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Blaster Master (et ses suites)
Année : 1988
Système : NES ...
Développeur : Sunsoft
Éditeur : Sunsoft
Genre : Action / Plate-forme
Par Jean-Christian Verdez (31 août 2002)

Jason Frudnick, un garçon tout ce qu'il y a de plus banal, possède une grenouille domestique prénommée Fred qu'il garde dans un vivarium - bon ça déjà c'est un peu moins banal qu'un chat tigré qui s'appelle Minou par exemple, mais ne nous égarons pas. Un beau jour sa grenouille s'échappe dans le jardin, et mute instantanément suite à un contact avec une caisse radioactive qui traînait dans le jardin - là, ce n'est carrément pas banal du tout - puis tombe avec ladite caisse dans le trou qui s'est formé sous le poids de l'animal désormais géant. Jason n'ayant peur de rien d'autre que de perdre son précieux compagnon, se lance à sa poursuite... Certes, mais à pied, poursuivre une grenouille de trois mètres s'avère être une tâche fatigante. Comme la nature est bien faite, en bas de ce tunnel creusé par on-ne-sait-quelle magie dans le jardin de Jason, l'attend un véhicule pour le moins sophistiqué. Dans les égouts de New York, il va découvrir l'existence de mutants redoutables dont le chef est un certain Plutonium Boss. Ce fameux personnage vit en sous-sol, se nourrissant et augmentant sa puissance grâce aux déchets. Une fois qu'il est assez fort, il attaque les gens et les détruit. Mais en faisant cela, il élimine aussi sa ressource en nourriture et doit donc chercher une nouvelle planète à infester. Et c'est sur (ou plutôt sous) la Terre qu'il se trouve aujourd'hui. Sauver la planète, et récupérer sa grenouille, telle est la tâche de Jason.

Bon, abrégeons là les souffrances du lecteur GrosPixelien que vous êtes : le scénario flirte (une fois n'est pas coutume) avec le délire. Mais c'est bien la dernière chose sur laquelle le joueur s'attarde dans un jeu de ce genre. Plongeons donc directement au cœur du sujet : Blaster Master est un jeu de Plates-formes / Action, avec un petit côté aventure. On peut diviser le jeu en deux modes différents. Le premier se présente en vue de profil, et l'autre en vue du dessus.

- La vue de profil

Vue typique des jeux de plates-formes. Vous vous déplacez à bord de votre véhicule prototypesque de l'armée, le Subatomic Omnidirectional Probative Hyperresponsive Indomitable Abdicator the 3rd NORA MA-01, que l'on appellera pour des raisons pratiques, le SOPHIA. Le but est de se frayer un chemin jusqu'au boss de fin de niveau, en blastant tout ceux qui vous barrent la route. Mais les niveaux ne sont pas linéaires : le SOPHIA peut se déplacer dans toutes les directions, et peut même sauter d'une plate-forme à une autre ou encore aller dans l'eau. Outre le canon principal, qui est d'ailleurs orientable soit en avant soit vers le haut, ce véhicule a la possibilité d'utiliser trois armes spéciales. En appuyant sur pause, vous pouvez sélectionner l'une des trois armes suivantes (utilisable ensuite en appuyant sur le bouton de saut puis bas) : Homing Missile permet de lancer un missile à tête chercheuse qui va foncer sur l'ennemi le plus proche, Thunder Break produit un éclair dévastateur sous votre véhicule et Multi War-Head lance trois puissants missiles vers l'avant. Bien entendu ces armes sont en quantité limitée, il faudra donc les utiliser avec parcimonie, et récupérer les recharges éparpillées çà et là à travers chaque niveau.

D'ailleurs, régulièrement, vous apercevrez des petites portes donnant accès à des zones particulières (si vous y entrez le jeu passera en vue de dessus, nous allons y revenir plus loin), ou des échelles et autres passages étroits. À ce moment-là il faudra sortir temporairement du SOPHIA et continuer votre route à pied. Votre arme, un simple blaster, est bien moins efficace et il est très déconseillé de trop s'éloigner de votre véhicule. À pied, vous êtes très vulnérable, et le simple fait de tomber de trop haut peut être mortel.

Les décors sont plutôt variés, et les graphismes fouillés. La palette de la NES est pleinement utilisée et met bien en valeur les différents éléments du décor. Chaque niveau possède sa particularité, aussi bien visuellement qu'au niveau du gameplay.

Par exemple le niveau 1 sert à se familiariser avec le jeu : des plates-formes, des zones à visiter sous l'eau, etc. Le niveau 5 est quant à lui très différent, car il est entièrement immergé. Aucun problème me direz-vous, puisque votre véhicule est Amphibie... Oui mais dans l'eau le SOPHIA se comporte plus ou moins comme un caillou : il tombe au fond. Vous pouvez toujours rouler et sauter sur des plates-formes pour remonter, mais la plupart du niveau 5 est complètement inaccessible par ce moyen et il vous faudra sortir du véhicule pour l'explorer à la nage ! Autant dire que vous êtes extrêmement vulnérable dans ces conditions. Le niveau 6 requière aussi une certaine habileté car il est enneigé et verglacé. Autrement dit : ça gliiiiiiiiiisse.

- La vue du dessus

Lorsque votre personnage entre dans un bâtiment, le jeu passe donc dans un mode vu de dessus (disons 3/4 de dessus pour les puristes). Par ailleurs, la vue est nettement rapprochée. Il y a plusieurs bâtiments par niveau, et ce sera à vous de trouver dans lequel se cache le boss (mais rien ne vous empêche de visiter les autres, au contraire c'est fortement conseillé pour trouver des recharges pour vos armes).

Dans ce mode, Jason peut lancer des grenades dévastatrices mais de très courte portée, ou utiliser son pistolet. Ce dernier, si l'on trouve les items adéquats, peut augmenter en portée et en puissance (il y a dix puissances possibles). Mais lorsque Jason se fait toucher, en plus de perdre des points de vie, son arme diminue en intensité. Il est donc extrêmement difficile d'avoir un pistolet à la puissance maximale. D'autre part, les niveaux prennent parfois des allures de labyrinthe, et la première fois que l'on en découvre un nouveau, atteindre le boss n'est pas chose aisée... Et le battre encore moins, car ils sont coriaces les mutants...

On remarque un flagrant manque d'imagination pour le design des deux derniers mutants

Toutefois, une fois vaincus, ils vous laisseront de quoi améliorer votre véhicule. Vous n'avez plus qu'à rejoindre votre vaisseau où vous l'aviez laissé, et partir à la recherche de la porte qui mène au niveau suivant, et qui sans ces nouveaux pouvoirs était auparavant infranchissable :

  • Crusher (niveau 1) : Augmente la puissance du canon du SOPHIA, ce qui permet (entre autres) de détruire le monstre qui bloque la porte donnant sur le niveau 2.
  • Hyper (niveau 2) : Augmente au maximum la puissance du canon du SOPHIA. Très pratique pour détruire certains murs et accéder à de nouvelles zones, notamment celle qui conduit vers le niveau 3.
  • Hover (niveau 3) : Permet au SOPHIA de voler et d'atteindre des plates-formes plus hautes (le niveau 4 se rejoint de cette manière). Notez que pour utiliser la fonction Hover (en appuyant 2 fois sur saut), il vous faut de l'énergie en quantité suffisante. Cette énergie diminue rapidement pendant le vol. lors de vos recherches, vous trouverez régulièrement des items « H » pour refaire le plein.
  • Key (niveau 4) : Clef permettant d'ouvrir l'accès au niveau 5. À noter que pour déverrouiller la porte, il vous faudra abandonner provisoirement votre véhicule et contourner à pied le mur qui vous bloque.
  • Dive (niveau 5) : Donne au SOPHIA la possibilité de se mouvoir en toute liberté dans l'eau, et plus seulement de tomber comme une pierre. Extrêmement pratique pour remonter à la surface du niveau 5 et atteindre la porte du niveau 6.
  • Wall 1 (niveau 6) : Permet de rouler sur les murs, et de monter vers des lieux inexplorés, tels que le niveau 7.
  • Wall 2 (niveau 7) : Permet de se déplacer sur les plafonds et d'atteindre le jusqu'à présent inexploré niveau 8.

J'oubliais un détail : les portes permettant d'atteindre les autres niveaux sont bien cachées. D'ailleurs il n'est pas impossible de devoir visiter une nouvelle fois un niveau antérieur pour y découvrir, grâce aux nouvelles capacités du SOPHIA, une zone jusque là inexplorée. Le manuel livré à l'époque avec le jeu vous fournissait des cartes très schématiques et volontairement incomplètes afin de vous donner quelques indices quand à la position des boss et des portes.

Blaster Master est un jeu difficile. À chaque fois que l'on découvre un niveau, il faut apprendre à se repérer et découvrir où se cache le boss tout en évitant de se faire tuer. Ensuite il faut battre ledit boss pour récupérer de quoi upgrader son véhicule, et enfin trouver la porte qui mène au niveau suivant et qui peut se cacher n'importe où. Histoire de combler le tout vous n'avez que 3 vies (si vous perdez vous recommencez à la dernière portion de niveau que vous avez franchi), et 5 continus (vous recommencer le niveau depuis le début, sans munitions pour vos armes spéciales). Et il n'y a aucun mot de passe. Bref finir ce jeu relève de l'exploit car il faut bien connaître les niveaux, être un pro de la gâchette, et avoir beaucoup de temps devant soi. Heureusement, les émulateurs aujourd'hui permettent de sauvegarder quand on veut, ce qui rend possible de terminer une partie sans avoir à jouer 20 heures d'affilée.

Blaster Master Boy
Game Boy (1991)

En 1991, Sunsoft sort sur Game Boy un jeu pour le moins curieux : Blaster Master Boy (ou Blaster Master Jr pour les Européens). On est en droit d'espérer une suite (par ailleurs très attendue) de la version NES, mais le jeu est complètement différent, beaucoup plus orienté action. En fait le héros n'a même plus de véhicule, il se déplace constamment à pied. L'histoire : une énergie radioactive est en train de détruire tout ce qui vit sur Terre. Seul Jason peut arrêter cette catastrophe, mais cette fois il ne peut pas utiliser le SOPHIA et va devoir agir seul (pourquoi ? On se le demande...). Avec un blaster et des bombes surpuissantes, Jason part donc à la recherche des chefs Mutant pour les anéantir... Ce qui est intéressant, c'est de constater que le nom original du jeu est Bomber King 2. Hé oui, nous sommes en réalité en présence de la suite d'un jeu sorti sur Famicom en 1987 (et signé Hudson soft). Cela explique le changement radical de gameplay et l'absence du SOPHIA. Renommé Blaster Master Boy pour l'occident, tout ceci très certainement dans l'espoir de profiter de la popularité inspirée par le premier épisode, cet opus n'a donc finalement de Blaster Master que le nom...

Blaster Master 2
Megadrive (1993)

Il faudra attendre 1993 et la Megadrive pour qu'enfin une vraie suite voit le jour : Blaster Master 2 est développé par Software creation et édité par Sunsoft. Dans le scénario, afin de se débarrasser de la désormais gênante version Game Boy, il est vivement expliqué que ce n'était qu'un rêve... Quatre années se sont déroulées depuis la défaite de Plutonium Boss et de ses mutants radioactifs. Le seul souvenir de ce combat reste le SOPHIA, que Jason a caché dans un endroit abandonné. Soudain un jour, la foudre - du genre extraterrestre - frappe sa maison et le plafond s'effondre, assommant Jason. À son réveil, le SOPHIA a été détruit, et les morceaux récupérés durant la première bataille ne sont plus là. Jason prend conscience qu'il va y avoir d'autres mutants, et que leur but est d'anéantir la planète. Les mutants ont commencé à creuser vers le noyau terrestre, dans le but de modifier l'axe de la planète, la menant ainsi vers une destruction complète. Les morceaux du SOPHIA ont été utilisés afin de créer une armée de robots destinés à aider l'accomplissement de cette catastrophe. Jason va donc devoir remettre ça, mais il ne peut se battre sans son véhicule favori. Puisqu'il ne peut récupérer les morceaux perdus, il décide de reconstruire et de redessiner le vaisseau. Après 29 jours, le SOPHIA 4 est complètement fini et opérationnel pour une nouvelle bataille.

Enfin ! La voilà la suite tant attendue. 16-bits oblige, les graphismes sont infiniment plus détaillés. Les musiques sont elles aussi plutôt réussies. Cette fois, le SOPHIA peut tirer en diagonale, ce qui est très pratique. Le côté recherche est un peu moins présent, les niveaux étant beaucoup linéaires dans leur conception. En revanche une nouvelle vue fait son apparition : la vue de profil lorsque Jason est hors de son engin de combat. C'est la vue adaptée aux nombreux mutants intermédiaires que vous allez rencontrer. Bref, plus beau, plus riche, plus varié, voilà une suite qui ne déçoit pas !

Blaster Master Ennemy Below
Game Boy Color (2000)

Blaster Master Ennemy Below est beaucoup plus récent puisqu'il est sorti sur Game Boy Color fin 2000. Après toutes ces batailles, Jason démarre une nouvelle vie paisible dans un coin tranquille. Quand un jour une étrangère vient chez lui demander de l'aide : « Il y a un institut de recherche secret, caché en sous-sol dans une forêt éloignée de toute habitation. C'est là qu'a été créée une nouvelle forme de vie, sorte de mélange avec une machine, aux spécificités organiques multiples. » En fait ce mutant a été constitué à partir de celui que Jason avait détruit. Il va donc falloir réactiver une nouvelle fois le SOPHIA pour sauver la planète de cette nouvelle menace.

Cette fois encore, la console portable de Nintendo ne nous offre pas vraiment réellement un nouveau Blaster Master. Pourtant, et contrairement à l'épisode Game Boy évoqué plus haut, il s'agit bien d'une suite de la série. Et il s'agit bien de la suite de la version Megadrive, et donc du troisième volet de la série... Alors quoi ? Eh bien si l'on compare avec la version NES sortie 12 ans plus tôt, on trouve des ressemblances frappantes. Les ennemis sont les mêmes, les décors sont identiques, et même les musiques ont été reprises à la note près ! Personnellement j'ai été un peu déçu par ce manque d'originalité... Cela dit il ne faut pas dramatiser non plus, ce n'est pas non un simple remake. Les niveaux ont été refaits, les pouvoirs du SOPHIA sont différents, tout comme les mutants de fin de niveaux. Bref il s'agit bien d'un nouveau jeu et non d'un simple portage. En fait ce n'est pas tant la similitude entre les deux titres qui est frustrante, ce jeu demeure un bon épisode de la série, en version portable. Mais si je prends beaucoup de plaisir à y jouer, je ne peux oublier les douze années d'écart entre les deux jeux, et je garde une impression persistante de « nous avons repris le vieil épisode de la Nes et modifié juste ce qu'il faut pour en faire un nouvel épisode vendu au prix fort ». Ah ! Si seulement ce jeu était sorti plus tôt, et pas à une époque où la Game Boy Color, en fin de vie, cherchait juste à surfer sur la vague rétro comme sa petite soeur Advance...

Maintenant c'est d'un nouveau souffle dont cette série a besoin, et non d'un recyclage.

Blaster Master Blasting Again
Playstation (2001)

La Playstation a donc elle aussi eu droit à son épisode. Blaster Master Blasting Again, où l'inévitable passage en 3D quand une série a du succès. Et bien réjouissez-vous, fans de la première heure, car on a déjà vu des conversions bien pires que celle-ci (je préfère la version 2D, mais c'est purement subjectif). Nous sommes en 2019 et Jason est mort, finalement vaincu par les mutants qu'il combattait. Eve, sa femme, l'a rejoint peu de temps après, laissant seuls leurs deux enfants Roddie et Elfie. Heureusement que ces garnements savent se battre aussi bien que leurs parents, car le monde a (encore) besoin d'être sauvé ! Roddie aux commandes du Sophia et sa soeur (ingénieur comme l'était sa mère) pour l'aider.

Il faut un petit temps d'adaptation pour s'habituer à cette nouvelle dimension, mais les réflexes reviennent vite. 3D oblige, le SOPHIA peut maintenant faire des sauts sur les côtés, ce qui vous sauvera la vie plus d'une fois. La maniabilité est restée proche, ce qui est vraiment une bonne chose. Tout comme dans les pus précédents, il vous faudra battre un à un les mutants pour upgrader votre véhicule, et ensuite partir à la recherche de la porte menant au niveau suivant. Et là encore, certaines portes nécessiteront une revisite des niveaux antérieurs. Alors bien sûr le concept est toujours le même, et finalement Blasting Again n'est pas plus original que Ennemy Below évoqué plus haut. Mais pourtant la Playstation propose réellement un nouveau challenge... Enfin tout n'est pas rose non plus sur la console de Sony : si les cinématiques sont très dynamiques, le niveau retombe dans les phases de jeux. Comparées à la palette de la Nes et toutes proportions gardées, les textures sont assez fades et d'une définition moyenne (et puis cet éternel effet d'escalier). Enfin ce n'est pas la mort non plus, par contre il faut avouer que la caméra a parfois du mal à se recadrer. Aucun problème dans les niveaux larges, mais dès que l'on traverse un passage étroit, il devient très difficile de voir sur qui on tire ou sur quoi on saute. Le jeu est parsemé de quelques énigmes, qui ne sont pas très poussées (appuyer bouton pour ouvrir porte) et on reste avant tout dans un jeu d'action ! À ce sujet, les mutants de fin de niveau sont relativement coriaces, plutôt grands, et surtout très résistants.

Que l'on soit fan depuis le début, ou qu'on ne connaisse pas la série, Blasting Again est un bon jeu, qui a su correctement faire revivre le mythe Blaster Master (qui commençait à tourner en rond).

Et...

Pour conclure, Blaster Master 1 est un excellent jeu, et ses suites sont toutes réussies (car même si parfois un cruel manque d'originalité se fait sentir, notamment sur Game Boy, ceux qui n'ont pas connu la version NES y trouveront un grand plaisir). On parle aussi depuis quelque temps d'une adaptation au cinéma, mais rien de concret... Allez en attendant, régalez-vous et allez blaster du mutant !

Jean-Christian Verdez
(31 août 2002)