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Dark Souls III
Année : 2016
Système : Windows, Playstation 4, Xbox One
Développeur : From Software
Éditeur : Bandai Namco
Genre : Action / RPG / Aventure
- And then, the Ashes were two

Avant de conclure définitivement, il faut évoquer les deux DLC sortis plus ou moins un an après le jeu de base, à quelques mois d'intervalle. Ils se suivent narrativement, et on gagne donc à faire tout d'abord Ashes of Ariandel, puis The Ringed City même si l'on peut y accéder indépendamment l'un de l'autre. Ce sont des zones dont la difficulté est indexée sur celle d'un New Game +, il convient donc d'attendre d'avoir ouvert la voie vers le dernier boss avant de s'y risquer. On accède au premier DLC par l'intermédiaire d'un nouveau personnage apparaissant dans la Cathédrale des Profondeurs, Gael le Chevalier-Esclave. On atteint le second DLC soit en terminant le premier, soit par l'intermédiaire d'un feu apparu au Kiln de la première flamme, juste avant le boss final.
Ces deux DLC composent, ainsi, l'ultime contenu préparé pour cette série et font donc office de long épilogue. Le premier est plutôt orienté vers le passé de la série, et poursuit cette thématique de la vie artificiellement prolongée ; le second est plutôt orienté vers l'avenir, et donne des pistes de résolution à certaines des grandes questions que l'on pouvait encore se poser sur l'intrigue.

Gael n'apparaît dans la Cathédrale que si on a acheté le DLC correspondant, et il faut le finir ou finir le jeu de base pour accéder au second DLC.

Les DLC se focalisent surtout autour de l'exploration de quelques nouvelles zones, linéairement articulées les unes avec les autres. Ashes of Ariandel nous fait revenir, tout d'abord, dans l'un des niveaux les plus appréciés des fans, le Monde Peint d'Ariamis. Des siècles après notre première traversée de jadis, la peinture a pourri et s'est déchirée, seul un tout petit morceau, dévoré par les larves, existe encore. C'est ce lambeau que Gael, suppliant à genoux dans la Cathédrale des Profondeurs, nous tendra avec déférence. Son maître, qui n'est nul autre que le peintre, cherche un « boute-feu », un être capable de brûler ce monde pour lui permettre de renaître de ses cendres. La quête acceptée (après tout, les feux, ça nous connaît !), nous touchons ce qui reste de la toile et qui nous téléporte en son sein.
Le monde peint a bien changé, depuis notre dernière visite. L'on commence notre exploration par une vaste toundra dans laquelle des loups affamés rôdent et où quelques grands guerriers, sortes de vikings colosses, veillent sur des ruines à l'âge indéterminé. Une fois la zone franchie, nous traversons un pont branlant menant à une petite église. Là, protégée par un chevalier guère accorte, une jeune nonne du nom de Friede nous salue, mais nous enjoint à repartir. Il n'y a nul besoin de feu ici, nous dit-on : ce monde est paisible, et il ne faut le perturber.

Bien sûr, toucher le bout pourri d'une peinture magique dans une cathédrale glauque n'aura strictement aucuneWOUAAAaaaaaaa... !

Bien évidemment, on ne saurait être parfaitement dupe de ce discours rassurant. Un peu plus bas, on trouve un village à l'abandon, hanté par des sortes de poulets miséreux et malades, déplumés, se tordant le ventre et vomissant leurs tripes. Des mouches géantes ont fait leur nid dans la pourriture et il règne une sale ambiance, triste et poisseuse ; je veux dire, encore plus sale, triste et poisseuse que de coutume, ce qui est un exploit compte tenu des standards de cet univers. Un poulet plus alerte nous apprend effectivement qu'ils souffrent le martyre, et qu'il faut absolument que quelqu'un brûle la peinture pour espérer les délivrer de leur infinie agonie. Seulement, quelqu'un empêche le feu de s'aviver... Le nom du coupable ne fera pas de surprise : on trouvera peu après un manoir gardé par le chevalier que je citais plus haut et dans lequel le peintre, maître de Gael, est prisonnier.
Le chemin nous mène ensuite à une petite région montagneuse puis, par l'intermédiaire de catacombes infestées de mouches géantes, nous revenons à l'église de Friede, en ayant ouvert un nouveau passage. Là, nous y trouvons un géant malformé qui éteint une flamme de son sang en se flagellant violemment. La scène, grotesque, est rapidement interrompue par Friede, qui avance menaçamment avec une faux gigantesque. Bien évidemment, elle est la véritable artisane de ce projet et le dernier obstacle à vaincre dans ce contenu additionnel.

La froideur de Friede contraste avec la douleur de ces poulets souffreteux. Il est difficile de rester de marbre face à tant de désespoir.

Ashes of Ariandel est un DLC qui, sans jeu de mots particulier, souffle le chaud et le froid. Le chaud d'abord, parce que son ambiance est intouchable. Cet univers glacé et pourri, ces loups qui nous suivent dans la neige et qui réveillent en nous des peurs primitives de nos ancêtres, ce village de volailles malheureuses que l'on achève par pitié plutôt que par colère, ces mouches en essaim aux yeux globuleux : tout cela est brillant, original et particulièrement charnel, viscéral et dérangeant. Le froid, car tout cela demeure court, bien trop court : on traverse ce monde avec rapidité, il y a peu de secrets à trouver si ce n'est un (médiocre) boss caché qui débloquera un mode « arène », pour se battre avec d'autres joueurs et d'autres joueuses en ligne.
J'ai cependant accepté volontiers ce défaut, qui dans un autre endroit aurait volontiers été rédhibitoire, non seulement pour la qualité générale de l'histoire et la façon dont elle prolonge les thématiques du jeu premier, mais surtout pour le combat contre Sœur Friede qui est, à ce jour, peut-être mon combat de boss favori de la série.

Le thème hivernal est l'occasion d'un très joli travail esthétique, jouant sur le clair-obscur ou les teintes bleutées. Ce sont des ambiances nouvelles pour le jeu, puisque même Irithyll n'allait pas aussi loin ici.

Je n'en ai rien dit auparavant, car c'est historiquement Bloodborne qui régularisera le principe, mais la plupart des boss de Dark Souls III connaissent deux phases, la seconde se déclenchant soit à la déplétion de leur première barre de vie, soit à mi-chemin de celle-ci. Ce changement de phase s'accompagne généralement d'une transformation plus ou moins totale des attaques du boss, ou alors de l'apparition d'un autre adversaire ou d'un piège complémentaire. C'est ainsi que les Veilleurs des Abysses nous attaquent d'abord à plusieurs, avant qu'un seul adversaire ne se dresse et enflamme son épée ; que Sulyvahn invoque un clone fantomatique à la moitié de sa vie ; que l'Armure de Tueur de Dragons est assistée à mi-parcours par des genres de papillons géants, qui envoient dans l'arène de dangereux rayons de lumière.
Tous les boss du jeu se prêtent à cela, et c'est une convention à présent farouchement intégrée dans le design général des jeux de From Software. C'est une excellente idée, qui permet de dynamiser des affrontements qui auraient pu être, sinon, un peu plans par manque de variété. Eh bien, Sœur Friede est peut-être à ce jour le seul ou l'un des seuls boss à avoir non pas deux, mais bien trois phases franchement distinctes les unes des autres.

Le design de Friede et du Père Ariandel, sortes de Laurel et Hardy venus du froid, est extraordinaire, sans doute l'un des meilleurs de la série à mon goût.

La première phase se déroule contre Friede seule, armée d'une gigantesque faux réminiscente, évidemment, de Priscilla de Dark Souls. Le combat est déjà tendu, Friede est très rapide et agressive, esquive beaucoup les attaques et se rend même invisible pour nous donner un coup généralement fatal. Heureusement elle a, toutes choses égales par ailleurs, peu de vie et il est facile de l'attaquer de dos. Ce n'est cependant qu'un amuse-bouche, puisque sa défaite agite le géant flagelleur, le père Ariandel, qui se joint alors à la fête à côté d'une Friede ressuscitée. La seconde phase ressemble dès lors assez à la première d'Ornstein et Smough : Ariandel, lourd et puissant, se traîne en frappant le sol d'une lourde marmite tandis que Friede, toujours aussi agile mais bien moins agressive, volette ci et là. Cette seconde phase peut, selon l'humeur de l'ordinateur, être plus ou moins facile. Parfois, les adversaires se séparent rapidement et il est facile d'attirer Friede dans un coin de l'arène pour, ensuite, revenir vers Ariandel et le frapper dans son dos ; parfois, ils restent collés-serrés, et c'est bien plus dur de faire du dégât. Heureusement, les deux adversaires partagent la même barre de vie, ce qui accélère le combat.
Lorsqu'enfin Ariandel et Friede chutent, la première fois, on a sans doute épuisé l'intégralité de nos ressources. Le jeu semble nous remercier : on gagne une tablette de titanite, le silence tombe dans l'arène... mais on sent déjà que quelque chose cloche. Nous ne recevons aucune âme, le message de victoire traditionnel ne s'affiche pas et, surtout, une voix monte des profondeurs. Aors, ressuscitée une dernière fois comme Friede la Flamme Noire, la nonne se relève une fois encore... et nous tue généralement assez vite, tant elle est particulièrement cruelle. Sa première attaque, qui la voit s'élever dans des volutes de fumées noires, rester un instant en apesanteur puis chuter sur nous tel un météore, est aussi magnifique que mortelle. Si on survit à cet assaut premier, il faudra composer avec de nouvelles attaques à distance, d'autres qui nous gèlent et retardent, ce faisant, notre régénération d'endurance, et une vitesse de frappe plus élevée encore.

La seconde phase est réussie, mais alors cette troisième, qui commence par ces arabesques de fumées noires, est terrifiante de beauté.

Ce tout dernier combat justifierait presque, à lui seul, l'achat et le parcours de ce DLC, même si l'histoire vous indiffère et que l'ambiance ne vous plaît point. Il y a là-dedans comme l'inspiration des futurs jeux de la compagnie, une inflexion notable de la façon dont ils conçoivent, à présent, leurs boss. Lady Maria, dans le contenu additionnel de Bloodborne, sort du même moule mais la façon dont Friede est écrite, cette troisième phase surprise sortit du chapeau, l'histoire du personnage et la façon dont elle s'ente intelligemment avec le premier jeu, tout cela fait de ce boss un très, très grand moment de jeu vidéo, et l'un des sommets les plus beaux de toute la série des Souls à mon goût.
Il est cependant dommage que ce final ne fasse pas totalement oublier la déception du reste du DLC, de ses plaines vides, de sa faible durée de vie et du fait que Friede demeure le seul véritable boss de la zone. L'autre, dont je parlais plus haut, tombe si vite, et est si peu intéressant, qu'il aurait très bien pu être une invasion classique. Lorsque je revins à ce DLC, j'ai ainsi souvent tracé jusqu'à Friede sans me préoccuper du reste et je regrette encore qu'il n'y ait pas la possibilité de relancer un combat de boss comme nous le souhaitons, quitte à n'obtenir aucune récompense, tant j'adore chaque seconde de ce combat.

Friede et Ariandel morts, et les mouches détruites, le peintre peut enfin se mettre au travail... mais il lui manque un pigment essentiel.
- Ahh, is this the blood? The blood of the dark soul?

The Ringed City est, en revanche, pas loin d'être l'une des meilleures expériences du jeu et un très bon DLC, qui parvient à mâtiner narration passionnante, ambiance magnifique et intérêt de jeu. Ce contenu additionnel est divisé en deux zones, la première linéaire, l'autre plus entortillée. Nous sommes loin dans le futur, dans un monde où la flamme a été encore et encore ravivée, mais où son pouvoir fédérateur est quasiment inexistant. Tous les pays de l'univers se concassent les uns sur les autres dans le Capharnaüm des Confins, un mic-mac de bâtisses écroulées, de temples détruits, de royaumes oubliés, habité par des ombres maudites et des chevaliers hagards qui ne se souviennent plus très bien à qui va leur allégeance. Seule, cependant, une ville perdue semble résister à l'effondrement du temps et de l'espace : la Cité Enclavée, donnée jadis par Gwyn aux Pygmées, descendants de l'humanité. Elle pourrait bien détenir le secret de l'âme ténébreuse et, enfin, nous éclairer sur le devenir des humains.
Si Dark Souls III, le jeu de base s'entend, était une sorte de jeu-somme de la saga, et si Ashes of Ariandel proposait un épilogue au devenir d'Ariamis, ce second et dernier DLC tire, quant à lui, le bilan général de l'ensemble et fait tout se confronter, comme si on écrivait une synthèse conclusive et une ouverture après une longue dissertation. Il y a là, pour ainsi dire, tout, véritablement tout ce qu'est et était Dark Souls, et le résultat est un quasi sans faute.

Au-delà du désert de poussière, la Cité Enclavée résiste, envers et contre tout, aux affres du sort.

La première moitié du DLC, dans le Capharnaüm des Confins, se présente comme une zone linéaire. L'on commence notre exploration dans des ruines cendreuses avant de se retrouver dans un marais empoisonné. Il s'agit, en vérité, de l'Aiguille de Terre de Dark Souls II qui, crevée et effondrée, a déversé toute sa puanteur dans une vallée montagneuse. Là, des créatures étranges, sortes de larves piégées au sol, invoquent des anges qui nous transpercent de rayons lumineux. C'est l'un des passages les plus frustrants du DLC hélas, tant les dégâts peuvent être vraiment importants si nous ne parvenons pas à trouver un refuge à temps. Encore, un patch a considérablement amoindri l'effet : la chose était proverbialement énervante lors de la sortie du contenu additionnel.
Cette première moitié s'achève par un duel face à deux démons flamboyants, devenant un seul dans leur seconde phase. Les attaques de celui-ci, par ailleurs, dépendent de qui est tué en dernier lors de la première. C'est en explorant l'arène, après leur mort, que l'on se rend compte que nous combattions à Lige-Feu, celui du tout premier Dark Souls ; et il nous faut pénétrer dans la stèle d'où émergeait jadis Frampt pour atteindre la Cité Enclavée, grâce aux démons blancs qui nous conduisaient alors à Anor Londo.

Le retour inattendu de Dark Souls II, par la petite porte certes, est un hommage précieux à un jeu qui, malgré tous ses défauts, a su imprimer sa marque.
Le Prince Démon est un combat très rapide, frénétique même, et foutraque parfois.

La Cité Enclavée compose une zone plus entortillée que le Capharnaüm, où l'on débloque plusieurs raccourcis successifs revenant au sein d'une tour centrale. Des soldats au symbole d'éclipse parcourent inlassablement les rues que l'on croit au commencement immaculées, mais qui s'avèrent finalement rongées par les plantes et les marécages. En descendant dans les faubourgs, on rencontre le dragon Midir, dernier de sa race, qui garde un pont de ses flammes. Le lézard avait pour mission de vaincre les abysses mais, comme toutes celles et ceux qui s'y sont essayés, il a fini par y succomber. Heureusement, sa garde n'est pas infaillible et le chemin mène à des catacombes peuplées de squelettes puis, par un autre détour, à une église qui semble être notre objectif véritable. Dedans, un combat de boss particulier se lance. Si nous jouons en ligne, la partie invoque un autre personnage humain pour nous affronter ; sinon, un boss spécifique, un mage plutôt mobile, est convoqué à sa place. On comprendra dès lors que selon le joueur ou la joueuse que l'on affronte, ce boss peut être soit le plus simple de tous, soit le plus difficile ; mais il s'agit surtout d'un joli clin d'œil à Demon's Souls le vénérable, qui faisait jadis la même chose.
L'ultime moment du DLC nous conduit, ni plus ni moins, qu'à la fin des temps. Le monde n'est plus que cendres, il n'y a plus rien : ni monstres, ni ruines, ni royaumes, plus rien. La flamme, ravivée encore et encore, crépite à peine. Cependant, un dernier chevalier hargneux, en vie depuis des millénaires, décime méthodiquement les ultimes survivants. Il s'agit, ni plus ni moins, de Gael, le Chevalier-Esclave qui nous parla, jadis, du monde peint et de sa souffrance. Le peintre, libéré de l'influence d'Ariandel et de Friede, cherche à produire une nouvelle peinture mais il lui faut, pour cela, de l'essence d'âme ténébreuse. Elle ne se trouve que chez les descendantes et descendants du Pygmée, autrement dit, chez les humains ; et Gael a passé l'éternité à traquer et à tuer qui pouvait aider son maître. Au moment où il transperce sa dernière cible, ses yeux se portent sur nous : et là, dans ce néant de poussière qui fut, jadis, Dark Souls, tout Dark Souls, Lothric, Anor Londo, Gwyn, André, Sulyvahn, les dragons et les démons, le poison et le feu, les deux derniers humains se toisent et se mesurent dans un combat à mort qui n'a plus aucun enjeu.

J'ai été saisi à la gorge, lorsque j'ai vu la scène la fois première. Quel final magistral...

Comme on le voit, je n'avais pas menti en disant qu'on avait là « tout ». On a des démons, des chevaliers, des marais empoisonnés, des ruines, des cendres, Lige-Feu de Dark Souls, l'Aiguille de Terre de Dark Souls II, des dragons qui enflamment des ponts, un combat en duo, des catacombes, un duel tendu avec un chevalier à la grosse épée... eh, en plissant bien les yeux, vous arriverez peut-être même à retrouver Patches, qui doit bien être quelque part. Tout est là, mais tout est comme compressé, comprimé, de la même façon que ce monde s'écroule sur lui-même. The Ringed City est, pour ainsi dire, un reader's digest des trois jeux et le summum du savoir-faire de From Software. Je ne trouve à ce DLC que deux défauts : d'une part, ces anges et leurs rayons lumineux qui frustrent toujours, la première fois comme les suivantes ; d'autre part, la distance séparant le second et le troisième feu de la cité est considérable, bien plus long que ce qu'on a dans le reste de l'aventure, et les ennemis sont un peu trop pugnaces. Il vaut mieux, en arrivant, tracer sa route et activer les feux de camp au plus vite, quitte à revenir ensuite pour explorer tout cela.
Tout le reste est un véritable régal à arpenter. Les ennemis sont féroces mais toujours agréables à combattre, l'intrigue est fascinante et dévoile des pans d'ombre qui n'avaient été, jadis, que suggérés, l'ambiance est incomparable. Enfin et surtout, les combats de boss sont vraiment très, très bons. Celui de l'église est bien entendu particulier, je le mets de côté : mais les deux démons sont très stimulants, bien que foutraques ; le dragon Midir, que l'on trouve dans un passage secret, est peut-être ce que From Software a fait de mieux dans le genre depuis le commencement, tant en spectacle qu'en jouabilité ; Gael, enfin, est la vedette du DLC de la même façon que Friede l'était pour le précédent.

Midir s'affronte en deux temps : tout d'abord sur une corniche, en se protégeant derrière un relief rocheux, puis au fond d'une caverne.

Tout, dans ce combat, est réussi. L'ambiance nocturne et désespérée, désespérante, les combattants fondant l'un sur l'autre au milieu de l'apocalypse alors qu'il n'y a plus rien à sauver. Le dialogue précédent la rencontre, bref mais oh combien pesant de sens. La musique extraordinaire, qui a des échos de conclusion grandiloquente et de mélancolie sourde. Surtout, Gael lui-même. Comme je l'ai lu en ligne, les boss de jeux vidéo, généralement, ne font que suivre leur programmation. Gael, lui, nous hait. Il y a une colère, une hargne, une violence supplémentaire dans son animation qu'aucun autre ennemi du jeu ne partage. Dans sa première phase, il est tout animal, se déplaçant à quatre pattes comme un chien enragé. Il se redresse à mi-parcours, son dos se raidit et il avance maintenant à pas plus mesurés, et alterne entre un espadon gigantesque et une arbalète à répétition.
Ce combat est épuisant, mais c'est un autre type de fatigue que Friede. C'est, surtout, le test ultime, le dernier challenge qu'il nous faut surmonter. Là, il faut mettre à profit tout ce qu'on a pu apprendre et même y ajouter une sévère dose de volonté : impossible de bloquer ses attaques, elles sont trop violentes et trop fréquentes pour espérer répliquer entre deux enchaînements. Il faut rouler, aller au contact, taper et se retirer, tout ça dans une chorégraphie millimétrée et sans hésiter une seule seconde. Le jeu en vaut la chandelle, croyez-moi : et il serait dommage de jouer à Dark Souls III sans connaître cette extase et ce frisson en voyant le Chevalier-Esclave s'avancer comme s'il ne cherchait pas seulement à frapper votre avatar, mais aussi à vous atteindre derrière l'écran.

Si vous trouviez le jeu trop difficile en arrivant dans le DLC, vous n'avez en vérité rien vu. Combattre Gael est une épreuve éreintante, qui vous laissera avec le souffle court.

Une fois Gael battu, il y a peu de choses à faire encore dans le jeu. Si vous n'avez pas tué Midir, il est temps de l'affronter. C'est un combat particulièrement long, comme le boss a le plus grand nombre de points de vie de toute la saga, mais il n'est pas particulièrement difficile une fois que l'on a su repérer ses différentes attaques et comprendre qu'il fallait rester face à lui, et viser la tête en priorité. De loin, il s'agit du combat de dragon le plus beau de la série, même si Kalameet, dans le DLC du premier Dark Souls, est sans doute le plus intéressant en termes de gameplay et de rythme. Sinon, il y a une petite énigme à résoudre dans le marécage, et puis rien. Si vous avez fini Ashes of Ariandel, vous pouvez revenir voir le peintre et lui confier l'essence de l'âme ténébreuse : vous donnerez ainsi du sens à la quête éternelle de Gael et permettrez à un nouveau monde, « froid et doux », de voir le jour.
Après cela, si vous n'aviez pas encore battu le boss du jeu de base, il est temps de le faire : inutile de vous dire qu'il ne vous donnera pas de soucis si vous avez su vaincre Friede et Gael. Ce dernier adversaire est l'Esprit des Cendres, sorte de manifestation désespérée de toutes celles et ceux qui ont ravivé la première flamme. La première phase, assez usante, alterne entre plusieurs classes de personnages (guerrier, pyromancien, sorcier, etc.) et vous demande de varier vous-même la cadence. La seconde, quant à elle, est une revanche contre Gwyn, le boss reprenant une grande partie de ses mouvements du premier jeu. On vous propose alors de commencer un New Game +, mais l'on peut refuser si vous aviez des choses à terminer. Le NG+, comme de coutume, augmente la difficulté générale du jeu : les ennemis ont plus de vie, font plus de dégâts, il y a quelques anneaux en plus mais le jeu demeure, sinon, strictement identique. La difficulté progressera jusqu'au septième cycle, puis demeurera à ce plateau ; mais il ne suffira que de faire trois tours pour trouver, je crois, tous les objets et transposer toutes les armes de boss.

L'arène du dernier boss, sur fond d'éclipse et de ciel déchiré, est magnifique et le combat lui-même est un beau challenge, qui vous demandera d'exploiter tout ce que vous avez appris au long du jeu.
- ...My time has come, has it?

Pour vous faire une confidence, je ne pensais pas écrire autant sur Dark Souls III en me lançant dans cet article, tout comme je ne pensais pas passer autant d'heures sur le jeu lorsque je l'ai lancé la première fois. J'avais passé un peu plus de cent heures sur le tout premier, et je découvrais les jeux From Software ; soixante-dix sur Dark Souls II, qui ne m'avait pas tout à fait convaincu. J'ai passé presque 150 heures sur Dark Souls III, poussant jusqu'au quatrième cycle avant de m'ennuyer : malgré les bonds de difficulté, je n'y trouvais plus de challenge et je tuais les boss du premier ou du deuxième coup, sans forcer. Ce monde n'avait plus besoin de moi.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi aspiré, et inspiré, par un jeu. Son histoire, qui parle de la fin des choses, de leur départ, de la nécessité de se dire « adieu » a résonné fort avec mon parcours personnel. Son gameplay, vite et audacieux, m'a totalement plu et énergisé. Ses décors, son ambiance, ses animations, ses boss, ses musiques, m'ont transporté bien, bien au-delà de ce que je croyais possible. Il est devenu, avec une brillance et une gaillardise improbables, l'un de mes jeux favoris de tous les temps.

J'ai peu parlé des factions, comme je n'ai quasiment pas joué en ligne, mais elles sont toujours de la partie. Certaines sont mêmes plutôt dures à trouver.

Au-delà de mon histoire personnelle et si je regagne, autant que faire se peut, un peu d'objectivité, Dark Souls III reste tout de même l'un des candidats les mieux placés pour le titre de meilleur jeu d'action-aventure de mémoire récente, voire de l'histoire, et il est sans doute l'un des meilleurs soulsborne de From Software peut-être, en général sans doute. Je répète ce que je disais précédemment, je le crois être la meilleure introduction au genre, comme il sait se faire moins punitif que les autres, plus clair, mieux dirigé et mieux dirigiste, sans pourtant renier sa roublardise, ses exigences et son inventivité. Pour ainsi dire il est, à mon goût, le mieux réussi des Dark Souls.
Le mieux réussi peut-être, mais paradoxalement, il n'est pas le meilleur. La couronne reste au vénérable Dark Souls, tout premier du nom. Malgré son caractère mal dégrossi, malgré ses incertitudes parfois, malgré une deuxième moitié, après Anor Londo, bien moins engageante et bien plus maladroite, il demeure génial dans ses propositions, dans son intelligence, dans la surprise constante qu'il impose au joueur. C'est celui qui reste et restera, je crois, dans l'histoire, comme le jeu génial qui révolutionna l'industrie.

Au bout de 150 heures de jeu, voilà mon personnage final. Je me suis arrêté au niveau 266, avec une épée large, une armure lourde et la couronne du Roi Sans Nom, avec des cheveux (parce que je la trouve classe).

Il faut dès lors rappeler une ultime fois les enjeux de Dark Souls III, qui avait la charge et de passer après un épisode controversé, et de conclure définitivement ce chapitre de la vie du média. Alors certes, il échoue occasionnellement, les boss ne sont pas tous très inspirés, certains niveaux sont un peu plus plats que les autres, les weapon arts sont loin d'être exploités à leur plein potentiel, certains clins d'œil, plus appuyés que les autres, confinent au laborieux. Mais à côté de cela, il réussit souvent, et réussit extraordinairement. Les jeux vidéo, on le sait depuis longtemps, sont davantage que la somme de leurs parties. Et le bilan, en fin de course, est très largement en faveur du produit fini. Ce n'est peut-être pas un jeu parfait, mais ce que From Software a su faire ici était impossible à prévoir, et il a déjoué tous les pronostics.
Depuis le début des années 2010, le discours critique sur le jeu vidéo a été obnubilé par Dark Souls. Un jeu un tant soit peu difficile, ou qui demande une certaine exigence, est toujours comparé à ce modèle, à tort ou à raison. Sans doute, cela ne changera pas de sitôt. Mais avec Dark Souls III, From Software a clos ce chapitre de leur vie. Sekiro ou Elden Ring ne sont plus Dark Souls. La flamme s'est éteinte, et autre chose est apparue à sa place. On peut le regretter : mais il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte. Et, loué soit le soleil, que cette compagnie fut bonne.

Si vous parvenez à rendre la vue à la Gardienne du Feu, elle acceptera de laisser le feu original s'éteindre, ce qui plongera le monde dans les ténèbres. Ses derniers mots (« Ashen One, hearest thou my voice, still? », « Morteflamme, entendez-vous encore ma voix ? ») m'ont déchiré comme peu d'œuvres ont su le faire.

MTF
(26 décembre 2023)