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Test Drive
Année : 1987
Système : Amiga, Apple II, Atari ST, C64, Windows
Développeur : Distinctive Software Interactive
Éditeur : Accolade
Genre : Simulation / Jeu de Course
[voir détails]
Par JPB (23 septembre 2008)

Avril 2008. Je viens de faire l'acquisition de Test Drive Unlimited sur PC. Un fantastique jeu de course automobile dans lequel on peut piloter les voitures les plus impressionnantes (supercars) qui existent au monde. Si vous avez un PC assez puissant et que vous aimez ce type de jeu, je ne peux que vous le conseiller (surtout qu'il n'est plus vendu au prix fort).
Jouer à ce jeu a ravivé de bons souvenirs, sur le tout premier épisode de la série Test Drive, série qui a connu des hauts et hélas, pas mal de bas ces dernières années.
Mon propos n'est pas de faire ici le dossier de tous les épisodes ; si quelqu'un veut continuer la série, pas de souci ! Non, ce qui m'intéresse c'est de vous raconter mon expérience dans la conduite d'une Testarossa, d'une Countach ou d'une Porsche alors que je n'avais pas encore le permis, quand je jouais à Test Drive sur mon Amiga 500, il y a 20 ans.

La boîte du jeu version Amiga (merci au site Hall of Light !)

Vravavoum !

Dès le lancement du jeu, le ton est donné. Après l'intro "Accolade Presents", une superbe Porsche 911 apparaît à l'écran. La vitre se baisse, le conducteur fait un sourire éclatant (du genre "moi je la conduis et pas toi !"), le moteur hurle, et la voiture démarre.

L'intro du jeu. Le Monsieur au volant a l'air bien content.

Ensuite, il est temps de choisir quel bolide vous allez piloter tout au long du parcours. Les cinq nominés sont la Chevrolet Corvette, la Ferrari Testarossa, la Lamborghini Countach, la Lotus Esprit Turbo, et enfin la Porsche 911 Turbo. Un tableau permet de consulter les caractéristiques officielles de ces voitures, pour choisir celle qui vous paraît la plus performante. J'ai toujours adoré la ligne pure de la Ferrari, mais j'avoue que le look spécial de la Countach ne me laissait pas de marbre non plus.

Les voitures disponibles dans le jeu.
Cliquez sur une des images pour une version grande taille (en 1920x1080 pour les photos).

Une fois que le choix est fait, le conducteur lance le moteur (digitalisé, et donc différent d'une voiture à l'autre) et la voiture quitte l'écran. Le jeu charge quelques instants, la course peut commencer.

C'est pas un peu dangereux comme route ?

Une vue depuis l'intérieur de la voiture choisie - avec son propre tableau de bord, superbement dessiné - montre la route qui s'étend devant vous. Pas très rassurante cette route : c'est "le Rocher", un parcours bien connu du coin, qui comporte un mur montagneux à droite, et un ravin à gauche. Et là on touche au premier des deux gros défauts du jeu : la route est toujours identique, avec ce décor répétitif et - il faut bien le dire - peu impressionnant en termes graphiques.

Au départ dans ma Countach.
À 225km/h dans ma Testarossa...
et un moustique écrasé sur le pare-brise !

En effet, les seuls éléments qui vont briser la monotonie du paysage (en dehors des virages où la route tourne dans un sens ou dans l'autre), ce sont les panneaux indicateurs. Autant dire qu'au bout d'un moment, la lassitude gagne.

Et voilà, j'ai oublié de passer la seconde, résultat : 9500 tr/mn et un moteur foutu.

Hé oui, pas de changement de décor du tout, pas de changement de climat ou d'heure, juste cette terrible route où on risque de se jeter soit dans le rocher, soit dans le trou...

Et les adversaires ?

Test Drive est une course (sans compte à rebours) qui chronomètre le temps que vous mettez pour arriver au bout de chaque étape, chacune se terminant par une station-service : plus vous y arrivez vite et plus vous gagnez de points. Ainsi, vous disposez de 5 voitures pour arriver à rallier le garage, tout au bout du parcours, en faisant 4 arrêts à ces stations-services qui jalonnent "le Rocher". Toute collision avec un véhicule, ou sortie de route, se solde par la perte d'une des voitures.
Des véhicules "standards" roulent sur le parcours, dans les deux sens. En principe ils ne sont pas très nombreux, mais ils apparaissent n'importe quand et peuvent surgir au moment le moins opportun.

Dans ma Corvette, je double une voiture
(en serrant un peu les fesses quand même).
Je croise "tranquillement" un camion.

La difficulté est liée au pilotage de la voiture. Car c'est l'autre défaut du jeu : la conduite de la voiture est très molle. On voit dans quel sens on tourne le volant en se référant au point bleu qui s'y trouve : il est alors étonnant de constater qu'en tournant le volant de quelques millimètres, la voiture peut "enrouler" un virage moyen, tandis qu'en mettant le volant à fond pour doubler, parfois la voiture continue de virer pratiquement tout droit. Pourquoi ? Parce qu'il faut déjà plusieurs secondes pour déplacer le point bleu du centre vers l'extrémité du volant, et parce qu'ensuite la voiture semble prendre son temps pour exécuter la manœuvre. Il est donc parfois nécessaire de freiner comme un malade pour simplement éviter de tamponner un obstacle, qu'on aurait pu contourner normalement les yeux fermés. Dans le cas d'un dépassement où on a soudain un véhicule qui arrive en face, c'est le crash assuré.

Arrêt en Porsche à la première station-service. 184 km/h de moyenne sur le premier parcours, pas mal !

On se retrouve au final avec un pilotage qui exclut la finesse : il faut agir le plus vite possible le plus fort possible, et en cas d'obstacle imprévu freiner à tout prix avant de vouloir le contourner.

Mais que fait la police ?

Tout au long du parcours, des radars sont disposés pour prendre en flagrant délit d'excès de vitesse le pauvre conducteur que vous êtes. Un indicateur se met à clignoter en haut de l'écran, plus il y a de lumières rouges et plus on se rapproche du radar... Si vous passez devant le radar au-delà de la limite de vitesse indiquée sur les panneaux, la police vous prend en chasse. Alors, malheur au conducteur qui commence à ralentir : si vous n'allez pas à fond, la voiture des forces de l'ordre qui est très rapide vous double, et vous oblige à vous arrêter pour vous donner un joli petit ticket bleu qui fait perdre du temps.

Pas pu me rabattre à temps...
à cause du volant qui tourne bien trop lentement !
Aïe aïe aïe, les flics arrivent, et à la vitesse où je vais...
Je vais me faire choper !

Bien sûr vous pouvez refuser de vous arrêter, mais une fois que la voiture de flics est passée devant, aucun moyen de la doubler ; et si vous la percutez c'est le Game Over instantané.

Et voilà, contravention, le flic repart heureux et moi j'ai perdu un temps terrible.

Mais alors, ce jeu est vraiment nul ?

Jusqu'ici, si vous avez tout bien lu, vous aurez certainement retenu que je n'ai pas été tendre avec Test Drive. Je n'ai principalement parlé que des deux défauts du jeu, mais pas des qualités. C'est parce que mon jugement a été fortement tempéré par le recul des années : j'ai été objectif, mais avec des critères décalés par rapport à l'époque. Je vais maintenant me replacer dans le contexte de 1988 et vous expliquer ce qui a fait le succès du jeu.

Petit rappel des versions C64, PC-DOS, Apple II.

À l'époque de sa sortie, aucun jeu de course sur aucun support n'avait fait à ce point le forcing sur les graphismes des voitures (je ne parle pas ici des graphismes des décors, mais bien de tout ce qui touche aux véhicules). Pour vous donner une idée, le premier numéro du magazine Génération4 avait mis une image de la préversion du jeu en couverture : c'était visuellement à tomber par terre, on n'avait jamais vu ça ! Tous les copains qui avaient eu le magazine en main partageaient mon impatience, et d'ailleurs le commentaire de Gen4 indiquait bien qu'ils étaient aussi impatients que nous ! Regardez les écrans de cette page, vous ne pourrez pas dire le contraire : c'est super beau. Les dessins des voitures et les tableaux de bord sont très fins, et surtout parfaitement réalistes. Comparez avec celui de la Ferrari Testarossa dans les deux images ci-dessous et vous verrez que, surtout compte tenu de la capacité des machines de l'époque, et aussi des capacités respectives 8/16 bits de chacune, c'est du grand art.

Comparez le tableau de bord de la Testarossa... C'est quand même du beau travail !
Cliquez sur l'image de droite pour une version plus grande.

Ensuite, le son. Je parle ici de la version Amiga, n'ayant pas pu juger des autres versions. Chaque voiture a son propre bruit de moteur digitalisé. Là, évidemment, il faut me croire sur parole parce qu'en regardant les images, vous ne risquez pas de vous faire une idée (à moins de télécharger WinUAE et la rom du jeu). Encore une fois à l'époque, c'était impressionnant et ça changeait des simples bruits habituels (dont on fait simplement varier la fréquence pour donner l'impression de montée en régime). Il n'était pas choquant de préférer rouler avec un des cinq supercars simplement parce qu'on aimait le bruit de son moteur.

Je dois également relativiser ce que je disais à propos de la pauvreté et de la monotonie du paysage. C'est vrai qu'il n'y a qu'un seul environnement dans Test Drive. Mais regardez un peu les jeux de course qui existaient ou sortaient à la même époque : on ne pouvait pas non plus parler d'une grande variété de décors. Au même moment, par exemple, était arrivé Crazy Cars : ce qui a fait le succès de ce jeu, c'était la beauté des graphismes en général, mais en creusant un peu on se rend compte qu'il n'y a qu'un seul décor qui change de couleur et d'image de fond (je vous invite à lire l'article à ce sujet pour en savoir plus).

Gagné ! Je suis arrivé au garage. Ma récompense : je peux garder la voiture et rentrer chez moi !
Mais... Pas par le même chemin j'espère ?

Pour finir, quand on regarde de plus près, le maniement des véhicules de Test Drive (rendu difficile par l'inertie du joystick) n'est finalement pas vraiment pire que ceux des courses de l'époque. Je pense que c'est surtout le fait que contrairement aux autres jeux similaires, on ne voit pas sa voiture à l'écran puisqu'on est dedans : c'est déroutant et il devient difficile de savoir si ça passe ou si ça casse dans certaines situations. Mais Test Drive se voulait simulateur et pas simplement course, et de ce côté-là il sortait des sentiers battus.

Donc, en me replaçant correctement dans le contexte de l'époque, je peux affirmer que Test Drive était un hit. Visuellement splendide au niveau des voitures (même s'il était pauvre au niveau du décor), proposant des bruitages jusqu'alors inconnus, l'impression de conduire un des monstres sacrés de l'époque n'avait jamais été aussi forte. Et la mayonnaise prenait somme toute assez facilement, on se retrouvait à prendre des risques lorsqu'on essayait de foncer pour éviter les flics. On doublait au culot en espérant qu'une voiture ne surgirait pas d'en face à ce moment-là, on n'osait pas freiner dans les virages au risque de quitter la route, bref la tension montait aussi vite que l'aiguille du compteur. Et on s'amusait bien. Le fait de pouvoir sauvegarder son score permettait de s'accrocher pour s'améliorer.

Les voitures disponibles dans le jeu.
Cliquez sur une des images pour une version grande taille (en 1920x1080 pour les photos).

Le jeu a eu un succès mérité. Une suite, The Duel : Test Drive II, est sortie un an plus tard : elle permettait de piloter soit une Ferrari F40, soit une Porsche 959, mais en contrepartie offrait plus de paysages différents et une action plus intéressante : un duel contre l'ordinateur. Cette version voulait corriger les reproches du premier Test Drive, et plusieurs disques additionnels (de voitures comme d'environnements) sont sortis en parallèle. The Duel a eu également un grand succès, c'est à partir de Test Drive III, en vraie 3D sur PC, que les choses ont commencé à mal tourner... jusqu'au sublime Test Drive Unlimited, un beau retour sur le podium pour la série qui le méritait bien !

Test Drive Unlimited, les modélisations sont à pleurer de bonheur !
Cliquez sur une des images pour une version 1920x1080.

Test Drive fut testé :
- dans le Tilt n°51 de Février 1988 (rubrique Dossier, 18/20 version Amiga, 17/20 versions ST et C64) ;
- dans le Gen4 n°2 de Janvier/Février 1988 (91%).

JPB
(23 septembre 2008)
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