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Anno 1602
Année : 1998
Système : Windows
Développeur : Max Design
Éditeur : Sunflowers
Genre : Stratégie
Par IsKor (24 novembre 2014)

Vous le savez désormais, j'affectionne particulièrement les jeux de gestion. Ca tombe bien, puisqu'il se trouve que le PC en regorge. Il y en a pour tous les goûts, des simulateurs de ville (Sim City) aux simulateurs d'hôpital (Theme Hospital) en passant par la gestion de parcs d'attractions (Rollercoaster Tycoon) ou de compagnie de transports (Transport Tycoon Deluxe). Un peu d'autopromotion ne fait jamais de mal.

Mais alors, Anno, qu’est-ce que c’est?

Des jeux de gestion qui prennent place dans diverses époques de notre histoire (tendance époque "nouveau monde"), où vous devrez gérer votre colonie depuis le débarquement sur une île vierge jusqu’au stade de ville tentaculaire.
Bien qu’il existe des aspects guerriers, toute la série des Anno est résolument axée gestion économique, avec des chaînes de production complexes, des routes de commerce, ce que rend le gameplay des Anno très voisin de celui des Settlers, une autre série de jeux de gestions allemands eux aussi.
Peut-être est-ce une coïncidence, mais la rigeur de nos amis d'outre-Rhin se retrouve complètement dans ces softs. Un planning et une optimisation à toute épreuve sont nécessaires pour profiter au maximum des différents jeux.
Tous les épisodes de la série ont des bases en commun, et le fan sera rarement perdu au début d'un nouvel épisode, car Anno repose sur 3 piliers immuables: Des chaînes de productions complexes, une gestion méticuleuse des bateaux et des routes de commerce ainsi qu'une population difficile à contenter.
L’environnement change très peu dans toute la série, toutes les cartes des jeux se situant invariablement dans des lieux comprenant de nombreuses îles, l’eau omniprésente étant un élément essentiel du gameplay, comme nous le verrons plus tard.

Anectode intéressante et mystique, le chiffre 9 est omniprésent à travers les titres de tous les opus: systématiquement, la somme des chiffres qui composent la date de l'épisode est égale à 9:

1+6+0+2=9
1+5+0+3=9
1+7+0+1=9
1+4+0+4=9
2+0+7+0=9

Aussi, les années des 4 premiers épisodes sont séparés exactement de 99 ans. La logique aurait voulu que le prochain Anno après Anno 1404 soit Anno 1305 ou Anno 1800. Mais Related Designs a pris le contrepied de cette habitude en ajoutant 369 ans au dernier épisode en date. En revanche ils ont bien respecté la tradition, la somme des chiffres 2-0-7-0 fait bien 9 !
Y a-t-il une vraie signification derrière ce fait étrange ? Les Francs-Maçons sont-ils à l'oeuvre ? Assurément un sujet digne des émissions de Pierre Bellemare ?
Pas du tout, juste une volonté des développeurs, sans plus de portée que cela.

Sans plus attendre, entrons dans le vif du sujet : Anno 1602, sorti en 1998 sur PC, développé par Max Design, édité par Sunflowers, tout premier épisode d’une longue série.
Le jeu, est originellement sorti en 1997 en Allemagne uniquement, et seulement l’année d’après en Europe et au Japon, en Anglais, Néerlandais, Espagnol, Italien, Polonais et Japonais. Cette dernière version est souvent nommée "version Internationale".

Une première extension est sortie la même année en Allemagne uniquement. Neue Inseln, Neue Abenteuer (Nouvelles Iles, Nouvelles Aventures, NINA pour les intimes) ajoute de nombreux scénarios solo (20 répartis en 6 campagnes), 30 scénarios multi, ainsi que tout un tas de nouvelles animations sur terre ou à la surface de l’eau pour rendre le jeu plus vivant. NINA a eu droit à une sortie boîte uniquement en Allemagne.
Ce n’est que bien plus tard, en 2000, que les Etats-Unis et l’Australie ont pu goûter aux joies de Anno 1602, alors rebaptisé "1602 A.D" comprenant la première extension et tous les patches.
Une version internationale du jeu est sortie sous le nom de "Anno 1602 – Gold Edition" avec le même contenu que la version Américaine.

Une seconde extension est sortie en 1999 là encore uniquement en Allemagne, d’un différent éditeur (mais autorisé par SunFlowers). Il s’agit de Im Namen der Konigs (Au nom du Roi). Là encore, il s’agit de 27 nouveaux scénarios solo, 5 scénarios multi.
L’édition ultime est la Konigsedition (L’édition des Rois), qui regroupe les 2 extensions et tous les patches, mais uniquement disponible en Allemagne.

L'écran de sélection des scénarios disponibles (Version Gold)
Une petite colonie bien partie!Sur la partie basse de l'écran, on aperçoit la fertilité de l'île.

Le théâtre d’opérations se situe en plein 17ème siècle, comme le titre le suggère.
Le début de chaque scénario est invariable: vous commencez sur un bateau avec juste assez de ressources pour débuter une colonie sommaire. Afin de gagner de nouvelles terres, il faudra établir un entrepôt pour coloniser l’île.
Chaque bout de terre possède des caractéristiques propres auxquelles il faudra prêter attention, car vous ne pourrez pas cultiver les mêmes denrées partout. Lorsque votre bateau approche des côtes, il suffit d'analyser l'île (via un bouton de l'interface) pour connaître ses caractéristiques, et si les éventuelles montagnes renferment des métaux précieux.

Par exemple, une île possédant les fertilités "cacao 100%, coton 50%, épices 100%" veut dire que 50% des plantations de coton n'aboutiront pas, baissant la productivité et vous contraignant à construire davantage pour contrebalancer. Si dans les premiers scénarios vous n'aurez absolument pas besoin de ces denrées, dans les derniers il sera absolument vital de coloniser plusieurs îles afin de les spécialiser dans la récolte de ressources précises.

Votre bateau embarque assez de nourriture, bois et outils pour fonder une colonie minimale composée de quelques maisons et d'une hutte du pêcheur. Une fois vos ressources de départ épuisées, le jeu commence vraiment puisqu'il va falloir remplir les réserves pour étendre votre empire.
Attention cependant, car vous ne pourrez pas vous étendre à l'envi. Le jeu possède un concept - à ma connaissance complètement inédit - d'aires circulaires qui délimitent les zones d'influence de chaque bâtiment. Lorsque vous sélectionnez votre entrepôt, vous verrez un espace clair et un autre foncé, dans lequel toute construction est impossible.

On voit ici la zone d'effet de l'entrepôt. La plantation la plus à gauche n'aurait pas pu être construite sans l'adjonction d'un marché
L'église couvre la totalité de la ville, pas besoin d'en bâtir une autre!

Vous pourrez augmenter l'aire constructible grâce aux marchés, qui disposent d'une zone d'influence énorme symbolisant le rayon d'action maximal des chariots utilisés pour acheminer la production des manufactures vers le marché. Il sera très important de tisser un réseau de marchés assez dense pour éviter un allongement des délais de transport et ce pour une simple raison: un bâtiment loin d'un point de stockage verra sa productivité baisser dramatiquement car ils ne peuvent stocker qu'une quantité limitée de marchandises. Une fois la capacité maximale atteinte, la production cesse purement et simplement.

La significationde cette aire peut varier selon le bâtiment concerné: pour une hutte de forestier, elle représentera la zone optimale d'abattage, pour un tisserand elle montrera la distance maximale à laquelle doit se trouver un élevage de moutons ou à défaut un marché. Le même concept - mais inversé - est utilisé pour les bâtiments publics: toute habitation dans l'aire d'influence d'une caserne sera protégée.

Le jeu est plus qu'un jeu de gestion, car il réclame énormément de planification : il faudra gérer finement tous les secteurs d'influence afin d'éviter les constructions superflues, ainsi que prévoir de l'espace dès le début pour les bâtiments municipaux au risque de devoir abattre des habitations. Attention également, car si vous bâtissez près de la limite du rayon d'action d'un marché ou d'un entrepôt, l'aire de service sera amputée et la productivité baissera.

Anno 1602, comme son cousin The Settlers III, vous obligera à jongler avec une trentaine de marchandises différentes allant des plus simples (bois, pierre, fer, laine, blé), en passant par des produits de transformation (farine, acier) jusqu'aux produits finis (outils, canons, vêtements, bijoux), avec des chaînes de production de plus en plus complexes. Beaucoup de bâtiments se débloquent en fonction du niveau de population que vous atteindrez, ou le nombre de personnes dans un niveau de civilisation.

Voici deux exemples de chaînes de production:

Une chaîne simple: la canne à sucre produite par la plantation est directement utilisée par la distillerie pour produire de l'alcool.
Cette chaîne-ci est un peu plus compliquée: Le bois et le charbon sont nécessaires pour fondre de l'acier, qui sera utilisé conjointement à du bois pour créer des mousquets.

Produire des biens avancés est assez compliqué, mais pour corser les choses le jeu ajoute une subtilité supplémentaire: une tonne de canne à sucre ne produit pas une tonne d'alcool !
Du coup, les fans les plus acharnés ont mesuré précisément les productions de chaque bâtiment pour établir des manières optimisées pour produire toutes les denrées, par exemple, pour mettre sur pied une chaîne de production de pain optimisée, il faut bâtir 4 fermes céréalières, 2 moulins à eau et une boulangerie.

Qu'est-ce qu'une colonie prospère ? Une colonie qui rapporte de l'argent ! C'est dans ce but que vous construirez des maisons. Vos colons, alors au rang de Pionniers, vivront dans des huttes en bois et tant qu'ils auront de la nourriture dans leur assiette, ils seront heureux. Mais rapidement il leur en faudra plus, car ils aspireront à une vie plus confortable.
Apportez une église et du tissu à des Pionniers, si leur barre de satisfaction est bonne, ils iront directement piocher dans les stocks pour améliorer leurs maisons et devenir des Colons. Ces derniers demanderont alors de l'alcool ou des épices, une taverne et une école pour évoluer en Citoyens et ainsi de suite. Plus le niveau de population avance, plus les besoins sont pléthoriques et de plus en plus difficiles à satisfaire, mais plus ils payent d'impôts.
L'indice de satisfaction des différentes franges de population devra toujours être au plus haut, car vous pourrez alors augmenter les impôts sans craindre de révolte.
Si jamais vous ne disposez pas des ressources de base pour permettre à votre population de monter en grade, vous pouvez à tout moment leur interdire l'accès à vos stocks, ce qui peut être très utile quand vous cherchez à construire un gros bâtiment en "économisant" des ressources primaires (notamment le bois et les outils), ou que vous ne souhaitez simplement pas devoir satisfaire des besoins supplémentaires.

Mes citoyens sont heureux comme des papes. Ils demandent juste un lieu de culte plus grand. Il fait bon vivre à Gladen... Glashenkruk.... Enfin vous avez compris. Du coup je peux augmenter les impôts.
Là en revanche, mes colons font un peu plus la tête.Trop de taxes, un besoin d'alcool non satisfait, on voit que la barre rouge est en dessous du repère blanc, d'où mécontentement.

Petite précision le bonheur de vos administrés: les Colons réclament une taverne, parce que c'est l'un des prérequis pour les voir évoluer en Citoyens; en revanche ils n'ont pas besoin de taverne pour rester des Colons heureux. Les besoins primaires sont bien plus critiques: privez votre population de nourriture et elle deviendra malheureuse parce qu'elle meurt de faim!

Vous vous doutez bien qu'un jeu de gestion qui ne propose que des rentrées d'argent ne serait pas un bon jeu de gestion. En effet, toutes les constructions qui ne sont pas des maisons ont un coût de fonctionnement. Et plus les niveaux de population augmentent, plus les coûts d'entretien sont énormes : maintenir une petite bourgade de Pionniers n'engendrera pas des coûts faramineux, alors que tenter d'atteindre une population d'Aristocrates réclamera des investissements colossaux. Dans ces conditions, équilibrer votre budget sera très difficile, et réclamera une attention de tous les instants. Les développeurs du jeu ont implémenté une solution astucieuse pour réduire les coûts d'entretien : si jamais vous n'avez plus besoin d'une plantation ou d'un atelier, il est possible de désactiver le bâtiment par un simple clic. Le coût d'opération sera nullifié pour les plus simples, et réduit de plus de la moitié pour les plus avancés.

Le jeu est suffisamment détaillé pour que le joueur puissedifférencier d'un coup d'oeil toutes les composantes de sa ville.
Les premiers scénarios commencent tout doucement.L'icône Zzz au dessus de la hutte du forestier indique qu'elle est actuellement fermée pour économiser de l'argent.

À cause des fertilités de chaque bout de terre, il vous faudra coloniser plusieurs îles afin d'exploiter au mieux toutes les ressources disponibles. Malheureusement, devoir gérer soi même les aller-retours des bateaux sera rapidement impossible, c'est pour cela que Max Design a mis en place des routes commerciales automatisées pour vous aider à acheminer automatiquement les marchandises requises par vote population. Ces routes sont vitales dans les scénarios avancés, vous permettant de spécialiser des îles dans les productions diverses pour laisser plus de place à vos habitants sur l'île d'habitation. Les populations étant bien distinctes, pas besoin de construire de maisons sur les lieux producteurs de biens. Malheureusement, la mise en place de ces routes est rendue très difficile par une ergonomie franchement à la dérive.

Le jeu étant résolument axé gestion économique, vous aurez la possibilité de commercer avec les autres joueurs dirigés par la machine : via votre entrepôt portuaire, vous pourrez acheter des marchandises qui manquent ou vendre celles dont le stock est abondant. Avant de pouvoir commercer, il vous faudra néanmoins accéder au menu de diplomatie pour proposer ou accepter un accord commercial à d'autres joueurs.
L'un des aspects inédits du jeu réside dans son IA adaptative, dont la vitesse de réaction se calque sur les performances du joueur : si vous construisez un bateau, l'IA essaiera d'en faire autant. En revanche, les joueurs contrôlés par l'ordinateur n'attaqueront jamais vos colonies, la vaste majorité des scénarios pouvant être remportés sans tirer un coup de feu ; ce qui n'est pas plus mal car tout l'aspect militaire du jeu est inintéressant.
Les chaînes de production, très complexes et coûteuses ne sont pas valorisées par une ergonomie qui, dans les combats, est proche du néant (combien de joueurs se sont demandés comment faire entrer des soldats dans les bateaux ?), et des unités militaires peu variées. Seuls les pirates vous donneront du fil à retordre de temps en temps, et là encore vous pourrez hisser le drapeau blanc, sauvant votre bâteau au prix de l'intégralité de sa cargaison.

Le menu de diplomatie. Je suis en paix et je peux commercer avec tout le monde. Le pouce sur le côté droit symbolise votre réputation auprès du joueur.
En un clic sur l'entrepôt, on peut connaître l'état des stocks.
Le bilan économique de la colonie. Tout est au vert.

En plus de tous les scénarios offrant des objectifs chiffrés, le jeu propose un très sympathique mode "partie continue" qui sera l'une des marques de fabrique de la série. Dans ce mode, le début est identique à tous les autres scénarios, à la différence que le jeu continue tant que le joueur le désire. La difficulté peut être ajustée avant le début de partie: en facile, les îles seront luxuriantes et couvertes de minerai, alors qu'en très difficile, les gisement seront très rares, les pirates omniprésents et vous aurez même le droit à des sécheresses plombant vos cultures.

L'interface du jeu bien qu'un peu austère de prime abord se révèle assez réussie, on ne peine pas à s'y retrouver dès les premières missions du didacticiel.
L'écran principal propose une vue en 2D isométrique du plus bel effet, avec des graphismes réussis et colorés, relevés par des petites animations: les habitants déambulent, les chariots vont et viennent. Vous pourrez également choisir la vue qui vous convient le mieux parmi 3 niveaux de zoom, et la possibilité de changer l'angle de vue.
Point remarquable, Anno 1602 propose plusieurs résolutions, allant du 640x480 à un impressionnant 1024x768, une rareté à l'époque!

Les villes avancées sont vraiment agréables à l'oeil.
Le niveau de zoom minimal est agréable pour contempler votre empire, mais pas très jouable.

Pour égayer le rendu graphique, une multitude de sons émanent de chaque bâtiment de production, et une voix off - en français s'il vous plaît - se chargera de vous avertir si votre peuple manque de quelque chose, donnant de la vie au soft. En revanche, la musique est dispensable, puisqu'il s'agit pour de quelques morceaux de musique classique, et d'autres thèmes assez peu inspirés à mon sens, à l'exception du thème principal.

Anno 1602 est un excellent jeu de gestion, on constate à postériori que tout ce qui fait le sel de la série est déjà présent. En revanche, il est tout de même complètement dépassé par les opus suivants qui possèdent une bien meilleure ergonomie. Si vous avez connu le jeu en son temps, il occupera une place dans votre coeur de joueur, nostalgie oblige. Ceux d'entre vous qui désirerons mettre le doigt dans l'engrenage des Anno, mieux vaut commencer par Anno 1701, bien plus accessible et ergonomique, traité plus tard dans ce dossier.
Il faudra attendre pas moins de 5 ans pour voir débarquer le second épisode de la série Anno, j'ai nommé Anno 1503.

IsKor
(24 novembre 2014)
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