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Battle Isle : la série
Année : 1991
Système : Amiga, Windows
Développeur : Blue Byte
Éditeur : Blue Byte
Genre : Stratégie

Battle Isle 4: la guerre d'Andosia

Année : 2000
Système : PC
Développeur : Cauldron
Editeur : Blue Byte
Support : CD

On arrive à la fin de la série : Battle Isle 4. Pour quasiment tous les fans de la série et bon nombre d'amateurs de wargame, ce quatrième et dernier opus fait figure de vilain petit canard pour diverses raisons que l'on verra plus loin. Pour ma part, je suis loin de vouloir jeter aux orties ce jeu qui parvient bien à amuser, mais il est clair que l'on a affaire au plus faible de la série.

Battle Isle 4 est un jeu un peu spécial : un wargame comme quasiment toute la série sauf qu'il est sorti en plein boom du STR (Stratégie Temps Réel), que des jeux comme Warcraft, Age of Empire (cette série a grandement marqué Blue Byte) et Close Combat ont popularisé. Comme la firme de Düsseldorf ne veut pas passer pour ringarde, elle adopte un système unique : un hybride entre temps réel et tour par tour. Le résultat est un peu... bizarre.

Le soft est le dernier de la série, wargame futuriste se déroulant sur Chromos. Le jeu fait appel à un double système : tour par tour pour le déplacement des unités et temps réel pour la production et collecte des ressources. Ce système est considéré comme bâtard (au sens péjoratif du terme) par beaucoup car ne choisissant quel mode préférer et surtout combine les inconvénients des deux mondes.

BI4 perd aussi sa représentation en hexagones pour des carrés minuscules sur lesquels se positionne chaque unité. Le jeu est entièrement en 3D, plutôt fignolée et réussie pour l'époque. Chose importante à noter : ce n'est pas Blue Byte aux commandes mais Cauldron, une société slovaque à l'origine de jeux de moyenne enverguretels Knight of the Temple 2 ou Battle of the Pacific. Battle Isle 4 est leur plus gros projet jusqu'à présent (si j'en crois les titres sur leur site). Toutefois la firme de Düsseldorf supervise le développement du jeu mais est visiblement trop occupée avec la série Settlers pour faire en plus de la sous-traitance avec leur propre série.

L'écran de jeu dans la première mission.

Le but du titre est toujours constant dans la série (et dans le genre) : éliminer l'armée adverse à l'aide de vos troupes toujours séparées entre l'armée de terre, de mer et de l'air. Les grandes lignes ont quelque peu changé : vous disposez d'une colonie sur une île qui permet d'affronter votre adversaire sur une autre île tandis que ce dernier a une colonie sur une île différente (ouf!). Outre le fait d'être compliqué à expliquer, ce système condamne le jeu à une rigidité au plan des cartes qui sont obligatoirement composées d'un archipel d'au moins 2 îles.

Vos troupes se déplacent en les sélectionnant puis en cliquant sur la destination, les hexagones ayant été supprimés dans le jeu (seul subsiste celui du menu et de l'écran de chargement), les déplacements sont plus dans la veine des jeux de stratégie de l'année 2000 comme Command & Conquer Tiberian Sun ou Age of Empires II. La zone de jeu est composée de carrés minuscules : chacun correspond à un point de déplacement de votre unité. Croyez-moi, ces carrés sont très petits et assez difficiles à discerner. À noter que les unités se déploient comme bon leur semble contrairement aux épisodes précédents.

Chaque unité est régie par un système de déplacement spécifique : elles disposent de points de déplacements dépensés à chaque mouvement. Le nombre de ces points dépend de chaque unité et détermine le nombre d'attaques que vous pourrez effectuer. Une attaque coûte une belle somme de points de déplacement, réduisant grandement les chances de retraite. Le problème est que certaines unités sont spécialisés dans l'attaque-retraite (ranger et buggy) et que le système de déplacement rend toute retraite quasi impossible car il reste alors peu de points restants pour se déplacer ou si peu que l'ennemi arrive à vous rejoindre et à détruire ces unités (vu la fragilité de ces machines).

De ce fait, lorsque vous sélectionnez une unité, des sortes de cercles colorés apparaissent pour vous indiquer le nombre d'attaques disponibles après déplacement. Cela ne vous permettra pas de savoir combien de fois vous pourrez attaquer l'ennemi à portée mais de savoir combien de fois vous riposterez une fois votre tour passé. C'est une nouveauté : chaque attaque conservée permet d'attaquer l'ennemi qui s'approche de vos troupes et donc d’occasionner des dégâts. Arrive un dilemme : allez-vous attaquer/déplacer, au risque d'être sans défense ou bien laisser des attaques pour une éventuelle arrivée de l'ennemi ?

Les cercles de couleurs vous indiquent combien d'attaques il vous reste après déplacement.

Il y a aussi un point qui chagrine les fans : le terrain et l'impact sur la stratégie. Certes la géologie a un impact beaucoup plus important sur la situation que dans les épisodes précédents, mais le soft manque clairement de variété de terrains : de l'herbe, de la terre et du sable pour les plages constituent les principaux terrains, qui n'apportent pas franchement de modifications au déplacement, attaque ou défense de l'unité. Les arbres sont rares, même s'ils contribuent à gêner la progression ou le tir. Bref, le terrain est monotone et il n'y a guère que la géographie pour distinguer chacune des îles où l'on se bat.

Le QG que vous deviez protéger lors de votre avancée en territoire ennemi et dont la prise occasionne une défaite des précédents épisodes a été remplacée par deux types de QG : le QG de bataille est celui où se déroulera la grande partie des combats. Sa destruction équivaut à une défaite et il s'agit de le protéger contre les attaques ennemis. Surtout, il permet de distribuer de l’énergie par le biais de pylônes afin de pouvoir recharger et réparer vos unités.

Car oui, le système de réapprovisionnement et de réparation a été modifié : fini les villes et unités d'approvisionnement multiples, désormais une seule unité recharge et répare vos troupes. Mais pour cela, elle doit être à proximité de pylônes d'énergie - reliés au QG de bataille - qui fournissent la puissance pour effectuer l'entretien des unités. Au fur et à mesure de votre progression en territoire ennemi, vous devrez installer ces pylônes afin de pouvoir approvisionner facilement vos troupes et éviter de stopper votre avancée parce qu'à court d'énergie. Le gros problème est que ces pylônes sont très fragiles et qu'ils sont vite pris pour cible par l'artillerie ennemie, les avions d'attaque au sol ou les forces aéroportées. La destruction d'un de ces pylônes coupe l'approvisionnement en énergie et peut vous mettre dans une situation délicate. En plus, cela fait un réseau énorme à couvrir et à protéger pour éviter de voir son ravitaillement coupé.

Le début d'un réseau. Les camions à l'arrière plan permettent d'installer les pylônes.

L'autre QG est dit « économique » car c'est là que vous pourrez construire vos unités... et vos bâtiments. Grosse nouveauté : dans Battle Isle 4, vous aurez une base à gérer, avec toute la construction d'infrastructures qui va avec. Le jeu introduit également une gestion des ressources (six pour être précis) dont il va falloir augmenter l'apport en construisant des bâtiments qui vont auto-produire ces ressources. Le côté économique se limite malheureusement à éviter que le stock atteigne 0 et produire des unités, puis les amener au front. Aussi, la construction de bâtiments, effectuée avec des unités spéciales nommées constructeurs, nécessite de relier tous les bâtiment pour lesquels il faudra assurer l'approvisionnement en énergie et en eau (à l'aide de tuyaux).

Outre amasser des ressources, il faut aussi effectuer des recherches afin de déverrouiller des unités et bâtiments et avancer dans l'arbre technologique. Tout cela se fait dans l'Académie, qui consommera des ressources aussi bien pour sa construction (comme tous les bâtiments) que pour les recherches. L'arbre de recherche est assez touffu et on y trouve des unités, des bâtiments mais aussi des technologies pour déverrouiller les deux précédents, ainsi que des upgrades pour chacun des trois types précédemment cités.
Enfin, tout le côté économique est en temps réel donc tout est créé en fonction du temps qui passe au lieu d'être étalé sur plusieurs tours comme dans tous les autres jeux de la série.

Votre base économique située sur une autre île, bien à l'abri des combats.

Côté tactique, sachez que vos tours sont... limités dans le temps. Juste en bas se trouve un compteur qui vous indique le temps restant avant d'être obligé de passer au tour de l'adversaire. L'ennemi est lui aussi soumis au même régime, heureusement. L'ennui est que l'ordinateur met plusieurs minutes pour faire son tour, ce qui peut être relativement long. L'IA passe son tour sur une période déterminée, passant en revue ses troupes, et de fait on retombe vite dans le travers de Battle Isle 2 : les tours de l'ordinateur sont longs (et parfois, il utilise l'intégralité du temps qui lui est alloué).

À noter également l'impact de la météo sur vos troupes. C'est beaucoup moins prononcé que sur les épisodes précédents mais celle-ci affecte quand même leur déplacement, portée de tir et champ de vision pour détecter les unités adverses. En parlant de détection, puisque les hexagones ne sont plus de mise, la portée et le champ de vision sont symbolisés par des cercles (jaunes pour le premier, violets pour le second) affichables avec la touche alt. L’inconvénient est qu'il est devenu difficile d'appliquer ce vieil adage italien « La meilleure protection est de rester hors de portée » car, si avec des hexagones, il est facile de calculer où se mettre pour attaquer, ce n'est plus vraiment le cas avec des cercles, bien plus taillé pour des déplacement en temps réel. Résultat, on se rapproche sans aucune prudence de l'adversaire, on s'expose aux tirs de riposte et on détruit l'unité dès qu'on est assez près.

Les deux cercles, qui vous seront utiles si vous avez la patience de bien placer vos unités.

Comme dans la plupart des RTS, les unités sont régies par un système de pierre/papier/ciseaux. Ainsi, le Snake est redoutable contre l'infanterie, moins contre les chars tandis que le chasseur de char Nashorn détruit facilement les blindés mais fait moins de dommages à l'infanterie. Aussi, les unités se voient attribuer un blindage non pas homogène comme dans les précédents mais différent selon les angles : devant, côtés, arrière et dessus. Le devant étant le plus blindé et l'arrière le moins blindé. Et évidemment, moins un projectile rencontre de blindage, plus il occasionnera de dégâts. Bien positionner ses unités pour minimiser les dommages encaissés et maximiser ceux engendrés peut être primordial.

Le petit ennui avec les armes est que les unités n'en ont généralement qu'une et qu'on est loin de la variété des opus précédents. Aussi, les unités légères n'ont aucune défense face aux attaques aériennes même de la plus faible unité, d'autant plus qu'elle inflige des gros dégâts à ces unités légères. En fait, la défense aérienne se repose quasi-uniquement sur les missiles au lieu du trio canons/mitrailleuses/missiles des épisodes précédents. À part les unités spécialisées à défense aérienne et des unités qui ont de l'anti-aérien, l’obtention de la supériorité aérienne peut faire pencher la balance en faveur d'un des deux camps. Le jeu contient toujours le système d'expérience qui a été toutefois modifié : désormais, chaque unité gagne des points d'expérience par attaque et un certain nombre de ces points permet de passer au niveau supérieur, se traduisant par une précision et une puissance acrues.

Quand rien ne la contre (c'est à dire pas d'Archimède/Medusa/Samourai), l'aviation peut faire de gros dégâts à l'armée de terre.

Le gros du jeu repose sur deux campagnes permettant d'incarner deux factions : les troupes impériales dirigées par le général Bratt (eh oui, celui d'Incubation) et les fils de Harris. Les missions sont malheureusement les mêmes mis à part des objectifs très variés, à cause de la rigidité du gameplay qui consiste à opposer deux armées sur une même île avec deux autres îles séparées. À noter toutefois que le jeu jouit d'une certaine continuité, chaque mission débutant là où la précédente s'est arrêtée, positions de vos troupes incluses. Il y aura toutefois des changements dans votre base (notamment des gisements disponibles), parfois des troupes qui débarquent d'un autre endroit et surtout de nouvelles technologies qui se débloquent.

Venons-en au scénario du jeu : le jeu fait suite à Battle Isle 3 mais aussi à Incubation. Le sergeant Bratt est devenu général et la paix règne sur Chromos. Mais une nouvelle faction, les enfants de Harris, commence à attaquer les forces impériales qui règnent depuis l'assaut de Caro, motivée par une certaine idée de justice. Alors qu'ils sont proches de la capitale Hallwa, ils décident de défier Bratt dans une sorte de challenge où se défient les deux armées sur une île. Le scénario sent bon la justification du gameplay singulier, le rendant un peu moins profond que celui des épisodes précédents.

Cette fois-ci, l'histoire du jeu est introduite par des scènes d'inspiration comics américain.

Même si le constat ne semble pas très reluisant en lisant ces lignes (le pathfiding n'est pas non plus des plus efficaces), le jeu n'en est pas moins fun. Chaque tour pousse à avancer plus loin jusqu'à la victoire, même si le jeu s'étale sur des heures et que les temps d'attente deviennent un peu longs.

Le principal problème de BI4 est d'avoir quand même renié ses origines Wargame. C'est surtout sur ce point que bon nombre de joueurs lui en veulent, ainsi qu'un système de jeu assis entre deux chaises qui ne les satisfait pas vraiment. Néanmoins, ça n'a pas empêché le jeu d'avoir été bien reçu par la critique. Aujourd'hui, BI4 est un jeu dédaigné par les amateurs de stratégie du fait de son système trop complexe rendant les parties trop longues. À mon sens, il vaut tout de même la peine d'être joué.


Épilogue

Malgré un bon accueil de la presse, Battle Isle 4 ne sera pas tellement bien vendu et accueilli. Même si Blue Byte a voulu faire un cinquième épisode, cette fois-ci avec leur propre équipe, tout change en 2001 quand Ubisoft, éditeur historique de la firme de Düsseldorf, rachète l'entreprise. On ignore ce qui s'est tramé en coulisse mais Ubisoft semble avoir voulu mettre en avant la principale série de sa nouvelle acquisition : The Settlers.

Le cinquième Battle Isle, nommé DarkSpace, était plus orienté MMORPG mais sera abandonné puis repris indépendamment sous le titre DarkSpace (développé et édité par Palestar). Depuis, la série Battle Isle est tombée dans l'oubli. Toutefois, Thomas Hetzler, l'un des confondateurs, rêve de pouvoir faire un nouvel épisode sur... iOS. Il n'empêche qu'un successeur spirituel a quand même vu le jour dans le monde des indépendants. Le jeu se nomme Battle Worlds: Kronos et a remporté un certain succès. Mais ce sera sûrement pour une autre fois.

DSE76
(24 septembre 2015)
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