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Project Gotham Racing 2
Année : 2003
Système : Xbox
Développeur : Bizarre Creations
Éditeur : Microsoft
Genre : Jeu de Course / Simulation / Arcade

On n'a rien sans rien

On a vu qu'afin que les joueurs occasionnels ne se sentent pas frustrés, il est tout à fait possible de terminer le jeu en se contentant de médailles d'argent, ou même de bronze. Rien n'indique clairement ce qu'on a à y perdre, en dehors d'une quantité plus ou moins négligeable (a priori) de voitures débloquées. Pourtant, lorsqu'on s'attèle vraiment à l'obtention de médailles d'or et de platine, et qu'on est amené à passer un temps considérable au volant de certaines voitures sur des circuits qu'on connaît par cœur à force d'essais infructueux, on prend conscience des possibilités énormes qu'offre le jeu. À chaque virage dont on doit perfectionner le passage, on augmente son degré de concentration et de ressenti physique de la voiture.

Le summum est probablement atteint lors des défis cônes. Les designers ont fait preuve d'un vice incroyable dans certains passages. Par exemple, on citera ces lignes droites sur lesquelles les barrières de cônes sont très espacées. Pour ne pas "casser le combo" entre deux barrières en perdant plus de deux secondes, il faudra se présenter au début de la ligne droite avec une certaine vitesse, ce qui implique de réussir à la perfection le virage précédent. Seulement voilà, lors de celui-ci on aura peut-être dû déraper pour marquer des Kudos et prolonger un combo, ce qui aura entraîné une perte de vitesse, ou alors le prendre suivant la trajectoire idéale pour obtenir un petit bonus "bonne trajectoire", mais la réussite de cette manœuvre est aléatoire, surtout si le combo dure depuis un moment et qu'on est sous pression ! La solution sera peut-être de déraper entre chaque barrière de cônes pendant la ligne droite, mais cela fait perdre beaucoup de temps et le défi cône doit être bouclé avant que le chrono arrive à zéro. Ce sont de véritables casse-têtes qu'il faut ainsi résoudre, dont la solution passe le plus souvent par une maîtrise totale de son véhicule sur certaines portions-clé du circuit.

Que faire sur ce virage : déraper, ou accélérer en visant la trajectoire parfaite ?

Lors des tours infernaux, on pourra aussi chercher des moyens de grappiller des dixièmes de seconde, constatant que même en réussissant un tour de rêve on ne parvient pas à faire le chrono demandé. Cela sera peut-être possible en usant un peu du frein à main dans les épingles à cheveux, mais pas forcément... Sans oublier les repères de freinage : presque toutes les grandes lignes droites sont suivies de virage très serrés. Tout repose alors sur le moment où l'on commence à freiner, et on pourra utiliser des repères de distance situés avant le virage sous la forme de panneaux jaunes (très souvent, le moment de freinage idéal tombe pile à hauteur d'un de ces panneaux). Heureusement, des traces de gommes présentes dans tous les virages indiquent les trajectoires idéales (c'est un grand classique du jeu de course). En parvenant à les suivre, on réussira assez facilement les médailles d'argent, voire d'or dans certains cas. Mais la réussite passe par de nombreux essais, et on en ressort avec la sensation d'avoir découvert un comportement des véhicules dont la complexité et le caractère imprévisible ne sont pas du tout évidents si on joue la médaille d'argent, qui peut se satisfaire d'une conduite un peu plus primaire.

Voilà pourquoi la progression est vraiment étalée de façon à ce que le joueur soit tenté d'améliorer ses médailles de un deux degrés dans chaque épreuve. Sa meilleure récompense sera de profiter de toutes les subtilités du jeu, ce qui ne sera pas forcément le cas dans les modes multi-joueurs où le fun et l'absence de prise de tête sont en général de mise.

Quand on arrive en ville

- Ne soyez jamais trop polis
(Ce calembour vous est offert par le ministère de la Ville)

Lorsqu'ils ont annoncé qu'il y aurait 12 villes dans le jeu, chiffre qui a été ramené à 10 par la suite (ce qui alimente les rumeurs concernant le contenu à télécharger), les développeurs ont oublié de préciser une donnée importante : dans chaque ville, il n'y a qu'un seul quartier modélisé, contre trois pour les quatre villes de PGR. Au final, la diversité des lieux n'est donc pas vraiment accrue, mais le fait de se promener sur une part plus importante de la surface du globe est tout de même très appréciable. Les premières heures de jeu sont même l'occasion de faire du tourisme, tant le niveau de détail a été amélioré depuis PGR. Les boutiques portent leur vrai nom, les revêtements changent tout le temps, contribuant à restituer l'ambiance architecturale de chaque ville, et les monuments les plus caractéristiques sont présents, quitte à ce que dans certains cas cela oblige à courir dans des quartiers qui ne sont pas les plus intéressants.

Les villes semblent avoir été choisies pour leur forte identité architecturale. Ici, on peut voir ce qui a motivé les développeurs à modéliser Moscou et Yokohama...

Ainsi à Washington, sous prétexte que le Capitole et la Maison Blanche doivent apparaître, on n'a pas droit à la visite du centre ville, et du coup a-t-on vaguement l'impression de se trouver sur un circuit plutôt que dans des rues. C'est un peu le même problème pour Yokohama, qui heureusement donne un superbe spectacle avec une fête foraine voisine des circuits. Ces deux villes, du fait que peu d'immeubles y apparaissent aux abords des circuits, permettent de profiter de la formidable distance d'affichage dont le moteur 3d est capable.

Les abords de la Place Rouge à Moscou sont superbes, avec une gamme de couleur légèrement bleutée qui donne une sensation "oxygénée" très agréable. À Florence et Barcelone, c'est un sans faute. Dans le cas de Florence, on a droit au centre historique, riche en ruelles piétonnes géniales pour les courses comme en monuments dont le plus impressionnant est le Duomo, modélisé à la perfection. À Barcelone, le front de mer constitue une ligne droite dont les abords sont superbes, avant qu'on ne pénètre également dans une zone piétonne. Sydney est également une grande réussite. Le feeling visuel de la ville (du moins la partie qu'on trouve dans le jeu, à savoir la zone portuaire) est parfaitement restitué, et le pont métallique sous lequel on passe de temps en temps est probablement l'objet 3D le plus impressionnant du jeu. Autant l'avouer, il donne clairement des envies de Tour Eiffel...

Des fans du jeu se sont amusés à faire des comparatifs entre leur ville dans la réalité et telle qu'elle apparaît dans PGR2. En haut, Edimbourg, en bas Hong Kong...

Hong Kong est peut-être la ville la plus réjouissante. On ne risque pas d'y retrouver les portions visitées dans Shenmue 2, c'est même tout le contraire puisque le jeu se concentre sur la partie la plus urbanisée de la ville. Les toboggans et ponts y sont légion, ce qui permet enfin de régler un des soucis de PGR : le manque de relief dans les circuits, et de variété dans les types de virage (Sydney propose aussi un grand nombre de passages à fort dénivelé). Stockholm est aussi très agréable, certainement la ville qui propose le plus d'ambiances différentes dans le jeu. On y longe notamment un canal magnifique dans lequel des péniches se déplacent. Edimbourg est souvent considérée comme la plus belle ville du jeu, avec beaucoup de verdure, des rues très variées dans leur topographie, des dénivelés importants, et la proximité d'un majestueux château-fort. Terminons avec la ville la plus controversée : Chicago. Là, on se retrouve clairement dans des tracés comparables à ceux de PGR. Les virages à angle droit font force de loi, mais l'architecture est impressionnante.

Sydney.

Les villes peuvent être parcourues sous le soleil, un ciel nuageux ou une forte pluie, de jour ou de nuit (la pluie et la nuit ne peuvent pas cohabiter, le moteur 3D ne l'autorise pas). De jour il n'y a rien à dire, le rendu graphique est globalement du même niveau tout le temps. En revanche, de nuit, de sérieux problèmes se profilent. Tout d'abord, les villes deviennent ternes, grises, assez laides, à l'exception de Florence, qui bénéficie d'un fort éclairage puisqu'on n'y parcourt que des zones piétonnes très commerçantes. Le pire est atteint à Chicago : les courses de nuit y sont parfois un véritable cauchemar, à cause d'un éclairage inexistant. Globalement, on regrettera que la qualité graphique des courses de nuit soit si décevante, surtout après avoir découvert des villes magnifiquement restituées.

Les tracés

Washington : une ambiance de circuit.

Chaque ville possède sa propre identité en matière de tracés, et le joueur en déduira ses préférences. Barcelone et Florence donnent plutôt dans la rue piétonne étroite, avec peut-être plus de passages rapides sur Barcelone. Yokohama propose des circuits très difficiles, avec des virages qui deviennent très techniques dans la mesure où on les prend souvent à grande vitesse. Sydney et Edimbourg donnent dans la promenade. On y rencontre toutes sortes de virages, ponts et traversées de zones à l'aspect banlieusard succédant aux concentrations d'immeubles.

Washington, comme on l'a vu, ressemble à une série de circuits de F1 situés aux abords de la ville, qu'on ne voit que de loin. Néanmoins, les tracés de cette ville sont passionnants, longs, et propices aux courses pleines de rebondissements. En multijoueurs, c'est un vrai bonheur, mais contre la redoutable IA du mode solo, on sera beaucoup plus à la peine, tout comme à Yokohama (notamment lors d'une course en série Ultime qui est à s'arracher les cheveux).

Hong Kong est la ville des sensations fortes avec ses successions de toboggans qui donnent l'impression d'être dans des montagnes russes, et Chicago trouve surtout son charme dans le fait qu'on y dispute la plupart des épreuves de la série American Muscle, peu rapides et difficiles à piloter. Ces courses où toutes les voitures glissent et se tamponnent à tout va, dans un cadre fortement urbanisé, rappellent les poursuites en voiture dont on se régalait autrefois au cinéma. Visuellement, c'est fantastique !

Mais PGR2, ce n'est pas seulement de la conduite en ville, c'est aussi...

Le Nurburgring

- Un peu d'histoire

Le Nurburgring, situé en pleine campagne près du village de Nurburg en Allemagne, dans la région de l'Eifel (non loin du Luxembourg), est le circuit routier le plus long et dangereux du monde.

Sa construction débute en 1925 et s'acheve en 1927. À l'époque, la France dispose d'un circuit d'essai et de course de premier ordre avec Montlhéry, l'Italie a Monza et l'Angleterre Brooklands. Mais les clubs automobiles allemands veulent s'équiper d'une plate-forme unique, quelque chose de jamais vu et d'intimidant. l'État les soutient volontiers, soucieux de redorer son blason (rappelons qu'on est dans l'entre-deux-guerres). Aussi, si le tracé récupère quelques routes existantes, ce sont des pans entiers de circuit qui sont construits de toute pièce, sans chercher particulièrement à contourner le relief de la région. Le tracé (qui n'évolura guère jusqu'en 1967) comporte deux boucles : la boucle Nord (Nordschleife), avec ses 22,835 km de long, ses 300m de dénivelé et ses 70 virages, est la plus impressionnante. On lui réserve les courses évènementielles, notamment la Formule 1. La boucle Sud (Sudschleife) ne fait que 7,7 km. Des courses de motos s'y déroulent dans un premier temps, ainsi que des courses de voitures de moindre importance.

Une course dans les années 50.

Au cours de son histoire, le Nurburgring connaîtra de nombreuses aventures, même si les archives le concernant se résument à des résultats de course et rendent difficile toute recherche sur les modifications éventuelles du tracé. En 1928, il devient pour ainsi dire propriété de l'État Allemand, suite aux difficultés financières des club automobiles. En 1945, les chars américains l'empruntent et le détériorent fortement. Ce sont les Français, à qui le contrôle de l'Eifel est attribué à l'issue de la guerre, qui le rénoveront, dans le but d'y organiser un Grand Prix de France qui sera finalement annulé.

La Nordschleife et son ambiance unique (revêtement actuel).

En 1967 est ajoutée la chicane d’Horhenrain, à l'entrée de la ligne droite des stands, mais les équipements de sécurité insuffisants, les innombrables bosses et l'étroitesse du revêtement rendent, à mesure que les voitures de Formule 1 deviennent plus rapides, le Nurburgring de plus en plus dangereux. Les accidents se multiplient, les victimes sont nombreuses, et le circuit est surnommé "l'Enfer vert". Finalement, le Grand Prix d'Allemagne déménage à Hockeinheim en 1970. Mais l'Allemagne ne laisse pas tomber le Nurburgring, au contraire : en 1971 sont entrepris des travaux titanesques (7 millions de marks). Le revêtement de la Nordschleife est entièrement détruit et refait, plus large, plus adhérent, doté d'accotements mieux dégagés. Bien entendu le tracé est inchangé, et le circuit retrouve des conditions de sécurité acceptable, sans perdre son ampleur et sa complexité.

Il reste une portion de la Sudschleife inchangée. Elle permet de découvrir ce qu'était autrefois le revêtement du Nurburgring.

Fin 1971, le Grand Prix d'Allemagne retourne sur le Ring, qui retrouve sa gloire perdue, mais celle-ci sera de courte durée... En 1976, lors du Grand Prix d'Allemagne, Niki Lauda rate un virage pourtant réputé "sans problème", sa voiture sort de piste, prend feu, et les autres pilotes venus à son secours peinent à l'en extraire. Il sera sévèrement touché au visage... Une image choquante, trop choquante pour qu'on pardonne au Nurburgring cette x-ième victime (même si Lauda reprend la compétition rapidement). Même si le Nurburgring aurait cessé d'accueillir dès la saison suivante le Grand Prix d'Allemagne que cet accident ait lieu ou non (son homologation expirait l'année suivante), les deux évènements sont restés associés dans l'esprit du public, et c'est sans regret que la Formule 1 a abandonné ce circuit.

Le fait qu'on l'ait de nouveau laissé au second plan est en fait un gros atout pour le Ring, car de ce fait son tracé a pu rester quasi identique à celui d'origine, contrairement à celui des circuits de Formule 1 actuels qu'on à "charcuté" à tout va pour qu'ils soient plus télégéniques et sécurisants. Néanmoins, en 1983 la zone de stands et une partie de la Sudschleife ont été remplacés par un circuit de Formule 1 long de 4,5 km bien dans les normes, qui est donc juxtaposé à la Nordschleife.

L'accident de Nicky Lauda en 1976.

Depuis toujours le Nurburgring, en dehors des compétitions, est ouvert au public, et des pilote amateurs y tournent toute la journée. Pendant longtemps cette partie de l'activité du circuit est resté confinée aux amateurs éclairés, mais depuis 1998 elle est devenue, pour des raisons économiques, prépodérante : des agences de voyage organisent des tours spéciaux, des parkings gigantesques ont été construits à proximité (souvent saturés, ainsi que les routes qui permettent d'accéder au circuit), et sur la piste on trouve toutes sortes de véhicule (même des cyclistes !). Évidemment, même sans posséder une bête de course qui croise à 300 km/h, le tracé est suffisamment traître (avec notamment un grand nombre de virages sans visibilité ou surprenants car situés en haut de montées) pour provoquer des accidents, et on continue de déplorer des morts chaque année. Bref, ce n'est plus ce que c'était, et l'amateur qui partira là-bas en pélerinage risque d'être déçu. Heureusement, il reste les jeux vidéo. On peut ainsi courir sur la Nordschleife dans Grand Prix Legends (PC, 1988 - dév. Papyrus éd. Sierra) et sur le circuit de F1 du Nurburgring (comprenez le petit, celui de 4.5 km) dans F355 Challenge (Dreamcast - PS2, 1999 - dév. et éd. Sega), Pro Race Driver (PS2 - PC - XBox, 2003 - dév. et éd. Codemasters), Gran Turismo 4 (PS2, 2004 - dév. Polyphony Digital éd. Sony) etc.

Grand Prix Legends.

En-dehors des courses de Formule 1, les deux épreuves les plus célèbres courues sur la Nordschleife sont les 1000 km du Nurburgring et les 24h du Nurburgring. En 1983, lors des "1000 km", à bord d'engins de 600ch pouvant atteindre 300 km/h comparables à ceux des 24h du Mans, les pilotes en course écrirent des pages légendaires de l'histoire du Ring, sans air bag, dans des conditions démentielles. Stefan Bellof, dans une Porsche 956, établit cette fois-là le tour le plus rapide jamais enregistré en 6'11. Les "24h" accueillent des voitures plus raisonnables. D'autres courses ont lieu sur la Nordschleife, comme la Saxo Cup ou l'Eifel Klassik, mais les courses de moto ont cessé.

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