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Chu Chu Rocket
Année : 2000
Système : Dreamcast ...
Développeur : Sega
Éditeur : Sega
Genre : Arcade

Observons ensemble les effets de ChuChu Rocket! sur l’organisme

Vous vous en doutez, ils sont néfastes, ces effets. C’est un fait, ChuChu Rocket! fait mal. Il pousse les gens à revenir à leur état bestial, il donnera forcément naissance à des coalitions contre d’autres joueurs, et comme c’est toujours le cas, ces alliances aboutiront à d'inévitables trahisons. Alors certains tenteront des techniques plus solitaires, afin d’arriver à la victoire finale. Parmi les cobayes s’essayant à ChuChu Rocket!, certains la joueront « vieux coyote solitaire... » et attaqueront tous les joueurs, à tour de rôle. D’autres opteront pour la technique du « loup noble et fier... », et s’en prendront uniquement au leader. On peut également observer des comportements amusants, comme les joueurs se prenant pour des hyènes affamées, tentant d’affaiblir tout le monde, passant la plupart de leur temps à prendre des chats par la papatte pour les amener faire un carnage sans nom dans une fusée adverse, délaissant complètement la récolte des ChuChu. C’est moche la nature humaine...

Chacun sa peau (à gauche) ou par équipe (à droite). De toutes façons, ça finira par des actions peu glorieuses et des coups de poignard dans le dos.

En plus du côté « destructeur de liens sociaux... », ChuChu Rocket! est également nocif pour la santé mentale (NdL : Hola, fais gaffe à ce que tu dis ou on va passer à la télé). Tout a été fait pour que le joueur atteigne une excitation totale. Vous l’avez vu, le jeu est pensé pour être nerveux, incontrôlable. Comme le formulait si bien le très bon site Overgame, « apprendre à maîtriser ChuChu Rocket! est une quête vers la quintessence des réflexes humains... ». Je n’aurai pas mieux dit...

Jouer au titre de la Sonic Team en multijoueurs, c’est s’infliger un challenge, se défier soit même, s’agresser. Car oui, tout ici est agressif. ChuChu Rocket! propose en effet une réalisation œuvrant dans le même sens que le design du jeu. Par exemple, la bande son est parmi les plus folles jamais entendues dans un jeu vidéo, véritable pot-pourri de morceaux sous acides aux mélodies sentant bon l’hôpital psychiatrique. Rien que le lancement du jeu souligne l’orientation déjantée du son dans ChuChu Rocket! Imaginez un joli logo de la Sonic Team avec le noble visage du hérisson mascotte de Sega. Et soudain, une voix niaise au possible hurle à la mort. « So-ni-queuh Timmm-euh!... » Ouais, d’accord, ça rend mieux quand on l’entend en vrai... Mais croyez-moi, l’entendre une seule fois, c’est en devenir fan, à coup sûr.

Là, une "souris-loterie" vient de lancer une déferlante de ChuChu sur le damier. Si vous pouviez entendre la musique associée à cette invasion de souris que les puristes appellent Mouse Mania...

Je ne vous ferai pas l’affront de m’attarder sur l’aspect complètement décalé des graphismes de ChuChu Rocket! Les screenshots sur cette page parlent d’eux-mêmes. Acidulées comme un bonbon chimique, les couleurs déchirent les yeux et font perdre deux dixièmes à chaque œil lors de chaque partie. Mention spéciale pour les designs des personnages du jeu que je trouve délicieusement crétins... Sachiko Kawamura, l'artiste ayant commis les ChuChu et les KapuKapu, ne paraît pas comme ça, mais pour pondre des créatures pareilles, je la soupçonne d’être légèrement psychopathe. Ou géniale. Au choix. Enfin, pour l’anecdote, il est amusant de noter que la jolie demoiselle sera également quelque temps plus tard à l’œuvre sur le design des Chaos dans le controversé Sonic Adventure 2.

Sachiko Kawamura et ses incroyables créations...
Hop là, en cadeau, des artworks ayant permis d’aboutir au design final des ChuChu.

ChuChu Rocket! exploite enfin la Dreamcast. Si si...

Alors si on résume rapidement, on se rend compte qu’il n’y a pas de décors en 3D de la mort qui tue, ni d’éclairage dynamique et tout le toutim. On ouvre également vite les yeux sur la modélisation des personnages du jeu : une centaine de polygones par souris, histoire de dire que les oreilles sont vraiment rondes... Et puis, ne cherchez pas de bump mapping de guerrier ou de vertex shader bien « burné... ». Non, là, vous feriez fausse route. Et bien, sachez que ChuChu Rocket! exploite quand même une belle spécificité technique de la Dreamcast. Afin de passer un peu de brosse à reluire sur le jeu, je pourrais ajouter que le titre de la Sonic Team a marqué l’Histoire. Ouais, celle avec un grand H. Pourquoi ? Tout simplement parce que ChuChu Rocket! est le premier vrai jeu online sur console. Rien que ça.

Un écran de connexion. Pour vous, ce n’est rien, mais pour la Dreamcast et l’Histoire du jeu vidéo sur console, c’était historique.

9 juin 2000. ChuChu Rocket! débarque en France. Et avec lui, dans ses valises, il a amené la vraie DreamArena (auparavant, cette dernière permettait uniquement de télécharger du contenu ou de comparer ses scores). Sega lance réellement son service de jeu en réseau avec ce pur produit maison. Commande de Sega à la Sonic Team pour promouvoir cette fameuse DreamArena, le jeu devait servir de hors-d’œuvre avant l’arrivée des monstres NFL 2K1, Phantasy Star Online ou autres Quake 3. Comble du pari audacieux, la Sonic Team devait également frapper un grand coup, afin que ce coup d’essai soit un coup de maître. En effet, comble du raffinement, ChuChu Rocket! était totalement gratuit. Oui, oui : gratos. Livré avec la Dreamcast par la suite, ceux qui possédaient déjà la belle console à la spirale n’avaient qu’à contacter Sega pour que la firme leur envoie un exemplaire du jeu. Et avec le sourire en plus. Avouez qu’à l’heure actuelle, période durant laquelle Nintendo annonce sans vergogne que pour récupérer des jeux NES sur Wii, il faudra débourser quelques jolis petits billets verts, ça fait quand même grincer des dents.

Plusieurs salons pour choisir la langue des gens avec qui on souhaite chasser la souris. Le principe sera repris ensuite pour Phantasy Star Online et ses concepts de vaisseaux spatiaux, représentant des colonies hébergeant les joueurs d’un même pays.
Détail amusant : un concours était lancé sur ChuChu Rocket! à sa sortie. Le joueur avec le meilleur score à la fin du mois de juillet 2000 gagnait un séjour pour deux personnes dans le camp spatial de l’Alabama. N’importe quoi...

Pour vous raconter un peu ma vie, je vous signalerais que j’ai découvert le jeu en réseau avec la Dreamcast. Je dois quand même avouer que faire un petit ChuChu Rocket! en réseau en 2000 avait un certain côté classieux. À l’aide d’un astucieux système de raccourcis à la manette, on pouvait même s’envoyer des phrases toutes faites afin de communiquer rapidement. Malgré le lag dont souffrait le jeu, il était quand même très amusant de se livrer corps et âmes à la traque des souris sur cette DreamArena. Il est vrai que quand Phantasy Star Online est sorti, les possibilités online que proposaient nos amis les ChuChu ont pris un coup de vieux, mais l’Histoire retiendra qu’elles étaient les premières. Des sortes de pionnières. Et comme pour montrer qu’elles avaient le cran des grands explorateurs, elles remirent ça en 2001 en faisant partie du lineup de sortie de la Game Boy Advance, dans une très belle adaptation exploitant joliment le câble Link.

Parce que je t’aime, lecteur, voici un dernier avertissement

Je dois quand même vous dire quelque chose. Je ne peux pas vous laisser partir avec la connaissance de l’existence de ChuChu Rocket! sans vous avertir. En faisant la démarche de découvrir ce titre, vous vous êtes mis en danger. Car oui, ChuChu Rocket! est dangereux. Vous allez me dire que j’exagère, mais gardez à l’esprit que ce jeu fait mal. Je vous mets au défi de jouer plus de quarante-cinq minutes de suite en multijoueurs. Comme un bon verre d’une gnole musclée et macérée en fût de chêne, ChuChu Rocket! doit être consommé avec modération. Si vous en abusez, c’est le mal de tête garanti. Et puis faites le test : jouez-y une heure, puis éteignez la console. Là, si vous êtes constitué comme la plupart des mortels, vous allez pousser un petit soupir de soulagement. Loin de moi l’idée de jouer au vieux con, mais abuser de ce soft fait mal à la tronche et donne une sorte de gueule de bois carabinée, méningite en option.

Avant d’arriver à ça, il y aura eu beaucoup de sang, de pleurs et de sueurs...

Oui, je dramatise un peu tout ça, mais sachez que sous son air de Sainte-nitouche, le père Sonic nous livre là sa drogue la plus dure. Un soft d’exception. Enfin, je devrais dire deux softs d’exception. ChuChu Rocket! se paie en effet le luxe d’offrir deux jeux en un. D’un côté, un puzzle-game prenant et tordu comme on l’aime. De l’autre, un soft multijoueurs dément, concentré d’excitation pure et de nervosité (relativement) maîtrisée, entrant tout droit au panthéon des fournisseurs de soirées délirantes. N’insistons pas plus sur ce titre magnifique, vous l’aurez compris, ChuChu Rocket! est un jeu vidéo d’exception. Clin d’œil amusant, une des plus belles avancées technologiques sur console eut lieu grâce à un de ces plus modestes représentants, un des moins « poudre aux yeux... ». À l’heure des vidéos pleines d’esbroufe et de bullshit de l'E3 2005, il est rassurant de voir qu’un bon gameplay suffit pour produire un jeu d’exception. ChuChu Rocket! est moche, atypique, corrosif et même violent. Certes, il est également agressif, épileptique et dur sur l’homme. Mais p... qu’est-ce qu’il est bon...

Jika
(19 septembre 2005)
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