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Dr.Robotnik's Mean Bean Machine
Année : 1993
Système : Megadrive ...
Développeur : Compile
Éditeur : Sega
Genre : Puzzle
Par DSE76 (13 juin 2016)
La cover internationale et celle... française ! Et oui, pour la seule fois, une cover Sonic a été spécialement fait pour la France. Cocorico !

Parler de Dr Robotnik Mean Bean Machine oblige à parler de Puyo Puyo, le jeu étant un dérivé "sonico-occidental" de ce titre, ainsi qu'un spin-off pour remplir l’année 1993, très chargée pour la série.

Puyo Puyo naît en 1991. À l’époque, Compile, boîte japonaise connue pour ses shoot'em ups, travaille sur un dungeon crawler appelé Madou Monogatari, narrant l’histoire d’une fillette nommée Arle qui doit affronter un donjon rempli de monstres, dont des sortes de blobs quelque peu inspirés de Dragon Quest, des... puyos, le tout sorti sur MSX. Plus tard, Compile en fera un spin-off, sur MSX2 cette fois : Puyo Puyo, un Tetris-like avec les fameux puyos en guise de blocs à bouger. Le succès est assez timide mais SEGA décide d’aider Compile en produisant une version arcade du jeu, tournant sur System C (version arcade de la Megadrive) avec une importante modification : la borne se joue à deux, même en présence d'un seul utilisateur, l’ordinateur jouant alors dans le second écran. Le succès est immédiat et énorme : Puyo Puyo devient le hit d’arcade numéro 1 au Japon, détrônant des titres beaucoup plus avancés techniquement, et lance une série qui perdure encore aujourd'hui.

Madou Monogatari, le jeu qui commencera la série des Puyo Puyo. Alors simple dungeon crawler, la série est principalement composée de 3 jeux vendus ensemble sur MSX et PC98. Il y aura une conversion sur Game Gear ainsi qu'une ribambelle de suites sur console SEGA. Détail amusant : la série n'appartient pas à SEGA mais tous les personnages du jeu, si.

Malheureusement, l’Occident en profitera très peu, la série étant rarement exportée de l’archipel. Seulement trois jeux ont atteint nos frontières :

  • La borne d'arcade Puyo Puyo, qui a eu droit à une version anglaise. Des doutes persistent quant à son existence au vu de sa rareté, et surtout à cause de MAME qui l’a répertoriée comme bootleg.
  • Le jeu dont traite cet l’article. Il y a aussi Kirby Avalanche/Kirby Ghost Trap, spin-off de la boule rose de Nintendo utilisant le moteur de la version SNES de Puyo Puyo, donc identique visuellement à Dr Robotnik Mean Bean Machine.
  • Enfin, Puyo Pop Fever, sorti en 2004 sur Game Cube, premier Puyo Puyo... de la Sonic Team qui a repris le flambeau de la série lorsque Compile a fait banqueroute (avant de renaître sous le nom de Compile Heart). La série appartient désormais à SEGA et fait partie de ses grandes licences au Japon.

Dr Robotnik Mean Bean Machine est donc une transposition de Puyo Puyo au sein de l’univers Sonic. Le gameplay de la version Megadrive est repris à l'identique. Seuls les personnages et la musique ont été modifiés, ainsi que les textes car pour ceux qui ne connaissent pas la série, Puyo Puyo est très verbeux.

Alors que Spinball s’inspire de l’univers de Sonic et Sally, Mean Bean Machine prend pour modèle l’autre dessin animé : Les Aventures de Sonic, plus connu sous le nom AoStH (acronyme d’Adventures of Sonic the Hedgehog). Les robots utilisés dans le jeu sont tous issus du premier épisode de cette série, y compris les trois principaux sbires (à savoir Coconuts, Grounder et Scratch) et bien sûr, le Docteur himself en boss final.

Le pitch du jeu ? Robotnik a attaqué le village de Beanville et asservi ses habitants, les transformant en esclaves robotisés afin de "supprimer la joie de Mobius". Il revient à vous d’arrêter ses plans en créant des lignes de haricots pour les sauver. Eh oui, pas de Sonic dans ce jeu.

L'intro de Dr Robotnik Mean Bean Machine, accessible en laissant l'écran titre inactif pendant quelques secondes.

Le principe du jeu est simple : des paires de puyos (il y a eu d’innombrables tentatives de traduction de ce terme mais toutes se sont révélées peu convaincantes) tombent de l’écran de jeu et le but est de les agencer pour en faire une chaîne et les faire disparaître. Chaque puyo a une couleur (6 au total) et dès que deux de la même couleur sont côte à côte, ils se lient. Lorsque quatre ou plus sont reliés (peu importe l’ordre, pourvu qu’ils soient reliés horizontalement ou verticalement), ils disparaissent de la zone de jeu. La partie est perdue lorsque l'empilement de puyos atteint le haut de la zone de jeu.

Lorsque les groupes de puyos disparaissent, ceux qui se trouvent au dessus descendent jusqu’à rencontrer d'autres puyos situés plus bas. Là où ça devient intéressant, c'est que, si après cette chute une nouvelle chaîne s’est formée, elle disparaît elle-aussi, puis les autres puyos supérieurs tombent, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de chaîne. Ce principe est appelé combo et rappelle quelque peu le jeu Columns dans le principe.

À gauche, une chaîne est sur le point de disparaître et sa disparition va faire chuter les deux puyos à droite, puis former une nouvelle chaîne.

Le jeu étant compétitif, le but est de faire perdre l’adversaire, en d’autres termes polluer sa partie pour que sa zone se remplisse jusqu'en haut. Pour cela vous pourrez le perturber à l’aide de chaînes de puyos, car leur destruction envoie dans la zone de l’adversaire un ou plusieurs puyos translucides. Contrairement aux autres puyos ceux-ci ne disparaîssent pas en les liant mais lorsque des chaînes d'autres couleurs se forment à proximité d'eux, ce qui les rend plus difficiles à éliminer. Les puyos translucides tombent chez l'adversaire après que le joueur a fait tomber son groupe de puyos. Juste avant, ils sont brièvement affichés au dessus de la zone de jeu.

Et c’est là que les combos rentrent en scène : lorsque vous détruisez une chaîne, vous envoyez un ou deux puyos translucides, un combo de deux chaînes, une ligne entière, trois chaînes, deux rangées, quatre chaînes, de quoi remplir la moitié de la zone de jeu. Cinq chaînes sont létales pour l’adversaire car toute sa zone est alors garnie de puyos translucides, même si elle a été totalement vidée auparavant. Les combos sont donc d’une importance capitale pour parvenir à défaire l’adversaire afin de perturber son jeu, le noyer progressivement sous les puyos translucides, ou le battre d'un seul coup.

Après un combo de trois chaînes, trois rangées de puyos sont prêtes à tomber chez l'adversaire et indiquées au-dessus de sa zone de jeu. Ils vont lui pourrir la vie une fois son puyo en place.

En mode solo, le jeu se compose de 12 robots à affronter, chacun ayant sa propre stratégie, plus évidemment Robotnik qui sert de boss final. Chacun vous accueille par une "catchphrase" (une tradition dans la série) avant de rejoindre la zone de jeu. Au centre de l'écran, on peut voir les réactions de l'adversaire en fonction du déroulement de la partie : neutre, joie quand plus de la moitié de votre écran est rempli de puyos ou panique quand c'est votre adversaire qui est dans ce cas.

La difficulté des affrontements est croissante : les adversaires seront plus coriaces, sauront utiliser les mécaniques du jeu et feront des gros combos plus régulièrement. Aussi, les puyos tombent de plus en plus rapidement au fil des adversaires. À partir du neuvième, la vitesse devient difficilement gérable.

Entre chaque match un petit intermède se produit où votre futur adversaire lance une catchphrase pour vous invectiver.

Évidemment, ayant été conçu pour être joué à deux, Dr.Robotnik's Mean Bean Machine prend tout son sel dans le mode multi-joueurs local. Chacun tente de provoquer une série de combos pour atteindre une chaîne de cinq qui éliminera l’adversaire. Et là, c’est la foire aux mauvais coups et aux stratégies plus ou moins douteuses pour parvenir à ses fins : petits combos pour agacer l’adversaire, moyens combos pour bien saboter les chaînes qu'il a patiemment construites... Bref, un vrai jeu multi, tout sauf coopératif !

Le mode deux joueurs : le summum du jeu. Addictif mais peut ruiner une amitié.

Parlons de l'aspect technique : comme nombre de puzzle games et Tetris-likes, Mean Bean Machine semble faire le minimum syndical au plan des graphismes. L'aire de jeu reprend celle de Puyo Puyo avec son aspect pierreux. En revanche, les puyos et les adversaires sont assez bien détaillés et munis de pas mal d'animations rigolotes.

Sur le plan sonore, les bruitages sont repris de Puyo Puyo. Les musiques, en revanche, sont soit réarrangées de sorte qu'elle soient plus ou moins méconnaissables, soit totalement nouvelles. Les voix sont aussi nouvelles, celles de Puyo Puyo étant trop liées à Madou Monogatari (les voix sont issues de la version MSX) et concernent surtout les combos. Comme on est sur Megadrive, elles ont tendance à grésiller mais sont sympas.

Quand un adversaire est sur le point de perdre, il tire une tronche mémorable (avec sueur et clignotements quand il est à deux puyos d'être éliminé).

Il n’y a pas tellement de défauts à noter pour ce jeu, à part sa difficulté. Si les premiers adversaires ne sont guère agressifs, ça se corse dès le 5ème robot (Davy Sprocket) et pour ne rien arranger, au fur et à mesure de votre progression, les puyos descendent de plus en plus en plus vite, vous laissant peu de temps pour réfléchir à leur placement.

Il y a un petit souci avec lequel on doit faire : comme le jeu est fondé sur Puyo Puyo premier du nom, tous les puyos translucides qui doivent tomber le feront forcément. Le jeu est donc une course à celui qui fera un combo de cinq chaînes pour mettre son adveraire KO. De ce fait, les parties reposent avant tout sur la rapidité de création des chaînes. En revanche, chose non permise dans Puyo Puyo original, il est ici possible de tourner les puyos dans les deux sens.

C’est à partir de Davy Sprocket (le cinquième adversaire) que le jeu commence à devenir difficile : l’adversaire est plus malin et les puyos tombent de plus en plus vite...

Sorti en occident pour y faire découvrir la série Puyo Puyo, Dr.Robotnik Mean Bean Machine ne sera pas un grand succès malgré son gameplay et un multijoueur addictif. Il faudra attendre Puyo Pop Fever et l’arrivée d’Internet pour voir la franchise connaître un regain de popularité. Même si bon nombre de personnes dénigrent ce jeu en tant que copie de l’original, il n’en reste pas moins un excellent substitut.

DSE76
(13 juin 2016)