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Apple IIGS
Plus qu'un micro-ordinateur réussi, une véritable oeuvre d'art, l'Apple II GS à tout autant péché par élitisme que bien plus tard le Mac G4 Cube. Bien trop cher, peu promu, mal vendu, mais quelle machine !
Par Soreal (17 mai 2002)

S'il est une marque qu'on a mis sous terre plus d'une fois et qui pourtant est encore parmi nous, c'est bien Apple ! En effet, bien avant la guerre des clones de Lucas, le monde de l'informatique a connu la sienne sous le joug d'IBM et de l'armée de compatibles qui se construisit autour de lui : Compaq, Bull, Zénith, combien ont choisi le chemin du PC afin de se remplir les poches ? Les no-names assemblés se sont greffés à cette gigantesque famille qu'est le PC afin d'asseoir l'évidente réalité de l'uniformisation. Face à cette coalition, la résistance pour la disparité était maigre et portait les noms de Commodore (bien qu'ayant joué double jeu pendant quelque temps), Atari, Apple et dans une moindre mesure Acorn (remember les merveilleux Archimedes !). Ils pensaient ne pas jouer dans la même cour et ne se sont pas souciés de l'arrivée sur leurs terres du côté sombre de la force. Mais un jour, alors qu'ils se reposaient sur leurs lauriers depuis quelques années, ils se rendirent compte qu'à leurs côtés, sur leurs propres étalages, se trouvait du compatible à gogo aux performances insolentes. Tous disparurent les uns après les autres et leurs noms rentrèrent dans la légende pour ceux qui les chérirent... Tous ? Non, au milieu de cette armée de personal computers, Apple et son Macintosh trouva sa place et résiste encore en proposant une alternative. À l'époque des Amiga et ST, Apple eut l'envie de sortir une machine pour le marché dit familial, une machine qui, aux côtés de Mac le pro, aurait du être le prolongement de la série phare qui fit le succès de la marque, l'Apple II, symbole d'un temps béni ou Apple faisait figure de pionnier ! Cette machine devait conserver le chiffre II pour confirmer l'appartenance à ses glorieux aînés, et c'est ainsi que fut pensé l'Apple II GS : G comme Graphics, S comme Sound !

Petit historique d'avant création

Alors que depuis 1984 le Macintosh est la star montante dans le milieu professionnel, Apple n'a pas grand chose de nouveau à proposer au grand public à part ces Apple IIe et IIc qui, face à l'arrivée des Amiga et ST, commencent à sentir le poids des ans sur leur carcasse de dinosaure bien rôdé. Voyant le succès des 16-bits de plus en plus grandissant, les "hauts placés" de la Pomme décident qu'il faut trouver un remplaçant à la série des II, un ordinateur grand public et performant qui trouve sa place dans les foyers et dépoussière l'image de ses ancêtres par des performances au goût du jour. Mais attention, le cahier des charges du bébé se doit de respecter une consigne de la plus haute importance. En effet, ils exigent une rétro-compatibilité à 100% avec ses glorieux aînés, lui constituant d'office une des plus grandes logithèques de l'époque à sa sortie. Au tour du staff du R&D de trouver la solution la plus apte à rendre cette machine autant 8-bits que 16 ! Sacré challenge pour ces messieurs dames je vous l'accorde ! Et qui retrouvons-nous dans la partie conception ? Je vous le donne en mille : hé oui, notre Woz préféré alias Steve Wozniak, le papa légitime de la série des II ! Le nom de code est Phoenix en référence au projet Apple IIx sur lequel Woz a planché en 1983 mais qui n'a jamais abouti.

Quelle classe, la vraie frime !
(source : http://blog.gameagent.com)
C'est le summum : édition limitée signée par le maître !
(source : http://www.apple-collection.com)

Conception et spécificité

L'implication de Woz va dans la conception de la carte mère. Il souhaite qu'elle soit simple et qu'en son sein cohabitent d'une façon séparée une partie 8-bits pour la fameuse compatibilité et une partie 16-bits qui sera le cœur vaillant de la nouvelle bécane. Cette carte mère possède dans ses entrailles l'élément clef de la compatibilité avec l'ancienne gamme. Son nom est Mega II, c'est un composant qui renferme toutes les instructions de l'Apple IIc. Les 128 premiers Ko sont de la mémoire lente qui permet de conserver la sacro-sainte compatibilité.

Steve Wozniak et l'Apple II GS.

Le chef d'orchestre de toute cette belle horlogerie est un processeur que les possesseurs de SNES doivent bien connaître, le fameux 65C816 qui se trouve aussi dans la console de Nintendo. Celui-ci intègre un mode d'émulation 65C02, le processeur des anciens Apple II. Il est cadencé à la fréquence de 3Mhz ce qui peut paraître bien léger à comparer au 7,14 ou 8 Mhz des 68000 de l'Amiga 500 et l'Atari ST. Pourtant, et on le verra plus loin, ça ne se voit pas en utilisation courante. Au tout début de sa commercialisation, en 1986, l'Apple II GS est livré avec 256 ko mais les revendeurs ne mettent pas longtemps pour le proposer avec 512 ko voir 1 Mo. Il faut bien suivre le rythme imposé par la concurrence ! En théorie on peut le monter jusqu'à 16 Mo mais en fait il n'est pas capable d'en gérer plus de 8, ce qui à l'époque est largement suffisant pour les applications qui tournent dessus. Au niveau son c'est l'hallucination totale : il est équipé d'un chip sonore de chez Ensoniq muni de 16 voies, en monophonie malheureusement, mais les ST ne proposent que 3 voies sur 8 octaves et l'Amiga 4 voies sur 9 octaves, en stéréo par contre (2 voies à droite à et deux voies à gauche, soit de la "fausse stéréo").

Graphiquement parlant le II GS n'est pas en reste non plus : non seulement il est capable d'afficher ce que faisaient ses grands frères (ce qui n'est pas une référence) mais en plus il peut monter jusqu'en 640x200 en 4 couleurs ou, chose qui nous intéresse pour les jeux, 320x200 en 16 couleurs sur une palette de 4096.

Les entrailles de la bête !!

En gros le II GS c'est un peu les capacités du ST au niveau graphique et celles de l'Amiga en son. Par rapport à ses concurrents il est déjà très beau, son clavier est séparé de l'unité centrale, le blanc prédomine et il a tout d'un ordinateur pro mais aux formes classieuses ! De par sa conception il peut se permettre, comme l'Apple IIe, d'étendre ses possibilités par l'adjonction de multiples cartes grâce à des slots d'extensions étudiés pour. On peut lui adjoindre, entre autres, un lecteur 3" 1/2 et, pour utiliser toute la logithèque de la série II, un lecteur 5"1/4. Il est aussi doté, luxe suprême, de 2 ports sorties RS422 qui autorisent la connexion d'un modem, d'une imprimante ou même d'un autre micro-ordinateur ce qui permet aux deux machines de communiquer via Appletalk !

Le ST a le GEM, l'Amiga le Workbench, l'Apple II GS lui a la GS/OS tout simplement. C'est une sorte de MacOs, donc avec un environnement graphique très intuitif et souple mais en couleur. Il sera décliné en 6 versions au fil du temps.

Le bureau d'un Apple II GS.

Un des premiers softs programmé spécifiquement pour lui est GS Paint qui comme son nom le laisse indiquer est un logiciel de conception graphiquen, à l'instar d'un Deluxe Paint et dont les possibilités et la facilité d'emploi sont exemplaires à sa sortie. Armé comme il l'est, l'Apple II GS est paré pour affronter les autres 16-bits sur le marché, et pourtant il n'arrive pas à s'imposer...

Dans l'ombre du Mac

De l'idée de sa conception en 1984, à sa commercialisation, il y a une marge de 2 ans et c'est donc en 1986 qu'on le voit vraiment débarquer dans les magasins d'informatique. Entre temps, le Mac dit hello depuis le même laps de temps et représente aux yeux des entreprises, mais aussi des particuliers fortunés, l'ordinateur du renouveau d'Apple. D'ailleurs on lui en donne les moyens et la communication est efficace. En ce qui concerne le II GS, les distributeurs de la pomme en France n'ont pas vraiment joué franc-jeu par rapport à leurs homologues américains qui n'hésitaient pas à bombarder leur vitrine du fameux slogan Apple II forever!. En effet, chez nous le Mac a toujours été présenté aux clients en premiers, laissant la place de second à son petit frère qui est considéré comme le vilain petit canard : tarif excessif à sa sortie (de l'ordre de 10 000 francs sans l'écran qui est une option, et pas loin de 15 000 avec le magnifique écran 12") et logithèque encore restreinte.

Il est vrai que le proposer à un tel tarif le place en presque concurrence avec le Mac et l'éloigne trop des tarifs pratiqués par les machines de Commodore et Atari, ce qui fait de lui une sorte d'ordinateur bâtard dont le public n'arrive pas à comprendre le positionnement : pas assez ciblé pour les pros, trop cher pour les joueurs.

Apple II GS et Mac : Il n'en restera qu'un et c'est dommage...

Quel dommage car c'est une sublime machine qui en fait rêver plus d'un mais qui, découragés par son prix excessif et sa logithèque réduite, se retournent vers la concurrence. Et pourtant, les plus grands développeurs ont programmé dessus, on retrouve beaucoup de hits de l'Amiga et du ST, d'ailleurs je m'en vais vous le prouver pour comprendre ce qu'on a loupé, si seulement Apple l'avait vendu moins cher...

Des jeux ? En veux tu, en voilà !

Loin de moi l'idée de vous présenter tous les jeux sortis sur cette merveilleuse machine, je veux juste vous montrer combien le monde de l'informatique est dur et comme c'est dommage qu'il n'y ait pas eu un quatrième larron dans la lutte des 16-bits.
Place aux images !

Arcade et action

Un grand classique qui n'a rien perdu sur le GS, Arkanoïdétait bien présent sur la machine d'Apple, rappelez-vous le nombre de clones sortis à l'époque !

Moins beau que sur Amiga, on le voit au niveau des ombres mais il valait bien la version ST, Marble Madness, un incontournable de l'arcade lui aussi !

Qui n'y a pas joué en salle d'arcade, Rastan Saga, le pourfendeur, superbe aussi dans sa livrée Apple, on n'est pas sur Mac !

Jeux de rôle et aventures

Si celui-là (Le Manoir de Mortevielle, bien sûr) ne vous a pas scotché sur vos moniteurs !! Hé oui, il est aussi sorti sur le GS et je pense qu'au niveau son ça ne rigolait pas ! Le jeu a été adapté par Second Sight Sofware !

En 1989 FTL accepte d'adapter son légendaire Dungeon Master. C'est pas un pur régal celui là ? Qui n'a pas tremblé à chaque recoin du donjon !?

Un autre grand classique qui a existé d'abord sur les Apple II de première génération et qui mérite sa place sur leur digne successeur : Bard's Tale 1 & 2.

Rareté adaptée sur l'Apple II GS, un jeu Japonais dans la plus pure tradition et qui vient de la série culte des Y's que l'on trouve sur MSX, NES et aussi les Nec. Celui-ci se nomme Ancient Land of Y's.

Jeux "spécial rédac'chef de GrosPixels"

Defender of the Crown, Rocket Ranger mais aussi The Three Stooges, Cinemaware est là ! Et un petit The Immortal en dessert.

Voilà donc un petit tour d'horizon des jeux que l'on peux trouver sur le II GS. Même s'il en manque beaucoup, c'est assez représentatif de la ludothèque de cette machine, en grande partie constituée de jeux de grande qualité.

En conclusion

Testament d'Apple et surtout dernier cadeau du magicien Woz à ses fidèles, l'Apple II GS conclut en 1992 la saga commencée 15 ans plus tôt avec la série des Apple II. Machine discrète, pas assez mise en avant, elle reste pourtant dans la légende comme étant le dernier rejeton d'une belle lignée.

Il y a des fois où l'on aurait aimé être aux côtés des dirigeants d'Apple, Commodore ou Atari au début des années 90, et de leur dire d'ouvrir grands les yeux pour qu'ils comprennent que leur politique commerciale était vraiment mauvaise. Ils ont gâché l'histoire même qu'ils avaient créée, et déçu des tonnes d'utilisateurs prêts à acheter leurs bécanes sans hésiter une seconde, s'ils avaient su positionner leurs produits et faire évoluer leur technologie. Au lieu de ça nous nous trouvons maintenant tous avec la même machine qui n'est qu'un boîtier sans "âme" et dont l'évolutivité tant vantée pousse les programmeurs à ne plus optimiser leur code, et par conséquent à nous faire acheter la came des constructeurs dont la bienveillance prend soin de nos porte-monnaies... L'Apple II GS fait partie de cette génération d'ordinateurs qui avait encore une personnalité. Il devait être la suite des Apple II et des milliers de fans l'attendaient au tournant, mais les lois du marketing en ont voulu autrement. Au niveau émulation, qui dit machine rare, dit émulateur rare à trouver, et effectivement il n'en existe qu'un pour la plate-forme Windows pour le moment. Je l'ai essayé et peux vous dire qu'il fonctionne aussi sous Windows XP, par contre n'ayant pas le GOS et ne connaissant pas les ligne de commande de la bête je n'en ai rien fait de spécial, donc qui veut tenter sa chance le peut, avec Xgs.

Pour les Macintosh-users que je n'ai pas oubliés, comme vous pouvez le remarquer, je leur conseille d'aller télécharger la version qui correspond à leur version du Finder sur le lien suivant : http://www.bernie.gs/Bernie. La ROM nécessaire à son fonctionnement vous est aussi gracieusement offerte par votre serviteur qui lui s'empresse déjà de chercher par tous les moyens à en acquérir un vrai pour voir comment c'est "en vrai" !

Soreal
(17 mai 2002)
Sources, remerciements, liens supplémentaires :
- Merci au site Silicium (http://www.silicium.org)