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Adane, Pierre
Pierre Adane est un grand nom du jeu vidéo en France. Il est actuellement le directeur de production de PAM Development, le studio parisien responsable du monstre Top Spin. Il est aussi le co-auteur d'un titre culte de la Super Nintendo : Mr Nutz. Ayant eu la chance de le côtoyer, Jika n’a pas résisté au plaisir de l'interviewer pour Grospixels.
Par Jika (02 février 2005)

Pierre Adane est actuellement le directeur de production de PAM Development, le studio parisien responsable du monstre Top Spin. En plus de ca, Pierre est le co-auteur d'un titre culte de la Super Nintendo : Mr. Nutz. Ayant eu la chance de le rencontrer, je n'ai pas pu résister au plaisir de le questionner, pour en savoir plus, et je me suis alors rué sur l'occasion pour fournir à Grospixels une petite interview d'un des deux créateurs de Mr. Nutz. Et tout ca pour vous, grospixeliens, grospixeliennes...

Présentation

  • Bonjour Pierre et merci de prendre un peu de votre temps pour accorder cette interview à Grospixels... Je vous propose de commencer par le commencement : Pierre Adane, the history. Bref, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?
  • J'ai commencé dans le jeu vidéo en 1989 en travaillant avec des copains sur un shoot'em up appelé Illyade, édité par Ubi Soft. C'était vraiment un coup de main que je donnais, histoire de finir le jeu. C'était une histoire entre copains, un jeu de garage. J'ai vraiment commencé en 90 en travaillant pour Ocean France, pour qui j'ai bossé sur Pang (Amiga, 1990). Une conversion donc, réalisée à deux : un programmeur (moi) et un graphiste. A ce moment-là, on était jeune et rien que le fait de recevoir le Tilt d'or de la meilleure conversion a été vraiment encourageant. Par la suite, j'ai pu travailler sur d'autres projets Amiga qui ne sont pas sortis à cause de problèmes de licence.
  • Pang sur Amiga, une conversion exceptionellement belle et jouable, très proche de la version arcade.
  • Ensuite, c'était l'époque à laquelle Ocean a fermé ses bureaux en France. Moi, j'avais envie d'être plus ou moins libre, de pouvoir suivre mes envies créatrices, alors j'ai décidé de devenir créateur de jeu. C'est à moment-là que j'ai commencé à bosser sur Mr. Nutz (NdGP : sorti en 1994 sur SNES, Mega Drive et Game Boy) avec un infographiste rencontré pendant ma période chez Ocean France. On a d'abord maquetté le jeu sur Amiga, avant de le sortir sur Super Nintendo dans un premier temps, puis sur Mega Drive et Game Boy. Après ca, j'ai travaillé sur deux ou trois adaptations de films sur Game Boy pour Ocean.
  • On arrive au lancement de la Playstation. J'ai alors eu l'envie d'avoir de meilleures structures pour travailler plus sereinement, pour pouvoir aborder des projets sur des machines nouvelle génération : c'est donc à ce moment-là que PAM s'est monté. C'est vraiment la fin du modèle garage, avec une organisation plus structurée et des projets plus suivis. Et là, dans l'ordre, on a donc sorti Snow Racer, Ronaldo V-Football, Pro Beach Soccer, puis Top Spin tout récemment.
  • Alors forcément, la question qui suit coule de source : parmi tous ces titres, duquel êtes-vous le plus fier, ou tout du moins le plus satisfait ?
  • Ah... Difficile à dire. Ca dépend de l'époque et de pas mal de choses comme ca. Je dirais bien Pang pour le côté sentimental, puisque c'était mon premier jeu. Mais Top Spin également, j'en suis pas mécontent... Le truc, c'est que je suis d'une nature exigeante, et que j'ai pas vraiment l'habitude de me dire : "ouais, c'est bon, c'était sympa ca". Je me concentre plutôt sur ce qui ne va pas, sur ce que je pourrais corriger... Enfin, je dirais Pang car c'est mon premier jeu, et Mr. Nutz car on était complètement libres et autonomes sur ce projet... Enfin, un développeur qui finit un jeu se concentre toujours sur ce qui suit, sur ce que donneront les prochains titres, donc je ne me suis pas vraiment posé la question.
Mr. Nutz, édité par Ocean sur Super Nintendo

Mr. Nutz, le jeu

  • Ce qui nous intéresse aujourd'hui (entre autres), c'est Mr. Nutz. Sur ce titre, quelle était votre fonction ?
  • Je me suis occupé du design et de la technique. Pour le design, j'ai fait tout le gameplay, l'agencement des niveaux et des choses comme ca. Côté technique, j'ai pris en charge la programmation et le moteur du jeu.
  • Combien étiez-vous à travailler sur Mr. Nutz ?
  • Nous étions deux. Je m'occupais du design et de la programmation comme je disais juste avant, et Philippe Dessoly s'occupait des graphismes, des décors, des animations. Philippe, je l'ai connu lorsqu'on bossait tous les deux à Ocean France... Mr. Nutz, ca représente un développement de 18 mois à deux. Sur la fin, on a été aidé par une troisième personne, Raphaël Gesqua, pour les sons et la musique.
  • Mr. Nutz disposait-il d'un budget comparable à ceux de ses concurrents directs de l'époque ?
  • Ah non, pas du tout. Le budget de Mr. Nutz n'était pas du tout comparable à ceux de ses concurrents. L'éditeur nous avait donné une chance, mais c'était un tout petit projet, même à l'époque. Un tout petit budget... Ca nous a quand même permis d'être super exigeants. On s'est donc concentré sur le temps limité, sur l'argent qui était donc limité, mais on a surtout pu travailler en priorité sur ce qui nous paraissait important, comme le gameplay et le visuel. On voulait en fait avoir un jeu très joli, grâce à la Super Nintendo. On cherchait à optimiser visuellement le jeu.
  • En quelques mots, pouvez-vous nous résumer l'idée principale de Mr. Nutz ? Quels étaient les objectifs de game design que vous vous étiez fixé avant de vous lancer dans le projet ?
  • Philippe et moi étions des gros fans des jeux de plate-forme. Et de ceux de la Super Nintendo plus précisément. Enfin... De la Super Famicom plutôt, puisque nous avions la machine en japonais. L'idée de base de Mr. Nutz, c'était de créer un perso, de donner vie à ce perso, de donner vie à tout un univers dans lequel ce personnage évoluerait. Ensuite, on voulait pouvoir exploiter toutes les idées de gameplay que nous avions, ainsi que nos capacités en matière de technique et de visuel. Mr. Nutz est un concept classique, basé sur des mécaniques traditionnelles de jeu de plate-forme, mais on a ajouté beaucoup d'éléments, beaucoup de trucs en plus. On a rendu le jeu vraiment très beau, très agréable, et on a eu de bons résultats au niveau des animations. De plus, on a fait pas mal de boulot pour doser la difficulté, pour tuner le jeu. Avec le recul, le jeu était peut être un peu trop dur, mais c'était nous qui testions les jeux et nous étions des hard core gamers... En tout cas, Mr. Nutz est un jeu que nous avons beaucoup, beaucoup testé à la fin de la production. Moi, j'ai passé des journées à faire des tests, à noter des statistiques, à relever les endroits où je mourrais, à chronométrer des temps. Un gros boulot de ce côté-là...
  • D'où est venue l'idée de Mr. Nutz ? Quelles étaient vos inspirations ou vos références pour la création du jeu (en terme de gameplay) et pour la création du personnage de Mr. Nutz (c'est à dire au niveau du character design) ?
  • A la base, pour le personnage, on a pensé à un perso humain. On a pensé à un adulte, puis à un gamin... Mais en fait, on est arrivé à quelque chose de plus mignon. On a choisi l'écureuil pour ce côté-là. L'écureuil a le côté peluche, mais en même temps il est malin et vif. De plus, l'écureuil a une grosse queue, ce qui au niveau du gameplay pouvait être sympa puisqu'il pouvait s'en servir. On a d'abord travaillé le perso sur papier, puis on l'a vite transposé sur ordi, pour voir ce que ca donnait.
  • En terme de gameplay, les influences sont plutôt Sonic pour le personnage et Mario pour le côté ‘passages secrets' et ‘bonus à découvrir'. Parce que dans Mr. Nutz, on peut arriver à la fin sans avoir vu la moitié du jeu, sans avoir vu tous les décors. L'influence de Mario est là...
  • Question à deux francs : quels éléments originaux mettriez-vous en avant si quelqu'un vous demandait ce qui différenciait Mr. Nutz des autres softs de plate-forme de l'époque ?
  • Je dirais avant tout que c'est un beau produit. On exploitait pas mal la Super Nintendo que ce soit pour le visuel, pour les décors ou pour les anims. Mr. Nutz, c'était avant tout un voyage sur plusieurs régions différentes, avec des décors très variés. On avait pas mal travaillé aussi sur l'utilisation de l'environnement, puisqu'on pouvait par exemple pousser les objets... En plus, on avait beaucoup d'ennemis différents dans le jeu... En fait, les points forts de Mr. Nutz sont plus globaux que précis : c'était un jeu très soigné, vraiment fignolé. Et puis le personnage de Mr. Nutz était vraiment une réussite.
  • Voici à présent un exercice délicat : je vous propose un petit post mortem de Mr. Nutz environ dix ans après. D'après vous, si on devait retenir trois points forts de ce soft, quels seraient-ils ? Quels sont les trois aspects dont vous êtes insatisfait dans Mr. Nutz ?
  • Les points forts ? Je dirais que c'est surtout un beau jeu. Je dirai également qu'il était bien réalisé, puisqu'on a passé beaucoup de temps sur le qualitatif à travers tous ces tests ou des choses comme ca. On a passé d'innombrables heures sur le tuning de ce jeu, et même sur ce jeu en général. Mr. Nutz, c'est 18 mois de boulot. On a eu la chance de rendre le jeu quand il était fini et non quand l'éditeur le voulait. Un jour, on est arrivé chez Ocean, et on a dit : "Là, ca y est, c'est fini.". Mais c'était beaucoup de boulot. Un gros investissement personnel. On commençait à 8 heures du matin et on partait seulement quand on avait fini. Enfin, jamais avant 20 heures ou 21 heures. Et c'était comme ca tous les jours, week-ends compris. Un gros, gros investissement...
  • Au niveau des points faibles, je dirais que le jeu était trop dur. Il était trop hard core. Le fait qu'il n'y avait pas de sauvegarde n'a pas arrangé les choses. Je ne me rappelle plus mais je crois qu'on en a rajouté sur Mega Drive, ce qui corrigeait un peu le tir, mais c'est à vérifier (NdGP : En effet, sur la version MD il y a un système de password pour repartir du dernier niveau atteint, mais rien sur la version SNES). Et enfin, je dois dire qu'on a eu un regret sur Mr. Nutz : celui de ne pas s'être lancé directement dans une suite. On est parti dans une logique de conversion, alors qu'on aurait du refiler ca à d'autres gens. Mais on a voulu peaufiner les conversions, car Mr. Nutz, c'était notre bébé. Alors on est resté deux ans et demi sur ce jeu (18 mois sur Super Nintendo, 4 mois pour le convertir sur Mega Drive, et 6 pour la Game Boy puisqu'il fallait refaire le moteur).
  • Pour finir les questions sur le jeu Mr. Nutz, avez-vous une anecdote sur ce titre ou sur son développement ?
  • Je n'en ai pas qui me revienne en tête, mais il y en a eut, forcément... Ah si. J'en ai une maintenant. Puis ca souligne bien comme nous étions jeunes et fous. On travaillait chez Philippe à 400 km de Paris et on venait de passer une nuit sur le projet. Le truc, c'est que le lendemain, Ocean partait pour le salon des Etats Unis. On voulait qu'ils partent avec notre disquette, alors on est parti à 5 heures du matin pour arriver à 11 heures et donner le proto à Ocean à Orly avant qu'ils ne partent pour les Etats Unis. Manque de chance, il y avait ce jour-là un brouillard épouvantable, le pire que j'ai vu de ma vie, et après avoir roulé deux heures en ne voyant rien et donc en parcourant très peu de kilomètres, on a du faire demi-tour... Ca me fait rire maintenant d'y repenser. Ce côté ‘commando' du jeu vidéo à l'époque... Ca montre à quel point on était jeune. Bah oui, j'avais 20 ans à ce moment-là...

Mr. Nutz, les différents portages.

  • Sur quelle machine est sortie la première version de Mr. Nutz ?
  • Il est sorti d'abord sur Super Nintendo, même s'il a été maquetté sur Amiga.
  • Pouvez-vous nous citer les autres plates-formes qui ont eu l'honneur d'accueillir les aventures de votre écureuil par la suite ? Vous êtes-vous occupé de tous les portages de Mr. Nutz ?
  • Il est sorti sur Super Nintendo puis sur Mega Drive. Ensuite il a été porté sur Game Boy. Plus tard, il est sorti sur Game Boy Color. C'est nous qui avons travaillé sur toutes ces conversions. Entre temps, une version Amiga était sortie mais elle avait été faite par des Allemands. J'ai pas trop aimé cette version, même si elle était très jolie, avec plein de couleurs dans les décors : Mr. Nutz avait une queue bien plus petite, alors que c'était un élément fort du jeu, cette queue en panache. Il y avait un problème sur le personnage dans cette version. Bien des années plus tard, une version est sortie sur Game Boy Advance, faite par Dream On. Philippe et moi avions donné notre accord à Infogrames/Atari pour qu'ils puissent la sortir.
  • Mr Nutz sur Game Boy Color et Mega Drive
  • Quelles machines furent pour vous les plus intéressantes pour les développeurs parmi toutes celles que vous venez de citer ?
  • La Super Nintendo. Définitivement. Elle était plus puissante, avec le fameux mode 7, et nous avions à notre disposition plus de couleurs. La capacité des sprites était plus importante... La Mega Drive était plus simple à programmer, mais elle était moins performante.
  • Mr Nutz sur Amiga et Gameboy Advance
  • Vu le bon accueil de Mr. Nutz par les joueurs, un Mr. Nutz 2 a-t-il été à l'étude un jour ? Si oui, pourquoi le projet n'a-t-il pas abouti ?
  • Si, le projet a été étudié. Nous avions d'ailleurs commencé à travailler sur une maquette d'une suite. Ca partait comme un jeu en 3d isométrique, avec des notions de RPG. Un jeu à la Zelda, avec des graphismes toujours assez jolis. On avait aussi retravaillé sur le perso de Mr. Nutz : on l'avait rendu plus malin, plus espiègle. Mais en fait, on en avait un peu assez de ce jeu, après deux ans et demi. On voulait voir autre chose, on avait d'autres projets. Je commençais à avoir en tête l'envie de faire un jeu de football, ce qui donnera plus tard Ronaldo V-Football...

Mr. Nutz et le jeu vidéo français

  • Mr. Nutz fut un représentant de la fameuse "French Touch" de l'époque 16-bits, les graphismes somptueux du soft confirmant la vague artistique touchant l'héxagone à ce moment-là. Une dizaine d'années plus tard, comment voyez-vous ce phénomène ? Cela a-t-il favorisé le développement de la notoriété du titre ou au contraire, pensez-vous que cela ait pu le desservir ?
  • Pour moi, cette fameuse French Touch s'est évanouie au début des années 90. Ca correspondait à des boites comme Delphine ou Ocean France qui proposaient des jeux sympas, beaux et surtout vraiment aboutis techniquement. Le terme de "French Touch" a été gardé plus tard mais je crois que cela eut des effets plus pervers : en effet, on a eu tendance à mettre moins de jeu. Alors que les jeux devenaient de plus en plus beaux grâce aux progrès technologiques, avec notamment de plus en plus de cinématiques, on a eu des jeux de moins en moins intéressants, le gameplay de ceux-ci devenant alors plat et creux. Alors qu'à l'époque, le gameplay était traité avec autant de soin que le visuel : voilà pourquoi ces jeux-là marchaient bien. Les développeurs français se sont par la suite trop concentrés sur le visuel. Ils voulaient de beaux graphismes, et ca se faisait au détriment du gameplay. Et on sait que l'élément numéro 1 d'un jeu, c'est le gameplay. D'où le problème... C'est comme au cinéma : l'analogie entre l'équilibre entre effets spéciaux et scénario dans un bon film est assez comparable à celui cherché entre graphismes et gameplay dans les bons jeux.
  • Enfin, on peut quand même parler de la « French Touch » sur quelques titres. J'ai en tête surtout le trio Another World, Flashback et Mr. Nutz pour correspondre à cette description. Ou même Ivanohé un peu plus tôt... Mais de nos jours, c'est vraiment désuet comme terme.
  • En terme de ventes, Mr. Nutz fut-il un jeu rentable à l'échelle mondiale ? Et à l'échelle française ?
  • Les ventes de Mr. Nutz ont été assez conséquentes, effectivement. En une semaine, toutes les cartouches mises dans le commerce avaient été vendues. C'est à la fois génial et frustrant. Génial, car voir son jeu se vendre est assez gratifiant, mais un peu frustrant, car on a raté un gros coup : en effet, on aurait pu mettre encore plus de cartouches en vente. Il y avait la demande et ce nombre limité de cartouches en vente a un peu coupé notre élan. Les gens devaient attendre deux semaines pour que de nouvelles cartouches soient fabriquées... Ocean avait vraiment fait un gros travail marketing sur Mr. Nutz et sur Jurassic Park. Peut-être auraient-ils pu en faire un peu plus sur Mr. Nutz et un peu moins sur Jurassic Park... (sourires)
  • Etait-ce facile de vendre un jeu vidéo à cette époque-là quand on était français, que ce soit au près du public ou au près des éditeurs ?
  • Non, c'était pas facile. Mais c'était quand même plus facile que maintenant. A l'époque, il n'y avait pas de règles, pas de références. C'était une industrie naissante. Maintenant, c'est une vraie industrie, un vrai métier. De nos jours, le problème vient des budgets. C'est environ 100 fois plus coûteux de lancer un projet maintenant qu'à l'époque de Mr. Nutz, donc les risques pour les éditeurs sont plus importants. D'où la certaine frilosité... Mais à l'époque aussi, c'était assez difficile de s'imposer. Puis, au niveau personnel, c'était plus dur sur un point pour moi : l'âge. Négocier devant un éditeur à 20 ans, c'est loin d'être facile ! Maintenant, j'ai de l'expérience, je suis plus préparé, mais c'est vrai qu'à l'époque c'était délicat.
  • Existe-t-il encore aujourd'hui dans le jeu vidéo français un élément qui le distingue de ses homologues mondiaux ?
  • Comme je le disais tout à l'heure, de nos jours, l'expression "French Touch" est assez péjorative. En France, je crois qu'on a loupé un tournant. A une certaine période, les meilleurs jeux vidéo étaient français, japonais et anglais. Les jeux américains n'étaient pas terribles. Maintenant, ils fournissent beaucoup des meilleurs softs du marché : je crois que les Etat Unis ont réussi le passage à la nouvelle génération, alors que nous non.
  • En ce qui concerne le jeu vidéo français et son éventuelle originalité pour le démarquer des autres, je crois qu'il n'en est rien. De nos jours, le jeu vidéo est mondial, et rien ne démarque le jeu vidéo français du reste de la production. Il ne faut pas oublier que travailler pour le jeu vidéo en France est assez difficile  et que ca demeure un métier de passionnés.
  • Top Spin, développé par PAM sur Xbox

Retour à la situation actuelle

  • Comment voyez-vous l'évolution du jeu vidéo dans le monde en général, et en France en particulier, à travers les aspects de ‘loisir de masse' qu'il revet depuis quelque temps ?
  • Aujourd'hui, le jeu vidéo est un produit de consommation grand public. Dans le temps, ca intéressait les gosses ou une poignée de hard-core gamers. Maintenant, grâce à l'évolution technique que l'on a pu voir dans le jeu, on a attiré plus de gens, ca devenait un grand spectacle. Les jeux vidéo sont devenus plus accessibles aussi, plus simples à comprendre ; de nouveaux concepts sont arrivés, séduisant ainsi de nouveaux publics. Je pense aux Sims par exemple... Moi, je crois que dans quelques années, tout le monde jouera, même les personnes âgées...
  • En plus, le jeu vidéo a profité du croisement avec plusieurs médias différents. Ca a été carrément bénéfique pour notre industrie. Par exemple, l'influence du cinéma est vraiment un plus : l'exemple de Jean Reno dans Onimusha est parlant d'ailleurs... Le jeu vidéo est devenu une industrie puissante...
  • Comment avez-vous ressenti la crise qu'a connu le jeu vidéo français au début des années 2OOO ? Quelle en était la cause à votre avis ? Pensez-vous que cette crise soit terminée ?
  • Le problème en 2000, c'est qu'on était en pleine période d'euphorie. Trop d'argent facile, des investissements massifs sur une industrie immature... Bref, le jeu vidéo français n'a pas été assez professionnel. C'était vraiment la totale à ce moment-là : pas de plannings, pas d'organisation, des retards, des jeux mauvais, des problèmes de budget... C'est évident, il y a eu trop d'erreurs. Depuis, le jeu vidéo français est mieux structuré. Ouais, c'était contraint et forcé... Mais tant mieux... Mais bon, on a quand même payé les pots cassés.
  • Aujourd'hui, votre histoire se mêle à celle de PAM Development, le studio qui a créé Top Spin en 2003. Rétrospectivement, comment voyez-vous ce jeu ?
  • Top Spin, ca a été une super expérience. Bosser pour Microsoft, ca a été vraiment bénéfique. C'est une des plus grosses sociétés du monde, donc ca nous a vraiment fait évoluer au niveau de l'organisation. Il faut garder en tête que les Américains sont ultra pragmatiques, mais dans le bon sens du terme... Pour en revenir à PAM, je crois qu'on a les moyens pour sortir des triples A : Top Spin confirme un peu cela quand même... Continuons comme ca alors.
  • Une question bien classique à présent, mais elle devait forcément être posée : quelle est votre actualité proche ? Et indirectement, quelle est l'actualité proche (ou future) de PAM Development ?
  • Je peux pas dire grand chose pour le moment, mais on a beaucoup de travail sur de très gros projets. Des déclarations vont être faites dans les mois à venir...
  • Pour conclure, voici une dernière question : si je vous demandais le nom de votre jeu vidéo préféré parmi tous les jeux sortis sur toutes les plates-formes de l'Histoire, lequel me citeriez-vous ?
  • Oula... Difficile comme question... En fait, tout est une question d'époque. Moi j'ai quand même commencé sur Colecovision ! Mais des jeux qui m'ont vraiment plu, je dirais comme ca pêle-mêle Zaxxon, Turrican sur Amiga, tous les Lucas comme les Monkey Island ou Sam and Max ou encore les jeux de sport comme ISS. Actuellement, je joue pas mal à Warcraft III, Frozen Throne, que je pratique pas mal en réseau. Le problème, c'est que je joue autant qu'avant, donc avec mon emploi du temps, ca commence à faire pas mal ! Mais c'est vrai que Warcraft III me plaît beaucoup en ce moment... Le online, ca révolutionne vraiment le jeu vidéo. On trouve toujours des joueurs, ca renouvelle toujours le challenge, bref ca rallonge la durée de vie. C'est un gros coup de boost pour le jeu vidéo.
  • Pierre, merci pour le temps que vous avez bien voulu m'accorder et surtout merci pour la gentillesse avec laquelle vous avez répondu à mes questions. Bonne continuation.
Jika
(02 février 2005)
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