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Bangai-o
Année : 1999
Système : Dreamcast, N64
Développeur : Treasure
Éditeur : ESP
Genre : Shooter
Par Lagi (29 mai 2003)

Bien que le jeu soit également sorti sur Nintendo 64 dans une version quelque peu différente, nous nous intéresserons ici uniquement à la version Dreamcast qui bénéficia d'une vraie sortie européenne avec mode 60Hz et même une traduction (lamentable mais c'est l'intention qui compte) française. Concrètement, Bangai-o s'apparente à un shoot'em up où l'on peut se déplacer librement dans des niveaux plus ou moins complexes (certains sont de vrais labyrinthes, d'autres sont juste d'immenses champs de bataille) où quasiment tout peut être détruit. La représentation utilisée n'est pas sans rappeler le jeu Sub-terrania sur Megadrive mais la comparaison s'arrête là.

Bangai-o sur N64

Si certains jeux de Treasure possèdent un vrai scénario, parfois même assez complexe, ce n'est pas du tout le cas de celui-ci ! Là, c'est du délire pur, une histoire sans queue ni tête comprenant tout un tas de personnages loufoques, des dialogues absurdes et des voix débiles. C'est probablement très drôle en japonais mais en VF on rit surtout de la traduction complètement foirée (ça démarre très fort avec un superbe « commancer le jeu » à l'écran-titre). Retenons seulement que l'on incarne Riki et sa sœur Mami, aux commandes du robot géant Bangaio, et passons au jeu proprement dit.

Tout d'abord, un petit tour dans les options. Là, il est possible de choisir entre deux types de contrôle différents, nommés respectivement XA (le choix par défaut) et ABXY. Sans hésitation, choisissez ABXY. Le mode XA n'est qu'une mauvaise blague des programmeurs, le jeu DOIT être joué en mode ABXY, c'est là qu'il trouve tout son intérêt. Ce point de détail crucial étant réglé, nous pouvons commencer à jouer. Et là, première constatation : c'est beau. Les graphismes sont un vrai bonheur pour tout amateur de 2D. Ils mettent en scène un robot géant aux prises avec ses ennemis mais vu de très loin. Les sprites sont tout petits mais en revanche très nombreux. Un style graphique qui fait penser à un croisement entre Lemmings et Gundam. Quant aux milliards de projectiles qui apparaissent à l'écran, leurs trajectoires entremêlées type feux d'artifice procurent un effet quasi hypnotique dont on ne se lasse pas. Tout ça avec une jolie image en fond, souvent animée. Le contraste entre le premier-plan aux graphismes typés console et l'arrière-plan au style réaliste est très plaisant. Le nombre de sprites affichés simultanément est parfois hallucinant et s'il arrive que l'animation marque le pas, c'est uniquement dans les cas extrêmes. On ne s'en plaindra d'ailleurs pas puisque cela permet de s'y retrouver un peu dans un écran souvent très chargé, à se demander si les ralentissements ne sont pas intentionnels. Les musiques sont quant à elles fort réussies, avec des sonorités typiques de ce genre de jeu qui mettent bien dans l'ambiance.

Après ce premier constat fort réjouissant, venons-en à la jouabilité, point très important du jeu. Les commandes sont très instinctives et s'assimilent vite (en mode ABXY, bien sûr). On dirige son perso avec la croix et on tire dans toutes les directions avec les boutons (X pour tirer à gauche, A pour tirer en bas, Y+B pour la diagonale haut-droite, etc.). Le bouton L permet d'alterner entre les deux pilotes, ce qui a pour effet de changer de type de tirs : missiles guidés pour Riki et lasers rebondissant sur les murs pour Mami. Les premiers sont généralement plus utiles dans les grands espaces et les seconds conseillés dans les couloirs et petites salles mais rien ne vous empêche de jouer autrement, c'est tout à fait possible. Et finalement le bouton R, très important, sert à déclencher l'attaque spéciale du robot (un tir simultané de 40 missiles dans toutes les directions). Voilà, vous savez tout, la partie peut commencer.

Là, généralement, on franchit rapidement les premiers niveaux, on contrôle de mieux en mieux le Bangaio, on apprend à diriger ses tirs, à esquiver les missiles ennemis et, réflexe hérité de 90% des jeux d'action, on garde les attaques spéciales en réserve pour les boss (à chaque ennemi ou élément du décor détruit, la jauge en bas à gauche de l'écran se remplit un peu ; une fois pleine, une attaque spéciale est attribuée ; jusqu'à 5 peuvent être stockées). Grave erreur... Au fil des niveaux, petit à petit, les ennemis se font de plus en plus nombreux, leurs tirs également jusqu'à ce que tous les esquiver devienne quasiment impossible et que le joueur soit à la limite de rendre les armes. Est-ce finalement un jeu réservé aux pros du shoot aux réflexes surboostés ? Ils en seraient bien capables chez Treasure après tout. Et puis on finit par s'apercevoir d'un détail auquel on n'avait pas vraiment prêté attention auparavant : « 40 missiles par attaque spéciale ? Il m'a pourtant semblé en voir beaucoup plus par moments. ». Et c'est là que se situe la plus grande trouvaille du jeu.

En effet, les attaques spéciales sont ici au centre du gameplay. Si le nombre de missiles tirés est bien de 40 en temps normal, ce chiffre est multiplié dès que le robot se trouve en danger. Essayez de lancer une attaque spéciale lorsque un missile vous frôle : ce n'est plus 40 mais 70 voire 100 missiles que vous lancerez simultanément. Et plus il y a de tirs ennemis sur le point de vous atteindre, plus ce chiffre augmente jusqu'à balancer 400 missiles d'un coup ! De quoi vous débarrasser rapidement de tous les ennemis qui vous encerclent. Mieux encore, plus de tirs veut dire plus de dégâts et donc plus d'attaques spéciales. Envoyez une seule attaque au bon moment et vous pourrez en lancer illico 5 de plus ! Encore plus fort, faire de gros combos permet en plus de faire apparaître des bonus rendant invincible ou restaurant la barre de vie. Ainsi, pour pouvoir progresser, il faut prendre des risques, être tout le temps sur la corde raide, c'est le concept génial du jeu. Il procure un fun immense en permettant de tout détruire mais sans que cela ne devienne jamais bourrin et donc lassant. Vous pouvez tout faire péter de manière jouissive mais vous devez constamment rester sur vos gardes. Vous êtes formidablement puissant et en même temps incroyablement vulnérable.

Le jeu encourage donc la prise de risque et les comportements téméraires. C'est non seulement indispensable pour survivre mais aussi le seul moyen de faire péter le high-score, principale motivation du joueur une fois le jeu terminé. En effet, la majeure partie des points sont gagnés en récupérant des fruits laissés par tout objet ou ennemi détruit. Il y en a cinq types différents : orange, pomme, banane, ananas et pastèque, chaque type rapportant plus de points que le précédent. Détruire les ennemis un par un ne rapporte que des oranges. Pour avoir des fruits plus gros, il faut bien sûr faire des combos. Et n'oublions pas les nombreux boss, dont certains possèdent le même type d'attaque que vous. On assiste alors à des duels de contre-attaques qui remplissent littéralement l'écran de projectiles et où une fraction de seconde peut faire la différence. On le voit, le gameplay est parfaitement étudié mais qu'en est-il du level-design ?

220 tirs ? Chuis en petite forme, là.
Ah, ça va déjà mieux.

À l'instar de Mischief Makers, également de Treasure, Bangai-o est composé d'un grand nombre de niveaux (44), parfois très courts mais tous résolument uniques et superbement conçus. Certains obligent à un minimum de réflexion, d'autres permettent de se concentrer sur les combats. Tous peuvent être appréhendés de différentes manières et refaits des dizaines de fois sans lassitude par le joueur en quête de high-score. Car entre les différentes stratégies, les différents chemins possibles, les deux armes résolument différentes et les innombrables possibilités de batailles (dues entre autres au nombre variable d'ennemis), on ne fait jamais un niveau deux fois de la même manière. Ça, c'est de l'émergence !

Pour résumer, un jeu à l'esthétisme à la fois inédit et old school, au gameplay novateur, original ET réussi, au fun immédiat et à la durée de vie énorme, d'une finition exemplaire... Bangai-o n'est en rien un « petit jeu sympa » ou un titre de seconde zone mais bien l'un des plus grands jeux, peut-être le chef-d'œuvre, de l'un des meilleurs développeurs au monde : c'est la preuve que l'on peut encore innover dans la 2D, car il s'agit là tout à la fois d'un aboutissement et d'un renouvellement du jeu d'arcade.

Lagi
(29 mai 2003)
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