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Fort Apocalypse
Année : 1982
Système : Atari 8-bits, C64
Développeur : Synapse Software
Éditeur : Synapse Software
Genre : Action
Par Atari Frog (16 mars 2003)

Décidément, l'année 1982 est celle des hélicoptères ! Après Chopper Command d'Activision sur Atari VCS et Choplifter! de Broderbund Software sur Apple ][, voilà qu'arrive Fort Apocalypse de Synapse Software. Il est souvent dit que Choplifter! a inspiré Fort Apocalypse mais la vérité est autre : Steve Hales, le programmeur, a en effet commencé à plancher sur ce jeu bien avant que Choplifter! soit annoncé.

Le packaging américain d'origine et le pressage européen

Steve Hales n'est pas un inconnu complet : il débute l'informatique sur TRS-80 puis entre chez Starpath, qui produit des jeux sur Atari VCS. Sa première création est Suicide Mission. En parallèle et presque logiquement, Steve découvre l'Atari 800, une machine lui permettant une liberté quasi-totale au niveau de la programmation. Dans ses idées, un jeu mettant un scène un hélicoptère dans des caves...

Au même moment, une belle opportunité d'intégrer une maison d'édition de logiciels récemment créée, Synapse Software, s'offre à lui. La société a été fondée par Ihor Wolosenko, qui a décidé de miser sur les Atari 400 et 800 pour se faire un nom. Les premiers logiciels sont une base de données, FileManager, Dodge Racer (un clone de Head On), Protector (shoot'em up) et Chicken, qui a pour particularité de proposer du son digitalisé dès 1982 ! Ces programmes mettent déjà en valeur la qualité graphique des ordinateurs.

Mike Potter (un ex-employé de Crystalware, société connue sur Atari et Apple pour ses jeux mi-aventure, mi-action... en BASIC et truffés de bugs !) a déjà intégré l'équipe et persuade Steve Hales, un ancien compagnon, de venir le rejoindre. Le bon Steve préférerait continuer à développer son jeu d'hélicoptère mais une autre tâche lui est assignée : finir Slime, pour lequel les publicités et les boîtes ont déjà été réalisées mais dont le programmeur a abandonné le projet en cours de route ! Steve s'y attelle...

A la même période paraît Choplifter! sur Apple ][. Steve Hales regrette amèrement de ne pas avoir pu consacrer plus de temps à son projet et se remet au travail avec Ihor Wolosenko. Inspiré par la prise d'otages américains en Iran, dit-on, Choplifter! n'est composé que d'un seul écran qui scrolle. Fort Apocalypse pousse le concept plus loin : non seulement le scrolling est présent mais le jeu est soutenu par des phases d'exploration sur plusieurs niveaux et intègre des éléments de shoot'em up. L'objectif final est de détruire le réacteur principal d'un fort en sauvant le plus de prisonniers possibles puis de retourner à la base. Les prisonniers retrouvant la liberté si l'hélicoptère vient à leur hauteur, le programme requiert également une bonne dose d'adresse. Enfin, il convient également d'éviter la panne d'essence.

Steve Hales voit très grand : il souhaiterait que son jeu fasse cinquante niveaux, ce qui est astronomique pour l'époque ! Ce chiffre sera finalement réduit : en effet, Synapse Software veut sortir le programme sur cartouche et la capacité maximale sur ce support n'est que de 16 Ko sur les ordinateurs Atari. Steve a beau essayer tous les algorithmes de compression possibles, pas moyen de faire rentrer ces cinquante niveaux en si peu de place ! Finalement, Fort Apocalypse est prêt fin 1982, seuls quelques réajustements étant faits suite à la présentation du jeu au Consumer Electronics Show de 1983 (le premier niveau est jugé trop difficile).

Ce qui frappe pour un jeu de cette époque, c'est d'abord la taille des niveaux. Si les jeux de rôle permettent vraiment de rêver et de parcourir un grand territoire, on ne peut pas en dire autant des jeux d'action du début des années 80 : on se heurte en général à une capacité mémoire trop faible ou à des machines qui ne sont pas idéales pour le jeu d'arcade. Les Atari 8-bits, en plus d'avoir les meilleures possibilités graphiques et sonores de l'époque, sont aussi dotés d'assez de RAM pour permettre une certaine diversité dans l'action.

Deux autres points en faveur de Fort Apocalypse : le dynamisme et la jouabilité. Le jeu offre de nombreuses situations différentes à gérer et il est important de bien rester concentré : non seulement les ennemis vous laissent peu de répit mais il faut aussi constamment tenir compte de l'apesanteur. L'atout de Fort Apocalypse est de savoir mêler tous ces éléments en évitant aux joueurs une grande frustration. On appréciera particulièrement les options disponibles pour régler la difficulté de la mission : apesanteur forte ou faible, nombre de vies alloué.

Fort Apocalypse est donc une réussite sur tous les plans et assoit un peu plus la notoriété des Atari 8-bits dans le domaine des jeux d'action. Les chiffres de vente attestent de ce succès : plus de 75.000 exemplaires écoulés aux Etats-Unis. Peu de temps après, Fort Apocalypse fait l'objet d'une conversion sur C64 par Joe Vierra. L'adaptation est conforme au pixel près au programme Atari et le résultat commercial du même tonneau. Une version est aussi prévue sur VIC-20 mais il semble que rien n'a jamais été écrit.

En Europe, c'est US Gold, par l'intermédiaire de son label Synsoft, qui s'occupe de la distribution. Pourtant, aucune trace d'une conversion sur CPC ou Spectrum, malgré plusieurs annonces. Le programme ne sera donc sorti que sur deux supports, assez toutefois pour en faire un titre culte sur ces machines et faire connaître Synapse Software.

La société ne s'arrêtera pas là et nous gratifiera de titres particulièrement originaux, tout en faisant preuve d'un style irrévérencieux et décalé dans ses publicités. Citons notamment Alley Cat (les aventures désopilantes d'un chat de gouttière), Blue Max (un Zaxxon-like très réussi), Necromancer (mettant en scène un sorcier et une armée d'arbres) parmi les titres les plus aboutis.

Alley Cat et Necromancer en action !

En attendant peut-être de vous conter un jour l'histoire complète de cette compagnie, j'invite ceux qui ne connaissent pas Fort Apocalypse à essayer ce jeu au plus vite. En plus du plaisir immense qu'il procure, sa valeur historique est incontestable. Les consoles de salon américaines n'ont désormais plus le monopole des jeux d'action !

Atari Frog
(16 mars 2003)
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