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Prince of Persia (2008)
Année : 2008
Système : Windows, Playstation 3, Xbox 360
Développeur : Ubisoft
Éditeur : Ubisoft
Genre : Plate-forme / Action
Par David (09 avril 2009)

À Prince of Persia: The Sands of Time avait fait grand bruit : étonnamment fidèle à l'original et pourtant tout en trois dimensions, il était parvenu à conserver intacte la beauté du programme original tout en le modernisant. Un an plus tard, une suite intitulée Prince of Persia: Warrior Within tentait de s'attirer la sympathie des jeunes en manque d'hémoglobine. Dans cet épisode, le Prince, plus sombre et doté d'une inquiétante voix caverneuse, évoluait dans un univers menaçant tout en lacérant l'opposition sur fond de musique rock. Consciente de son erreur, l'équipe d'Ubi Montréal opéra un virage à 180 degrés qui la fit développer le très réussi (car de nouveau très oriental) Prince of Persia: the Two Thrones en 2005, puis, trois ans plus tard, d'enchaîner sur le très sobrement intitulé Prince of Persia,signe d'un nouveau départ car de très loin l'épisode 3D le plus fidèle à l'épisode originel.

Les premières minutes ne laissent pourtant augurer rien de bon. Graphiquement, les pixels anormalement visibles dans les versions console trahissent une définition batarde upscalée en 720p ; le peu de couleurs qui entoure le joueur ne flatte aucunement la rétine, l'écran devoilant des teintes désespérément fades. Au niveau de la maniabilité ensuite, on s'étonne de la démarche un peu raide du héros (un comble dans un Prince of Persia, où fluidité est le maître mot), impression qui se fait plus pressante lorsque viennent les premiers sauts. Selon la position du Prince (en vérité, un pilleur de tombes à la recherche de son âne perdu dans le désert), sa trajectoire varie de façon parfois très étrange, sans que l'on ait quoi que ce soit à faire. Ainsi, au bord d'un gouffre, le Prince modifiera de lui-même ses déplacements afin qu'il puisse atteindre, par exemple, une corniche située en face, un mur sur le côté ou une fissure. L'impression de voir le héros se caler en permanence sur une sorte de rail invisible est très... visible. Car oui, Prince of Persia est un nouvel exemple de jeu de plates-formes extrêmement assisté, à la manière du précédent hit d'Ubisoft, Assassin's Creed. Mais Prince of Persia parviendra-t-il à éviter les écueils de son ancêtre étrop simpliste ?

Les teintes marronnasses du début de partie n'inspirent guère confiance.

L'histoire débute de façon très banale. Un homme dans le désert, une princesse en détresse croisant fortuitement son chemin, des soldats qui lui veulent du mal, l'homme qui s'en mêle - et voilà les deux personnages lancés, bien malgré eux, dans une grande aventure. La présence de séquences de rêve assez énigmatiques laisse toutefois entrevoir une histoire plus riche qu'elle n'y paraît, dont le sens ne sera totalement révélé qu'à la toute fin du jeu lors d'une scène écho particulièrement puissante.
La relation qui se noue entre les deux héros – la méfiance et l'hostilité laissant petit à petit la place à l'estime réciproque et à la connivence – constitue le fil rouge de l'histoire : nécessaire (l'entr'aide entre Elika, véritable magicienne, et le héros, expert funambule, est permanente), elle est enrichie de dialogues parfois obligatoires, mais souvent optionnels, que le joueur aura tout à loisir de déclencher à sa guise pendant le déroulement du jeu. Ainsi, le joueur qui n'aura que faire de l'intrigue pourra faire l'impasse sur un nombre réellement conséquents d'échanges entre le Prince et la Princesse ; celui qui, en revanche, voudra en apprendre davantage sur l'univers des deux héros, pourra à tout moment déclencher un jeu de questions/réponses particulièrement bien écrit et parfaitement joué par des acteurs très talentueux (en version originale tout du moins). Bien que déjà vue mille fois, la personnalité du héros (un dragueur musclé particulièrement frimeur et un peu trop sûr de lui) fait souvent sourire, ses répliques étant souvent l'occasion de remarques drôles et savoureuses.

En appuyant sur un des boutons de tranche à tout moment, le Prince et Elika s'interpellent, faisant ainsi progresser l'histoire et leur relation de façon très naturelle.

La liberté qui est donnée au joueur dans le cadre de ces dialogues facultatifs résume parfaitement la façon dont fonctionne le jeu lui-même. Divisé en quatre zones principales toutes reliées entre elles par un désert depuis lequel s'élève le temple central du jeu, le monde de Prince of Persia autorise le joueur à s'y déplacer comme il l'entend. C'est appréciable, car si le côté extrêmement scolaire de sa construction peut prêter à sourire, ce monde-là est l'œuvre d'un excellent élève, soucieux de proposer un univers à la fois cohérent (formidable homogénéité des décors malgré leur grande diversité), riche (chaque zone est constituée de six sous-zones) et construit (toutes les zones sont parfaitement intégrées les unes aux autres, sans le moindre temps de chargement).
Passées les premières minutes donc, Prince of Persia dévoile un univers loin d'être aussi fade qu'il en avait l'air lors du premier contact – au contraire, il est très réussi, vaste, coloré, et, n'ayons pas peur des mots, totalement grandiose – la faute à un sens de la verticalité surdéveloppé et étonnamment bien rendu. Joueurs sensibles au vertige, s'abstenir !

La carte du jeu, sur laquelle les quatres zones à visiter se détachent très nettement. Les chemins qui permettent de naviguer de l'une à l'autre sont parfaitement représentés.
À une telle hauteur, une chute ne pardonne pas. L'entraide entre le prince et Elika est permanente, rappelant le célèbre Ico dont les développeurs ont avoué s'être très largement inspirés.

La navigation entre ces différentes zones obéit toutefois à une règle restrictive : celle de posséder la compétence nécessaire à leur visite. Au nombre de quatre, ces compétences ne s'acquièrent qu'au fil du temps, en glanant les sphères de lumière disséminées dans tout le royaume – 1001 sphères, dont le mode d'obtention varie du très simple au très compliqué (certaines sphères sont placées à des endroits bien dissimulés et/ou très difficiles d'accès, obligeant le Prince à se contorsionner en tous sens pour les atteindre ; d'autres ne nécessitent que de suivre un chemin tout tracé). Bien plus visibles que les drapeaux d'Assassin's Creed (ouf) ou les orbes bleus de Crackdown, ces sphères sont absorbées par Elika qui, petit à petit, gagne en puissance et donne accès aux fameuses compétences, indispensables pour activer les plaques sacrées menant à toutes les zones. En fonction des sous-zones auxquelles le joueur voudra accéder, ce dernier sera libre d'activer les compétences adéquates à intervalles réguliers, une fois le nombre de sphères requis obtenu.
La présence des compétences n'est pas un gimmick de plus visant à remplacer les clés de portes menant au niveau suivant ; elles contribuent à enrichir le gameplay de façon notable. Si deux de ces compétences se ressemblent étrangement (les plaques de puissance rouge et bleu équivalent à de simples portes de téléportation projetant les héros aux endroits inaccessibles d'une zone), les compétences verte et jaune lancent le joueur dans des séquences de jeu originales, celui-ci obtenant la capacité de courir le long d'un mur (la perception d'un lieu est alors totalement chamboulée) ou de voler littéralement dans les airs (chaque élément du décor devient un obstacle potentiellement mortel).

Un simple contact avec la plaque de puissance verte, et tout le décor bascule. Le prince se trouve alors propulsé dans une course phénoménale où la gravité n'a plus d'emprise sur lui.

Les sphères ne sont toutefois pas immédiatement accessibles. Plongé dans l'obscurité, le monde de Prince of Persia est habité par le mal. Arhiman, un dieu malfaisant emprisonné dans le temple du désert depuis des millénaires, est sur le point d'en sortir – les raisons de ce désastre annoncé ne seront élucidées qu'au fil de l'aventure. L'objectif d'Elika, aidé par le Prince, est simple : purifier chacune des sous-zones en atteignant leur « terre fertile », symbolisée par une colonne de lumière visible de très loin. Lorsque toutes les zones du royaume seront purifiées, alors seulement Arhiman pourra-t-il de nouveau être contenu dans les tréfonds du temple.
La visite d'une sous-zone se fera de fait en deux temps : la première verra Elika et le Prince se frayer un chemin jusqu'à la zone fertile au milieu de murs et de sols couverts d'une substance noire, visqueuse et mortelle sous un ciel sombre et menaçant ; la seconde se fera sous un ciel bleu azur, au milieu des fleurs et des papillons, lorsque la sous-zone aura été débarrassée du mal qui la rongeait. Dit crûment, ce concept permet d'allonger artificiellement la durée de vie du jeu puisque le joueur se voit contraint de parcourir deux fois chaque sous-niveau ; dit plus objectivement, les modifications topologiques qu'entraîne la purification d'un lieu apportent une vraie replay value à chaque sous-niveau grâce à la présence de nombreux coins et recoins enfin accessibles, et à la quête des indispensables sphères de lumière qui n'apparaissent qu'une fois la purification d'un lieu accomplie.

Cette zone souillée est plongée dans l'obscurité. Devant le prince et la princesse s'écoule un ruisseau visqueux qu'il leur faudra à tout prix enjamber. Au loin, une colonne de lumière indique le lieu où se situe la terre fertile.
À la manière du Prince of Persia original, il faudra faire preuve d'un sens du timing certain pour franchir sans encombre les nombreux pièges que les forces du mal tendront. Ici, des barrières vivantes semblables aux herses du premier épisode se dressent devant le prince en pleine course.
Elika vient à peine de purifier la sous-zone, et l'obscurité cède la place à la lumière. Tout autour de nos deux héros, faune et flore renaissent.
Dans le ruisseau, l'eau a remplacé la matière noire, et permet à nos deux héros d'accéder aux sphères de lumière localisées un peu plus loin.

Bien entendu, cette purification ne se fera jamais sans une violente réaction des forces du mal. C'est là que le lien de parenté avec l'épisode original de Prince of Persia développé par Jordan Mechner en 1989, saute particulièrement aux yeux. Outre quelques gardiens difformes protégeant l'entrée de chaque sanctuaire infecté, le Prince et Elika devront affronter à plusieurs reprises quatre personnages à l'histoire très développée, à la personnalité beaucoup plus affirmée, et aux compétences de combat plus personnelles : le Chasseur, un ancien soldat bossu très rapide et adepte des lames, a élu domicile dans la Citadelle Ruinée ; l'Alchimiste, dont les talents en magie noire lui permettent d'user de toutes sortes de techniques déstabilisantes, s'est réfugié dans la Vallée ; la Concubine, fourbe et maîtresse des illusions, vit dans le Palais Royal ; le Guerrier, enfin, lent mais fort comme un roc, arpente les solides tours de la Cité des Lumières.

Le Chasseur, l'Alchimiste, la Concubine, et le Guerrier : quatre boss aux techniques de combat redoutables.

Fidèle à la façon dont étaient gérés les combats dans le programme original de Mechner, chaque escarmouche ne se fait qu'à un contre un. Exit donc les bastons générales des précédents épisodes en 3D, la volonté d'un retour aux sources est ici palpable.
Comme dans l'original, donc, les combats se résument principalement à la maîtrise d'un timing extrêmement serré basé sur l'usage du bouton d'action au moment adéquat. Sortez le glaive au mauvais moment, et l'ennemi vous porte un coup. Contrez le coup adverse en appuyant sur le bouton de tranche juste avant que le coup adverse ne soit porté, et la garde baissée de l'ennemi vous autorise à attaquer à votre tour.
En vingt ans d'existence, cependant, le Prince a eu le temps de développer ses techniques de combat. Si le Prince de 1989 ne disposait que d'un coup d'attaque, celui de 2008 en possède une quantité pléthorique. À l'aide du bouton X, le Prince utilise son épée ; à l'aide du bouton B, il utilise son gant de griffes, très utile pour glisser le long d'un mur, agripper la moindre corniche ou, dans le cadre d'un affrontement, l'adversaire ; le bouton A, lui, est réservé aux sauts et aux mouvements aériens ; le bouton Y, enfin, fait appel aux pouvoirs magiques d'Elika, qui se révèle une excellente

À l'aide du bouton B, le prince se saisit de son adversaire et le projette dans les airs, le rendant très vulnérable. Le prince pourra alors enchaîner sur un coup d'épée (X) ou, mieux, un saut (A), qui lui permettra de poursuivre son combo dans les airs. Les meilleurs combos peuvent monter jusqu'à 14coups successifs .

Il est bien sûr possible – et conseillé – de combiner ces techniques afin de mettre au point des « combos » toujours plus destructeurs. On pourra ainsi enchaîner quatre coups d'épée en appuyant simultanément sur X,X,X,X ; préférer intercaler au sein de cet enchaînement un enchaînement gant/saut (bouton B puis bouton A) pour projeter l'ennemi dans les airs et l'y hacher menu ; voire même sauter au-dessus de l'ennemi en s'aidant d'Elika pour prendre l'ennemi à revers. Les possibilités, gigantesques, permettent d'aboutir à des chorégraphies complexes, magnifiques et réellement jouissives. Il est d'ailleurs très amusant de donner libre cours à son imagination lors de chaque nouveau

Elika, qui vient de porter un coup à l'adversaire (Y), projette ce dernier vers le prince qui va se charger de l'accueillir d'un coup d'épée bien placé (Y).
Il arrive toutefois qu'Elika soit indisponible. Si, par exemple, Elika venait à attaquer un ennemi immunisé contre ses attaques magiques, elle serait balayée d'un revers de la main et giserait au sol, dans l'attente que son prince vienne la relever. Ci-dessus, la situation est, pour elle, bien plus délicate encore. Le prince devra faire sans elle pendant toute la durée du combat.

N'allez toutefois pas croire qu'il soit si facile de faire mouche à tous les coups – déjà parce que le timing que requièrent ces combos n'est pas toujours évident à maîtriser ; ensuite, parce que l'adversaire sait procéder par contres de façon assez inattendue (et stopper net la combo dans son élan) ; enfin, parce qu'au fil des rencontres avec l'ennemi, celui-ci ajoute à ses aptitudes de nouvelles techniques donnant au joueur toujours plus de fil à retordre. Ainsi, lors de la seconde rencontre avec le Chasseur, celui-ci change régulièrement d'état et ne tolère, de façon ponctuelle, que des coups d'épée. Plus loin dans le jeu, d'autres états s'ajouteront aux autres, octroyant à l'ennemi l'immunité contre l'épée, le gant ou la magie d'Elika. Plus loin encore, la créature crachera au visage du joueur, couvrant l'écran d'une épaisse substance noirâtre ; ou alors jettera-t-elle un sort d'inversion des commandes, voire débutera-t-elle à son tour une combo que le joueur devra déjouer en appuyant sur les bons boutons au bon moment. Cette volonté d'ajouter constamment une nouvelle couche de règles à celles déjà existantes participe à la même volonté de recyclage intelligent déjà évoquée plus haut dans le cadre de la double visite de chaque lieu : plutôt que de multiplier les boss à l'infini, Ubi Montréal a préféré se concentrer sur seulement quatre, fourbir leurs armes à chacune de leur apparition, surprendre le joueur et, par la même occasion, leur donner une identité plus forte. Les actes de vengeance de certaines de ces créatures (le Guerrier en particulier) donnent lieu à des scènes extrêmement impressionnantes et marquantes.

Lorsque l'ennemi déclenche une combo, la console indique quel bouton presser afin que le prince ne se retrouve pas immédiatement à terre. Notez qu'il s'agit là du seul moment où le programme affiche à l'écran ce type de données parasites, le reste du jeu demeurant totalement vierge de toute indication.
L'attaque frontale, qu'elle soit aérienne ou terrestre, est une mauvaise idée contre le Guerrier. Invulnérable à tous les coups que peuvent lui infliger le prince et Elika, ce colosse exige du joueur qu'il réfléchisse à une autre façon de le vaincre.

Si l'on ajoute à cela le fait que les conditions de victoire d'un combat ne soient pas toujours les mêmes, ou que les lieux dans lesquels ces combats se déroulent autorisent la mise en place de stratégies assez variées (taille de l'arène, chute dans le vide, éléments de décor destructibles), vous comprendrez aisément que l'on puisse prendre beaucoup de plaisir à croiser le fer dans ce nouvel épisode.
Bien sûr, tous les joueurs ne seront pas sensibles à ce qui s'avère être une simple partie de Dragon's Lair somme toute assez répétitive. Pour apprécier ce Prince of Persia, il faut, comme dans l'épisode de Mechner, aimer les QTE, à la différence près que ce QTE-là ne cloître pas le joueur dans une série de commandes à respecter à la lettre ; il lui laisse une semi-liberté, alternant séquences obligatoires et phases d'improvisation totale.

Par souci de cohérence, les boutons de la manette gardent les mêmes fonctions lors des séquences d'exploration. En appuyant sur A, le héros saute ; en appuyant sur Y, le héros fait appel à Elika, qui lui saisit les mains et le propulse plus loin, allongeant d'autant son saut ; en appuyant sur B, le héros use de son gant pour s'accrocher aux anneaux d'une paroi et poursuivre sa course infernale le long d'un mur ou d'un plafond. Le bouton X, réservé à l'épée, n'est dans cette phase d'aucune utilité – séquence de fin mise à part. Quant au bouton de tranche, il sert à se laisser glisser le long d'une paroi.
On le voit : on est très loin du simplisme d'Assassin's Creed qui, en faisant du bouton A le bouton à tout faire, assistait tant le joueur qu'il ne lui restait plus rien à faire. Mais il n'en reste pas moins que Prince of Persia assiste beaucoup le joueur. Votre course d'élan précédant un saut est mal orientée ? Qu'importe, le programme vous repositionnera correctement une fois le saut enclenché. Vous voulez savoir où pratiquer un wallrun sans risque ? Cherchez les murs couverts de traces ! Vous ne savez pas bien combien de temps le héros est capable de courir le long d'un mur ? Pas d'inquiétude : lorsqu'il s'apprête à tomber, le prince tressaute légèrement, signe qu'il faut appuyer sur le bouton de saut pour quitter le mur. Vous n'êtes pas sûr de la distance qui vous sépare d'une corniche ? N'hésitez pas : sautez. Si votre saut est trop court, l'écran prendra une teinte blanche de plus en plus prononcée, signe de chute imminente – il sera toujours temps d'appuyer sur Y pour profiter de l'impulsion supplémentaire qu'offrent les mains d'Elika. Fin du fin : malgré toutes ces aides, vous êtes tombé ? No problemo : Elika vous ramène illico sur la terre ferme – c'est qu'elle ne veut pas vous voir mourir ! Oui, ce Prince de Perse-là est, disons-le tout net, immortel.

Si vous vous sentez perdu, ouvrez le menu en appuyant sur le bouton select, sélectionnez une destination sur la carte du monde puis, de retour dans le jeu, faîtes appel à Elika (bouton Y) pour qu'elle invoque un feu follet filant tout droit vers la destination choisie.

Certains verront dans cet assistanat forcené un grave défaut ; je n'y vois là que du bon sens visant à exclure du spectacle tout sentiment de frustration. Dans un jeu où les gouffres béants se comptent par centaines, il aurait été suicidaire de contraindre le joueur à une précision maladive – le saut au pixel près n'a clairement pas sa place dans Prince of Persia.
Et puis, surtout, il serait erroné de croire que, tout assisté que le jeu soit, l'échec y soit impossible. Il est en effet, malgré tous les artifices mis en place pour aider le joueur dans sa quête, très fréquent d'y mourir de toutes sortes de façon, la faute (ou grâce) à une architecture des lieux franchement alambiquée, variée et réussie. La récolte des sphères, en particulier, oblige à une très grande prise des risques. Et si l'idée de disposer de vies infinies vous insupporte, sachez qu'un succès/trophée particulièrement juteux est réservé aux joueurs les plus appliqués – Ubisoft a pensé à tout, même aux plus intégristes d'entre nous.

La grandeur des décors permet de dissimuler assez aisément les sphèresqui, bien que très visibles, ont vite fait d'échapper au regard.

Reste que, défaut ou pas, cet assistanat peut donner l'impression de ne pas être en pleine possession de son personnage. C'est un fait : lancé sur les pentes vertigineuses, le Prince semble se déplacer seul le temps de longues séquences de sauts et glissades pendant lesquelles le joueur n'aura pour seul rôle que de presser les bons boutons au bon moment. Cela ne devrait toutefois pas surprendre les amateurs de la série : déjà dans l'épisode original, les courses du prince étaient ponctuées d'une série de commandes à effectuer aux bons moments sous peine d'échec cuisant ; ce Prince of Persia-là ne fait donc que reprendre une recette vieille d'une vingtaine d'années. Toujours est-il que le qualificatif « QTE à grande échelle » n'est clairement pas galvaudé ici ; à chacun de savoir si un tel concept lui parait édhibitoire.

Une fois lancé sur un mur ou un plafond, le prince ne peut arrêter sa course que lorsqu'il remet les pieds sur la terre ferme ou s'accroche à un poteau. Pendant cette course donc, le joueur doit presser en cadence les bons boutons afin de ne pas chuter : B pour agripper une fraction de seconde un anneau,A pour se propulser sur un mur adjacent, Y pour utiliser une plaque de puissance ou pour effectuer un double saut, bouton de tranche pour débuter une glissade verticale le long d'une paroi. Même si le joueur dispose d'une fenêtre de temps assez large pour agir, ces séquences, qui s'étirent parfois pendant plusieurs dizaines de secondes, peuvent mettre les nerfs à rude épreuve.

Afin de tromper la monotonie, qui ne s'installera que chez ceux pour qui la traversée de décors de plus en plus vertigineux ne fera ni chaud ni froid, les développeurs tentent progressivement de tromper le joueur en le plaçant dans des situations relativement inattendues, réclamant de sa part une réaction prompte : courses de plus en plus longues et haletantes, enchaînements variés, mouvements complexes de la caméra (angles de vue ambitieux - fantastique cavalcade finale), téléportation un peu courte nécessitant l'aide d'Elika... Mine de rien, le joueur a fort à faire pendant ces séquences présumées automatiques.

Les phases de téléportation peuvent s'avérer très dangereuses : rapides dans leur déroulement, elles empêchent le joueur de prévoir ses coups longtemps à l'avance. Les mouvements de la caméra, très vifs, exigent des réflexes qui le sont tout autant.
Prince of Persia n'est toutefois pas qu'une affaire de réflexe. De temps à autres, une énigme se posera aux deux héros. De difficulté très modérée, ces énigmes sont l'occasion de se reposer un peu tout en mettant à profit ses neurones.

Pour apprécier Prince of Persia à sa juste mesure, il convient donc d'accepter de revoir son propre cahier des charges. Si le jeu s'affranchit des règles fondamentales du jeu vidéo telles que nous le connaissons depuis des décennies, ce n'est pas nécessairement pour surfer sur la vague du simplisme outrancier dont est victime l'industrie d'aujourd'hui, mais pour adapter le plus fidèlement possible un des plus grands standards de la plate-forme 2D à un environnement 3D tout en gommant la frustration qu'il pouvait engendrer : à la fois facile à mener à son terme et difficile à terminer à cent pourcents, à la fois résolument relaxant et potentiellement stressant, Prince of Persia cuvée 2008 est une expérience conçue sur mesure dans laquelle tout un chacun est susceptible d'y trouver son compte. Sa réalisation tout à fait exceptionnelle, son degré de peaufinage extrême - qui ferait pâlir bien des programmes - constituent les derniers ingrédients d'une aventure certes globalement sans génie, mais à la fin magistrale et à la mise en scène inspirée, parfaitement orchestrée et regorgeant de bonnes idées, dans laquelle les joueurs sans préjugés peuvent se plonger sans la moindre hésitation.

David
(09 avril 2009)