Actualité de l'émulation [contenu fourni par Emu-France]
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Par François (04 septembre 2006)
Publicité et jeux vidéo : voilà une association qui ne manque pas de heurter la sensibilité de nombreux joueurs. L'accroissement de la présence des marques dans les genres les plus variés est pourtant une réalité tangible et l'intérêt suscité auprès des annonceurs ne fait qu'accentuer cette tendance. Confrontés à ce phénomène, les plus "anciens" d'entre nous pourraient être tentés de se laisser aller à la nostalgie d'une époque révolue où les éditeurs ne se seraient jamais permis de telles pratiques : ce serait commettre une regrettable erreur d'appréciation et des titres comme Tapper, sorti en 1983, se chargent de nous le rappeler... Dans ce jeu développé par Bally Midway, vous incarnez un serveur des établissements Budweiser. Votre mission : assurer le bon fonctionnement de plusieurs bars aux thématiques diverses, en servant des bières aux clients des différents comptoirs jusqu'à ce que cuite s'ensuive. Pour accomplir cette noble mission, la borne d'arcade (dont le design est un hommage vibrant à nos chers débits de boisson), comporte un levier (le "tapper" du titre), qu'il faut abaisser pour remplir une choppe au fût le plus proche et relâcher pour faire glisser la bière jusqu'au client du comptoir correspondant. Une fois que tous les consommateurs ont vidé les lieux, vous passez au tableau suivant afin de poursuivre vos bonnes œuvres. Le concept de Tapper a beau être original, on se voit mal accomplir la même action répétitive pendant des heures. Heureusement, les développeurs de chez Bally Midway se sont creusé la tête afin d'apporter divers aménagements enrichissant sensiblement le gameplay. Dur dur d'être un Barman.Votre job est effectivement soumis à quelques contraintes :
À côté de toutes ces contraintes, vous avez quelques atouts à faire valoir en tant que serveur :
En route pour la tournée des bars !Tapper comporte treize stages divisés en quatre types de bars : le Saloon, le Stade, Le Squat Punk et enfin le Spatioport (les développeurs ont visiblement trop forcé sur la boisson...). Lorsque vous parvenez à la fin des 13 stages, le jeu repart depuis le premier tableau avec une difficulté accrue, pratique courante au début des années 80. Les graphismes proposés sont assez colorés, sans être renversants, et la clientèle à gérer est agréablement variée selon les niveaux : chaque consommateur possède des mimiques qui lui sont propres et sur lesquelles vous n'aurez pas trop le temps de vous attarder, étant donné le rythme trépidant de l'action. Pour la petite anecdote, le personnage du barman (que l'on retrouve également dans deux autres jeux développés par Bally Midway : Domino Man et Timber) est basé sur un véritable employé de Midway, Mike Ferris, doté de la même moustache et du même crâne dégarni : curieuse façon de passer à la postérité... Avant chaque changement d'environnement, vous avez droit à un bonus round dans lequel vous êtes confronté à un vilain galopin masqué ! S'amusant à secouer toutes les cannettes de bière se trouvant sous votre nez, sauf une. C'est cette dernière qu'il faut ouvrir, mais l'affreux garnement vous gratifie aussi d'un numéro de bonneteau compliquant singulièrement la tâche. Avec un peu d'attention, vous pourrez néanmoins suivre le trajet de la bonne cannette et éviter de finir bêtement arrosé. Faut-il vraiment se tapper toute cette publicité ?Vous l'aurez remarqué, les différents écrans du titre sont parasités par la présence d'une marque de bière assez connue. C'est pour le moins normal : Tapper est avant tout un jeu promotionnel commandé par la compagnie en question à Midway. Aussi, son développement a suivi un certain cahier des charges : en plus de l'omniprésence de la marque à l'écran, le thème musical du jeu et le bonus screen "This Bud's for you" sont extraits des publicités Budweiser de l'époque. Ce marketing immonde ne gêne pas le bon déroulement du jeu et serait presque supportable si le logo rouge vif n'avait pas cette curieuse tendance à filer la migraine... Tout aurait été dans le meilleur des mondes pour Midway si Tapper ne s'était attiré les foudres d'associations parentales l'accusant (assez justement) de faire la promotion de boissons alcoolisées auprès des mineurs. Résultat : la première version du jeu est rapidement mise hors circuit. Bally Midway, soucieux de rentabiliser le développement de son titre, parvient néanmoins à sortir, en 1984, un bootleg consacré à la Root Beer, soda non alcoolisé au goût "particulier". Il existe au Japon une troisième version du jeu, portant cette fois sur la bière Suntory (à ne pas confondre avec le whisky homonyme : "For a relaxing time, take a Suntory time"...) et officieusement attribuée à Sega. Il faut croire que Tapper a bénéficié d'un certain succès étant donné le nombre de conversions existantes : Colecovision, Atari 800 et 2600, Commodore 64, Amstrad CPC... sans compter la présence de la version "Root Beer" dans des compilations Midway sorties sur PSX, N64, PS2, Game Cube et X-Box. Au final, ce succès n'est pas si surprenant puisque Tapper est un bon petit jeu d'arcade sans prétention et faisant même preuve d'une certaine originalité. Il faut seulement mettre de côté son côté promotionnel pour l'apprécier à sa juste valeur. Depuis, l'expérience a démontré que le mélange publicité / jeu video donne rarement lieu à des résultats convaincants. Si l'on met de côté les clins d'œil comme la promotion lourdingue de Loom effectuée par l'un des pirates de Monkey Island, le bilan est même plutôt catastrophique. À titre d'exemple, je citerai The Mission, adaptation "videoludique" lamentable d'une publicité Nike diffusée lors de l'Euro 2000. Quant aux panneaux publicitaires incrustés dans les écrans des jeux récents ou présents lors des phases de chargement, il devient difficile d'en faire le décompte... Pour finir, on peut évoquer des études récentes d'Activision et IGN, selon lesquelles les publicités intégrées dans un jeu auraient plus d'impact sur les consommateurs que dans les autres médias. Les résultats montreraient en outre que les joueurs apprécient ce type de publicité qui renforce l'immersion en rendant l'environnement plus crédible : on peut évidemment contester l'impartialité entourant ces études, mais quoiqu'il en soit, elles augurent d'un intérêt croissant des éditeurs pour la manne financière obtenue par ce type de partenariat. Quant à savoir quel intérêt le joueur retire réellement de telles pratiques, la question reste posée... François (04 septembre 2006) Envie de réagir ? Cliquez ici pour accéder au forum |