Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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- And then, the Ashes were two
Avant de conclure définitivement, il faut évoquer les deux DLC sortis plus ou moins un an après le jeu de base, à quelques mois d'intervalle. Ils se suivent narrativement, et on gagne donc à faire tout d'abord Ashes of Ariandel, puis The Ringed City même si l'on peut y accéder indépendamment l'un de l'autre. Ce sont des zones dont la difficulté est indexée sur celle d'un New Game +, il convient donc d'attendre d'avoir ouvert la voie vers le dernier boss avant de s'y risquer. On accède au premier DLC par l'intermédiaire d'un nouveau personnage apparaissant dans la Cathédrale des Profondeurs, Gael le Chevalier-Esclave. On atteint le second DLC soit en terminant le premier, soit par l'intermédiaire d'un feu apparu au Kiln de la première flamme, juste avant le boss final. Ces deux DLC composent, ainsi, l'ultime contenu préparé pour cette série et font donc office de long épilogue. Le premier est plutôt orienté vers le passé de la série, et poursuit cette thématique de la vie artificiellement prolongée ; le second est plutôt orienté vers l'avenir, et donne des pistes de résolution à certaines des grandes questions que l'on pouvait encore se poser sur l'intrigue. Les DLC se focalisent surtout autour de l'exploration de quelques nouvelles zones, linéairement articulées les unes avec les autres. Ashes of Ariandel nous fait revenir, tout d'abord, dans l'un des niveaux les plus appréciés des fans, le Monde Peint d'Ariamis. Des siècles après notre première traversée de jadis, la peinture a pourri et s'est déchirée, seul un tout petit morceau, dévoré par les larves, existe encore. C'est ce lambeau que Gael, suppliant à genoux dans la Cathédrale des Profondeurs, nous tendra avec déférence. Son maître, qui n'est nul autre que le peintre, cherche un « boute-feu », un être capable de brûler ce monde pour lui permettre de renaître de ses cendres. La quête acceptée (après tout, les feux, ça nous connaît !), nous touchons ce qui reste de la toile et qui nous téléporte en son sein. Bien évidemment, on ne saurait être parfaitement dupe de ce discours rassurant. Un peu plus bas, on trouve un village à l'abandon, hanté par des sortes de poulets miséreux et malades, déplumés, se tordant le ventre et vomissant leurs tripes. Des mouches géantes ont fait leur nid dans la pourriture et il règne une sale ambiance, triste et poisseuse ; je veux dire, encore plus sale, triste et poisseuse que de coutume, ce qui est un exploit compte tenu des standards de cet univers. Un poulet plus alerte nous apprend effectivement qu'ils souffrent le martyre, et qu'il faut absolument que quelqu'un brûle la peinture pour espérer les délivrer de leur infinie agonie. Seulement, quelqu'un empêche le feu de s'aviver... Le nom du coupable ne fera pas de surprise : on trouvera peu après un manoir gardé par le chevalier que je citais plus haut et dans lequel le peintre, maître de Gael, est prisonnier. Ashes of Ariandel est un DLC qui, sans jeu de mots particulier, souffle le chaud et le froid. Le chaud d'abord, parce que son ambiance est intouchable. Cet univers glacé et pourri, ces loups qui nous suivent dans la neige et qui réveillent en nous des peurs primitives de nos ancêtres, ce village de volailles malheureuses que l'on achève par pitié plutôt que par colère, ces mouches en essaim aux yeux globuleux : tout cela est brillant, original et particulièrement charnel, viscéral et dérangeant. Le froid, car tout cela demeure court, bien trop court : on traverse ce monde avec rapidité, il y a peu de secrets à trouver si ce n'est un (médiocre) boss caché qui débloquera un mode « arène », pour se battre avec d'autres joueurs et d'autres joueuses en ligne. Je n'en ai rien dit auparavant, car c'est historiquement Bloodborne qui régularisera le principe, mais la plupart des boss de Dark Souls III connaissent deux phases, la seconde se déclenchant soit à la déplétion de leur première barre de vie, soit à mi-chemin de celle-ci. Ce changement de phase s'accompagne généralement d'une transformation plus ou moins totale des attaques du boss, ou alors de l'apparition d'un autre adversaire ou d'un piège complémentaire. C'est ainsi que les Veilleurs des Abysses nous attaquent d'abord à plusieurs, avant qu'un seul adversaire ne se dresse et enflamme son épée ; que Sulyvahn invoque un clone fantomatique à la moitié de sa vie ; que l'Armure de Tueur de Dragons est assistée à mi-parcours par des genres de papillons géants, qui envoient dans l'arène de dangereux rayons de lumière. La première phase se déroule contre Friede seule, armée d'une gigantesque faux réminiscente, évidemment, de Priscilla de Dark Souls. Le combat est déjà tendu, Friede est très rapide et agressive, esquive beaucoup les attaques et se rend même invisible pour nous donner un coup généralement fatal. Heureusement elle a, toutes choses égales par ailleurs, peu de vie et il est facile de l'attaquer de dos. Ce n'est cependant qu'un amuse-bouche, puisque sa défaite agite le géant flagelleur, le père Ariandel, qui se joint alors à la fête à côté d'une Friede ressuscitée. La seconde phase ressemble dès lors assez à la première d'Ornstein et Smough : Ariandel, lourd et puissant, se traîne en frappant le sol d'une lourde marmite tandis que Friede, toujours aussi agile mais bien moins agressive, volette ci et là. Cette seconde phase peut, selon l'humeur de l'ordinateur, être plus ou moins facile. Parfois, les adversaires se séparent rapidement et il est facile d'attirer Friede dans un coin de l'arène pour, ensuite, revenir vers Ariandel et le frapper dans son dos ; parfois, ils restent collés-serrés, et c'est bien plus dur de faire du dégât. Heureusement, les deux adversaires partagent la même barre de vie, ce qui accélère le combat. Ce tout dernier combat justifierait presque, à lui seul, l'achat et le parcours de ce DLC, même si l'histoire vous indiffère et que l'ambiance ne vous plaît point. Il y a là-dedans comme l'inspiration des futurs jeux de la compagnie, une inflexion notable de la façon dont ils conçoivent, à présent, leurs boss. Lady Maria, dans le contenu additionnel de Bloodborne, sort du même moule mais la façon dont Friede est écrite, cette troisième phase surprise sortit du chapeau, l'histoire du personnage et la façon dont elle s'ente intelligemment avec le premier jeu, tout cela fait de ce boss un très, très grand moment de jeu vidéo, et l'un des sommets les plus beaux de toute la série des Souls à mon goût. Si Dark Souls III, le jeu de base s'entend, était une sorte de jeu-somme de la saga, et si Ashes of Ariandel proposait un épilogue au devenir d'Ariamis, ce second et dernier DLC tire, quant à lui, le bilan général de l'ensemble et fait tout se confronter, comme si on écrivait une synthèse conclusive et une ouverture après une longue dissertation. Il y a là, pour ainsi dire, tout, véritablement tout ce qu'est et était Dark Souls, et le résultat est un quasi sans faute. La première moitié du DLC, dans le Capharnaüm des Confins, se présente comme une zone linéaire. L'on commence notre exploration dans des ruines cendreuses avant de se retrouver dans un marais empoisonné. Il s'agit, en vérité, de l'Aiguille de Terre de Dark Souls II qui, crevée et effondrée, a déversé toute sa puanteur dans une vallée montagneuse. Là, des créatures étranges, sortes de larves piégées au sol, invoquent des anges qui nous transpercent de rayons lumineux. C'est l'un des passages les plus frustrants du DLC hélas, tant les dégâts peuvent être vraiment importants si nous ne parvenons pas à trouver un refuge à temps. Encore, un patch a considérablement amoindri l'effet : la chose était proverbialement énervante lors de la sortie du contenu additionnel. La Cité Enclavée compose une zone plus entortillée que le Capharnaüm, où l'on débloque plusieurs raccourcis successifs revenant au sein d'une tour centrale. Des soldats au symbole d'éclipse parcourent inlassablement les rues que l'on croit au commencement immaculées, mais qui s'avèrent finalement rongées par les plantes et les marécages. En descendant dans les faubourgs, on rencontre le dragon Midir, dernier de sa race, qui garde un pont de ses flammes. Le lézard avait pour mission de vaincre les abysses mais, comme toutes celles et ceux qui s'y sont essayés, il a fini par y succomber. Heureusement, sa garde n'est pas infaillible et le chemin mène à des catacombes peuplées de squelettes puis, par un autre détour, à une église qui semble être notre objectif véritable. Dedans, un combat de boss particulier se lance. Si nous jouons en ligne, la partie invoque un autre personnage humain pour nous affronter ; sinon, un boss spécifique, un mage plutôt mobile, est convoqué à sa place. On comprendra dès lors que selon le joueur ou la joueuse que l'on affronte, ce boss peut être soit le plus simple de tous, soit le plus difficile ; mais il s'agit surtout d'un joli clin d'œil à Demon's Souls le vénérable, qui faisait jadis la même chose. Comme on le voit, je n'avais pas menti en disant qu'on avait là « tout ». On a des démons, des chevaliers, des marais empoisonnés, des ruines, des cendres, Lige-Feu de Dark Souls, l'Aiguille de Terre de Dark Souls II, des dragons qui enflamment des ponts, un combat en duo, des catacombes, un duel tendu avec un chevalier à la grosse épée... eh, en plissant bien les yeux, vous arriverez peut-être même à retrouver Patches, qui doit bien être quelque part. Tout est là, mais tout est comme compressé, comprimé, de la même façon que ce monde s'écroule sur lui-même. The Ringed City est, pour ainsi dire, un reader's digest des trois jeux et le summum du savoir-faire de From Software. Je ne trouve à ce DLC que deux défauts : d'une part, ces anges et leurs rayons lumineux qui frustrent toujours, la première fois comme les suivantes ; d'autre part, la distance séparant le second et le troisième feu de la cité est considérable, bien plus long que ce qu'on a dans le reste de l'aventure, et les ennemis sont un peu trop pugnaces. Il vaut mieux, en arrivant, tracer sa route et activer les feux de camp au plus vite, quitte à revenir ensuite pour explorer tout cela. Tout, dans ce combat, est réussi. L'ambiance nocturne et désespérée, désespérante, les combattants fondant l'un sur l'autre au milieu de l'apocalypse alors qu'il n'y a plus rien à sauver. Le dialogue précédent la rencontre, bref mais oh combien pesant de sens. La musique extraordinaire, qui a des échos de conclusion grandiloquente et de mélancolie sourde. Surtout, Gael lui-même. Comme je l'ai lu en ligne, les boss de jeux vidéo, généralement, ne font que suivre leur programmation. Gael, lui, nous hait. Il y a une colère, une hargne, une violence supplémentaire dans son animation qu'aucun autre ennemi du jeu ne partage. Dans sa première phase, il est tout animal, se déplaçant à quatre pattes comme un chien enragé. Il se redresse à mi-parcours, son dos se raidit et il avance maintenant à pas plus mesurés, et alterne entre un espadon gigantesque et une arbalète à répétition. Une fois Gael battu, il y a peu de choses à faire encore dans le jeu. Si vous n'avez pas tué Midir, il est temps de l'affronter. C'est un combat particulièrement long, comme le boss a le plus grand nombre de points de vie de toute la saga, mais il n'est pas particulièrement difficile une fois que l'on a su repérer ses différentes attaques et comprendre qu'il fallait rester face à lui, et viser la tête en priorité. De loin, il s'agit du combat de dragon le plus beau de la série, même si Kalameet, dans le DLC du premier Dark Souls, est sans doute le plus intéressant en termes de gameplay et de rythme. Sinon, il y a une petite énigme à résoudre dans le marécage, et puis rien. Si vous avez fini Ashes of Ariandel, vous pouvez revenir voir le peintre et lui confier l'essence de l'âme ténébreuse : vous donnerez ainsi du sens à la quête éternelle de Gael et permettrez à un nouveau monde, « froid et doux », de voir le jour. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi aspiré, et inspiré, par un jeu. Son histoire, qui parle de la fin des choses, de leur départ, de la nécessité de se dire « adieu » a résonné fort avec mon parcours personnel. Son gameplay, vite et audacieux, m'a totalement plu et énergisé. Ses décors, son ambiance, ses animations, ses boss, ses musiques, m'ont transporté bien, bien au-delà de ce que je croyais possible. Il est devenu, avec une brillance et une gaillardise improbables, l'un de mes jeux favoris de tous les temps. Au-delà de mon histoire personnelle et si je regagne, autant que faire se peut, un peu d'objectivité, Dark Souls III reste tout de même l'un des candidats les mieux placés pour le titre de meilleur jeu d'action-aventure de mémoire récente, voire de l'histoire, et il est sans doute l'un des meilleurs soulsborne de From Software peut-être, en général sans doute. Je répète ce que je disais précédemment, je le crois être la meilleure introduction au genre, comme il sait se faire moins punitif que les autres, plus clair, mieux dirigé et mieux dirigiste, sans pourtant renier sa roublardise, ses exigences et son inventivité. Pour ainsi dire il est, à mon goût, le mieux réussi des Dark Souls. Il faut dès lors rappeler une ultime fois les enjeux de Dark Souls III, qui avait la charge et de passer après un épisode controversé, et de conclure définitivement ce chapitre de la vie du média. Alors certes, il échoue occasionnellement, les boss ne sont pas tous très inspirés, certains niveaux sont un peu plus plats que les autres, les weapon arts sont loin d'être exploités à leur plein potentiel, certains clins d'œil, plus appuyés que les autres, confinent au laborieux. Mais à côté de cela, il réussit souvent, et réussit extraordinairement. Les jeux vidéo, on le sait depuis longtemps, sont davantage que la somme de leurs parties. Et le bilan, en fin de course, est très largement en faveur du produit fini. Ce n'est peut-être pas un jeu parfait, mais ce que From Software a su faire ici était impossible à prévoir, et il a déjoué tous les pronostics. MTF
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