Vous rappelez-vous de votre 1er "jeu de rôle" sur ordinateur ou console ? Dans mon cas, c'était sur la ColecoVision, en 1984. Ça remonte à loin, hein ? C'était l'époque de la VCS 2600, de la Mattel Intellivision, et de quelques micros comme l'Oric Atmos, l'Atari 800, l'Adam de CBS... Comment, vous ne connaissez ces machines que de nom ? Quel dommage ! Heureusement que vous trouverez toutes les infos sur Grospixels ! ;-)
Mon premier jeu de rôle informatique - pour faire la différence avec les jeux de rôle sur table ou en livre, qu'on joue avec des dés - fut donc Gateway to Apshaï. Bon, je reconnais que quand je parle de "jeu de rôle", on est loin ici de l'avalanche de caractéristiques disponibles pour un personnage comme on voit dans les jeux micro actuels, ou sur les fiches de grands jeux papier comme Dungeons & Dragons. Cependant, on retrouve bien l'évolution du joueur sur quelques éléments en fonction de son expérience, et même si cette évolution est très minime, le principe est correctement respecté.
De nos jours, je pense que ce jeu serait toutefois plus classé dans la catégorie des "Diablo-like". On pourrait certainement polémiquer longtemps à ce sujet, toutefois ce n'est pas le but de ce petit article.
Le Destin est en marche !
Dans Gateway to Apshaï, vous incarnez un jeune homme de 18 ans, conduit de force devant le vieux sorcier Merlis, pour entendre sa prophétie : vous êtes en fait l'héritier des plus grands guerriers d'Apshaï. Contrairement à tous ceux qui ont déjà essayé (et échoué), vous seul pouvez, du fait de votre ascendance, vous introduire dans le Donjon d'Apshaï et le revendiquer, en récupérant tous les trésors et en éliminant tous les monstres qui s'y terrent. Alors seulement le pays tout entier retrouvera sa prospérité.
Sur ces paroles, Merlis tombe en poussière, vous laissant seul au fond de sa caverne avec quelques instructions, une armure en cuir et une dague. Vous vous dirigez ensuite vers les premiers niveaux du donjon d'Apshaï, pour que votre aventure puisse réellement commencer.
Pour info, la traduction de l'histoire est dispo en section Bonus, en fin d'article.
Le guerrier que vous dirigez est par les caractéristiques suivantes : force, agilité et chance ; la santé est la somme des trois valeurs précédentes. Au début du jeu, vous disposez de 5 vies.
Le jeu comprend 99 donjons différents, chacun d'eux comportant 8 niveaux de difficulté croissante, chaque niveau possédant 60 pièces. Voilà qui laisse rêveur quant à la durée de vie du produit, sachant qu'il n'y a pas de sauvegarde ! C'était une époque assez intéressante où le score comptait plus que la progression ; aujourd'hui un produit de ce type sans sauvegarde est impensable, vous imaginez finir Diablo 2 en une seule fois, vous ?
Comment joue-t-on ?
Avec un des joysticks de la ColecoVision.
Je vous rappelle que, contrairement aux joysticks actuels, ceux de la console CBS possédaient en plus du manche à 8 directions deux boutons de tir et un petit clavier, celui-ci comprenant 12 touches numérotées de 0 à 9 plus * et #. Dans le jeu, toutes ces touches servent à effectuer une action bien précise, qu'il aurait été impossible de réaliser même avec une sélection avec le second bouton de tir.
Voici les actions qu'il est possible de faire avec la touche correspondante :
1 - Combat, et choix du type d'armes : épée, arc avec flèches, arc avec flèches magiques ;
2 - Choix d'objets parmi l'inventaire ;
3 - Jeter un objet de l'inventaire ;
4 - Utiliser les clés sur un passage secret ;
5 - Rechercher un passage secret dans la salle ;
6 - Rechercher un piège dans la salle ;
7 - Afficher l'écran de statut ;
8 - Afficher l'écran d'inventaire ;
9 - Afficher l'écran d'équipement ;
0 - Passer au niveau suivant.
Penchons-nous sur le cas du premier donjon.
Au départ, vous commencez dans une pièce vide, avec deux sorties possibles.
Le compte à rebours égrène les secondes impitoyablement, plus que 6 minutes pour faire le tour de ce niveau avant de vous retrouver au niveau suivant !
Avançant courageusement, vous vous dirigez vers la frontière entre la pièce où vous vous trouvez et celle qui est encore plongée dans l'obscurité, à droite (il faut bien choisir une direction !) Au moment où vous franchissez la frontière, la pièce se dévoile et un rat des marais vous attaque. Saisissez rapidement l'épée courte qui se trouve au sol, et équipez-vous-en, vous serez bien plus efficace qu'avec votre pauvre dague pour combattre cette sale bête !
Une fois que le combat est fini, vous pouvez continuer et atteindre la pièce suivante : cette fois c'est une chauve-souris qui se jette sur vous. Votre récompense, une fois que vous l'avez vaincue, est le coffre dans un coin de la salle.
Un peu plus loin, vous trouverez une potion de soin gardée par un fungus (une espèce de champignon vivant)... Se l'approprier est peut-être indispensable vu l'état dans lequel vous vous trouvez suite à vos précédents combats, et comme le fungus est relativement lent, ça ne devrait pas être trop difficile.
Et ainsi de suite, salle après salle, niveau après niveau. Mais vous pensez bien que les choses se compliqueront petit à petit...
Quelques astuces
Attention aux pièges parsemés un peu partout, parfois au beau milieu d'une salle, mais parfois dans un coffre. En utilisant le sort de détection des pièges (Locate Spell), s'il y en a dans la salle où vous vous trouvez, un son d'alarme retentira et une tête de mort apparaîtra pour le localiser. Vous pouvez alors utiliser un sort de suppression des pièges pour le désactiver. Certains pièges vous enlèvent des points de vie, d'autres vont par exemple baisser votre capital de chance... On ne sait pas à l'avance quel sera l'effet du piège.
Les passages secrets, quant à eux, permettent de continuer l'exploration dans une autre partie du donjon. La porte cachée, qui se dévoile grâce au sort de détection de passage secret (Search Spell), peut se trouver sur n'importe quel mur.
Aussi en entrant dans une nouvelle salle il est recommandé de s'arrêter, le temps de lancer un sort de détection de pièges (pour savoir où vous mettrez les pieds) puis un sort de détection de passage secret.
Si en entrant dans une nouvelle pièce, un monstre se jette sur vous, je vous conseille la fuite le temps de sélectionner dans votre équipement l'arme qui convient le mieux contre lui. Bien évidemment, si vous devez fuir, repartez d'où vous venez : la fuite en avant dans ce jeu ne donne rien de bon car les monstres ne se taperont jamais dessus entre eux.
Les combats sont faciles à gérer : une fois l'arme sélectionnée, il faut taper sur le monstre sans qu'il vous touche. Quand vous réussissez à frapper l'ennemi avec votre arme, un éclair vert illumine l'écran ; au contraire, si c'est le monstre qui vous touche, c'est un éclair rouge qui apparaît. Vous pouvez sélectionner une épée pour un combat au corps à corps, ou un arc pour tenter d'éliminer le monstre de loin. Ou peut-être préférez-vous lui lancer un sort, étourdissement par exemple ?
Les objets que vous trouverez dans les pièces sont de plusieurs sortes :
- des coffres qui augmentent votre score d'une part : plomb (0), fer (10), argent (100), or (500), bijoux (1000) ;
- des armes (épées et arcs de plusieurs sortes) ;
- des sorts ou des potions (soin, chance, force, téléportation...) ;
- des objets précis à utiliser contre des monstres précis, comme la croix qui ne fonctionne que contre le vampire.
Votre inventaire n'étant pas infini, il faudra jeter des objets dont vous n'avez pas besoin, et surtout ne pas hésiter à utiliser vos sorts : ça ne sert à rien de les garder pour la fin, vu que vous en trouverez régulièrement, et qu'il n'y a pas de fin !
Au bout du compte à rebours, ou dès que vous le décidez, vous pouvez passer au niveau suivant. Vous obtenez des points de force, d'agilité et de chance, et vous pouvez continuer votre périple. Notez que quand vous avez réussi à terminer le niveau 8, vous le recommencez à l'infini.
Techniquement
Le jeu sortit tout d'abord sur Atari 800 en 1983 (développé par Michael Farren), puis il fut décliné sur C64 (par the Connelley Group) la même année, et l'année suivante sur ColecoVision (par Marc Ferguson).
Pour la petite histoire, apprenez que Gateway to Apshaï est sorti après Temple of Apshaï (en 1979 sur TRS-80), mais que l'action du jeu se déroule chronologiquement avant. Gateway to Apshaï se veut d'ailleurs plus action et moins rôle que Temple of Apshaï.
Visuellement, le jeu est présenté du dessus, avec une convention de couleurs simple et efficace : ce qui est non praticable (de l'autre côté des murs) ou pas encore connu est jaune, et le fond des couloirs est noir. Le labyrinthe des pièces apparaît au fur et à mesure qu'on progresse, ça fait penser au brouillard de guerre de certains wargames plus récents... et surtout ça empêche de se préparer à affronter tel ou tel ennemi : on découvre le contenu d'une pièce au moment exact où on y pénètre !
Les sprites (personnage, monstres, trésors) sont vus de côté lors des déplacements gauche/droite, de face quand ils vont vers le bas, et de dos quand ils montent. Ils possèdent quelques mouvements limités pour la marche, le héros a bien une épée qui apparaît lors des combats, mais leur petite taille empêche d'avoir des détails et des animations poussés. Et puis rappelez-vous, on est en 1984...
Il y a peu de sprites différents : par exemple on joue sur un seul sprite en changeant son nom et éventuellement sa couleur afin d'indiquer qu'il s'agit d'un monstre différent. Du reste c'est toujours comme ça de nos jours, vous n'avez qu'à regarder dans Guild Wars toutes les déclinaisons des Marécailleux... En tout cas, on est bien dans l'ambiance des donjons : rats, chauve-souris, serpents - et plus loin des adversaires d'une autre trempe : momies, vampires... - se dresseront contre vous.
Côté son, quelques effets de bruitages, quelques petites musiques selon les actions, ce n'est pas ce que la Coleco a connu de mieux. Même un jeu comme Venture, des tous débuts de la Coleco, possédait des mélodies plus engageantes...
L'ergonomie du jeu est assez spéciale. Disons que c'est un peu compliqué du fait de la manette elle-même, car au début il est difficile de choisir les actions rapidement sur les touches numérotées, mais c'est comme partout : on finit par s'y faire et cette méthode de jeu est finalement appréciable. C'est vrai que le jeu n'est pas non plus extrêmement rapide (on peut toujours s'enfuir si on ne sait pas quoi faire...), alors même si on se trompe de touche une fois de temps en temps au début, on peut toujours corriger le tir.
C'est un jeu sympa que nous avons là. Personnellement je me suis accroché pour finir tous les niveaux du premier donjon (j'en ai fait les plans schématisés) et j'ai continué sur de nombreux autres donjons sans faire de plans.
Je n'ai pas eu connaissance du succès de Gateway to Apshaï sur Coleco (je ne savais même pas à l'époque qu'il existait sur d'autres machines), mais c'était l'époque du début de la fin pour la console... et du coup, il n'y eut que peu d'informations à ce sujet. Je pense qu'il a séduit de nombreux joueurs, mais personne n'en a parlé. Pour exemple, ce jeu fut testé dans le Tilt n°16 en version C64, aucune mention n'est faite à propos des autres versions.
De nos jours, en tout cas, ce jeu n'a plus grand chose qui lui permette d'attirer d'autres personnes que des nostalgiques...
Gateway to Apshaï fut testé :
- dans le Tilt n°16 d'Octobre 1984 (Tubes, 5/6).
Bonus !
La traduction de la nouvelle du jeu est disponible ici.