auto-guidés assez délicats à esquiver (mais heureusement, ils mettent un temps fou à recharger). Bref, le jeu est retors, en grande partie à cause du grand nombre d’ennemis et de leurs stratégies d’attaque pensées pour vous submerger... sans compter qu'ils font vraiment mal. Il arrive qu’un quart de la barre de vie parte d’un seul coup.

Les ennemis meurent peut être en un coup mais ils sont très nombreux et surtout assez agressifs. Votre barre de vie va souffrir.

Un des éléments qui distinguent Dynamite Düx des autres beat'em all est certainement le côté cartoon du jeu : comme on l'a vu, non seulement le look des ennemis quelque peu déjanté, mais aussi les animations tordantes qui rappellent les vieux dessins animés des années 40-50. Les décors sont typiques de ce qu’on trouve dans un cartoon et donnent au jeu un certain charme.

Dynamite Düx est également unique dans son rythme : alors que la plupart des beat'em all proposent un combat dans un écran fixe où le joueur doit nettoyer tous les ennemis avant d'avancer vers le combat suivant, le jeu impose ici au joueur d’avancer continuellement sous peine de voir un démon apparaître, qui s'en prend à la barre de vie jusqu’à ce que le joueur ait suffisamment avancé... ou que mort s’ensuive.

Dans Dynamite Düx, vous êtes constamment en mouvement (sauf pendant les boss), quitte à ne pas dégommer tous vos adversaires et donc ne pas obtenir les sacro-saints points pour un high score.

Le jeu intègre aussi une certaine composante plateforme. En effet, le terrain n’est jamais strictement plat et parfois, les canards devront sauter par dessus des obstacles. Comme d’habitude avec les beat'em all, cette partie du gameplay n’est pas très reluisante mais Dynamite Düx ne s’en sort pas top mal dans l'ensemble, en grande partie parce que le level design est suffisamment intelligent pour ne pas tuer le joueur en cas de saut manqué.

Afin que le joueur puisse tenter le high score, il va devoir éliminer un maximum d’ennemis avant qu’ils ne disparaissent de l’écran, mais aussi récupérer les coffres, parfois bien cachés, pour obtenir des points supplémentaires.

Deux exemples de boss.

Dynamite Düx contient deux boss par niveaux : un au milieu du parcours, et l’autre à la fin. Le but est - comme pour tous les boss des jeux vidéo - de les cogner jusqu’à ce qu’ils soient défaits. Ils ne possèdent pas de barre de vie mais leur état est généralement indiqué par un élément visuel (forme des yeux, nombre de rocs...). À noter que le jeu fournit un pistolet à eau pour lutter contre les boss de feu.

Une fois vaincu le boss du milieu du niveau, on se retrouve face à un embranchement et il faut choisir le chemin à suivre. Pour cela, il suffit de rester en haut ou en bas de l’écran. Attention, le chemin du bas pullule d'ennemis tandis que celui du haut oppose à des adversaires moins nombreux, mais plus dangereux.

Après le boss de milieu de niveau, vous serez face à un dilemme : du "crowd control" en bas ou des ennemis puissants en haut ?

Tous les deux niveaux, le jeu propose un bonus stage avec Bin et Pin s’affrontant dans un combat de boxe. Le but est simple : mettre KO l’adversaire en réduisant sa barre de vie. Pour cela, les personnages ne peuvent faire appel qu’à leurs poings et la touche de saut sert de garde. Celui qui a le plus de vie à la fin du compte à rebours reçoit un bonus de 50.000 points ; s'il a mis l'autre KO, il empoche 100 000 points !

Tous les deux niveaux, Bin et Pin s’affrontent à la boxe pour obtenir un bonus de points. Assez rafraîchissant mais très difficile.

L’un des points forts de Dynamite Düx est très certainement son aspect graphique : le jeu exploite bien le system-16 avec ses nombreuses couleurs et des décors assez détaillés. Les animations sont de bonne qualité, même si elles peuvent sembler rigides, en grande partie à cause du peu de frames dont elles disposent.

La musique est aussi une réussite : elle a été composée par Hiroshi Kawagushi, célèbre musicien employé par SEGA. Dynamite Düx est loin d’être son oeuvre la plus connue (en grande partie parce le jeu ne l’est pas) mais les compositions sont entraînantes, collent très bien au jeu et se laissent écouter avec plaisir.

Dynamite Düx est une réussite aux niveaux graphismes et animation. C’est d’ailleurs l’un de ses meilleurs atouts.

Hélas, Dynamite Düx souffre de pas mal de soucis : le premier est que, bien que son côté cartoon laisse suggérer le contraire, le jeu est assez difficile : on a vu que les ennemis sont en nombre, agressifs et tapent fort, mais les échecs subis viennent aussi d’une détection des collisions pas toujours irréprochable.

Le plus gros problème du jeu concerne les boss : la plupart ne sont guère originaux, composés souvent de rocs, flammes et autres éléments de base. De plus, ils sont souvent recyclés : par exemple, le boss de fin du premier niveau se retrouve dans le cinquième. Heureusement, on rencontre tout de même quelques boss plus surprenants.

Malgré son aspect cartoon, le jeu est assez difficile. De plus, les boss sont loin d’être originaux.

Dynamite Düx fait partie de ces titres rafraîchissants et des plus sympathiques qui mériteraient un peu de lumière, malgré certains défauts et le fait que le jeu semble avoir du mal à se distinguer des autres (alors qu'il est relativement atypique pour un beat'em all). Malheureusement, SEGA ne sera pas tendre avec lui, ne signant qu'une seule conversion (sur Master System ?!) et laissant les autres à Core Design pour le compte d’Activision. Le jeu finira par tomber dans l’oubli ; sa seule trace d’existence est un canard vert dans un jeu de combat basé sur la plus grande série de SEGA qui, lui même, n’existe guère qu’à partir des comics ou de caméos. Dur d’être un jeu dans l’ombre d’autres.

Conversions

Master System : le seul portage fait par SEGA. Pour une raison qui reste obscure, alors que la Megadrive sortait la même année, c’est la console 8-bits qui a été choisie pour accueillir le jeu. Si le passage 16-bits -> 8-bits est plus ou moins heureux sur certains jeux (Fantasy Zone par exemple), dans le cas de Dynamite Düx c’est limite catastrophique vu que la majeure partie de ses points forts ont été restreints pour le faire fonctionner sur cette console : les sprites sont réduits, les décors amoindris, l’animation a grandement perdu en souplesse. Malgré toutes ces mesures prises pour soulager la Master System, ça rame sévère par moments et on constate le défaut typique de la console : les clignotements de sprites. Ajoutons qu'un niveau et le mode deux joueurs ont été annulés... Malgré cela, cette conversion reste l'une des meilleures, en grande partie parce que la Master System possède une manette à deux boutons, contrairement aux ordinateurs qui vont suivre.

Amiga : cette version est des plus réussies, en grande partie parce que les portages micro ont tous été réalisés par Core Design, studio déjà très compétent et fiable en 1989. Graphiquement, c’est très beau avec la majeure partie des éléments graphiques et des animations conservés. En revanche, le jeu tourne à 30 FPS et on active soit la musique, soit les bruitages, mais pas les deux en même temps. Autre petit souci : il n'est pas possible de configurer les contrôles. De base, le jeu utilise la souris (ce qui n’est pas pratique) et n'exploite pas son second bouton, obligeant le joueur à utiliser la barre d’espace pour sauter.

Atari ST : identique à la version Amiga mis à part que le jeu n’est pas plein écran.

ZX Spectrum : cette version n’est pas terrible : généralement monochrome (et c’est parfois assez moche), le jeu souffre de problèmes de collisions, lutte pour tourner correctement, est dépourvu de musique et il faut gruger certains passages impossible à franchir en jouant normalement. Ca reste assez jouable malgré tout, mais encore une fois il faut presser la barre d’espace pour sauter.

Amstrad CPC : le CPC a souvent été défavorisé par rapport au Spectrum en ce qui concerne les conversions d’arcade. Comprenez : les éditeurs prennaient la version Spectrum et la portaient telle quelle sur CPC, alors que ce dernier était plus puissant. Ce n'est pas la cas ici car Core Design a ajouté de la couleur et stabilisé le framerate. Dynamite Düx sur CPC est impressionnant et l'on se demande comment il peut tourner et être jouable sur cette machine 8-bits alors que c'est un jeu pensé pour une architecture 16-bits. Bref, un petit exploit technique.

Commodore 64 : c'est grosso modo la version ZX Spectrum, améliorée toutefois, jouable et dotée d'un framerate stable.

DSE76
(12 juillet 2017)