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Double Dragon (Neo Geo)
Année : 1995
Système : Arcade, Neo Geo
Développeur : Technos Japan
Éditeur : SNK
Genre : Jeu de Combat (VS fighting)
Par Twipol (04 juin 2003)

Double Dragon Neo Geo est un cas spécial. Si j'ai bien suivi, Double Dragon, le dur, le vrai, le tatoué, le mythe du beat'em all, a fait dans les années 90 l'objet d'une adaptation au cinéma dont je subodore que le visionnage n'est indispensable à aucun être humain normalement consituté (NdL : Je confirme. Ce film de James Yukich, avec Robert Patrick et Mark Dacascos, sorti en 1994, est un nanar). Et voilà que Technos nous refait le coup du "jeu du film du jeu". Ne partez pas ! Non, les personnages ne sont pas les acteurs du film qu'on aurait digitalisés, ils sont dessinés à la main. On évite le pire, mais ne nous réjouissons pas trop vite. Lesdits (les dix, d'ailleurs, plus deux boss) protagonistes n'ont pas tout à fait la classe d'une Chun Li ou d'un Iori Yagami. Je me garderai bien de déterminer qui blâmer, des costumiers du film-inspirateur ou des graphistes de Technos et leur talent pour le coup incertain. Le joueur incrédule tâchera dans un premier temps de ménager ses émotions en optant sobrement pour Ryu ou Ken, euh pardon Billy ou Jimmy, inévitables héros-jumeaux de ce jeu-là.

La triplette "quart de cercle avant - quart de cercle arrière - dragon punch motion" en poche, on évolue avec suffisamment de certitudes pour jauger le bestiau, sûrement un peu trop à vrai dire. Au rythme de musiques tout de même supportables, les primesautiers combattants se livrent avec enthousiasme à de joyeuses joutes pyrotechniques, hautes en couleurs autant qu'en (gros) pixels - à cause des multiples zooms qui accompagnent les déplacements, système inauguré quelques années plus tôt par Art of Fighting. Ce n'est pas très beau, plutôt kitsch, vraiment kitsch en fait, mais bon sang, ça remue, ça gueule et surtout ça se laisse franchement jouer. Coups spéciaux et combos rudimentaires s'enchaînent à l'envi. Il ne se passe rien de neuf, le contenu est plutôt limité, mais c'est une affaire qui marche, du moins l'espace de quelques parties. Outre la parade aérienne et l'attrait des attaques lors des "dash", éléments qui n'étaient pas si prépondérants à l'époque, deux idées sympathiques émergent néanmoins, qui m'ont plu même si elles ne chamboulent vraiment pas la donne. Premièrement, la configuration des touches ne reprend pas tout à fait le système classique poings/pieds de différentes forces. Au lieu de ça, à chacun des quatre boutons correspond une force différente, A étant par défaut le plus faible et D le plus fort. Cela se traduira en coups de poing ou de pied selon le personnage. Ce système permet aussi d'avoir quatre versions de chaque coup spécial (au lieu de deux ou trois dans les autres jeux), puisque les manips de ces derniers ne sont pas inféodées à une distinction poings/pieds. Tout ça est anecdotique, mais assez original.

La deuxième bonne idée, c'est la gestion des super attaques, ici appelées "Charges". Le jeu en propose deux par combattant. Pour savoir quand les réaliser, regardez votre jauge de vie. Elle se remplit de rouge au fur et à mesure que vous encaissez des coups - normal, quoi - et à l'autre extrémité, elle se remplit de bleu au fur et à mesure que vous en donnez ! Une fois que les zones rouge et bleue se touchent, "charge !" s'affiche et votre super attaque est accessible, vidant la partie bleue de votre jauge quand vous la réalisez. C'est un croisement astucieux entre le système de Capcom, qui avantage les joueurs offensifs, et celui de la plupart des jeux SNK qui laisse plutôt une chance au combattant ayant subi beaucoup de dommages. Ici, le joueur au bord du KO pourra remplir sa zone bleue constamment, mais la grande classe, c'est de ne pas prendre un coup et de parvenir à remplir entièrement sa jauge de bleu, afin de réussir un splendide perfect-super-combo-finish dans ta face !

Toujours en ce qui concerne les Charges, les néophytes apprécieront : elles se réalisent tout simplement comme l'un de vos coups spéciaux de base, si ce n'est qu'il faut appuyer sur deux boutons, n'importe lesquels, au lieu d'un. Ca devrait aller, ce n'est pas trop complexe... Certains puristes pourront toujours se gausser, cette simplification va dans le sens de l'accessibilité et du plaisir simple que procure ce jeu. Une exception toutefois : ces bougres de Billy et Jimmy. Ce sont les héros, quoi, il faut bien qu'ils aient un petit truc à eux. Pour activer leur première Charge, on appuie sur les quatre boutons à la fois (appliquez-vous, hein). Et là, on reste sans voix. Que cette manœuvre provoque une sorte de transformation qui les affuble d'un super costume d'arts martiaux chatoyant et booste leur palette de coups spéciaux d'une façon tout aussi chatoyante, soit. Mais surtout, à ce moment, la musique qui sévissait jusqu'alors cède sa place à celle, kitschissime, youpi-esque, de l'écran titre, une farce, un thème indescriptible qui évoque l'irruption d'un quelconque super héros en collant rouge dans on ne sait quelle série animée japonaise de seconde zone. Comment dire ? C'est un des grands moments de l'histoire des jeux de baston.

Il est mal fringué, ce Double Dragon, mais il a une bonne bouille. À l'époque, je l'avais découvert en salle d'arcade avec mes potes et confrères de la baston bitmap et il avait provoqué l'hilarité puis les railleries des adolescents goguenards, dopés au KOF, que nous étions. Aujourd'hui, c'est avec encore un soupçon de condescendance mais surtout une certaine tendresse que je le redécouvre. Presque rien ne démarque son gameplay de ce qui se faisait ailleurs à l'époque, mais il est tout à fait agréable le temps de quelques parties bien espacées, pour peu qu'on l'aborde avec une certaine dose de dérision et de dilettantisme. Les bastonneurs occasionnels apprécieront sa simplicité et son fun immédiat, tandis que les joueurs chevronnés prendront volontiers une petite pause Double Dragon entre deux vrais jeux !

Twipol
(04 juin 2003)
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