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Fighter Bomber
Année : 1989
Système : Amiga, Atari ST, C64, Windows, ZX Spectrum
Développeur : Vektor Grafix
Éditeur : Activision
Genre : Simulation
Par Laurent (24 mai 2002)
La boîte du jeu (merci au site Hall of Light !)

C’est sur 16-bits que sont apparus les premiers simulateurs d’avion de combat ressemblant un tant soit peu à ce que ce genre de jeu est devenu aujourd’hui, et qui ont pendant longtemps, grâce à leurs possibilités ludiques supérieures, rendu obsolètes les simulateurs de vol simplement basés sur la navigation. Fighter Bomber, sorti à la même époque que Falcon, F19 Stealth Fighter et F/A-18 Interceptor, a connu un succès considérable mais on a souvent tendance à l'oublier, peut-être parce que son éditeur Activision ne s’est pas fait une spécialité de ce genre de simulation. Le studio de développement Vektor Grafix, qui s'était précédemment fait remarquer avec deux jeux de tirs en 3D fil de fer sur ST et Amiga inspirés de la saga Star Wars, est à l'origine de cette réussite.

En plus d'un jeu, c’est d’une petite encyclopédie des chasseurs et bombardiers modernes qu’il s'agit. Le joueur doit d'abord choisir son avion parmi les 6 modèles proposés : F111F, F-15 Eagle, Tornado, F4 Phantom, Saab AJ37 Viggen et Mig 27 Flogger.

Avion du joueur.

Le menu permettant de se renseigner sur chacun de ces appareils est magnifique, l'un des plus agréables qu'on ait vu à l'époque dans un jeu de ce type. Chaque avion est représenté vu de profil, superbement dessiné, mais on peut aussi le voir en 3d tel qu’il apparaîtra par la suite dans le jeu. Une fiche technique est également accessible : elle donne un historique succinct de l’appareil, ses origines, le but dans lequel il a été conçu et ses caractéristiques. L'ensemble est très clair, ni trop long ni incomplet. On passe de longues minutes à décortiquer et admirer chaque avion avant de faire son choix.

Avions ennemis.

Ensuite il faut choisir le type d'avion piloté par l'ennemi. Là, d'autres modèles sont disponibles, 7 au total : Mig 29 Fulcrum, F14 Tomcat, F16 Falcon, F5E-Tiger II, Sukhoï 27 Flanker, Mirage 2000 et Mig 31 Foxhound. On regrette que cette fois les informations précédentes ne soient pas disponibles et surtout qu'’il ne soit pas possible de piloter le fameux Su-27 (et ses changements d'assiette impossibles) ou le Mirage 2000, histoire de voir ce qu'’il valent comparés aux autres.

Ensuite, un menu présentant les différentes phases de jeu apparaît. On commence par une phase de vol libre permettant de se familiariser avec les commandes de l'appareil et les phases de jeu les plus courantes (appontage, décollage, vol à haute altitude, poursuite du tanker de ravitaillement, etc.), et le jeu proprement dit commence. D'entrée, la réalisation graphique étonne par sa qualité. La représentation du cockpit est très claire et les vues extérieures de l’appareil, si elles ne sont pas d'une utilité flagrante, font la part belle à un moteur graphique 3D assez performant. Le cockpit est simple et efficace. Un HUD qui indique en permanence le cap, l'altitude, la vitesse et le type d'arme en cours d'usage, et plus bas deux écrans paramétrables peuvent afficher un radar de proximité (pour détecter les appareils ennemis) ou un radar de positionnement sur la carte. Quelques voyants témoignent de l'utilisation de commandes de base : aérofreins, freins de roues, contre-mesures (pour leurrer les missiles air-air ennemis), train d'atterrissage et régime moteur. Rien de bien compliqué.

Le jeu est émaillé de superbes illustrations.

Le pilotage de l’appareil, quel qu'’il soit, ne donne pas dans le réalisme à tout craint. La prise d’un virage n’entraîne aucune perte d'altitude et on peut monter et descendre à convenance, même de façon radicale, sans aucun "voile noir" ni "voile rouge", ces pertes momentanées de la vue qui peuvent affecter le pilote en cas d'accélération ou décélération verticale trop brutale, et qui aujourd’hui sont systématiquement présentes dans les simulateurs de ce type. La maniabilité change un peu selon le type d’avion choisi et le cockpit est à chaque fois différent, mais dans l'ensemble l'avion ne décroche jamais et peut prendre n'importe quel taux de montée ou descente sans être endommagé.

L'approche du Mt Rushmore.

En ce qui concerne les décors en 3D, il faut bien sûr les replacer dans le contexte de la sortie du jeu. Sur 16-bits, il n’y a eu que très peu de jeux en 3D qui pourraient encore faire illusion de nos jours en raison de la puissance des processeurs de l'époque, ridicule comparée à ceux d'aujourd'hui. Le simple fait que les objets soient en faces pleines et de différentes couleurs, et non en "fil de fer", suffisait à combler le joueur et il n’était pas question de "gonfler" sa machine pour permettre le calcul conjoint de décors complexes, du modèle de vol des avions et de l'intelligence artificielle des ennemis, comme c'’est le cas aujourd’hui. Tout reposait sur les 7 Mhz du 68000 et on était loin de parler d’accélération 3D.

Aussi, on appréciera à sa juste valeur le fait de trouver dans Fighter Bomber des décors qui ressemblent tout de même à quelque chose et ne sont pas tout le temps les mêmes. De vastes étendues vertes, des plans d’eau et des routes sont visibles, d'où émergent des pyramides qui représentent des montagnes, des immeubles lors du survol de villes à basse altitude, ainsi que des éléments de décors plus complexes, dont celui qui a fait l’objet du plus grand soin est le Mont Rushmore, cette colline dans laquelle les têtes de 4 présidents Américains sont sculptées. Son survol à basse altitude, qui a lieu dès les premières minutes de jeu, offre un joli spectacle. Les vues extérieures de l'appareil offrent un niveau de détail inégalé à la sortie du jeu. On peut voir le train d’atterrissage sortir ou entrer, les volets et ailerons bouger, et même la post-combustion à l'arrière des réacteurs.

La vue extérieure la plus spectaculaire.

L'animation, en revanche, est décevante. Saccadée en permanence, elle ne nuit toutefois en rien à la facilité du maniement et la prise en main de l'appareil. Au contraire, pourrait-on dire, elle a tendance à rendre les choses plus faciles puisque l'avion donne l’impression d'être sur des rails une fois pris l'altitude et le cap voulus. Le son, quant à lui, reste une donnée secondaire dans ce type de jeu mais remplit ici correctement son office (sauf sur la version PC), avec des bruits de réacteurs réalistes et quelques voix digitalisées.

Une fois le vol libre maîtrisé, il est temps de passer aux nombreuses missions que contient le jeu. Elles sont classées en 4 séries de 5 missions : couverture, tactique, stratégique et défense. On commence par l’armement de l'avion, dans un menu qui est à l'époque de la sortie du jeu le plus complet qu'on ait vu. Missiles air-sol (Mavericks), air-air (Sidewinders) ou bombes, tout y est avec encore une fois des fiches techniques détaillées, et pour faciliter les choses une option d'armement automatique qui rappelle que les amateurs de simulations orientées arcade ne sont jamais oubliés dans ce jeu.

Après le briefing, c'est l'heure de décoller.

Ensuite, le briefing de la mission montre les objectifs et les éventuelles phases de ravitaillement. C'est une des grandes innovations du jeu : le ravitaillement en vol est possible. Il fait d’ailleurs l'objet d’une mission d'entraînement, car la chose est plutôt délicate : il faut retrouver le tanker, se placer dans son sillage, ajuster sa vitesse, et se brancher dans la pompe de ravitaillement située derrière lui (si vous n'y arrivez pas vous pouvez même l'abattre, histoire de lui apprendre à garder le cap !).

Le ravitaillement en vol permet des missions sur de très grandes distances, et plutôt longues, ce qui rend plutôt étonnante l’absence d'accélération du temps. On passe donc, dans les missions les plus avancées, un certain temps à attendre, mais dans l’ensemble on ne s'ennuie jamais, les combats contre des ennemis sortis de nulle part entrecoupant agréablement les objectifs. Pour revenir au briefing, celui-ci est très complet. Il permet d'examiner les cibles et de reconnaître n'importe quelle zone du "théâtre" des opérations au moyen du moteur 3D du jeu, et chaque mission est expliquée par un texte qui décrit les objectifs et scénarise le tout. À l'issue des missions, qu'elles soient réussies ou non, ce même menu de briefing permet de comparer sur une carte l'itinéraire prévu, et celui effectué.

L'approche du tanker pour le ravitaillement en vol.

Fighter Bomber ne se veut en aucun cas un simulateur réaliste et a visiblement été conçu pour être le plus ludique possible, tout en permettant au joueur d’être réellement impliqué dans le déroulement des opérations. Il ne faut donc pas oublier que le jeu a été édité par Activision et non Microprose. Les commandes ne sont pas innombrables, et ne nécessitent pas des dizaines d'heures de jeu pour être mémorisées. Les missiles, une fois la cible verrouillée, font mouche à tous les coups, et on n’en est que rarement à court. D'ailleurs si c'est le cas, le combat peut facilement être évité ou remporté par l'usage du canon qui est très efficace et aux munitions illimitées. L'intelligence artificielle des avions ennemis n'est pas vraiment élaborée : ils se contentent la plupart du temps de tourner autour de l’avion du joueur, à une vitesse bêtement élevée, ce qui est tout sauf crédible. L'intérêt du jeu se situe donc ailleurs que dans le réalisme, plutôt dans les missions qui comportent chacune un scénario intéressant, et dont la difficulté progresse peu à peu. À partir du troisième niveau les choses deviennent assez ardues. Les missions sont longues (parfois une bonne heure de jeu), et les objectifs nombreux. Il faut user de toutes les catégories d'armes, notamment les bombes, dont le système de visée n'est pas simple à utiliser (il faut se mettre en descente et pointer l'appareil sur l'objectif).

Armement de l'appareil avant la mission.

En plus des missions prévues, il faut signaler l'éditeur de missions. Celui-ci, plutôt bien fait, constitue la cerise sur le gâteau, et achève de faire de Fighter Bomber le simulateur de vol le plus complet disponible à sa sortie.

En résumé on a donc un jeu qui propose un large panel d'avions et d'armes à utiliser, des missions variées et renouvelables à l'infini, et une réalisation de très bon niveau. Cette richesse, associée à un plaisir ludique permanent et pas trop exigeant, a permis au jeu d'Activision d'obtenir un gros succès et une reconnaissance critique unanime. Le jeu est resté longtemps en tête des préférences des joueurs sur 16-bits, en concurrence serrée avec Falcon. Il aura fallu l’apparition de F29 pour qu’il prenne un sérieux coup de vieux. Le premier simulateur réalisé par le studio DID (auteurs par la suite de l’énorme F22 – Total Air War), longtemps attendu, l'enverra aux oubliettes par sa jouabilité géniale, ses graphismes superbes et surtout son animation totalement fluide. Cela n'empêchera pas Activision d'éditer un data-disk pour Fighter Bomber, intitulé Fighter Bomber Advanced Missions. Une vingtaine de nouvelles missions d'’une difficulté monstrueuse, pratiquement impossibles au delà de la cinquième, même pour qui avait terminé le jeu original.

À signaler également une adaptation sur Spectrum, un peu allégée sur les avions disponibles, mais au gameplay assez fidèle.

La version Spectrum.

Ce jeu mérite d'être redécouvert et constitue, en même que les titres précédemment cités qui lui sont contemporains, une étape importante dans l'évolution des simulateurs de vol. Il est assez regrettable que de nos jours, aucun simulateur de ce type ne soit conçu avec une telle ouverture vers les joueurs, novices ou experts, en dehors de Combat Flight Simulator de Microsoft qui se déroule durant la deuxième guerre mondiale et n'offre pas les mêmes sensations. Le réalisme et la complexité sont désormais les maîtres mots, rendant obligatoire la pratique exclusive et continue d'un seul titre, sous peine d'en oublier le fonctionnement. Peut-être leurs concepteurs devraient-ils se faire une mission sur Fighter Bomber pour retrouver la formule universelle.

Laurent
(24 mai 2002)
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