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Gobliiins - La trilogie
Année : 1991
Système : Amiga, Atari ST, Mac, Windows
Développeur : Coktel Vision
Éditeur : Coktel Vision / Sierra
Genre : Aventure / Point'n click / Réflexion
Par MTF (11 juin 2012)

Marguerite Duras écrivait dans Des journées entières dans les arbres « Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours... ». Elle ne doit pas avoir tort. Ce dossier me tient particulièrement à cœur : il s'agit de l'une de mes toutes premières incursions dans le monde du jeu vidéo d'une part, et dans le monde des point'n click de l'autre. Et effectivement, il reste toujours quelque chose de l'enfance, car j'aime toujours les jeux vidéo, et j'aime toujours les point'n click.
J'ai découvert ces jeux par l'intermédiaire d'une amie d'école primaire, à qui son père avait acheté un micro-ordinateur et quelques logiciels éducatifs, et notamment Adi de Coktel Vision. Il s'agit d'un petit programme dédié à un niveau scolaire en particulier, dans lequel on pouvait s'entraîner en français, en mathématiques, en langues... Au fur et à mesure des exercices, on gagnait des points qui pouvaient être échangés contre des jeux dans la partie récréation. Je ne le savais pas, mais c'était notamment l'occasion pour Coktel de recaser leurs anciens jeux micro à moindre frais. Le premier que j'avais débloqué fut Lost in Time, dont je reparlerais un jour sans doute, le second fut Gobliins 2. J'ai alors tanné ma mère pour avoir la version supérieure d'Adi, et j'ai alors débloqué Goblins 3 ; et bien plus tard, j'ai pu m'essayer enfin au tout premier Gobliiins, peut-être celui que j'aime le moins de la trilogie. Comme les choses sont étranges ; aurais-je commencé par celui-ci, peut-être que mes goûts en matière de jeux eurent été très différents. Parfois, il faut un peu de hasard pour permettre aux choses de se dérouler comme il se doit.

L'image d'Adi, à gauche, est en allemand, car j'ai eu du mal à trouver des informations sur le logiciel. À droite, Lost in Time, qui présentait des graphismes digitalisés magnifiques pour 1993.

Les jeux Gobliiins sont surtout l'œuvre d'un graphiste assez discret quant à ses apparitions publiques, un français du meilleur cru, Pierre Gilhodes. Les informations le concernant sont assez rares, mais l'on pourra toujours se reporter à l'anthologie compilée par Abandonware France et une rapide entrevue donnée à cpc-power. Tout ce qui suivra est donc issu en grande partie de son esprit dérangé, et rétroactivement, il est tout à fait exact qu'à de très rares exceptions dans le monde du jeu vidéo, l'on ne trouve jamais ce petit grain qui est le témoin soit du génie, soit de la folie la plus dangereuse. Doit-on alors voir monsieur Gilhodes comme un précurseur des Kojima et autres Suda51 ? La question mérite d'être posée, car son esprit, il faut le dire, vit encore à travers certaines scènes de Metal Gear Solid ou de No More Heroes.
L'autre nom fermement associé à ces jeux atypiques est celui de Muriel Tramis, une femme, chose assez rare pour être soulignée dans ce milieu surtout masculin. S'étant tout d'abord intéressée à l'aérospatiale avant de s'orienter vers la communication et le marketing, c'est en qualité de consultante qu'elle fit ses premiers pas chez Coktel Vision. Il ne fallut pas longtemps pour qu'elle commence à créer ses propres jeux d'aventure, notamment avec Pierre Gilhodes. Son œuvre la plus « personnelle » est sans doute ce fameux Lost in Time qui évoque la Martinique et les vaisseaux-négriers, pan de l'histoire des Antilles qu'elle connaît fort bien pour y être née. Elle fera même équipe avec Patrick Chamoiseau, futur prix Goncourt, sur Méwilo, sa première aventure vidéoludique et premier jeu du genre consacré à la culture martiniquaise. Qui aurait pu croire que derrière ces petits dessins de lutins se cachaient autant de noms essentiels du jeu vidéo et de la culture française en général !

Pierre Gilhodes et Muriel Tramis.

Revenons plus précisément sur les jeux dont il est question dans ce dossier. La « trilogie Gobliiins », telle qu'on l'appelle aujourd'hui, se compose de trois jeux sortis à un an d'intervalle, de 1991 à 1993. À ceux-ci l'on rajoute généralement un quatrième titre, dont il sera fait état à la fin de ce dossier bien qu'il soit, dans ses grandes lignes, très différent d'un point de vue gameplay des Gobliiins. Compte tenu, du reste, de leurs grandes similitudes, ils seront dans un premier temps traités ensemble, avant de revenir sur les petites nuances qui font chacun leur charme. De prime abord, les Gobliiins sont des point'n click très épurés : pour l'époque, ils font fi de bon nombre des commandes des jeux Sierra ou LucasArts, et l'on ne retrouve donc ici ni commandes textuelles, ni système SCUMM. De l'aveu de Pierre Gilhodes, la cible privilégiée de Coktel était les jeunes enfants : il fallait donc à tous prix éviter une interface par trop complexe qui aurait pu les ennuyer. De là, l'on n'aura à notre disposition qu'un curseur de souris, et le nom des objets avec lesquels l'on peut interagir à l'écran s'inscrit en lettres blanches en bas de l'écran. Uniquement à partir du deuxième épisode, le clic droit est utilisé pour faire intervenir une fenêtre d'inventaire car oui, il est impossible de conserver sur soi plus d'un objet dans le tout premier Gobliiins, mais je reviendrai à cela plus tard.
Cependant, qui dit point'n click ne dit pas nécessairement « jeu d'aventure » ; et ces jeux s'apparentent en réalité davantage à des « jeux d'énigmes », dans la mesure où la progression se fait surtout de tableau en tableau, qu'il faut compléter avant de pouvoir passer au suivant. Cette progression est absolue dans le premier épisode, mais subira quelques accommodations par la suite même si les deux autres jeux restent fermement ancrés à ce système. Il convient dès lors de considérer que chaque tableau correspond à une grande question qu'il convient de résoudre. Il y a, cependant, un problème à cela : le jeu ne vous indique nullement, ou alors de façon très elliptique, ce qu'il faut faire. C'est à vous de le découvrir au fur et à mesure même si, il faut l'avouer, la construction des tableaux vous indique bien souvent quel sera l'endroit que vous devrez atteindre, ou l'objet que vous devrez acquérir. Il faut alors progresser, souvent par l'échec ou par trial and error comme on dit encore en anglais, et apprendre de vos diverses tentatives. L'on pourrait alors croire, étant donné que l'on progresse par tableaux et qu'il y a rarement plus de cinq objets avec lesquels on peut interagir par écran que ces jeux sont des promenades de santé. Grossière erreur. Car c'est oublier le petit grain de folie dont je faisais état plus haut d'une part, et le fait que vous serez amené à diriger simultanément plusieurs personnages pour progresser.

On retrouve parfois des thématiques communes aux jeux, comme ici, où les personnages sont miniatures (Gobliins 2 et Goblins 3).

En effet, il faudra constamment jongler avec deux ou trois personnages simultanément pour voir la fin de ces jeux. Leurs différences viennent surtout de la façon dont ils vont interagir avec les objets et les personnages qui les entourent : certains seront assez bagarreurs et feront avant tout parler les poings, d'autres seront plus malins et donc aptes à activer des mécanismes et des leviers, les derniers seront des magiciens qui, d'un coup de baguette magique, feront apparaître des objets ou modifieront leur apparence ; et la plupart du temps, utiliser un objet d'inventaire avec un personnage ne donne pas le même résultat qu'avec un autre. Bilan des courses, quand bien même le nombre d'objets avec lesquels on peut interagir est limité, et quand bien même notre inventaire est rarement surchargé, toutes les possibilités sont multipliés par deux - voire trois ! - ce qui rend la résolution des énigmes particulièrement éprouvante. Compte tenu, également, que ces résolutions font appel à un sens de la logique très particulier, proche de ce que l'on peut observer dans les Discworld, ces jeux peuvent rapidement décourager, soit parce que l'on a oublié de faire une action avec un personnage, soit parce que l'on a oublié d'utiliser tel objet sur tel autre, réfutant par avance la solution car on l'aura jugée « impossible ».
Une autre caractéristique du gameplay des Gobliiins est la nécessité de faire jouer la coopération entre les personnages, et d'avoir un sens du timing des plus développés : nombre d'actions ne peuvent être réalisées que si l'on observe avec attention ce qui se passe à l'écran quand un des héros agit. Deux exemples parmi d'autres : un héros saute sur une dalle, qui va activer une catapulte à l'autre bout de l'écran. Il faut alors positionner le deuxième héros sur l'extrémité de la catapulte - sans pour autant que ce soit une zone interactive, il faut positionner le personnage comme il le faut - alors que le premier active la dalle, propulsant le second dans les hauteurs. Autre exemple : un héros déplie une échelle amovible, mais pour quelques secondes seulement, et il faut alors amener le second personnage sur celle-ci pour qu'il puisse l'emprunter. S'il est impossible de mourir dans un Gobliiins, à l'exception du premier épisode encore une fois, ces petites particularités peuvent cependant rendre le jeu frustrant car l'on doit souvent enchaîner plusieurs actions successives dans un court laps de temps ; et comme chaque action nécessite de positionner les héros à un endroit précis du tableau pour qu'il puisse agir sans perdre trop de temps, il arrive souvent que, bien que l'on est compris ce qu'il fallait faire, on échoue car on était mal placé dans la zone en question. Le réflexe qu'il faut ici avoir est donc de sauvegarder avant chaque « travail d'équipe » et de recharger le jeu au bon moment, afin de s'éviter certains préparatifs assez fastidieux.

L'architecture des niveaux est souvent très osée (Gobliiins). Ici, c'est un géant - inerte - qui vous accueille (Gobliins 2).

Les Gobliiins se distinguent également par le grand soin apporté à leurs graphismes et à leur animation. Chaque tableau a fait l'objet d'une grande attention esthétique, tant et si bien qu'il est parfois délicat de repérer, sans avoir balayé l'écran de sa souris, les zones avec lesquelles on peut interagir. Ces tableaux sont cependant colorés et fournis, et dissimulent toujours de petits détails charmants, généralement des portraits des héros des jeux précédents. Si les pnj sont, en revanche, toujours fixes dans ces tableaux, les protagonistes possèdent une vaste gamme d'émotions : ils jouent avec les objets qu'ils tiennent en main, tremblent de peur, rigolent quand un de leur comparse se prend un choc, vous sourit... Les voir se mouvoir est, de même, un plaisir, et l'on ne peut que saluer le travail des graphistes et des animateurs qui ont réussi, en quelques pixels, à véritablement insuffler de la vie à ces petits bonshommes.

Gobliiins (1991 / Amiga, Atari ST, DOS, Macintosh)
Coktel Vision

Dans un monde imaginaire qui emprunte énormément au moyen-âge et au folklore qui s'y rapporte, le bon roi Angoulafre est devenu fou à lier pour une raison mystérieuse. L'introduction nous présente ce bon roi, confortablement installé à table devant ses convives, être l'objet de fous rires ou de cris d'horreur provoqués par une poupée vaudou qu'une main mystérieuse manipule. La situation est grave, et il faut agir rapidement. Pour lui venir en aide, la cour du roi décide d'envoyer trois lutins, Oups, Ignatius et Asgard quérir l'aide du sorcier Niak. Cette mise en bouche, parfaitement muette et passant donc exclusivement par le mime, est une épreuve de narration en elle-même que je recommande à tous d'observer avec attention : et sans prévenir, vous voilà sous le charme de ce jeu. La regarder quelques quinze ou vingt ans plus tard, et je sens mon âme d'enfant s'attendrir à nouveau...

L'introduction du jeu est resté dans toutes les mémoires, tandis que de petites vignettes vous relatent la progression des lutins.

Premier épisode de cette trilogie, je pointe tout d'abord votre attention sur les trois i du titre du jeu, qui représentent le nombre de personnages principaux de l'aventure. Cet épisode de Gobliiins est atypique dans l'histoire de la saga, et possède alors un charme particulier auquel, malheureusement, je n'ai jamais été pleinement sensible.
Commençons par présenter les héros de cette aventure :


Oups est le « manuel » du groupe. Seul lutin capable de transporter des objets - un seul à la fois -, c'est aussi le seul membre de l'équipe capable d'activer des mécanismes et de dialoguer avec les pnj, quasi inexistants cependant dans cet épisode. Il faudra donc souvent lui permettre d'atteindre certains boutons et objets, autrement dit lui « frayer un chemin » dans le tableau.

Ignatius est le magicien. Quand il interagit avec un objet de l'environnement, c'est pour lancer un sort à l'aide de ses mains. Cependant, le résultat de ces sorts est quasiment toujours inédit et spécifique à un tableau en particulier, et produit plus souvent des désastres que des succès. Par exemple, il va pouvoir transformer une branche en pioche, mais peut aussi la transformer en serpent dangereux. Il n'y a strictement aucun moyen de savoir par avance ce qui va se produire.

Enfin, Asgard est le bagarreur de l'équipe. Tout ce qu'il sait faire, c'est faire parler ses poings. En frappant sur les objets du décor, il va pouvoir faire tomber des objets, combattre des monstres, etc. À nouveau, il est difficile de savoir, souvent, quel sera le résultat de cette action.

Il faut noter également que l'objet de certains tableaux sera surtout de construire un chemin afin que tous les lutins puissent en sortir : en effet, il arrive parfois qu'Asgard ou Ignatius, du fait de leur capacité, parviennent à la porte selon un procédé connu d'eux seuls, laissant leurs compagnons sur le carreau. Cela est bien entendu inacceptable, car seule la coopération pourra leur permettre de trouver un remède pour le bon roi Angoulafre. Il faudra donc souvent se creuser les méninges et essayer toutes les possibilités... en ayant pris soin cependant d'avoir noté le mot de passe du tableau auparavant, car il est possible, ici et seulement, de mourir.
Les trois lutins possèdent une barre « d'énergie vitale » pourrait-on dire, qu'ils se partagent. Celle-ci va se vider pour plusieurs raisons : mauvaise utilisation d'un objet, grosse frayeur, chute inopportune dans le vide... Au bout de quelques échecs, la partie se termine pour nos trois héros.

La confrontation directe n'est parfois pas une bonne idée... À droite, la maison du sorcier est le premier tableau du jeu, mais vous y reviendrez plusieurs fois au cours de l'aventure.

Cela est, il faut le dire, quelque chose qui m'a toujours déplu. En effet, étant donné le caractère insaisissable des énigmes et leur côté ouvertement aléatoire, l'on n'a pas d'autres choix souvent que d'échouer, soit parce que le résultat était réellement imprévisible, soit parce que, bien qu'ayant compris ce que l'on devait faire, on a ponctuellement mal agi. Étant donné, du reste, que cette fameuse barre ne se recharge jamais le long du jeu, il convient de régulièrement de revenir à un tableau antérieur grâce au système de mots de passe (il n'y a effectivement aucune sauvegarde possible ici) afin de retenter sa chance avec une plus grande barre de vie. L'aspect captieux de ce système, je l'ai subi dès le commencement du jeu : que je vous raconte mes premiers pas dans Gobliiins...

Trouverez-vous ce qui peut vous tuer sur ces écrans ? Notons en passant que l'ambiance du jeu est parfois assez sombre.

Le premier tableau vous propulse devant la maison du sorcier Niak. Celui-ci vous demande de lui chercher un diamant pour pouvoir vous aider. Après avoir obtenu une pioche, vous passez au deuxième tableau, une mine de diamants. La zone est composé comme suit : sur la droite, un arbre avec quatre pommes, un fossé et, de l'autre côté, le diamant en question. J'envoie alors Ignatius sur la première pomme : il la fait grossir. Asgard lui donne un majestueux coup de poing qui la fait chuter : Oups la prend alors, et la dépose dans le fossé. Cependant, elle est trop petite pour le combler parfaitement, et je comprends alors qu'il en faut une deuxième. Je déplace donc Ignatius vers la deuxième pomme, il la fait grossir, Ignatius la fait tomber, Oups cherche à la prendre... et un ver gigantesque en sort, lui faisant peur. Boum, je perds un peu de vie.
Je réitère cependant avec l'autre pomme, tout va bien. Et je me fais la dernière également... pas de souci. J'envoie alors Asgard « boxer » les pommes et... il tombe dans le vide en essayant de faire tomber la pomme la plus proche du fossé. Comment étais-je censé savoir que je ne devais prendre que deux pommes précises sur les quatre sans pour autant expérimenter les choses auparavant ?

Et je tombe dans le viiiiiiiiiide... À droite, ne vous approchez pas du dragon. Je répète : ne vous approchez pas du dragon.

Autre exemple frustrant : j'obtiens le diamant, je suis donc propulsé à nouveau devant la maison du sorcier. Je demande alors à Oups de poser le bijou devant la porte pour que le sorcier l'aperçoive... et je perds de la vie alors que mes deux compagnons regardent l'écran, et me font des signes pour me faire comprendre ma stupidité : en réalité je devais utiliser le diamant sur la porte pour le montrer à Niak...
L'ensemble du jeu est ainsi bâti, d'erreurs et de conséquences imprévisibles, et il faut s'être fait avoir une première fois pour comprendre comment il faut réellement agir. L'inconvénient, c'est alors cette barre de vie, qui nous empêche d'avancer sereinement. Je n'ai rien contre les point'n click qui prennent le parti de pouvoir faire mourir le joueur, notamment les jeux Sierra car, quasiment toujours et à de rares exceptions dans l'un ou l'autre Space Quest ou King's Quest, cela est de notre faute : on saute volontairement dans le vide, on boit de l'acide, on s'approche d'un monstre assoiffé de sang. Et même, très souvent, le jeu nous avertit plusieurs fois à l'avance de la dangerosité de notre situation, et nous de l'écouter. Dans Gobliiins, la plupart des punitions que l'on subit sont pour la plupart injustes tant elles sont inattendues. Cela crée un stress et une frustration inacceptable qui rend le jeu cruellement difficile et long, car il m'est souvent arrivé de repartir du début du tableau quand ma jauge de vie était bien trop basse pour avoir plus de chances de réussir. J'ajoute qu'également l'on n'a, c'est un comble, strictement aucun indice pour progresser : ce jeu rendrait fou tout fanatique de jeu d'aventure ou de jeu d'énigmes.

L'arbre compose un écran assez difficile. Les fonctionnaires, comme dans l'image de droite, sont un autre sujet très présent dans ces jeux.

Que ce défaut, majeur s'il en est, ne vous y trompe cependant. Cela fait partie des règles du jeu, et il faut, comme bien souvent, les accepter pour pouvoir profiter du logiciel. Étant donné, dès lors, tout le soin apporté aux graphismes, à l'animation et aux énigmes en règle générale puisque l'on évite continuellement la redite, il serait fou de se passer de Gobliiins, à moins d'être parfaitement réfractaire au genre ou à son humour.
Ou encore, à moins de connaître ses suites, bien plus intéressantes sous tous rapports...

Gobliins 2: Le Prince Bouffon (1992 / Amiga, Atari ST, DOS)
Coktel Vision

Le voilà, le tout premier Gobliins que j'ai pu essayer ! Vous vous souvenez de ce que j'ai dit plus haut ? Deux i, donc deux personnages jouables.
Quelques temps après qu'Angoulafre fut guéri, un nouveau malheur frappe la couronne : son fils, le « prince bouffon » du titre, a été enlevé. Le sorcier de la cour, Modemus, décide alors d'envoyer deux héros, Fingus et Winkle, dans un lointain royaume pour solliciter l'aide de Tazaar, un grand magicien. Celui-ci finira par leur apprendre que cet enlèvement est l'objet du démon Ammoniak, récemment surgi des ténèbres, et qu'il a pris possession d'un château non loin...

L'intoduction est ici parlée, mais elle reste très drôle, et les environnements sont plus fournis.

Les évolutions à l'œuvre dans cet épisode sont d'une part de l'ordre de l'épuration : moins de personnages contrôlables et disparition parfaite de cette scrogneugneu de barre de vie, et d'autre part de l'ordre de l'amélioration : apparition d'un inventaire, possibilité de naviguer entre plusieurs tableaux, apparition d'un système d'indices rendant le jeu moins cryptique et impossibilité de mourir... on commence à s'approcher d'un jeu d'aventure même si l'absence de véritables dialogues se fait parfois ressentir. De même, intéressons-nous premièrement aux personnages.

Fingus est le cerveau du duo. Espiègle et habile, il sera souvent le seul à pouvoir utiliser des mécanismes et à engager le dialogue avec les pnj. En revanche, il est particulièrement peureux et refusera de s'aventurer ci et là, en bon froussard qu'il est.

Winkle est quant à lui la mauvaise graine, et ne manquera jamais une occasion pour faire un sale coup. Bien plus tête brûlée que Fingus, il n'hésitera pas à se confronter à ses opposants et gagnera parfois la partie, pour le bien de leur quête.

Les deux héros de cette aventure peuvent tous deux porter des objets et les utiliser, et ils partagent un inventaire commun. Attention cependant : si l'un des héros a dans la main un objet quelconque (situation symbolisée par un curseur entouré d'un rond jaune à l'écran), son compère ne pourra pas l'utiliser à moins qu'il le lâche ou utilise l'option « échange d'objets » en haut de l'écran. La différence majeure vient alors de la façon dont les personnages vont pouvoir interagir avec ces objets : s'il arrive parfois qu'ils réalisent une même action face à une situation donnée (par exemple, allumer un feu avec un briquet), la plupart du temps Fingus agira différement de Winkle ou, plutôt, seul l'un des deux personnages va pouvoir utiliser l'objet. C'est là que se rencontre pour la première fois le côté « tout essayer avec tout le monde », car bien des situations bloquantes n'existent que car l'on aura oublié cette règle rudimentaire : le réflexe a avoir alors, dès que l'on rentre dans un tableau, est de repérer tous les objets manipulables et de faire travailler successivement les deux personnages afin d'observer les différences qui surgissent alors.
L'aspect coopératif et, surtout, chronométré des actions est ici également bien plus développé, et bien souvent il faudra enchaîner deux ou trois gestes avec un personnage précis pour arriver à ses fins : mais puisqu'on est débarrassé de toutes punitions, exception faite de devoir recommencer une stratégie du début, l'on se pique rapidement au jeu et l'on continue, encore et encore à jouer.

On arrive dans cet écran en mangeant un champignon. La drogue, c'est mal. À droite, cette nymphe nue (au-dessus du curseur) a dû être habillée d'un bikini pour la version américaine.

Si jamais le joueur s'avérait bloqué, le jeu lui permet de consulter un indice à trois reprises seulement au cours de l'aventure, mais l'on peut très bien sauvegarder avant de le lire et recharger sa partie pour à nouveau l'avoir, chose que l'on fera régulièrement. Ces indices, s'ils n'expliquent pas dans le détail la suite d'actions à accomplir, indiquent cependant l'objet global du tableau dans lequel on se trouve et les derniers gestes à faire pour cela, ce qui est déjà d'une aide on ne peut plus précieuse. Attention cependant, car l'on ne pourra pas toujours les consulter, ceux-ci étant spécifiques à certains écrans en particulier, généralement les plus faciles comme souvent... il faudra donc faire travailler ses méninges pour parvenir à ses fins.
L'humour a encore une grande place dans le jeu, et reste, mais c'est ce sera une constante dans la série, plus visuel que textuel. Et encore une fois, l'univers charmant et légèrement débilitant du titre ne peut que faire aimer ce jeu aux apparences simples et colorées, mais cruellement intelligent.

J'aime beaucoup ces tableaux. Celui de droite est inspiré, semble-t-il, d'un niveau de Gobliiins.

Le système de progression par tableaux s'est également légèrement assoupli vis-à-vis du premier épisode. Si l'on retrouve parfois un système similaire, c'est-à-dire que tous les éléments permettant la résolution de l'énigme se trouvent dans l'écran actuel, il faudra parfois se déplacer sur deux ou trois tableaux successifs afin de recueillir des objets permettant de les compléter au fur et à mesure. Je pose un bémol cependant : l'on ne passera son temps à naviguer d'une zone à l'autre comme dans un Monkey Island, car le système reste malgré tout très timide. Généralement, une fois rentré dans un tableau il est possible d'effectuer avec tous les éléments présents 90% de la solution finale ; pour parvenir, cependant, à le compléter définitivement, il faudra aller chercher un objet précis dans un des autres tableaux et revenir. L'on aura à faire ça régulièrement au cours de l'aventure, ce qui conserve ainsi le côté « statique » du premier Gobliiins. La chose est cependant relativement bien faite, comme n'en ayant pas l'air, et on ne s'aperçoit de ça que si l'on connaît le premier épisode et son principe de base.

Un Joker en action. À droite, une hallucination... La drogue, c'est encore mal.

Petit spoiler ici, pour annoncer quelque chose qui sera l'un des socles du futur jeu de la saga. Approximativement vers le dernier tiers de l'aventure, le joueur retrouvera le Prince Bouffon et pourra donc le diriger. Ce dernier, cependant, ne possède pas d'inventaire et ne peut donc pas ramasser d'objet, et ses possibilités d'action sont des plus limitées. Il reste cependant qu'il multiplie encore un tantinet le nombre d'actions possibles dans un écran précis, et vient apporter un peu de variété à cet épisode décidément parfait sous tous rapports.

Parviendrez-vous à délivrer le Prince Bouffon ? On notera aussi quelques références ponctuelles à des contes connus.

En fait, la seule critique que je puis adresser à ce jeu est la présence de petits bugs qui peuvent empêcher, dans le pire des cas, de finir l'aventure. J'avais expérimenté cela à l'époque, et en lisant quelques commentaires de joueurs sur les sites spécialisés, je m'aperçois que c'est une triste réalité. Ma version de Gobliins 2, présente dans Adi donc, me permettait au début de l'aventure d'éviter la complétion de trois tableaux entiers en faisant en sorte que les héros traversent un fossé normalement infranchissable sans avoir obtenu un certain objet. Je ne comprenais pas bien ce qui se passait à l'époque, pourquoi ces tableaux « surnuméraires » existaient et surtout pourquoi, une fois ce fossé traversé, j'étais vidé de mon inventaire à l'exception d'un nouvel objet, que je n'avais jamais ramassé ! Malheureusement, à cause de ce bug, je n'ai pas pu non plus finir le jeu à l'époque, car les héros refusaient de faire une action précise. J'avais même dû appeler, avec ma mère, un numéro surtaxé où un message enregistré délivrait la solution du jeu, ne faisant que me convaincre que j'agissais correctement et que quelque chose n'allait pas.
En refaisant le jeu récemment, j'ai pu cette fois-ci passer l'écran en question et finir le titre sans tracas. Mais les témoignages font état d'autres bugs, de la même catégorie que ce dernier, et un reset ne permet pas de les outrepasser. J'ignore si ces bugs se déclenchent après une certaine combinaison d'actions ou s'ils sont dû à de mauvaises versions du jeu, mais cela vient bien tristement ternir un titre que j'adore particulièrement et qui contentera tous les amoureux d'énigmes.

Le fossé en question, et le tableau que je n'ai jamais pu finir étant petit.
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