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Oric
Venus d'Angleterre, ces 8-bits furent très populaire en France, qui est devenue leur terre d'adoption, au point que des développeurs prestigieux de l'héxagone y ont fait leurs premières armes.
Par Soreal (04 mars 2002)
L'Oric 1 et sa gracieuse robe blanche.

Avant de commencer de vous parler d'Oric, il me semble indispensable de vous mettre dans l'ambiance du marché de l'informatique tel qu'il est au début des années 80. À ce moment là, on voit emerger d'un peu partout de multiples sociétés qui tentent d'imposer leur vision du micro-ordinateur, tout est à faire et chacun y va de son innovation. Il y a d'un côté l'informatique que j'appelerais industrielle avec ses gros systèmes (IBM, Digital etc...) et de l'autre côté l'informatique familiale avec ses petits micro-ordinateurs dont l'unité centrale et le clavier ne font qu'un, et qu'on branche le plus souvent sur la télé, ce qui occasionne bien entendu des sources de conflit entre les parents qui veulent regarder leur emission préférée, et leur progéniture qui a plus envie de manger du BASIC ou tout simplement de jouer au nouveau jeu qu'il (ou elle) vient fraichement d'acquérir (jeu qui mettait 20 minutes a se charger, lecteur de K7 oblige...). Il est rare en effet de trouver un ordinateur de cette catégorie vendu avec son moniteur, et il faudra attendre l'arrivée d'Amstrad et de son CPC-464 pour voir un "tout en un" abordable. Bref, c'est un peu ce que j'appelle l'ère des pionniers, une ère ou certains grands noms d'aujourd'hui ont fait leurs débuts, que ce soit au niveau matériel ou logiciel, une ère ou l'achat de tel ordinateur vous fait rentrer dans un clan ou la passion l'emporte souvent sur la raison. On n'achète pas un ordinateur, on adhère à une idée de l'informatique, des clubs infos jaillissent un peu partout et on n'hésite pas à rester des heures devant son clavier pour taper des milliers de lignes de code récupérées sur une revue, en esperant jouer à un jeu "fait maison" ou à le coder soi-même, avec quelques fois de drôles de surprises quand au résultat... quand ça fonctionnait ! Les Oric font partie de cette catégorie d'ordinateur 8-bits qui a marqué a jamais ceux qui ont eu la chance de la vivre, ce site n'en est-il pas la plus belle preuve... ;)

Un peu d'histoire

C'est en 1982 qu'est créé Oric, à une periode où les noms de Sinclair, avec le ZX-81 et le Spectrum, ainsi que Commodore avec les Vic20 et C64, résonnent dans la tête de ceux qui ont ou veulent acquérir un micro-ordinateur. Comme Acorn et Sinclair, Oric est donc une société Anglaise ; aux commandes on trouve plusieurs hommes ayant comme ideal de créer tout simplement le meilleur micro-ordinateur du moment, à un prix défiant tout conccurence, leur but etant de faire mieux que Sinclair. Certains d'entre eux viennent en fait d'une autre société au doux nom de Tangerine (qui est à l'origine du Microtan, un calculateur) qui apportera son savoir-faire pour ce qui est de la conception de la première machine qui sortira des usines Oric. Comme on le verra par la suite ces gens-là sont bourrés d'ambition mais la réalité ne leur donnera pas toujours raison tout au long de leur quête de reussite... La première machine à sortir est l'Oric 1, en 1983. C'est un petit boîtier blanc, fort de ses 16Ko de memoire vive et dont les 57 touches du clavier sont composées du même plastique caoutchouteux que celles des calculatrices. Autant le dire tout de suite, ce n'est pas un modèle du genre pour la qualité de frappe (quoique sûrement plus pratique que celui du Zx-81 qui est une sorte de membrane sans relief). Le microprocesseur est un 8-bits, le 6502 (un des plus vendus au monde à ce moment-là) cadencé à 1 Mhz, et l'affichage est en 240x200 points en 8 couleurs. Pour la partie sonore on trouve un circuit General Instruments AY-3-8192 émettant 3 voies sur 7 octaves et un générateur de bruits blanc, une sortie imprimante Centronics, 2 ports d'extension, une sortie peritel (avec sa propre alimentation s'il vous plaît !), une entrée sortie cassette/son et le BASIC qui se trouve en ROM (malheureusement buggée).

Pourtant ce BASIC a de quoi séduire, il est assez puissant et comble du raffinement il possède 4 commandes sonores que tout possesseur d'Oric est incapable d'oublier : explode, zap, ping et shoot ne peuvent pas être plus explicites que les sons qu'elle produisent ! Une deuxième version de l'Oric 1 sort quelques mois plus tard, et c'est de 48k qu'il se trouve gratifié. La presse anglaise fait l'éloge de cette petite machine qui commence à se faire connaître, et qui pour 1990F offre beaucoup à son propriétaire, même si certains defauts sont assez irritants. En France le succés de l'Oric 1 est bel et bien là aussi, et les annonces de sortie de nouveaux péripheriques comme une imprimante ou un lecteur de microdisc n'y sont pas étrangères. En attendant, il faut se satisfaire d'un lecteur de K7 dont la rapidité et la fiabilité ne sont pas les points forts, et il n'est pas rare d'avoir recours au tournevis pour régler l'azimutage afin de pouvoir charger un logiciel sans qu'il n'y ait d'erreur ! Mais c'est un des évènements de 1983 qui rend Oric en France aussi populaire que Sinclair en Grande Bretagne : en effet, c'est cette année qui couronne l'Oric 1 ordinateur de l'année dans notre pays ! À ce moment là les ventes explosent et de plus en plus d'excellents logiciels voient le jour sur cette machine.

L'Atmos entouré du lecteur de microdisc et de l'imprimante.

En 1984 c'est l'arrivée sur le marché du remplaçant de l'Oric 1, l'Atmos. Sous sa robe noire et rouge, cet ordinateur cache la même technologie 8-bits que son prédecesseur, mais une version de ROM non buggée cette fois-ci, un clavier mécanique qui pour cette gamme de machine, et surtout à ce tarif, est quelque chose d'assez rare pour être souligné et enfin la peritel n'a plus besoin d'une alimentation annexe. C'est avec cette machine qu'apparaît enfin le lecteur de microdisc. Il est assez cher mais apporte un confort d'utilisation incomparable à celui qui a la chance d'en posseder un. Le lecteur de disquettes, à l'époque, est un périphérique haut de gamme, tout le monde rêve d'en avoir un, car il allie capacité de stockage et vitesse, tout le contraire du lecteur de K7 et ses caprices ! L'Atmos marche vraiment bien au pays du fromage qui pue, on le voit tous les mois au nombre de jeux et programmes éducatifs qui sortent, mais aussi de livres édités permettant d'apprendre, optimiser et percer les secrets de sa machine. On trouve même une revue mensuelle dédiée aux oriciens, Théoric. De par son bas prix (1200F puis 990F au bout de quelques mois) et ses bonnes capacités, cette machine fait la joie des bidouilleurs en tout genre. Pendant ce temps-là, en Angleterre, la maison mère est de plus en plus endettée, de par une gestion plutôt hasardeuse de la société et la faillite arrive à grand pas alors que dans les cartons des ingénieurs se trouve la machine la plus prometteuse qu'ils n'aient jamais imaginé. Son nom de code est Stratos.

Le Téléstrat et le lecteur de microdiscs.

Le Téléstrat sera son nom définitif et ce n'est pas par le biais de la sociéte Oric dont je vous ai parlé qu'il est commercialisé mais par son racheteur. Hé oui, Oric devient français et c'est la société Eureka qui en reprend les rênes en 1985 et s'occupe aussi de la fabrication. C'est avec joie que l'on retrouve enfin des pages de publicités Oric dans les magazines spécialisés ! Eureka tente de redorer le blason de l'image d'Oric, et de tenir les engagements que feu Oric a eu du mal à respecter (ceux qui ont attendu le microdisc se rappellent sûrement de quoi je parle). L'Atmos reste bien sûr au catalogue et on retient la sortie de l'excellent OS sur disquette Sedoric. Le Télestrat, lui, est presenté au public en 1986 : c'est la machine que tout oricien attend. Elle représente la survie de la marque, le dernier espoir ! Mais qu'est-ce que ce Téléstrat a de special ? De visu, rien ne le differencie beaucoup de son grand frère l'Atmos, même robe noir et rouge, même clavier, mais la taille paraît plus imposante, et il respire le serieux. On dirait une machine professionnelle, bref, il inspire le respect.

Mais alors, quelles sont nouveautés ? Le passage de la mémoire vive de 48 à 64 ko est déjà une bonne nouvelle mais le plus important n'est pas là : en effet, Oric a doté le Telestrat d'un modem interne ce qui en fait un engin taillé pour la... télématique. Ça y est, le mot est jeté, ce mot qui au début des années 80 prend toute sa signification en France plus que nulle par ailleurs par la formidable avancée technologique qu'est le Minitel et sa démocratisation dans notre pays ! Le Téléstrat a tout pour lui à ce moment-là : la logithéque de ces ancètres et la fabuleuse capacité d'être un serveur télématique. Hélas... trois fois hélas, ça ne prend pas. La machine arrive trop tard car déjà le rouleau compresseur Amstrad déboule sur toute l'Europe et remplit les chaumières de ses CPC au rapport qualité/prix imbattable... La suite est sans surprise : Eureka finit par laisser la clef sous la porte en 1988 et laisse des milliers de petits orphelins avec leur machine...

Si on parlait des jeux !

Optimisation , un mot que les progammeurs ont oublié , pas sur Oric !

Ici, pas de 3D, pas de milliers de couleurs et de 1024x768 messieurs dames, pas d'équipe de développement où 50 personnes conçoivent un jeu en 1 an, non je vous parle d'un temps ou les sprites (ou lutins) étaient rois, ou le 240x200 était la définition de mon Oric et ne soyez pas choqués par ses 8 couleurs affichées péniblement... Quelle drôle d'epoque, vous vous rendez compte, où un seul homme peut creer un jeu donnant des heures de plaisir à des millers d'autres, ou les concepts des jeux d'aujourd'hui se dessinent, où le plaisir de jouer devant une télé ou un moniteur à des jeux de 35 ko est le quotidien du gamer, mais où allons-nous je vous jure... Sur Oric, les plus grands ont fait leurs armes, des éditeurs comme Ere Informatique, Loriciel, Infogrames, ont débuté sur cette machine. Je ne vais pas vous énumérer tous les jeux de l'Oric, la liste est trop longue, mais il y a des noms qui ont traversé les temps et sont devenus des légendes.

L'Aigle d'Or de Loriciel a reçu la suprême recompense ; le premier Tilt d'Or du Meilleur Jeu d'Aventure en 1985. Ce jeu a fait passer des nuits blanches à toute une génération. Il est en 3D isométrique, ce qui est génial pour l'epoque, et toute l'action se deroule dans un château aussi labyrinthique que dangereux de par les (mauvaises) rencontres que l'on peut faire. Le but est de trouver le diamant bleu, le livre sacré et l'aigle d'or, rien que ça ! Le héros peut faire des tonnes d'action, acheter des torches, des fioles de soin, ouvrir des coffres et utiliser les objets qu'il pouvait y récuperer. L'ambiance est terrible, on s'y croit vraiment. Ce sont les débuts de l'immersion dans le jeu vidéo, et on a l'impression de vivre une autre vie ! Ce jeu sera adapté plus tard sur d'autres plates-formes, mais une chose est claire : c'est sur Oric qu'il est sorti en premier ! :)

Et si on jouait au flipper tiens ! En 5ème, je tâte du flipper à la gare routière de ma ville. Juste avant d'aller au collège (si maman savait...), il y a là une petite salle de jeu avec quelques "flipps" et des jeux vidéo. Hé bien je peux vous assurer qu'à 12 ans, je n'imagine même pas qu'on puisse jouer à ce jeu tout mécanique sur un ordi ou une console. Et pourtant, Ere l'a fait. Qui ? Ere Informatique. Eux aussi ont débuté sur l'Oric et tout comme leurs confrères de Loriciel nous ont pondu un Tilt d'Or avec leur Macadam Bumper, la même année en plus (je le sais bien, j'ai encore mon vieux Tilt sous les yeux alors que je rédige !). Magique c'est le mot. Sur mon écran, la bille parcourt le tableau unique avec une inertie semblable à celle des vrais flippers. Tout y est, les bumpers, les rampes, les cibles et le "Tilt" ! Incroyable, on peut y passer des heures sans mettre 1 franc, le bonheur... Mais le fin du fin sur ce flipper de fous, c'est la possibilté de modifier le flipper à sa guise. Hé oui, Ere a eu l'idée géniale d'ajouter une option qui permet de moduler le flipper selon ses goûts , le jeu de flipper parfait !

(NdL : L'article sur les flippers et simulations de flippers donne un contre-avis sur ce jeu).

Les jeux de rôle papier, dans la même periode, rentrent dans ma vie. Je tiens à faire un hommage à mon meilleur ami Thibault (il l'est toujours) sans qui je n'aurais peut-être pas connu le nouveau concept étrange mais ô combien fascinant et addictif de se retrouver à 3/4 autour d'une table et de vivre une aventure commune avec comme seules illustrations les paroles du maître de jeu et notre imagination. Donjons & Dragons a frappé le premier ! Quel rapport avec Oric et les jeux ? Je vous le donne en mille : des petits malins ont développé un jeu de rôle dessus : Tyrann. Bon ce ne sont pas les premiers à avoir fait un jeu de rôle sur micro, puisqu'on a déjà la serie des Wizardry qui débute sur Apple 2 (mais attention le tarif de la machine...), ou Ultima de Richard Gariott (sans parler de M.U.D. et Zork dans les seventies), mais moi je veux vous en parler parce qu'il est le premier auquel j'ai joué, tout simplement !

Bon alors comment ça se presente ce jeu ? Pour tout vous dire, au début je m'attendais à mieux. Il faut l'avouer, Tyrann au niveau graphismes, c'est pas folichon. Le jeu démarre sur une page sobre où on doit faire la création des personnages, 6 en tout, une belle brochette de héros qui va du magicien en passant par le voleur et le guerrier ainsi que le druide, avec chacun leurs compétences. Toute l'action se passe dans un donjon en 3D fil de fer dans lequel on avance case par case, vu à la première personne pour un peu plus y croire. De temps en temps on trouve des portes que l'on peut ouvrir ou pas. Hé oui, à nous d'avoir la clef ! On y trouve aussi des monstres bien entendu, des hordes de zombies ou autres gobelins qui ne sont là rien que pour nous embêter moi et mon équipe ! Autant vous le dire tout de suite, on ne les voit jamais ces bestioles. Dès qu'il ya une rencontre ou un combat, tout se passe en mode texte... Alors là vous vous demandez : mais qu'est ce qu'il a pu lui trouver à ce jeu où on ne voit rien ? Dur à expliquer. Comment vous le dire, je crois que l'écran de jeu était dans ma tête. J'ai les neurones du cerveau qui à chaque description donnée par la machine retranscrivait parfaitement la scène. Je ne jouais pas, j'y étais, avec toute mon équipe et puis il faut le dire, il n'existait pas encore de jeux inscrivant une realité aussi nettement sur écran que le pouvoir de notre imaginaire. C'était en ça que ce jeu était magique : j'etais libre d'interpréter chaque moment vécu !

Ce petit échantillon de 3 jeux que je vous ai choisis n'est que purement sentimental je vous l'avoue. D'autres que moi auraient certainement fait un autre choix, mais j'assume et espère que ça vous donnera surtout une idée de l'état d'esprit d'une certaine catégorie de joueurs de cette époque. De toute façon rien ne vous empêche d'utiliser l'excellent Euphoric qui émule toutes les machines Oric. Il m'a d'ailleurs permis d'obtenir les photos d'écrans que vous avez devant les yeux, et il vous permettra de vous exercer sur les centaines des jeux qui sont sortis couvrant tous les styles et pour tous les goûts... Les roms, je vous laisse le soin de les trouver par vous-même, elles sont disponibles dans toutes les bonnes crèmeries du web qui se respectent ; à vous de savoir frapper à la bonne porte ! ;)

Conclusion : Les nouvelles du front oricien

Figurez-vous qu'en décidant de faire cet article je me suis retrouvé à faire pas mal de recherches sur le net et que de pages en pages j'ai découvert qu'une communauté de vétérans continuent à se servir de leur machine favorite, et mieux usent d'ingéniosité et du fer à souder pour le faire évoluer. Le CEO (Club Oric Europe) a l'air toujours bien vivant et a son propre site où vous pouvez trouver toutes les news fraîches du monde Oric. Des passionnés continuent de developper des jeux ou des utilitaires sur cette plate-forme, et comme je vous le disais certains font évoluer leur ordinateur en usant de multiples astuces, logeant la carte mère dans un boitier PC et y connectant des lecteurs de disquette 3,5 "ou 5.25".

À ce niveau-là on depasse le stade de la passion. J'ai même lu que certains Telestrat servaient encore en tant que serveurs télématique et que des demomakers sévissaient sur la bête afin de lui faire cracher ses tripes jusqu'au dernier pixel !

Un Téléstrat de compétition !
L'Atmos se pécéise !

Même aprés leurs années de gloire, les 8-bits continuent une carrière, et grâce à l'avènement du web comme média tout le monde peut découvrir ce qu'il y avait avant l'ère de l'uniformisation des supports. Les machines Oric font partie de cette famille d'ordinateurs qui ont marqué une génération ; pourra-t-on dire la même chose de nos pc clonés et sans "âme" dans quelques années ?

Soreal
(04 mars 2002)